Le chef de la CAQ a toutefois jugé que le ministre sortant de l’Immigration, Jean Boulet, ne pourrait réintégrer son poste après avoir tenu des propos controversés sur les nouveaux arrivants.
François Legault a pris la parole mercredi matin devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Photo : Radio-Canada/Mathieu Potvin
Afin de contrer la tendance du déclin du français dans la province, François Legault estime qu’il faut s’en tenir au seuil d’immigration proposé par son parti, à savoir 50 000 immigrants par an dès 2023. Il serait « un peu suicidaire » d’accepter davantage de nouveaux arrivants, selon le chef caquiste.
Le premier ministre sortant, sous qui le Québec a accueilli plus d’immigrants que jamais, a déclaré mercredi matin devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) que son parti serait plus exigeant
en matière de connaissance du français chez les immigrants. On va essayer d’envoyer un plus grand pourcentage [d’immigrants] dans les régions francophones
, a-t-il assuré.
« Mais tant qu’on n’aura pas stoppé le déclin du français, je pense que pour la nation québécoise qui veut protéger la langue, ce serait un peu suicidaire d’aller augmenter [le seuil]. »— Une citation de François Legault, chef de la Coalition avenir Québec
Questionné en mêlée de presse, le chef caquiste ne s’est pas rétracté, estimant que les Québécois attendent du gouvernement des gestes concrets pour arrêter la tendance du déclin de la langue.
Au terme de sa discussion avec M. Legault, le président de la CCMM, Michel Leblanc, s’est dit en désaccord avec la position du premier ministre sortant. Dans notre esprit, ce n’est pas du tout suicidaire
, a-t-il déclaré aux journalistes.
Boulet disqualifié pour le poste de ministre de l’Immigration
À cette déclaration du chef caquiste s’ajoute celle controversée de son ministre sortant de l’Immigration et du Travail, Jean Boulet, qui a refait surface après avoir été prononcée la semaine dernière lors d’un débat entre les candidats de la circonscription de Trois-Rivières.
M. Boulet y a déclaré que 80 % des immigrants s’en vont à Montréal, ne travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise
.
Mercredi, le candidat caquiste dans Trois-Rivières s’est dit désolé d’avoir mal exprimé [sa] pensée
, jugeant que sa déclaration aurait dû être comprise en deux temps. D’une part, 80 % des immigrants s’en vont à Montréal
. D’autre part, [il y en a qui ne] travaillent pas, [ne] parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise
.
François Legault a pour sa part « regretté » les propos « inacceptables » de M. Boulet, assurant qu’ils ne reflétaient pas le fond de sa pensée.
Le député sortant peut toutefois faire une croix sur le ministère de l’Immigration. En entrevue à Midi info, François Legault a estimé qu’il s’agissait d’une question de perception, d’image, de confiance
. Malheureusement, je ne pense pas
qu’il peut aspirer à retrouver son poste après cette déclaration, a-t-il expliqué.
Des propos irresponsables
condamnés par les chefs
Le suicide, c’est se donner la mort. François Legault croit qu’accueillir plus d’immigrants, c’est la mort de la nation québécoise
, a réagi le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, dont le parti propose d’augmenter les seuils de 60 000 à 80 000 personnes par an.
Si la CAQ souhaitait vraiment encourager la francisation au Québec, a-t-il plaidé, elle aurait ajouté des sommes à cet égard dans son cadre financier. Les propos tenus par son chef sont « blessants, grossiers et irresponsables ».
Même son de cloche du côté du Parti québécois, où le chef Paul St-Pierre Plamondon a dit qu’il était de plus en plus difficile de croire que les déclarations de la CAQ soient chaque fois […] des accidents
.
Les caquistes cherchent, selon lui, à « mettre sous le tapis » le fait qu’accueillir 50 000 immigrants par année était propice au déclin du français. C’est une façon d’essayer de faire oublier la pauvreté de leur programme, la pauvreté de leur bilan et ce qu’ils ont à proposer en matière de langue française. Je trouve ça très irresponsable
, a-t-il lancé.
Sa formation, qui fait de la défense du français son cheval de bataille, entend pour sa part abaisser les seuils d’immigration à 35 000 par année.
Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, a pour sa part rappelé que M. Legault n’en était pas à son premier faux pas en la matière : au cours de la campagne, il avait dû s’excuser pour des propos qui établissaient un lien entre l’immigration et la violence.
Sous son gouvernement, le Québec a accueilli 70 000 immigrants en un an, a-t-il poursuivi. Était-ce un suicide pour la CAQ? Je ne pense pas. J’ignorais qu’il jugerait son propre mandat si sévèrement
, a déclaré M. Duhaime, qui s’oppose à une augmentation des seuils.
Se disant « en désaccord profond » avec la vision caquiste, la cheffe du Parti libéral du Québec Dominique Anglade, qui plaide pour une augmentation des seuils à 70 000 personnes par an, a jugé que François Legault avait fait preuve d’un « manque flagrant d’empathie ».
Alors que l’histoire tragique de la jeune Amélie Champagne, qui s’est enlevé la vie après avoir été hospitalisée, a défrayé les manchettes cette semaine, le mot est « particulièrement mal choisi », a-t-elle accusé.
Radio-Canada par Valérie Boisclair avec la collaboration de Jérôme Labbé
Étiquettes : Accueil, CANADA, François Legault, immigrants, Jean Boulet, Québec
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