En deux semaines, le premier ministre François Legault a donné puis ôté à des millions de Québécois l’espoir de tenir des petits rassemblements pendant la période des Fêtes. Face à la flambée des cas de COVID-19, le « contrat moral » est caduc, a-t-il annoncé jeudi.
Les Québécois qui résident en zone rouge ne pourront donc pas participer à un ou deux rassemblements de 10 personnes ou moins les 24, 25, 26 ou 27 décembre avant et après s’être isolés comme il l’avait envisagé le 19 novembre dernier.
Le chef du gouvernement s’était pourtant donné jusqu’au 11 décembre pour décider s’il maintiendrait ou annulerait ses plans pour Noël. « On est obligé de se rendre à l’évidence, ce n’est pas réaliste de penser qu’on va réussir à réduire la progression du virus de façon satisfaisante », a-t-il déclaré jeudi, tout en précisant qu’il s’agissait d’une décision du gouvernement et non de la Santé publique.
M. Legault a justifié celle-ci, notamment par l’accroissement du nombre de personnes atteintes, hospitalisées et mortes de la COVID-19, ainsi que des 6000 professionnels de la santé hors combat. « Il faut protéger notre personnel », a-t-il fait valoir.
Même si elle l’a pris de court, le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, s’est rallié à la décision gouvernementale d’annuler les quatre journées de Noël. « Si on veut vraiment épargner notre système de santé, il faut que les cas baissent au maximum », a-t-il mentionné. Selon lui, des « efforts monumentaux » auraient dû être consentis pour redresser a situation épidémiologique à temps pour Noël.
Le ministère de la Santé recensait jeudi 1470 nouvelles personnes déclarées positives à la COVID-19. Pas moins de 737 personnes étaient hospitalisées, dont 99 personnes dans une unité de soins intensifs, indique le dernier compte rendu. « La seule consolation qu’on peut peut-être avoir, c’est quand on regarde ce qui se passe ailleurs », a souligné M. Legault, pointant les États-Unis, puis l’Europe.
La cheffe du département de médecine préventive et santé publique du CHUM, Marie-France Raynault, soupçonne le gouvernement québécois d’être « peut-être un peu paniqué de voir l’état actuel du réseau de la santé » près de neuf mois après le début de l’état d’urgence sanitaire. « Ce n’est pas parce que les chiffres sont effrayants, les courbes sont moins dramatiques que lors la première vague. Mais les infirmières se plaignent d’être fatiguées parce que la pandémie se prolonge. Le gouvernement a choisi d’écouter davantage le réseau de la santé », a-t-elle affirmé dans un échange avec Le Devoir. « Mais, je ne trouve pas que c’est une si bonne idée que ça parce que c’est maintenant qu’elles sont fatiguées, ce n’est pas au mois de janvier qu’elles pourront se reposer. Une mesure qui est dans trois semaines est trop éloignée pour régler le problème qui est actuel », a-t-elle poursuivi.
« Pas parfait »
Le premier ministre s’est dit persuadé que la plupart des Québécois respecteront l’interdiction de rassemblement. Il a rappelé au passage leur « sens des responsabilités ». Les individus qui enfreindront les consignes s’exposeront à des amendes, a-t-il ajouté.
M. Legault a pris soin de spécifier que les personnes vivant seules pourront recevoir « une personne à la fois » durant la période des fêtes si elles respectent les règles de distanciation physique — comme c’est le cas actuellement. « J’encourage, je demande à tous les Québécois d’aller visiter les personnes qui sont seules. C’est dur, la pandémie. C’est encore plus dur dans le temps des fêtes d’être seul », a-t-il souligné.
Le chef du gouvernement a reconnu avoir commis une erreur de bonne foi en laissant planer la possibilité de prendre part à des rassemblements à la fin de l’année. « Je ne suis pas parfait. Puis, je n’ai pas de boule de cristal. Au moment où j’ai proposé ce contrat moral-là, j’étais sincèrement convaincu que c’était possible. On avait mis un “si”. On avait dit : “Si la situation ne se détériore pas…” Malheureusement, la situation s’est détériorée. Bon, c’est sûr que, si c’était à refaire, je ne l’aurais pas fait », a-t-il lâché l’air contrit.
Mesures d’isolement
Les journées d’apprentissage à la maison prévues les 16, 17, 18, 21 et 22 décembre au calendrier des enfants inscrits à l’école primaire sont maintenues dans la mesure où elles peuvent « aider » le Québec à traverser le « pire moment de la pandémie ». « L’idée, c’est d’arriver au mois de janvier dans le meilleur état possible, donc de tout faire pour casser la vague », a expliqué M. Legault, tout en réitérant ses appels à aussi favoriser le télétravail.
Enfin, le premier ministre a invité les Québécois à « essayer de prendre le bon côté des choses » à l’approche d’un Noël « tranquille », suggérant que les personnes plus âgées pourront « faire des petites siestes — des sommes, comme on dit — dans l’après-midi, après le repas, lire des livres — toutes sortes de livres — et faire des Zooms, des Teams, s’appeler au téléphone… »
Le Devoir par Marco Bélair-Cirino avec Pauline Gravel et Mylène Crêt
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