Les Etats-Unis ont annoncé jeudi leur retrait de l’Unesco, l’accusant d’être anti-israélienne, au moment même où l’institution, en perte de vitesse et à la recherche d’un second souffle, s’apprête à élire son prochain directeur général.
L’actuelle directrice générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, la Bulgare Irina Bokova, a dit « regretter profondément » cette décision, à ses yeux préjudiciable au multilatéralisme.
Des regrets partagés par la France, qui héberge l’Unesco, et par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres qui souligne « le rôle majeur des Etats-Unis à l’Unesco depuis sa fondation », en 1946.
Le feu couve pourtant depuis des années sur fond de positions controversées de l’Unesco sur Jérusalem et Hébron défendues par les pays arabes.
En 2011, l’admission de la Palestine au sein de l’Unesco a accentué la crise et entraîné la suspension des contributions financières d’Israël et des Etats-Unis, égales à plus de 20% du budget de l’agence.
En juillet dernier, ces derniers avaient d’ailleurs prévenu qu’ils réexaminaient leurs liens avec l’Unesco, qualifiant d' »affront à l’histoire » la décision de l’organisation de déclarer la vieille ville de Hébron, en Cisjordanie occupée, « zone protégée » du patrimoine mondial. Une décision qualifiée de « délirante » par Israël, qui a salué jeudi le retrait américain : « nous entrons dans une nouvelle ère aux Nations unies, celle où, quand on pratique la discrimination contre Israël, il faut en payer le prix ».
Après son retrait, qui ne sera effectif que fin 2018 conformément aux statuts de l’Unesco, Washington souhaite y demeurer observateur.
« Cette décision n’a pas été prise à la légère et reflète les inquiétudes des Etats-Unis concernant l’accumulation des arriérés à l’Unesco, la nécessité d’une réforme en profondeur de l’organisation, et ses partis pris anti-israéliens persistants », a expliqué le Département d’Etat dans un communiqué.
Pour François Heisbourg, conseiller de la Fondation de la recherche stratégique (FRS), « c’est une conséquence logique », compte tenu de la position américaine sur la question israélo-palestinienne.
– Cible facile –
Un tel retrait n’est pas inédit : il y eut un précédent en 1984, sous Ronald Reagan, alors motivé par l’inutilité supposée et les débordements budgétaires de l’Unesco. Ce n’est qu’en 2002 que les Etats-Unis avaient réintégré l’organisation.
« Relativement petite », « ne touchant pas des intérêts vitaux », « l’Unesco est une cible plus facile que d’autres » et « par ailleurs, elle est allée plus loin que les autres organisations du système des Nations unies en termes de reconnaissance de l’Autorité palestinienne », note M. Heisbourg.
L’annonce américaine intervient au moment même où l’élection hautement politique du successeur d’Irina Bokova entre dans une phase décisive, cristallisant d’autres tensions diplomatiques.
Les 58 pays membres du Conseil exécutif désigneront jeudi soir deux finalistes, voire le prochain dirigeant de cette organisation en mal de réformes, de dépolitisation et de consensus. Et qui doit faire en outre avec les arriérés de contribution de ses membres.
Or, depuis le début du scrutin lundi, un des vainqueurs potentiels est le candidat qatari Hamad bin Abdoulaziz Al-Kawari qui ne fait pas l’unanimité.
Les pays arabes qui ont rompu cette année leurs relations diplomatiques avec Doha, dont l’Egypte et l’Arabie saoudite, s’en inquiètent même s’ils ont largement revendiqué le poste pour leur groupe, qui ne l’a jamais occupé.
En outre, de vieux soupçons d’antisémitisme à l’encontre du candidat qatari ont resurgi ces derniers jours, relayés notamment par le Centre Simon Wiesenthal Europe et la Ligue Anti-diffamation aux Etats-Unis.
Il lui est en particulier reproché un silence présumé face à la présence de livres antisémites au cours de foires du livre lorsqu’il était ministre de la Culture.
Pour la France, le retrait américain plaide pour sa propre candidate, Audrey Azoulay, 45 ans, ancienne ministre de la Culture qui a recueilli autant de voix que lui mercredi – 18 sur les 30 nécessaires pour être élu -, comblant l’écart qui les séparait encore la veille.
« Notre candidature à la direction générale de l’Organisation prend, dans ces circonstances, une signification nouvelle », selon le gouvernement.
Suit, avec 13 suffrages mercredi, la militante des droits de l’homme égyptienne Moushira Khattab.
Si aucun n’atteint la majorité absolue jeudi, le dernier vote vendredi départagera les deux candidats arrivés en tête.
Romandie.com avec(©AFP / 12 octobre 2017 18h37)
Étiquettes : Etats-Unis, Retrait, Unesco
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