Russie : plus de 2000 arrestations dans le pays

La police a arrêté samedi plus de 2000 personnes dans toute la Russie lors de rassemblements dans des dizaines de villes à l’appel de l’opposant Alexeï Navalny pour exiger sa libération.

Des agents des forces de l'ordre se tiennent devant les participants au cours d'un rassemblement en soutien au leader de l'opposition russe Alexeï Navalny, à Saint-Pétersbourg.

© ANTON VAGANOV/Reuters Des agents des forces de l’ordre se tiennent devant les participants au cours d’un rassemblement en soutien au leader de l’opposition russe Alexeï Navalny, à Saint-Pétersbourg.

Dans la foule de plus de 20 000 personnes rassemblées au centre-ville de Moscou, des journalistes de l’AFP ont assisté à de violentes arrestations et à des heurts entre policiers et manifestants.

Ioulia Navalnaïa, l’épouse de l’opposant russe Alexeï Navalny, a annoncé avoir été interpellée par la police à Moscou pendant la manifestation de soutien à son mari incarcéré. «Excusez la mauvaise qualité [de la photo], la lumière est mauvaise dans le fourgon cellulaire», a-t-elle ironisé sur sa page Instagram, diffusant un autoportrait pris dans un véhicule de police.

Cette contestation s’organise à quelques mois des législatives prévues à l’automne, sur fond de chute de popularité du parti au pouvoir Russie unie.

Manifestations fortement réprimées

Les premières manifestations samedi dans l’Extrême-Orient russe et en Sibérie, notamment à Vladivostok, Khabarovsk, Novossibirsk et Tchita, ont fait face à d’importants effectifs de police. Et par endroits, la répression a été brutale.

Plus d’une heure avant le début officiel du rassemblement prévu à 11 h dans le centre de Moscou, les forces antiémeutes ont arrêté et enfermé dans des fourgons cellulaires plusieurs dizaines de personnes, selon des journalistes de l’AFP.

La police a notamment interpellé Lyubov Sobol, une proche amie d’Alexeï Navalny, selon ce qu’a observé un reporter de Reuters.

Des images vidéo montrent par ailleurs des policiers en train de courir après des manifestants dans les rues de Khabarovsk, la plus grande ville de l’Extrême-Orient russe, alors que les températures avoisinaient les -14 degrés Celsius. Il était possible d’entendre les manifestants scander : «Bandits!»

Les forces de l’ordre moscovites avaient promis vendredi de «réprimer sans délai» tout rassemblement non autorisé. En outre, la mairie a jugé «inacceptable» toute manifestation à cause de la pandémie de COVID-19.

Des agents des forces de l'ordre emportent un homme lors d'un rassemblement de soutien au leader de l'opposition russe Alexeï Navalny.

© MAXIM SHEMETOV/Reuters Des agents des forces de l’ordre emportent un homme lors d’un rassemblement de soutien au leader de l’opposition russe Alexeï Navalny.

D’autres images vidéo montrent des policiers attrapant un manifestant par le bras et la jambe et le transportant dans un van, à Yakoutsk, en Sibérie, la ville la plus froide de Russie, où le mercure est descendu ce samedi à -52 degrés Celsius. 

Des interruptions ont affecté les réseaux téléphoniques et Internet samedi, selon le site de surveillance downdetector.ru. Il d’agit d’une tactique parfois utilisée par les autorités pour rendre les communications et le partage de vidéos entre manifestants plus compliqués.

Arrestations près de la prison de Matrosskaïa Tichina 

La police de Moscou a interpellé samedi soir des manifestants qui se rassemblaient aux abords de la prison de Matrosskaïa Tichina, où est détenu l’opposant russe Alexeï Navalny, selon un journaliste de l’AFP.

Certains des protestataires ont été frappés à coups de matraque, et des centaines de personnes se sont rassemblées en scandant «liberté» non loin du centre de détention du nord de la capitale russe.

La police bloque une rue de Moscou non loin de la prison de Matrosskaïa Tichina, où est détenu le leader de l'opposition Alexeï Navalny.

© VASILY MAXIMOV/afp via getty images La police bloque une rue de Moscou non loin de la prison de Matrosskaïa Tichina, où est détenu le leader de l’opposition Alexeï Navalny.

