Aloïse MOUDILENO MASSENGO, un géant oublié: Nani gigantum humeris insidentes. «Des nains sur les épaules de géants».
C’est parce que maître Aloise Moudileno Massengo s’était imprégné de la culture gréco- latine qu’en apprenant la nouvelle de sa mort que j’ai pensé à Bernard de Chartres, cet humaniste français qui recommandait à tout homme qui voulait apprendre, de se considérer comme un Nain qui profiterait du savoir des anciens considérés comme des géants pour mieux voir l’horizon.
Pour ma génération, maître Aloise Moudileno Massengo fut un géant. Dans les années 1971, jeune avocat, le premier congolais à avoir obtenu le CAPA en France, démontra lors du procès Ando Ibara, un sujet congolais, accusé d’espionnage par le Zaïre, son talent d’orateur et beaucoup de jeunes étudiants choisirent des études de droit pour ressembler à maître Modileno Massengo.
Il a su, lui fils du Sud Congo, s’associer à son ami Ekondi Akala, fils du Nord Congo pour lutter contre un système politique, qui sous l’influence de la tribu et du clan menaçait l’unité nationale.
Son livre intitulé Escroquerie idéologique était un cri d’alarme; une alerte contre les dérives sectaires de la gestion du Congo par un ramassis de pseudo révolutionnaires.
Dans les années 80 à Paris nous assistions à des conférences à Châtelet les halles où Maître Moudileno Massengo et Ekondi Akala évoquaient l’unité nationale et le rêve de voir un Congo prospère et démocratique.
Je l’ai revu dans les années 90 à la conférence nationale souveraine, visage interrogateur, et pensif me livrant ses inquiétudes quant à l’issue de la conférence nationale qu’il considérait un moment comme un lieu où le brouhaha paralysait toute réflexion constructive.
Après la conférence nationale souveraine, il fut nommé directeur représentant du gouvernement congolais à Elf Aquitaine. À cette époque nous avions tous les deux nos habitudes à L’hôtel Méridien de Brazzaville où il descendait tout le temps qu’il venait de Pointe-Noire.
Ayant appris que j’étais comme lui un ancien du petit séminaire, il m’invitait de le rejoindre à sa table pour déjeuner au restaurant de l’hôtel méridien.
Nous partagions nos souvenirs d’adolescence et sa culture gréco-latine m’impressionnait dans un pays où la classe politique est composée la plupart du temps par les philistins et les médiocres.
Il y a 4 mois, en compagnie de maître Massengo Tiasse, j’ai discuté avec lui et je lui avais promis de faire le voyage de Nancy pour poursuivre notre discussion sur le Congo notre pays.
Il avait des choses à me transmettre, certainement son amour pour le Congo qu’il ne reverrait peut être plus. Aléa jacta est, ce rendez-vous manqué me marquera sans doute longtemps.
Paul Kaya a choisi de mourir en automne tout en contemplant les couleurs d’une saison qui lui ouvrait les portes du paradis.
Aloise Modileno Massengo, meurt en hiver, c’est malgré le vent glacial, la saison où l’esprit est à la fête de Noël et de la Saint sylvestre.
J’imagine que maître Aloise Moudileno Massengo a dû embrasser ses petits enfants devant un sapin éclairé de vert, jaune et rouge, un peu comme pour leur dire : » N’oubliez pas d’où vous venez « . Je suis aussi convaincu que le 31 décembre, il a dit à ceux qui étaient autour de lui, malgré la douleur de sa maladie : » Soyeux Heureux mes Frères. »
Je regrette énormément de ne l’avoir pas revu avant sa mort. J’avais pour lui beaucoup de fraternité, de respect et d’admiration.
Il a beaucoup souffert d’injustice, lui qui fut ministre de la justice. Le régime de Brazzaville ne lui a pas accordé ses droits de haut fonctionnaire de l’état, ils ont laissé mourir celui qui avait écrit » j’ai l’âme trop fière et trop juridique « .
Ils ont laissé mourir un homme d’honneur.
Maître Modileno Massengo nous quitte dans la dignité en citant Pablo Neruda : « J’avoue que j’ai vécu ». Cet humaniste nous quitte avec le sentiment de n’avoir pas achevé ce combat pour l’unité nationale, il voulait que le ciel lui accorde encore une éternité pour montrer le chemin aux nouvelles générations.
Puisqu’il fait partie désormais de notre panthéon, retenons la leçon des nains que nous sommes et profitons des épaules gigantesques de Maître Moudileno Massengo pour mieux voir l’horizon .
Dans quelques jours beaucoup assisteront à ses obsèques , ils l’accompagneront certainement avec le Requiem de Mozart, un frère, ou avec celui de Verdi.
Autour de cet homme qui a su porter sa pierre à l’édifice, je reste convaincu que vous vous poserez la question des romains devant le cercueil de l’un des leurs autrefois :
MES FRÈRES, QUELLE PASSION a t’il eu de son vivant?
À cette question, je répondrai : Maitre Aloise Moudileno Massengo eut pour seule passion, L’AMOUR du Congo.
Avec Brazzanews.fr

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