RDC : l’UDPS au bord de la crise de nerfs

Vives tensions en RDC dans le camp d’Étienne Tshisekedi. Son  parti l’UDPS ne reconnaît toujours pas la validité des législatives, mais de  nombreux élus en novembre aimeraient siéger à l’Assemblée congolaise.

Participer ou ne pas participer ? Entre les deux, le coeur d’Étienne Tshisekedi balance. À 79 ans, le vieil  opposant congolais a bien du mal à dire si les députés élus il y a trois mois  sous la bannière de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS)  devraient – ou non – siéger à l’Assemblée nationale de RDC, et, à Kinshasa, ses hésitations font grincer des  dents.

Selon les résultats rendus publics par la Commission électorale nationale  indépendante (Ceni), l’UDPS a remporté 42 sièges à l’issue des élections  législatives du 28 novembre dernier. Mais Tshisekedi ne reconnaît pas plus  la validité desdites législatives que celle de la présidentielle, organisée le  même jour. Que faire ? Ironie du sort, c’est en plus un membre de la direction  politique de l’UDPS, Timothée Kombo Nkisi, doyen des députés nouvellement  élus, qui est devenu le 16 février – ainsi que le prévoit la Constitution – président du bureau provisoire de la nouvelle Assemblée. Visiblement dépassé,  Tshisekedi n’a pas pipé mot… Une inertie qui a déclenché une véritable guerre  interne au parti.

Ceux qui ont décidé de jouer le jeu

À Kinshasa, peu de partis ou de regroupements politiques soutiennent la   stratégie de boycott des institutions issues des élections  présidentielle et  législatives du 28 novembre prônée par l’Union pour la  démocratie et le  progrès social (UDPS). Deuxième force de l’opposition,  le Mouvement de  libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba n’entend  pas mener une politique  de la chaise vide et prétend s’inscrire, comme  en 2006, dans une « opposition républicaine » en faisant siéger ses 24  députés. Même  son de cloche du côté de l’Union pour la nation congolaise  (UNC) de Vital  Kamerhe (17 députés). Même la formation Soutien à  Étienne Tshisekedi (SET) a  finalement décidé de siéger dans l’hémicycle.  Son président, Roger Lumbala, qui  a battu campagne pour Tshisekedi,  affirme qu’il est « égoïste » de se  proclamer « président élu » et, dans  le même temps, d’empêcher les  autres de participer aux institutions. À  ce jour, seul Diomi Ndongala de  Démocratie chrétienne (DC) a déclaré  qu’il ne serait pas sur les bancs de  l’Assemblée.

L’aile la plus dure ne jure que par la politique de la chaise vide. Pas  question que des membres de l’UDPS siègent à l’Assemblée. « Qu’ils aillent  donc bouffer l’argent de Joseph Kabila, tempête Valentin Mubake, conseiller  politique d’Étienne Tshisekedi. Ils seront exclus du parti ! » Ce sont ces  éléments les plus radicaux qui, affirmant agir avec « l’approbation » du chef, ont prononcé l’exclusion de Timothée Kombo Nkisi, le 20 février.  Mais à la tête même de l’UDPS, des voix s’élèvent pour remettre en question  cette décision. « À ce jour, le président Tshisekedi n’a signé aucun  document allant dans ce sens », affirme Albert Moleka, son directeur de  cabinet. « Pour être valable, une telle décision devrait suivre la  procédure statutaire, ce qui n’a pas été le cas », ajoute Alexis Mutanda,  député de l’UDPS.

« Mener le combat à l’intérieur »

S’ils reconnaissent que les résultats des législatives étaient « entachés  d’irrégularités graves », beaucoup voudraient désormais voir leur parti « mener le combat à l’intérieur » des institutions de la République. « L’expérience de 2006, c’est-à-dire le boycott des élections, ne nous a  pas profité, explique Crispin Mampama, l’un des cadres de l’UDPS. Nous avons  même perdu des militants. Si nous refusons encore aujourd’hui de participer à  l’Assemblée nationale, nous faisons courir au parti un grand risque  d’éclatement. » Un avis que partage Rodrigue Nzuka, député de l’UDPS dans  le Bandundu : « Le peuple congolais nous a donné le mandat pour le  représenter, nous ne devons pas le décevoir. Mais nous ne devons pas non plus  nous désolidariser d’Étienne Tshisekedi. » Ni oublier que le salaire  mensuel des élus avoisine les 6 000 dollars (près de 4 500 euros) par  mois…

Une délégation d’une vingtaine de députés de l’UDPS nouvellement élus a  rencontré le « Sphinx de Limete » dans son QG, le 20 février,  pour tenter de trouver un compromis. La démarche révolte Valentin Mubake. « Nous devrons nous soumettre à la discipline du parti, argue-t-il. Tous  ceux qui s’y opposent n’ont qu’à partir. » Et de conclure : « Il n’est  pas question pour l’UDPS de siéger aux côtés des personnes qui ont volé sa  victoire. »

Ceux qui iront bouffer l’argent de Kabila seront exclus !

Valentin Mubake, conseiller  de Tshisekedi

Qu’en pense Étienne Tshisekedi lui-même ? Le flou persiste. « Il a  demandé aux députés de l’UDPS d’agir chacun suivant sa conscience », affirme un de ses proches. Mais son fils lui-même aimerait une décision plus  tranchée. « Tout cela fait désordre, lâche Félix Tshisekedi, désabusé. Le  président doit prendre une position claire pour qu’on sanctionne ceux qui  prendront une voie contraire. » Élu dans la ville de Mbuji-Mayi, au  Kasaï-Oriental, il a, pour sa part, pris sa décision et ne compte pas aller « [se] frotter aux imposteurs » sur les bancs de la nouvelle Assemblée  nationale.

Stratégie « incompréhensible » pour Elikia M’Bokolo

L’UDPS ne risque-t-il pas de le payer ? Cette stratégie est « maladroite  et incompréhensible pour tous ceux qui se sont déplacés, sous la pluie, pour  voter pour un candidat de l’UDPS », souligne Elikia M’Bokolo, directeur des  études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris. Pour  cet historien et spécialiste de la vie politique congolaise, l’UDPS ferait mieux  d’accepter d’entrer dans le jeu. « L’heure du boycott sans alternative est  révolue, affirme-t-il. Le peuple congolais ne continuera pas à donner ses voix à  des politiciens qui n’en font pas usage. » Le problème, selon Elikia  M’Bokolo, c’est aussi que ce parti est depuis trente ans dirigé par un seul  homme, dont le style est fait « de mots d’ordre et d’injonctions ». Aujourd’hui, Ya Tshitshi, comme on l’appelle affectueusement à Kinshasa, paraît  bien affaibli.

Si la question de la succession du « Vieux » demeure encore taboue,  ses lieutenants se livrent déjà une véritable guerre. Les faucons – dont la  plupart ont échoué à se faire élire aux législatives – campent sur les lignes  traditionnelles du parti alors que les pragmatiques – députés nouvellement élus  pour beaucoup – vont continuer à s’en démarquer. Pas sûr que l’UDPS en sorte  renforcée.

Jeuneafrique.com  par Trésor Kibangula

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