Côte d’Ivoire: mouvement d’humeur d’hommes en armes à Bouaké, Daloa et Korhogo

Bouaké (Côte d’Ivoire) – Des tirs à l’arme lourde étaient entendus vendredi à Bouaké à proximité du plus grand camp militaire de la deuxième ville de Côte d’Ivoire, où au moins deux commissariats de police ont été attaqués, a constaté un correspondant de l’AFP.

C’est une mutinerie des ex-combattants intégrés dans l’armée qui réclament des primes de 5 millions FCFA (7.600 euros) plus une maison chacun, a expliqué à l’AFP un militaire sous couvert d’anonymat.

Les militaires ont pris position à divers carrefours stratégiques de la ville et circulaient dans des véhicules de la police.

C’est vers 3h00 du matin (03H00 GMT) que des militaires sont arrivés au commissariat du 1er arrondissement situé au quartier Sokoura où ils ont désarmé les policiers présents et emporté des kalachnikov, a indiqué à l’AFP un responsable de la police locale sous couvert d’anonymat.

La préfecture de police de la ville a aussi été attaquée, a ajouté ce responsable

Puis le mouvement s’est propagé à la préfecture de police et à des commissariats de la deuxième ville de Côte d’Ivoire. Les militaires ont attaqué au moins deux commissariats et dressé des barricades au centre-ville, coupant toute circulation, a constaté le correspondant de l’AFP, faisant état de tirs d’armes automatiques sporadiques. Ils se sont emparé d’armes et de véhicules, avant de se déployer sur les corridors Nord et Sud menant à Bouaké, relatent les mêmes sources. Selon un habitant, un hélicoptère de l’ONUCI a survolé deux fois la ville dans la matinée.

J’ai eu vraiment peur. J’ai cru qu’ils allaient venir dans ma station pour se servir gratuitement du carburant comme ils le font d’habitude en pareille circonstance, a confié à l’AFP Koffi Raphaël, un pompiste qui exerce la nuit dans une station service non loin du 3e bataillon militaire.

Écoles et commerces étaient tous fermés à Bouaké, ancienne capitale de la rébellion qui contrôlait le nord du pays lorsqu’il était coupé en deux entre 2002 et 2011. Cette rébellion était favorable à l’actuel président Alassane Ouattara, alors que le sud du pays était tenu par les forces loyales à l’ex-président Laurent Gbagbo.

Le quartier-maître Siaka Ouattara, porte-parole des militaires, avait alors présenté le non-paiement des arriérés de soldes de 2009-2011 et de 2011-2014 des ex-combattants intégrés dans l’armée comme principal motif de leur mécontentement, rejetant toute politisation du mouvement.

Selon plusieurs sources sécuritaires, d’anciens éléments rebelles, intégrés en 2009 dans les forces de sécurité nationales à la suite de l’accord de paix de Ouagadougou signé en 2007, étaient à l’origine du mouvement.

Dans les rues de Bouaké, capitale de l’ethnie Baoulé © Sylvain Cherkaoui/J.A.

 

Les premiers tirs ont résonné vers 1h30 du matin vendredi 6 janvier, dans plusieurs camps militaires de Bouaké selon des sources sur place  contactées par Jeune Afrique.

L’identité des éléments impliqués reste floue. Des autorités militaires officielles évoquent d’anciens soldats démobilisés. Ce que confirme une source militaire à Reuters. « La ville est sous le contrôle d’anciens [soldats] », selon elle. Certains militaires évoquent, de leur côté, des éléments du 3e bataillon d’infanterie des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) à Bouaké.

Un ex-membre de la rébellion présent sur place et contacté par Jeune Afrique confirme cette information et précise : « Ils ont effectué des tirs sporadiques en l’air à l’arme légère, non lourde, au niveau du 3e bataillon. Un groupe de militaires a ensuite fait sortir les policiers de la préfecture de police. Ils bloquent désormais les accès Nord et Sud mais dans la ville, la population circule et la situation est calme. »

Revendications financières

Les revendications seraient principalement d’ordre financier selon une source militaire. Ce que confirme un communiqué lu à la télévision au nom du ministre de la défense, Alain Donwahi. « Hier aux environs 22 heures 30, un groupe de militaires a fait irruption à l’état-major de la 3e région militaire de Bouaké en faisant usage d’armes à feu. Le commandant en second de la 3e région militaire et le commandant du bataillon d’artillerie sol sol de Bouaké, présents, sont entrés en discussions avec le groupe. Des doléances ont été présentées : paiement de primes, augmentation de salaire, réduction du temps à passer dans les grades, éclaircissement sur les primes de l’Ecomog (la Force armée de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao)… »

Selon plusieurs sources, les contestataires disent agir au nom de 8 400 sergents

Et le gouvernement de détailler les mesures prises : « mise en alerte des troupes, renforcement des emprises militaires. Il est demandé à tous les soldats de garder leur calme en vue de permettre la recherche de solutions durables pour ensemble des composantes des forces armées de Côte d’Ivoire », ajoute le texte. Enfin, deux escadrons de la force réaction rapide de l’Onuci basée à Yamoussokro étaient en route vers Bouaké dans l’après-midi pour prévenir toute détérioration de la situation, en appui des autorités.

Selon plusieurs sources, les contestataires disent agir au nom de 8 400 sergents et réclameraient 10 millions de F CFA chacun et une villa. Un autre élément – dont le communiqué du gouvernement ne fait pas état – serait à l’origine de la colère : l’ouverture prochaine à Bouaké d’une session du tribunal militaire, qui siège d’habitude à Abidjan.

Bouaké a déjà été le théâtre de ce type de mouvement d’humeur en novembre 2014, de la part de soldats de 1e et 2e classe. Ils réclamaient alors de l’avancement et de meilleures soldes, et avaient bloqué les principaux axes de l’ancienne capitale de la rébellion. Leur action avait abouti à leur reclassement au grade de caporal.

Des coups de feu ont aussi été entendus à Korhogo et Daloa en fin de matinée.

Une réunion du Conseil national de sécurité (CNS) présidée par le président Alassane Ouattara se tenait à la mi-journée. Dans un message envoyé à ses ressortissants, l’ambassade de France a appelé à la vigilance et « recommandé d’éviter les déplacements à Bouaké, Korhogo et Daloa (…) suite à des mouvements de contestation au sein des forces armées ».

 

Romandie.com avec Baudelaire Mieu et Vincent Duhem de Jeuneafrique.com

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