Maroc : le suicide d’Amina Al Filali suscite un débat national sur le viol et le droit des femmes

Le suicide d’Amina Al Filali, une jeune Marocaine forcée  d’épouser son violeur, a suscité un profond émoi dans le pays. Médias,  blogosphère, politiques… La journée de jeudi a été marquée par un débat d’une  ampleur sans précédent sur le viol et la place de la femme dans la société.

À l’heure du Printemps arabe et des réseaux sociaux, il est des faits de  société qui ne peuvent plus passer inaperçus. La nouvelle du suicide d’une Marocaine de 16 ans, Amina Al Filali, qui voulait  échapper au mariage avec son violeur a ainsi provoqué jeudi 15 mars un débat  national d’une ampleur sans précédent au Maroc. Face à l’émotion suscitée par le drame, le  gouvernement a même consacré la plus grande partie de sa réunion hebdomadaire à  une affaire qui, – au-delà de l’aspect humain – porte également préjudice à  l’image du Maroc à l’étranger.

« Cette fille a été violée deux fois, la dernière quand elle a été  mariée », a indiqué Mustapha El Khelfi, le porte-parole du gouvernement et  ministre de la Communication. « Il faut étudier d’une manière approfondie  cette situation avec la possibilité d’aggraver les peines dans le cadre d’une  réforme de l’article [475 du code pénal, NDLR]. Nous ne pouvons pas ignorer ce  drame », a-t-il ajouté.

Mort aux rats

Le ministre faisait référence à l’article du code pénal qui permet à un  violeur d’épouser sa victime pour échapper à des peines pouvant aller jusqu’à 20  ans de prison ferme. Ce fut le cas de Amina Al Filali, qui s’est suicidée samedi  dans sa ville de Larache, près de Tanger (nord), en absorbant de la mort aux  rats, après avoir été contrainte d’épouser l’homme qui l’avait violée quand elle  avait 15 ans.

Au Maroc, l’ampleur du phénomène du viol est difficile à cerner car les  statistiques dans ce domaine sont quasiment absentes. Le tabou concernant ce  type d’agression, la difficulté pour les victimes de porter plainte et les  arrangements familiaux fréquents – d’un côté pour laver le déshonneur du viol  et, de l’autre, pour échapper à la prison – ont en quelque sorte rendu ce drame  presque indicible dans la sphère publique. Le geste désespéré de Amina Al Filali  le fait apparaître dans toute sa cruelle réalité, provoquant un électrochoc dans  le pays.

En outre, le drame intervient alors que le gouvernement de l’islamiste Abdelilah Benkirane ne compte qu’une seule  femme, qui détient le portefeuille de la Solidarité, de la Femme et de Famille,  Bassima Hakkaoui. Sur la chaîne de télévision publique 2M, qui consacrait jeudi  la quasi totalité de son journal de la mi-journée à l’affaire, celle-ci a  reconnu un « vrai problème » et préconisé un « débat pour  réformer cette loi ».

« Un cri de la société »

« C’est un cri de la société » a lancé, toujours sur la chaîne  publique, Nouzha Skalli, qui occupait le même ministère dans le précédent  gouvernement. « La loi considère la mineure violée comme une criminelle  bien qu’elle soit victime de la violence », a-t-elle fustigé, regrettant « l’absence de protection en faveur des mineurs. (…) Il faut réformer le  code pénal afin de l’adapter à la nouvelle Constitution qui interdit la violence contre les femmes et  assure l’égalité des sexes », a-t-elle ajouté. En 2011 au Maroc, une femme sur six avouait avoir été recemment l’objet de  violences.

Cette fois, la blogosphère et les médias se sont emparés de l’affaire.  Intitulée « Nous sommes tous Amina Al Filali », une pétition pour  l’abrogation de « l’article criminel » a été mis en ligne sur  Facebook. « Au delà de l’aspect législatif, c’est une affaire de mœurs, de  perception de la femme-objet qui perdure, du manque d’éducation à proprement  parler et d’éducation sexuelle notamment », estime le quotidien francophone L’Économiste. Mais le Maroc n’est pas le seul pays du monde ni du  Maghreb dans cette situation. La Tunisie et l’Algérie notamment, sont sujets aux  mêmes pratiques.

Jeuneafrique.com  avec AFP

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