Le ministre a porté plainte contre la candidate aux régionales en Île-de-France pour des propos sur la police. Les avocats de sa liste contre-attaquent.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a annoncé, dans la soirée du dimanche 23 mai sur Twitter, qu’il portait plainte contre Audrey Pulvar, candidate aux élections régionales en Île-de-France, qui avait jugé « assez glaçante » la manifestation des policiers mercredi devant l’Assemblée nationale. Dès le lendemain, les avocats de la liste socialiste ont contre-attaqué en annonçant le dépôt d’une plainte devant la Cour de justice de la République pour dénonciation calomnieuse, ainsi qu’une plainte au civil pour diffamation et des recours administratifs.
« Vous avez un ministre de l’Intérieur qui porte plainte en diffamation contre une candidate à des élections dont il a la charge » et tente ainsi de l’« assigner au silence », s’est insurgé l’avocat Patrick Klugman, qui a dénoncé une « grossière manœuvre d’intimidation » sur BFMTV. « Gérald Darmanin a une seule responsabilité comme ministre de l’Intérieur, en charge entre autres de l’organisation des élections, c’est de garantir le pluralisme démocratique (…) et donc de garantir la liberté d’expression d’Audrey Pulvar au lieu de tenter de l’assigner au silence », a aussi cinglé l’avocat.
Des propos qui « viennent profondément diffamer la police »
« Les propos de Madame Pulvar dépassent le simple cadre d’une campagne électorale et viennent profondément diffamer la police de la République. Je porte plainte au nom du ministère de l’Intérieur », avait tweeté le ministre, vivement critiqué par l’opposition pour avoir salué les policiers au début du rassemblement. Il s’agit d’une plainte pour « diffamation » qui vise « une succession de propos », a précisé à l’Agence France-Presse l’entourage de Gérald Darmanin, lui-même candidat aux régionales dans les Hauts-de-France et aux départementales dans le Nord.
Une manifestation « soutenue par l’extrême droite, à laquelle participe un ministre de l’Intérieur, qui marche sur l’Assemblée nationale pour faire pression sur les députés en train d’examiner un texte de loi concernant la justice, c’est une image qui, pour moi, était assez glaçante », avait expliqué l’ancienne journaliste samedi sur France Info.
« Tentative d’intimidation »
La plainte vise également une vidéo de juin 2020, exhumée samedi sur Twitter par Pierre Liscia, porte-parole de Libres !, le mouvement de Valérie Pécresse, candidate à sa réélection en Île-de-France, a précisé l’entourage du ministre. Audrey Pulvar y dénonce « le racisme dans la police » en France, lors d’une manifestation à Paris en hommage à George Floyd, cet Afro-Américain tué par un policier à Minneapolis.
Interrogé par l’Agence France-Presse sur la prescription frappant ces propos – le délai est de trois mois en matière de diffamation –, l’entourage de Gérald Darmanin a répondu qu’ils pouvaient « être versés en accompagnement de la plainte pour l’étayer ».
La liste d’Audrey Pulvar, Île-de-France en commun, avait déjà réagi en fustigeant « une atteinte à la liberté d’expression d’une extrême gravité ». « Cette tentative d’intimidation d’une candidate d’opposition, par un ministre de l’Intérieur, par ailleurs en charge de l’organisation des élections (…) est sans précédent sous la Ve République », écrit la liste dans un communiqué. « Jusqu’ici, dans une démocratie, on pouvait encore exprimer une opinion sans que le ministre chargé des élections ne se sente autorisé à intimider une adversaire politique. Total soutien à Audrey Pulvar », a tweeté de son côté le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure dans la nuit de dimanche à lundi.
Des responsables politiques de tous bords présents à la manifestation
Plusieurs responsables politiques de gauche, dont la maire de Paris Anne Hidalgo, le patron des députés PS Olivier Faure et l’écologiste Yannick Jadot, se sont joints à ce rassemblement organisé par les syndicats de policiers, ainsi que des élus de tous bords politiques, du Rassemblement national au Parti communiste. Seuls les responsables de La France insoumise se sont abstenus d’y participer.
« Pleine solidarité avec Audrey Pulvar », a tweeté dans la soirée le dirigeant Insoumis Jean-Luc Mélenchon : « Darmanin joue les gros bras. Il veut intimider. Sa plainte montre sa faiblesse et sa peur des organisations policières qui font la loi dans son ministère. »
Par Le Point avec AFP
Étiquettes : Audrey Pulvar, FRANCE, Gérald Darmanin, Plainte
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