Après le départ fracassant de deux ténors du Cabinet, plus de 25 autres membres du gouvernement ont remis leur démission mercredi.

Le premier ministre britannique Boris Johnson répond à ses détracteurs pendant la période des questions à la Chambre des communes. Photo : La Presse Canadienne/AP/Chambre des Communes
De nouveau en lutte pour sa survie politique, après la démission de plusieurs ministres ébranlés par le plus récent scandale à secouer son gouvernement, le premier ministre britannique Boris Johnson a déclaré sans détour mercredi qu’il entend rester au pouvoir.
Le travail d’un premier ministre dans des circonstances difficiles, quand un mandat colossal lui a été confié, est de continuer, et c’est ce que je vais faire
, a-t-il lancé lors d’une période de questions à la Chambre des communes.
Soulignant la fragilité de l’économie britannique et la guerre en Ukraine, le chef du gouvernement conservateur a également plaidé que c’est exactement le moment dans lequel on attend d’un gouvernement qu’il continue son travail, qu’il n’abandonne pas […] et qu’il se concentre sur ce qui compte pour les citoyens de ce pays
.
Dans un témoignage ultérieur devant un comité parlementaire, M. Johnson a laissé tomber qu’il ne croyait pas que les électeurs britanniques étaient en faveur d’élections anticipées.
Devant le Parlement, le chef de l’opposition travailliste, Keir Starmer, a fustigé un spectacle pathétique
et s’est attaqué à son équipe, qu’il a assimilée à une liste de catégorie Z de chiens obéissants
. Le leader du Parti nationaliste écossais (SNP), Ian Blackford, a exigé la tenue d’élections anticipées.

Un homme installe un chevalet sur lequel on peut lire des cotes pour le maintien au pouvoir de Boris Johnson au cours des prochaines années, et pour les chances de différents conservateurs de lui succéder. Photo: La Presse Canadienne/PA/AP/Stefan Rousseau
Deux députés conservateurs ont ouvertement demandé à Boris Johnson de démissionner lors de la séance, mais la charge la plus sentie est venue de Sajid Javid, dont la démission mardi à titre de ministre de la Santé, présentée en même temps que celle du ministre des Finances, Rishi Sunak, a mis le feu aux poudres.
M. Javid s’est plaint d’avoir été berné lorsque l’entourage du premier ministre lui a dit qu’il n’y avait pas eu de fêtes à la résidence officielle de M. Johnson alors que le public devait s’astreindre à respecter des mesures anti-COVID, ce qui s’est révélé inexact.
L’ex-ministre de la Santé a expliqué avoir voulu donner une dernière chance au premier ministre, avant d’apprendre qu’il avait à nouveau été trompé lorsque M. Johnson a affirmé ne pas avoir été informé d’allégations d’inconduite sexuelle visant Chris Pincher, nommé whip adjoint du gouvernement conservateur en février.
M. Johnson a finalement admis qu’il avait été informé d’anciennes accusations contre lui dès 2019, soit bien avant de le nommer. Il a affirmé qu’il les avait oubliées
et s’est excusé pour cette erreur
. Le controversé whip adjoint a démissionné la semaine dernière après avoir été accusé d’attouchements sur deux hommes.
Assez, c’est assez!
, a-t-il lancé, lors d’une tirade où il fait valoir l’importance de l’intégrité. Le problème commence au sommet, et ça ne changera pas
, a déclaré M. Javid, en invitant ses collègues conservateurs à réfléchir à la situation. Soyons clairs, ne rien faire est une décision
, leur a-t-il lancé.
« Je crains que le bouton de réinitialisation ne puisse fonctionner qu’à un nombre limité d’occasions. Il y a une limite au nombre de fois qu’on peut redémarrer la machine sans réaliser qu’il se passe quelque chose de fondamentalement inacceptable. »— Une citation de Sajid Javid, ex-ministre de la Santé
Sajid Javid, à sa sortie de sa maison de Londres, mercredi, avant la période de questions aux Communes. Photo : Reuters/Maja Smiejkowska
Marcher sur la fine ligne entre la loyauté et l’intégrité est devenu impossible au cours des derniers mois. Et je ne vais jamais risquer de perdre mon intégrité
, a encore dit M. Javid pour justifier sa décision de claquer la porte du gouvernement.
Plus de 25 autres ministres et membres du personnel gouvernemental ont démissionné mercredi en mettant en cause la politique de leur chef, dont Stuart Andrews (Logement), Will Quince (Enfance et Familles), Robin Walker (Écoles), John Glen (Services financiers), Victoria Atkins (Accueil des réfugiés afghans) et Jo Churchill (Agro-Innovation et Adaptation).
M. Andrews a accusé le controversé premier ministre de défendre l’indéfendable
, M. Glen a évoqué son total manque de confiance
envers le premier ministre, et Mme Atkins a fait valoir l’importance des valeurs d’intégrité, de décence, de respect et de professionnalisme
.
Certaines de ces démissions ont été annoncées avant que M. Johnson ne se défende au Parlement, mais plusieurs autres sont survenues après, amplifiant la crise. Cinq secrétaires d’État ont notamment annoncé leur départ dans une lettre conjointe en fin d’après-midi. Nous devons demander que, pour le bien du parti et du pays, vous vous retiriez
, ont-ils écrit dans leur lettre à M. Johnson.
Quelques manifestants ont réclamé la démission du premier ministre Johnson, mercredi, à proximité du parlement britannique. Photo: Reuters/Henry Nicholls
Boris Johnson a rapidement remplacé MM. Sunak et Javid en nommant son ministre de l’Éducation Nadhim Zahawi aux Finances et Steve Barclay, jusque-là chargé de la coordination gouvernementale, à la Santé. Des ministres loyaux lui ont en outre réaffirmé leur soutien, comme Nadine Dorries, responsable de la Culture.
Déjà considérablement affaibli par le scandale des fêtes organisées à Downing Street pendant la pandémie, M. Johnson a survécu il y a quelques semaines à un vote de défiance de son propre camp.
Les règles internes du parti spécifient qu’un autre vote du genre ne peut avoir lieu avant un an, mais des opposants au premier ministre font pression pour qu’elles soient modifiées. Les responsables du Comité 1922
, compétent pour trancher la question, doit se réunir dans l’après-midi.
Outre la situation de M. Pincher, plusieurs autres affaires à caractère sexuel ont éclaté au Parlement britannique ces dernières semaines : un député soupçonné de viol a été arrêté puis libéré sous caution mi-mai, un autre a démissionné en avril pour avoir regardé de la pornographie au Parlement sur son téléphone portable et un ancien député a été condamné en mai à 18 mois de prison pour l’agression sexuelle d’un adolescent de 15 ans.
Le départ de ces deux derniers députés a provoqué des élections législatives partielles et de lourdes défaites pour les conservateurs. Le parti avait en outre encaissé de très mauvais résultats aux élections locales de mai, qui ont soulevé des doutes sur la capacité de M. Johnson à diriger ses troupes.
Selon un sondage Savanta ComRes publié mercredi, 72 % des Britanniques estiment que le premier ministre devrait démissionner.
Radio-Canada par François Messier avec les informations de The Guardian, Reuters et AFP
Étiquettes : boris johnson, Démission, Gouvernement, Ministres
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