Un jour Laurent Cochon se promenait dans le jardin potager avec son panier. Il cueillait les fruits mûrs pour son dessert et des légumes pour son entrée : des mangues, des corossols, des papayes ainsi que quelques carottes, des choux et des laitues.
Au moment où il longeait son potager, il rencontra au bord du ruisseau Ngabadzoko, Léon Cornichon qui était atteint de puceron. Ils étaient tout blancs et avaient gagné la face supérieure de sa peau. Cette maladie est courante dans leur famille. Parfois contagieuse. Parfois envahissante. Il lui demanda quel remède prenait-il pour se soigner afin de retrouver sa santé ? Il lui répondit qu’il se bronzait seulement au soleil pour obtenir sa guérison. Ayant entendu cette réponse, Laurent Cochon éclata de rire et tournait en rond, tête baissée, son groin d’inspection frôlait le sol pour exprimer son étonnement. Il roulait par terre, se tenait les côtes jusqu’à se jeter dans le ruisseau : dzoboto, dzoboto, pouah, pouah ! Il releva sa tête et toute sa denture était dehors.
Quand il sortit du ruisseau, complètement trempé, il alla se frotter contre un bois de fer. Léon Cornichon l’interpela :
– Maître Cochon aimait-il l’appelé car il portait souvent un nœud papillon et un beau tablier de cordon bleu. Il ajouta : est-ce ma maladie qui te pousse à te moquer de moi jusqu’à plonger dans l’eau du ruisseau dans la splendeur de ta peau ?
– Non mon cher Léon, je ne puis me permettre une telle gratuité de moquerie surtout pas à un ami, sachant bien que sa maladie peut être mortelle, si l’on n’intervient pas vite pour arrêter sa propagation sur les autres parties de son corps. Je la connais fort bien car elle cause un ralentissement dans la croissance avec des possibilités de déformation esthétique durant la belle saison d’été.
Soucieux, il alla lui acheter un insecticide et vint le pulvériser sur tout son corps, de la tête jusqu’aux pieds puis entre les aisselles de ses feuilles. Les pucerons tombaient un à un au sol, les pattes en l’air avec des soubresauts de derniers soupirs pour un ultime adieu.
Après lui avoir rendu ce service d’assistance, il rentra chez-lui, à la porcherie et promit de lui rendre visite le lendemain.
Fidèle au rendez-vous pour exprimer sa sympathie et lui témoigner son attachement, Laurent Cochon lui apporta de l’eau. Dehors la chaleur était brûlante car elle avoisinait les 38 degrés. Par endroits, certaines espèces végétales souffraient de l’aridité du sol mais il tenait à sauver la vie de son ami.
Quand il rentra sous l’abri du feuillage de sa maison, il trouva Léon Cornichon affaibli, amaigri, émincé et étiolé comme s’il avait passé plusieurs jours sans manger. Il était déshydraté. Il avait la peau sur les os. Il prit l’engagement avec ses moyens d’améliorer sa condition d’existence. Ils se séparèrent dans l’espoir qu’à la prochaine rencontre, il lui réservera la surprise la plus inattendue.
A cette occasion, il lui prépara du bon fumier extrait de ses fientes mélangées avec de la paille et des feuilles sèches d’avocatiers. Il obtint un bon terreau noir, riche en sels minéraux d’où il ajouta un peu de cendre de bois de chauffage. Il plaça le résultat de sa composition, sous forme de compost, à son pied fragile. Une solution ancestrale pour lui redonner une belle peau luisante et rayonnante. Chaque jour au temps fort de la canicule, il lui apportait toujours de l’eau pour bien irriguer toutes les fibres de sa peau.
Léon Cornichon éprouvait une grande estime et une vive admiration pour son ami Laurent Cochon qui était replet et rondelet. Celui-ci lui dit : chez-nous, dans ma famille, avoir de l’embonpoint est un signe de bonne santé. Il lui fit une autre confidence.
Sais-tu que ton cousin Concombre, une fois, était malade, puis il avait reçu les meilleurs soins de santé grâce au bon traitement que je lui avais administré. Je lui avais demandé à quelle partie de mon corps voulait-il ressembler ? Il me répondit : qu’il voulait devenir gros comme mon sabot, c’est-à-dire avoir les proportions de cette jonction entre mon sabot et le début de mon pied.
Dès lors je lui prescrivais certaines vitamines et sels minéraux que je lui apportais qu’il devait consommer au cours des repas : des vitamines A, B12, C, D, d’un peu de calcium, de fer, de potassium, de phosphate et de zinc. Ainsi je lui conseillais de prendre beaucoup de calories, des glucides, des protéines et très peu de lipides, tout en lui recommandant des exercices physiques et des activités sportives quotidiennes. Cette posologie lui donna la forme actuelle de sa condition végétale.
Ah bon ! s’exclama Léon Cornichon : « je me suis toujours posé cette question pourquoi mon cousin avait-il cette constitution physique chargée de chair et d’eau sans os ». C’est le résultat de ta médication. Eh, ben ! tu lui avais finalement rendu un bon service.
Quant à moi je te demanderais une recette toute simple celle de vouloir seulement ressembler à une petite partie de ton corps qui n’est rien d’autre que ta petite queue. Il trouva judicieux son choix. Il lui fabriqua une potion magique et un purgatif qu’il but et un morceau de bouton vert qu’il attacha au bout de son pied pour éviter de grossir. Cette solution le maintint à vie dans sa nature de menu légume. Pour le reste du temps, après les champs et les jardins, il dit à maître Laurent Cochon de terminer sa vie dans un beau pot de vinaigre, à belle étiquette. Il prépara sa recette avec du sucre pour répondre au goût de sa conservation.
Voilà pourquoi, depuis lors, le Cornichon se retrouve dans de beaux pots à vinaigre y passant les meilleurs jours sur les étalages des marchés, des compartiments des frigos, tout en prenant rendez-vous sur nos tables à manger.
© Bernard NKOUNKOU
Étiquettes : cornichon, dessert, groin, insecticide, Propagation
Votre commentaire