Victime d’une crise cardiaque qui l’a emporté l’après-midi du 31 janvier dernier en Belgique, l’écrivain et éditeur, auteur du dictionnaire multilingue en kikongo, kiswahili, lingala, tshiluba, français et anglais, le « Sene Mongaba », connu pour son indéfectible engagement dans la promotion et la défense des langues africaines, était en passe de publier l’Anthologie du prochain Prix Zamenga aux Editions Mabiki.
1- Richard Ali et feu Bienvenu Sene Mongaba à la présentation du roman « Et les portes sont des bouches »
La disparition subite de Bienvenu Sene Mongaba porte un sérieux coup à la chaire « Langues nationales » du département de traduction et interprétariat de l’Université pédagogique nationale de Kinshasa (UPN), dont il était responsable. Mais encore, outre ses proches collaborateurs qui font le relais de sa maison d’édition, les Editions Mabiki à Kinshasa, Ange Manguanda et Edimon, l’écrivain Richard Ali A Mutu est à ce jour le plus affecté des précieux acteurs de l’univers littéraire de Kinshasa par le funeste événement. En effet, dès le lendemain, ce dernier a confié au Courrier de Kinshasa qu’il venait de « perdre quelqu’un de très, très proche ». Et d’affirmer avec grand regret : « Bienvenu est un mentor pour moi, je ne parle pas de lui au passé car il reste mon mentor. Il reste un maître à penser parce qu’il est mon tout premier éditeur et j’avais pris l’option de le garder comme l’unique éditeur de mes publications jusqu’à mon dernier roman, “Et les portes sont des bouches“ ».
Le jeune écrivain et chroniqueur littéraire a du reste informé de l’apport de Bienvenu Sene Mongaba dès ses débuts. «C’est avec lui que j’ai commencé mon aventure littéraire partant de la nouvelle “Le cauchemardesque de Tabu“ qu’il a éditée. Puis, c’est lui qui m’a poussé, m’a mis le pied à l’étrier pour me lancer dans l’aventure de l’écriture en langue congolaise. Ainsi, mon roman en lingala, “Ebamba, Kinshasa makambo“ est né grâce au coaching de Bienvenu. C’est lui qui m’a demandé de le faire et ce roman a été très bien accueilli », a reconnu Richard Ali.
Allusion faite ici au fait que cette œuvre en lingala lui a ouvert les portes du cercle restreint des trente-neuf écrivains subsahariens âgés de moins de 40 ans repris dans l’Anthologie Africa39 préfacée par Wole Sonyinka. Mais aussi au bon accueil dont il a bénéficié dans le milieu littéraire américain. À ce sujet, la Camerounaise Acèle Nadale, du magazine littéraire en ligne Afrolivresque.com, rapporte qu’en sus, ce texte a reçu les éloges intarissables du « magazine Asymptote Journal et de la Bibliothèque publique de Los Angeles ». Le roman de Richard Ali a connu un succès tel qu’il a été traduit en français et en anglais, paru sous le titre Mr Fix-it.
Un aîné, un mentor, un père et un enseignant

DR 2- Bienvenu Sene Mongaba dans son bureau
Dès lors, il n’est pas étonnant d’entendre Richard Ali déclarer à propos de l’illustre disparu : « Je pleure à la fois un aîné, un mentor, un père et un enseignant. C’est quelqu’un qui m’a beaucoup appris au niveau mental afin de me libérer du colonialisme linguistique. C’est vraiment lui qui a fait ce travail sur moi ».
Par ailleurs, a-t-il ajouté regrettant le départ inopiné de son éditeur : « Nous avions de longs moments d’échange et de débats car moi, je ne le voyais pas continuer à vivre en Europe. Je le voyais ici et le sentais tout le temps ici. Et, nous avions longuement parlé la veille de sa mort suite à une sollicitation de l’achat de mes droits pour l’édition en anglais de “Et les portes sont des bouches“. Nous avions échangé autour de cette bonne nouvelle et avions constitué un groupe de travail ensemble avec Blaise Ndala du Canada pour en parler. Le jour même, nous avions encore échangé en matinée. Et, à midi, nous avions parlé assez longuement, pendant près d’une heure sur ce dossier ».
DR 3 -Le « Sene Mongaba », seconde édition du dictionnaire multilingue paru en 2021 aux Editions Mabiki / Adiac
Lors de cette dernière discussion intervenue à moins de deux heures du triste sort, il était aussi question, a renchéri Richard Ali, « du projet d’édition de la dernière édition de l’Anthologie du Prix Zamenga ». « De midi à pratiquement 13 h, je l’avais au téléphone via WhatsApp. Nous avons conclu l’appel avec la promesse qu’il me rappellerait aux environs de 15 h pour m’envoyer certains éléments. J’ai attendu de 15 jusqu’à 16 h, il n’était toujours pas en ligne. Blaise Ndala aussi était dans la même attente… J’ai résolu alors de travailler avec ma cheffe, la déléguée de Wallonie-Bruxelles, Kathryn Brahy, sur l’introduction de l’Anthologie que je devais rapidement envoyer à Bienvenu, il l’attendait impatiemment en sa qualité d’éditeur. Aux alentours de 18 h moins le quart, je rentre à mon bureau pour mettre le texte au propre. Quand les corrections prennent fin, je reçois un appel d’Edimon. Il s’enquiert de ma santé et me demande si je suis au courant de la nouvelle. À ma question de savoir de quoi il parle, il m’annonce : « Ton vieux, le vieux Sene est décédé ! ». Je suis sous le choc depuis hier, jusqu’à ce matin, je ne réalise pas que c’est arrivé ! J’ai du mal à le concevoir, à l’avaler, à réaliser que je n’aurai plus à bénéficier des conseils de Bienvenu », a-t-il conclu des larmes dans la voix.
Avec Adiac-Congo par Nioni Masela
Étiquettes : Éditeur, Belgique, décès, RDC, Sene Mongaba
Votre commentaire