CONGO : La mort du principal candidat-opposant à la présidentielle la nuit du vote

Comme quasiment toutes les consultations électorales organisées par Sassou-Nguesso depuis son retour criminel et sanglant au pouvoir en 1997, la présidentielle de ce 21 mars, très critiquée par l’épiscopat national et d’autres forces sociales et politiques, s’est déroulée dans la confusion, avec la mort du principal candidat-opposant, tombé gravement malade deux jours auparavant, le jour du vote.

Anticipé par presque toutes les Constitutions, « l’empêchement définitif » d’un des candidats à la présidentielle, déjà validé par la juridiction constitutionnelle donc, reste un cas rare. C’est pourtant ce qui est arrivé au Congo-Brazzaville, où Parfait Kolélas, principal candidat-opposant, déclaré très gravement malade deux jours auparavant,  est décédé la nuit du vote du premier tour. Et c’est aussi ce qui va mettre à l’épreuve, une fois de plus, la justice constitutionnelle, après le triste feuilleton de la présidentielle précédente. Ici, après que la Cour constitutionnelle ait grossièrement et indécemment violé la Constitution en vigueur (notre réflexion à ce propos: « Cauchemar constitutionnel: comment des juristes ont étranglé le droit constitutionnel au Congo!« , in Mediapart, 17 septembre 2020), le principal candidat et opposant de circonstance, Jean Marie Michel Mokoko, avait été arrêté et sanctionné à vingt ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État » contre un pouvoir arrivé lui-même aux affaires à la suite d’un sanglant coup d’État n’ayant pas fait moins de dix mille morts !

En l’occurrence, et précisément, avec l’empêchement sans équivoque du challenger officiel de Sassou Nguesso en 2016 et principal candidat-opposant au moins deux jours auparavant, au point qu’il n’a pas réussi à participer à son dernier grand meeting avant la fin de la campagne le vendredi 19 mars, et que de surcroît il est décédé la nuit du jour du vote, la juridiction constitutionnelle, comme en 2015-2016, s’alignera-t-elle sur la position et les intérêts exclusifs du pouvoir, confirmera-t-elle l’idée fort répandue d’une élection-formalité qui se gagne toujours au premier tour comme en 2002, 2009 et 2016, ou dira-t-elle le droit lorsqu’il lui sera donné d’apprécier les résultats de ce vote, faute d’avoir été saisie en amont par les intéressés? 

C’est sur les suites constitutionnelles de ce décès qu’il nous a été demandé notre point de vue par la chaîne de télévision TV5 Monde ce 22 mars. Les circonstances de ce décès restent insolites , au point que le parquet de Bobigny, Section criminelle, en France où le candidat est décédé tout juste à son à son arrivée dans la capitale française, a ouvert une enquête pour rechercher les causes réelles de la mort de l’opposant congolais.

Entre temps, Sassou Nguesso, égal à lui-même, vautré dans son éternel et morbide solipsisme, y compris dans la lecture des textes, se dit une fois de  plus victime d’un complot selon lequel  l’opposition veut exploiter un article de la Constitution selon lequel et selon lui, « le président de la République était autorisé à proroger son mandat et à renvoyer les élections à plus tard »! Au point d’appeler à la rescousse son incontournable complice, François Soudan pour, autant sa propagande qu’initier ses manipulations au regard des suites incertaines de « cet incident » (selon lui). Pour ceux qui n’auraient pas le fil de son esprit, suite à l’enclenchement  des terribles événements de l’été 1997, « coup d’État de Sassou Nguesso » et qui se confirmera par la suite selon le pouvoir d’alors, « résistance à l’agression du pouvoir dont il est l’objet » selon lui, et à deux mois de la présidentielle, le Conseil constitutionnel congolais avait alors décidé la prorogation du mandat présidentiel jusqu’à l’élection du nouveau président de la République, tout en pressant explicitement pouvoir et opposition de se retrouver pour fixer la date de l’élection. Cela conformément au principe antérieurement posé par l’historique Conférence nationale de 1991 selon lequel le pouvoir ne saurait plus jamais se prendre que par les urnes pour en finir avec les ruptures constitutionnelles constantes dans ce pays. Cette décision avait été farouchement critiquée par l’actuel dirigeant congolais, avant que sa Constitution imposée en 2015 (article 65, alinéa 2) mais aussi d’autres États comme la RDC ne la consacrent. En s’expliquant comme il le fait à l’occasion de ce qu’il appelle « incident », l’homme d’État congolais, manipulateur, veut signifier que c’est dans la logique ou la continuité de ce qu’il avait critiqué alors, par le refus de cette jurisprudence pourtant aujourd’hui consacrée, qu’il devrait ne pas faire comme le pouvoir d’alors !  La réalité est qu’il a toujours fait une lecture des situations et des textes selon ce qui l’arrange, comme ce fut le cas sur la crise politique et constitutionnelle de l’automne 1992. À cette occasion il faisait une lecture subjective de la Constitution dans laquelle il interprétait la majorité parlementaire de façon clairement anti-constitutionnelle, comme se tissant au sein de l’hémicycle, dans un régime semi-parlementaire (ou semi-présidentielle) où il est pourtant établi qu’elle est le monopole du souverain, et prenait « la communauté internationale à témoin contre la violation de la Constitution par le président Lissouba » qui avait opté pour la dissolution de l’assemblée et la consultation du souverain! (cf. nos réflexions: « Une expérience politique congolaise: Pascal Lissouba l’éternel accablé », Mediapart, 31 août 2020.

Ainsi fonctionnent les despotes

Avec Congo-Liberty par Felix Bankounda Mpele

Enseignant-Chercheur, Juriste et Politologue, consultant, Constitutionnaliste

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