Eric Dupond-Moretti, le ministre de la justice, reste mis en examen pour « prise illégale d’intérêts »

La Cour de justice de la République a rejeté la requête déposée par ses avocats. Il est soupçonné d’avoir profité de sa fonction pour régler ses comptes avec des magistrats lorsqu’il était avocat.

Eric Dupond-Morretti avait notamment soulevé « la partialité du procureur général près la Cour de cassation », François Molins.
Eric Dupond-Morretti avait notamment soulevé « la partialité du procureur général près la Cour de cassation », François Molins. STÉPHANE MAHÉ / AFP

La commission de l’instruction de la Cour de justice de la République (CJR) a rejeté, mercredi 3 novembre, la requête déposée par les avocats du ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti. Il reste donc mis en examen pour « prise illégale d’intérêts », a fait savoir une source judiciaire, confirmant une information de BFM-TV.

Soupçonné d’avoir profité de sa fonction pour régler ses comptes avec des magistrats quand il était avocat, le garde des sceaux avait notamment soulevé l’« irrecevabilité des plaintes à l’origine de la saisine de la CJR » et « la partialité du procureur général près la Cour de cassation », François Molins, selon la même source.

Pourvoi en cassation

La commission d’instruction de la CJR, seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis « dans l’exercice de leurs fonctions », a également rejeté les demandes d’annulation de la saisine de la commission et de la perquisition de quinze heures qui avait été menée le 1er juillet au ministère de la justice.

« Ce refus n’est pas une surprise. La Cour de justice de la République est la seule juridiction en France et certainement des pays membres du conseil de l’Europe où les juges en appel sont les mêmes qu’en première instance », ont réagi les avocats du ministre, Olivier Cousi, Christophe Ingrain et Rémi Lorrain. « Nous n’espérions pas que les magistrats, auteurs des nullités que nous invoquions, annulent eux-mêmes la procédure entachée de leurs propres nullités. Après ce passage obligé, nous formons un pourvoi en cassation pour que statuent enfin des magistrats différents de ceux qui instruisent », ont-ils ajouté.

Par ailleurs, le 26 octobre, la première présidence de la Cour de cassation a rejeté la demande en récusation des magistrats de la CJR chargés d’instruire le dossier, déposée par la défense du ministre de la justice, selon la source judiciaire.

Affaire Bismuth, Corse…

La CJR a ouvert en janvier une information judiciaire pour « prise illégale d’intérêts » après avoir reçu les plaintes des trois syndicats de magistrats et de l’association Anticor dénonçant des situations de conflit d’intérêts dans deux dossiers.

Eric Dupond-Moretti est soupçonné d’avoir profité à plusieurs reprises de sa fonction pour régler ses comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat, ce qu’il nie.

Un premier dossier concerne l’enquête administrative ordonnée en septembre 2020 par le garde des sceaux contre trois magistrats du Parquet national financier (PNF) qui avaient fait éplucher ses relevés téléphoniques détaillés (« fadettes ») quand il était encore une star des prétoires. Le PNF cherchait alors à débusquer une « taupe » ayant pu informer Nicolas Sarkozy et son conseil Thierry Herzog – un ami d’Eric Dupond-Moretti – qu’ils étaient sur écoute dans l’affaire de corruption dite « Bismuth », pseudonyme utilisé par l’ancien chef d’Etat pour utiliser une ligne téléphonique distincte de son nom. Vilipendant ce qu’il avait qualifié de « méthodes de barbouzes » du parquet anticorruption, Eric Dupond-Moretti avait déposé une plainte, avant de la retirer au soir de sa nomination comme garde des sceaux, le 6 juillet 2020.

Dans le second dossier il est reproché au garde des sceaux d’avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un des ses ex-clients et dont M. Dupond-Moretti avait critiqué les méthodes de « cow-boy » après que ce magistrat avait pris la parole dans un reportage.

Les syndicats de magistrats ont par ailleurs signalé à la commission d’instruction de la CJR trois autres interventions du garde des sceaux qu’ils jugent problématiques, dont une à l’automne auprès de détenus corses alors qu’il avait été l’avocat de l’un d’eux, Yvan Colonna. Mais la commission des requêtes de la CJR a rendu un avis défavorable, refusant donc d’ordonner un supplément d’information pour ces faits, selon une source judiciaire.

Eric Dupond-Moretti s’est toujours défendu de toute prise illégale d’intérêts, arguant du fait qu’il n’avait fait que « suivre les recommandations » de son administration. Les potentiels conflits d’intérêts du nouveau garde des sceaux avaient cependant conduit à l’écarter du suivi de ses anciennes affaires, passées sous le contrôle de Matignon à la fin de octobre 2020.

Par Le Monde avec AFP

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