De nombreux manifestants sont ensuite partis en courant face à la charge des policiers, déployés en grand nombre près de la prison, selon le journaliste de l’AFP.

À Saint-Pétersbourg aussi, les premiers protestataires sortaient dans la rue. «J’aurais honte de rester à la maison. J’ai besoin de parler, j’ai besoin d’exprimer ma position», confie Galina Fedosseva, 50 ans.

À Iakoutsk, au sud du cercle polaire, une centaine de protestataires ont bravé le froid extrême en manifestant par -50 degrés Celsius.

Les arrestations ont été particulièrement violentes à Vladivostok, port russe sur l’océan Pacifique, où la police antiémeute a pourchassé les manifestants et les a frappés avec des matraques, selon une vidéo de l’AFP.

La police russe avait déjà interpellé cette semaine, en amont des mobilisations, des alliés de premier plan d’Alexeï Navalny, dont deux ont été condamnés vendredi à de courtes peines de prison.

Le leader de l'opposition russe Alexeï Navalny est escorté par des officiers de police après une audience au tribunal, à Khimki, près de Moscou, le 18 janvier 2021.

© EVGENY FELDMAN/MEDUZA/Reuters Le leader de l’opposition russe Alexeï Navalny est escorté par des officiers de police après une audience au tribunal, à Khimki, près de Moscou, le 18 janvier 2021.

Appel à la protestation sur les réseaux sociaux

Placé en détention jusqu’au 15 février au moins et visé par plusieurs procédures judiciaires, Alexeï Navalny, 44 ans, a été appréhendé le 17 janvier, dès son retour d’Allemagne, après cinq mois de convalescence à la suite d’un empoisonnement présumé dont il accuse le Kremlin.

Son appel à manifester, après son incarcération, a été accompagné d’une enquête vidéo de deux heures dans laquelle il accuse Vladimir Poutine de s’être fait bâtir pour un milliard d’euros (1,6 milliard de dollars canadiens) une fastueuse demeure sur un immense terrain privé sur les rives de la mer Noire.

Selon Alexeï Navalny, cette propriété appartient à Vladimir Poutine et sa construction a coûté 1,3 milliard de dollars américains (1,6 milliard de dollars canadiens) grâce à un système de corruption élaboré avec la complicité des proches du président russe.

© YouTube/Navalny Life/Associated Press Selon Alexeï Navalny, cette propriété appartient à Vladimir Poutine et sa construction a coûté 1,3 milliard de dollars américains (1,6 milliard de dollars canadiens) grâce à un système de corruption élaboré avec la complicité des proches du président russe.

Les autorités rejettent l’ensemble des accusations d’empoisonnement et de corruption, qualifiant l’opposant et son entourage «d’escrocs» à la solde des Occidentaux.

La vidéo a néanmoins eu un succès énorme et a été visionnée près de 67 millions de fois depuis mardi sur YouTube.

Dès l’arrestation de l’opposant, condamnée par les puissances occidentales, des milliers d’appels à la protestation ont été relayés sur les réseaux sociaux, où il jouit d’une visibilité importante, alors qu’il est largement ignoré des grands médias d’État russes.

Le gendarme russe des télécommunications Roskomnadzor a menacé d’amendes les plateformes TikTok et VKontakte (VK), l’équivalent russe de Facebook.

Une enquête a été ouverte pour «incitation à des actes illégaux auprès de mineurs» et le ministère de l’Éducation a appelé les parents à «empêcher» leurs enfants de manifester.

Les pays occidentaux condamnent

Les Nations unies ainsi que les pays occidentaux ont condamné la détention d’Alexeï Navalny et demandé sa libération immédiate. Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne devraient débattre, lundi à Bruxelles, de nouvelles sanctions économiques à l’encontre de la Russie. 

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a quant à lui déploré «les détentions massives» et «l’usage disproportionné de la force» au cours des manifestations.

«Nous discuterons lundi des prochaines étapes avec les ministres des Affaires étrangères de l’UE», a-t-il ajouté dans un tweet.

Les législateurs européens ont déjà adopté, jeudi, une résolution demandant à l’Union européenne l’arrêt de la construction du gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne, en réponse à l’arrestation de Navalny.

Avec  CBC/Radio-Canada 

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