
D.IGNASZEWSKI/KOBOY/FLAMMARION
On l’a connu plus serein. Certes, la situation est délicate, car, depuis juin, la rumeur court : avec Les Lisières, son dixième roman, Olivier Adam aurait de belles chances de toucher le Graal et de mettre fin ainsi à une série de déconvenues. Présent, en 2005, sur 13 listes de prix avec Falaises, il finissait bredouille. Favori du Goncourt 2007 pour A l’abri de rien, il s’inclinait, au 14e round, devant Gilles Leroy.
Alors pourquoi pas cette année avec ce bon gros roman au profil parfait pour les couverts de chez Drouant (voir la chronique de François Busnel) ? Où l’on retrouve Paul, son héros fétiche, écrivain quadragénaire à la dérive, avec son sens aigu de la paternité, ses névroses conjugales et ses fines analyses sociologiques sur cette France de la périphérie galopante, entre cités et zones pavillonnaires. L’enjeu est d’autant plus fort que le néo-Malouin vient de migrer chez Flammarion après quelque douze années passées aux éditions de l’Olivier. Paris Match, Elle, Le Figaro littéraire, Livres-Hebdo, entre autres publications, l’ont en tout cas misé placé. Même Antoine Gallimard, qui vient de racheter Flammarion, s’y met, susurrant avec un sourire qu' »il serait dommage, sous prétexte que Flammarion vient d’être repris par la maison, de lui enlever toutes ses chances au Goncourt ».
« Il me signifiait que je n’étais pas des leurs »
Lauréat, Olivier Adam serait alors bien obligé de jouer le jeu médiatique, propice aux rencontres et aux portraits. On s’en amuse d’avance tant le fameux Paul, enfant de la banlieue et double de papier d’Olivier, « condamné à errer au milieu de nulle part » après avoir « trahi » son camp, jette l’opprobre sur les journalistes et, plus généralement, sur le « village global » de Saint-Germain-des-Prés, peuplé d’intellectuels et de bourgeois spirituels et méprisants. A leurs yeux, écrit Paul, « j’étais bel et bien un rejeton des classes populaires, un enfant d’ouvrier, un petit-fils d’éboueur ». Du pur Annie Ernaux, avec, en sus, une belle dose d’agressivité.
L’accent porté par les médias sur ses origines modestes, leurs idées toutes faites sur sa personne avant même de l’avoir rencontré (« un ours, retranché dans sa maison balayée par les vents… sauvage et bourru… Tout ça était un pur tissu de conneries que j’alimentais à la demande ») hérissent au plus haut point l’enfant de l’Essonne. Tout comme ses confrères écrivains, qui « étalent leur souffrance au « travail » » et ne voient au-delà du périphérique qu' »inculture crasse et médiocrité ».
Mais le pompon, c’est bien le patron de son ex-maison, les éditions de l’Olivier – traduisez Olivier Cohen – qui le tient. Avec cet homme, note-t-il, tout en froideur, en dureté minérale, en absence de tendresse (comme son propre père), il avait éprouvé une méfiance réciproque et instinctive. « Il ne pouvait s’empêcher, à son corps défendant, inconsciemment sans doute, de signifier en permanence que je n’étais pas des leurs… » Et de comparer son auteur, au grand dam du narrateur, aux écrivains « primitifs » ou « prolétariens ». Comment mieux achever un compagnonnage de plus de dix ans ?
Lexpress.fr par Marianne Payot
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