Deux parmi les cinq membres du bureau de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) du Burundi ont confirmé lundi leur démission. Le président Nkurunziza lui menace contre toute nouvelle tentative de putsch.
« Techniquement, c’est mort ! » lâche un membre de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) qui a requis l’anonymat. À l’en croire, « avec la confirmation de la démission de deux commissaires de la Ceni, il est impossible d’organiser les élections communales et législatives prévues, jusqu’ici, le 5 juin ». « D’autant qu’il faut nécessairement remplacer les deux membres qui ont claqué la porte », explique-t-il, joint au téléphone par Jeune Afrique.
Spes Caritas Ndironkeye, vice-présidente la Ceni qui s’est exilée au Rwanda voisin, et Illuminata Ndabahagamye, commissaire chargée de l’Administration et des Finances, ont en effet officialisé, le 1e juin, leur démission de l’institution électorale nationale, en adressant deux lettres séparées au président burundais, Pierre Nkurunziza.
Burundi: un second membre de la commission électorale en fuite
Un second membre de la commission électorale au Burundi (Céni) a démissionné de ses fonctions et a fui le pays, a-t-on appris de source proche de sa famille, après la fuite de la vice-présidente de cette même commission. Illuminata Ndabahagamye se cachait depuis vendredi, elle avait peur, elle a subi beaucoup de pression et était suivie par les services de renseignements, a déclaré cette source à l’AFP. Elle a envoyé sa lettre de démission ce matin, maintenant elle est en lieu sûr, a indiqué cette source. Cette démission avait été évoquée mais pas encore confirmée. Elle intervient après la démission et la fuite au Rwanda en fin de semaine dernière de Spes Caritas Ndironkeye, la vice-présidente de la Céni.
La Céni compte au total cinq commissaires nationaux, désignés par le président et approuvés par l’Assemblée nationale. A ce jour, ce sont donc deux d’entre eux qui ont fait défection. Avec le départ de Mme Ndabahagamye, la Céni n’est théoriquement plus en mesure de prendre de décisions, qui nécessitent au minimum les trois quarts des votes de ses commissaires, soit quatre votes sur cinq.
Les membres du bureau (de la Céni) n’ont pas encore vu ce courrier formellement, a réagi le président de la commission, Pierre-Claver Ndayicariye. Si ce courrier existe, il est d’abord destiné au chef de l’Etat. Est-ce que nous pouvons travailler à trois’ Oui, la preuve, depuis vendredi jusqu’à aujourd’hui nous sommes en train de travailler, a-t-il affirmé à l’AFP.
« Deux braves dames »
Spes Caritas Ndironkeye évoque « le contexte politico-sécuritaire du moment [qui] n’offre pas les conditions requises à l’encadrement de cet événement majeur pour le peuple burundais ». Autrement dit, la situation actuelle dans le pays ne permettrait pas l’organisation sereine des scrutins pourtant cruciaux pour l’avenir démocratique du Burundi.
Abondant dans le même sens, Illuminata Ndabahagamye estime que « l’état sécuritaire qui prévaut et le contexte politique du moment ne créent pas des conditions favorables à l’accomplissement satisfaisant de la mission qui [lui] avait été confiée ». La commissaire chargée de l’Administration et des Finances a fui le pays avant d’envoyer sa lettre de démission. « [Elle] se cachait depuis vendredi, elle avait peur, elle avait subi beaucoup de pression et était suivie par les services de renseignements », selon une source proche de sa famille contactée par l’AFP.
Deux décisions saluées par la société civile burundaise. Pacificique Nininahazwe, l’un des leaders de la campagne anti-troisième mandat, a qualifié les deux démissionnaires de « braves dames », rappelant au pouvoir que « les remplacer ne sera pas une mince affaire puisqu’il faut obtenir trois quart des voix à l’Assemblée nationale et au Sénat ». Deux chambres du Parlement burundais dont le mandat a expiré fin avril, selon le militant.
Mise en garde du président
Pas sûr que le calendrier publié des scrutins qui prévoit, jusqu’ici, la tenue des communales et des législatives au 5 juin et de la présidentielle au 26 juin, soit respecté. Déjà dimanche, à Dar es Salaam, les chefs d’État de la Communauté d’Afrique de l’Est ont préconisé le report des élections d’au moins un mois et demi au Burundi.
En attendant, Pierre Nkurunziza, « [met en garde] toute personne qui tentera de prendre le pouvoir par le renversement des institutions élues par la population, assurant que ce genre de tentative ne fera pas un seul pas », rapporte un communiqué du CNDD-FDD, parti au pouvoir, publié lundi à Bujumbura. Le président burundais a tenu ses propos ce weekend dans sa ville natale de Ngozi, dans le nord du pays, où il est allé retiré sa carte d’électeur.
Le Burundi est plongé depuis un mois dans une grave crise politique, avec des manifestations quotidiennes pour contester la candidature du président Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, à un troisième mandat à l’élection présidentielle du 26 juin. Les violences ont fait plus d’une trentaine de morts. Des élections législatives et communales, déjà repoussées de 10 jours sous la pression de la communauté internationale, sont prévues vendredi prochain, suivies du scrutin présidentiel le 26 juin, puis des sénatoriales le 17 juillet.
Réunis en sommet dimanche en Tanzanie, les pays d’Afrique de l’Est ont demandé leur report au moins jusqu’à la mi-juillet. Interrogé sur ce report, M. Ndayicariye a expliqué: en matière de report, il y a le report technique qui est du ressort de la Céni, et les reports politiques, qui sont du ressort de la présidence. Aujourd’hui, nous sommes en train de discuter avec la présidence si la décision du sommet de Dar es Salam est du ressort politique ou technique, a-t-il affirmé. (©AFP / 01 juin 2015 18h42)
Romandie.com avec Jeuneafrique.com par Trésor Kibangula
Étiquettes : burundi, Ceni, Démission, membres, Nkurunziza
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