Résistant aux traitements, Candida auris inquiète le monde entier. Il serait favorisé par la crise climatique.

La transmission du champignon entre les patients s’est faite dans une unité de chirurgie de l’Hôpital Pierre-Boucher. Photo: Shutterstock
Une cellule de crise nationale est mobilisée et une enquête est en cours à l’Hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil, où le « champignon tueur » s’est propagé, a appris Radio-Canada. C’est la première fois qu’une éclosion de Candida auris survient au Québec.
La plupart des employés de l’Hôpital ignorent que cet intrus est présent dans leur établissement. Selon une source en santé publique, les autorités ont demandé aux personnes informées de faire preuve de discrétion.
Candida auris s’attaque aux malades hospitalisés, principalement ceux dont le système immunitaire est affaibli ou ceux subissant une chirurgie ou un traitement par intraveineuse. Une personne infectée a 30 à 60 % de risques de mourir.
Chronologie de l’éclosion
Dès le 8 septembre, la présence du champignon mortel a été suspectée sous les aisselles d’un patient de 65 ans, traité pour une pneumonie à Pierre-Boucher. Le cas positif a été officialisé le 15 septembre, par le Laboratoire de santé publique du Québec.
Puis, le 19 septembre, un deuxième cas a été confirmé. Il s’agissait de l’occupant de la même chambre. Celui-ci est décédé le lendemain, aux soins intensifs, d’une autre cause.

L’Hôpital Pierre-Boucher est situé à Longueuil. Photo: Radio-Canada/Martin Thibault
Ce qui préoccupe les autorités de santé, c’est qu’aucun des deux patients ne revenait de l’étranger. Une déclaration d’éclosion a été émise mardi, le 20 septembre, auprès du personnel de santé concerné.
Le CISSS de la Montérégie-Est a informé Radio-Canada que trois autres usagers de l’Hôpital ayant eu des contacts étroits sont sous investigation. Toutefois, selon nos sources, des dizaines de patients auraient été dépistés, sur plusieurs unités, car ils auraient eu un contact direct ou indirect avec les cas positifs.
Ça m’inquiète énormément
, dit un membre du corps médical de l’établissement, informé de la situation, qui n’est pas autorisé à en parler.
« On savait qu’éventuellement le Candida auris allait s’en venir au Québec, c’était une question de temps quand on regarde ce qui se passe aux États-Unis. Je suis juste surpris qu’il soit au Québec aussi rapidement. »— Une citation de Un membre du corps médical informé de la situation à l’Hôpital Pierre-Boucher
La super-levure préoccupe de plus en plus les autorités de santé américaines. Mercredi, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (CDC) ont de nouveau émis un avertissement.
En plus d’être difficile à détecter, Candida auris résiste aux traitements antifongiques. Le problème est devenu endémique aux États-Unis, où de plus en plus de cas sont détectés dans les hôpitaux.

Nombre de cas de Candida auris identifiés aux États-Unis du 1er juin 2021 au 31 mai 2022. Photo: CDC
On peut difficilement se débarrasser du champignon sur les surfaces qu’il occupe, jusqu’à plusieurs semaines. En 2019, à l’hôpital Mont Sinaï de New York, il a fallu retirer et remplacer des sections de murs et du plafond pour parvenir à éradiquer le champignon des parois contaminées.
Un article du New York Times(Nouvelle fenêtre) rapportait que tout était positif au C. auris autour des patients infectés : des téléphones, des portes, des poignées, des matelas, des fenêtres, etc.
Précaution accrue à Pierre-Boucher et dans un autre hôpital
Le CISSS de la Montérégie-Est assure que des mesures de précaution additionnelles ont été mises en place dès le 8 septembre, auprès des cas suspectés et [des] contacts étroits
, qui ont été isolés.
À partir du 15 septembre, quand une éclosion a été suspectée, des mesures ont été ajoutées comme le port de masques, blouses et gants, ainsi que l’utilisation de produits chlorés pour désinfecter les surfaces.
« Depuis le 8 septembre, les équipes de soins concernées ont été tenues au courant des mesures à appliquer. […] Des informations supplémentaires sur le Candida auris ont été transmises au personnel concerné le 13 septembre. »— Une citation de Caroline Doucet, porte-parole du CISSS de la Montérégie-Est
Selon nos sources, l’Hôpital Anna-Laberge de Châteauguay fait aussi l’objet d’une surveillance accrue, car le premier patient positif y a séjourné une journée cet été.

Selon l’INSPQ, le Québec avait connu dans le passé seulement trois cas isolés de Candida auris, tous des patients de retour de l’étranger. Photo: Radio-Canada/Ivanoh Demers
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) est mobilisé dans ce dossier, aux côtés du ministère de la Santé et des Services sociaux. Selon l’INSPQ, le Québec avait connu dans le passé seulement trois cas isolés de Candida auris, tous des patients de retour de l’étranger (Afrique et États-Unis).
C’est donc la première fois que des Québécois sont contaminés sans avoir séjourné à l’extérieur du pays.
Une seule éclosion avait été rapportée au Canada auparavant, pour un total de 37 cas depuis 2012, incluant les derniers en date, à Longueuil. Il s’agit surtout de personnes revenant de voyage de tourisme médical à l’étranger.
Les changements climatiques intensifient Candida auris
Des études ont démontré que le super-champignon s’adapte à des températures plus élevées. Cette tolérance à la chaleur pourrait contribuer à son émergence en tant que maladie fongique chez l’humain.
Des chercheurs des États-Unis et des Pays-Bas soupçonnent que le réchauffement climatique mondial pourrait contribuer à la propagation de cette infection.
Certains scientifiques pensent même que l’expansion de C. auris pourrait être lié à l’utilisation massive de fongicides en agriculture.

Une souche de Candida auris Photo: Reuters
Le champignon indésirable est le parfait exemple d’une des grandes menaces pour l’Humanité listées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : la résistance aux antibiotiques, que ce soit de la part de bactéries, de virus ou de champignons.
Ce problème croissant pourrait causer la mort de 10 millions de personnes dans le monde en 2050, selon une étude(Nouvelle fenêtre) financée par le gouvernement du Royaume-Uni, soit plus que les décès annuels du cancer.
Avec Radio-Canada par Thomas Gerbet
Étiquettes : Éclosion, Champignon mortel, Québec
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