Arrêtée pour « port de vêtements inappropriés », la jeune femme est tombée dans le coma et est morte quelques jours plus tard. L’affaire a ému l’ensemble du pays.

Le mouvement de contestation en Iran après la mort de Mahsa Amini vire au chaos. Au moins huit personnes ont été tuées lors de la répression des manifestations qui se multiplient en Iran après la mort d’une jeune femme arrêtée par la police des mœurs, selon un nouveau bilan mercredi 21 septembre. Ces manifestations nocturnes se sont propagées dans la République islamique depuis l’annonce du décès de Mahsa Amini, vendredi, jusqu’à la ville sainte de Qom, cité natale du guide suprême iranien Ali Khamenei, qui s’est exprimé mercredi lors d’un événement à Téhéran sans mentionner de manifestations dans le pays. Elles ont eu lieu dans les rues d’une quinzaine de villes iraniennes situées dans le nord-ouest et le sud du pays, tout comme dans la capitale.
« Malheureusement, deux personnes ont été tuées lors des émeutes d’hier », a déclaré mercredi le procureur de Kermanshah, dans l’ouest du pays, Shahram Karami, cité par l’agence de presse Fars. « Nous sommes sûrs que cela a été fait par des agents contre-révolutionnaires parce que ces personnes ont été ciblées avec des armes non utilisées par les forces de l’ordre iraniennes », a ajouté Shahram Karami. Il a également déclaré que 25 personnes, dont certains membres des forces de police, avaient été blessées lors des manifestations. Un groupe de défense kurde basé en Norvège, Hengaw, a indiqué mercredi que deux autres manifestants avaient été tués en Iran dans la nuit de mardi à mercredi. De leur côté, les autorités iraniennes ont fait état mercredi d’un bilan de six morts depuis le début des manifestations.
Ismail Zarei Koosha, le gouverneur du Kurdistan – la province d’origine d’Amini où les manifestations ont commencé – avait déclaré mardi que trois personnes avaient été tuées lors de manifestations dans la province, sans préciser quand. Des manifestations ont eu lieu dans la nuit de mardi à mercredi dans 15 villes d’Iran, parmi lesquelles la capitale Téhéran et d’autres grandes villes, selon l’agence de presse d’État IRNA. Lors de la cinquième nuit de rassemblements de rue, la police a utilisé des gaz lacrymogènes et procédé à des arrestations pour disperser des foules pouvant atteindre 1 000 personnes, a indiqué l’agence. Les manifestants ont bloqué les rues, lancé des pierres sur les forces de sécurité, incendié des véhicules de police et des poubelles et scandé des slogans antigouvernementaux, a-t-elle ajouté.
Une vague de colère dans tout le pays
En Iran, se couvrir les cheveux est obligatoire en public. La police des mœurs interdit en outre aux femmes de porter des manteaux courts au-dessus du genou, des pantalons serrés et des jeans troués ainsi que des tenues de couleurs vives, entre autres. Mahsa Amini est tombée dans le coma après son arrestation et est décédée le 16 septembre à l’hôpital, selon la télévision d’État et sa famille. Des militants affirment qu’elle a souffert d’une blessure à la tête alors qu’elle était en détention. La police iranienne a rejeté ces accusations et une enquête a été ouverte. Le décès de la jeune femme a suscité une vague de colère en Iran, où des manifestations ont éclaté samedi au Kurdistan, puis à Téhéran et dans d’autres régions d’Iran.
Mardi, le gouverneur du Kurdistan, Ismail Zarei Koosha, cité par l’agence de presse Fars, a fait état de « trois morts » lors des manifestations dans différentes localités de la province, sans préciser de date. Il a qualifié ces morts de « suspectes, faisant partie d’un complot fomenté par l’ennemi ». Il a aussi affirmé que l’une des victimes avait été tuée par un type d’arme non utilisé par les forces iraniennes. Face à la colère provoquée par cette mort, le représentant du guide suprême Ali Khamenei au Kurdistan, Abdolreza Pourzahabi, s’est rendu lundi au domicile familial de Mahsa Amini, selon l’agence Tasnim.
De vives condamnations internationales
Outre la vague de colère déclenchée en Iran, l’annonce du décès de la jeune femme, dont le prénom kurde est Jhina, a suscité de vives condamnations internationales, notamment de l’ONU, des États-Unis et de la France. Réagissant aux condamnations internationales, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanani, a condamné mardi soir ce qu’il a qualifié de « positions interventionnistes étrangères ». D’autres images vidéo montrent des manifestants ripostant aux forces de sécurité en arrachant des bombes lacrymogènes aux forces de l’ordre et en les empêchant de procéder à des arrestations. L’une des principales tendances virales sur les réseaux sociaux est de voir des femmes mettre le feu à leur foulard.
Le ministre iranien des Télécommunications, Issa Zarepour, a évoqué de son côté mercredi la possibilité de restrictions d’accès à Internet dans le pays pendant les manifestations « en raison des problèmes de sécurité », a-t-il dit, cité par l’agence de presse Isna.
Ces manifestations constituent « une secousse très importante » en Iran, « c’est une crise sociétale », a déclaré à l’Agence France-Presse David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Iris, spécialiste de l’Iran. « Il y a une déconnexion entre les autorités bloquées sur leur ADN de la révolution islamique de 1979 et une société de plus en plus sécularisée. C’est tout un projet de société qui est remis en question. Il y a un flottement chez les autorités sur la marche à suivre vis-à-vis de ce mouvement », a expliqué le chercheur.
Macron a « insisté sur le respect des droits des femmes » auprès de Raïssi
L’émissaire a déclaré à la famille que « des mesures seront prises » et que l’ayatollah Khamenei était « peiné » par ce décès. « Comme je l’ai promis à la famille Amini, je suivrai le dossier jusqu’au bout », a-t-il dit. À l’étranger, la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme par intérim, Nada Al-Nashif, a exprimé « son inquiétude face à la mort en détention de Mahsa Amini […] et à la réaction violente des forces de sécurité aux manifestations », et réclamé une enquête « impartiale et indépendante ».
En marge de l’assemblée générale de l’ONU à New York, le président français Emmanuel Macron a déclaré, après un entretien avec le président iranien Ebrahim Raïssi, avoir « insisté sur le respect des droits des femmes » en Iran. Par ailleurs, des dissidents iraniens et d’anciens prisonniers en Iran, dont une universitaire australo-britannique, ont annoncé mardi à New York le dépôt d’une plainte au civil visant Ebrahim Raïssi, attendu mercredi à l’Assemblée générale de l’ONU. Le président iranien est la cible de cette plainte, qui n’avait pas encore été rendue publique mardi soir par le tribunal civil fédéral de Manhattan, pour son rôle de juge en Iran dans les années 1980, lorsque des milliers de personnes y avaient été condamnées à mort, selon l’Union nationale pour la démocratie en Iran (Nufdi).
Par Le Point avec AFP
Étiquettes : IRAN, Mahsa Amini, Manifestations, Morts
septembre 22, 2022 à 4:47 |
L’Iran en colère contre la violation des Droits de l’Homme.