Canada-Ottawa/Convoi des camionneurs : « Il faisait trop froid, et c’était trop »

L’ex-chef de la police d’Ottawa, Peter Sloly, craque en plein interrogatoire devant la commission Rouleau.

Peter Sloly séchant ses larmes à la barre des témoins.

Sous le coup de l’émotion, l’ex-chef Peter Sloly a déclaré que les officiers du SPO « ont fait de leur mieux » pendant l’occupation du centre-ville d’Ottawa, l’hiver dernier, ajoutant qu’il était reconnaissant pour leur travail. Photo: Radio-Canada/Sean Kilpatrick

Même si le Service de police d’Ottawa (SPO) avait pris en considération tous les indices laissant entendre que la manifestation des camionneurs avait le potentiel de dégénérer et de se transformer en occupation prolongée, il aurait été incapable de l’empêcher par manque de ressources, estime son ancien chef, Peter Sloly.

Pour verrouiller la ville, fermer les bretelles d’autoroutes et bloquer les ponts interprovinciaux, le SPO aurait eu besoin d’au moins 2000 agents supplémentaires, a précisé M. Sloly vendredi matin devant la Commission d’enquête sur l’état d’urgence.

Il faisait trop froid, et c’était trop, a-t-il déclaré, ému, après avoir interrompu son témoignage pendant quelques secondes, le temps de reprendre ses esprits.

Dans le contexte, ses policiers ont fait de leur mieux, a insisté M. Sloly, déplorant du même souffle que l’opinion publique se soit rapidement retournée contre le SPO dans les jours ayant suivi le début de l’occupation du centre-ville d’Ottawa.

L’ex-chef de police, qui avait vite déclaré qu’il n’y aurait probablement pas de solution policière à la crise, a cependant convenu avoir contribué à l’impression que son service avait capitulé. Ça a pu donner l’impression qu’on avait baissé les bras, je ne remets pas cela en doute, a-t-il reconnu.

Avec le recul, M. Sloly – qui a quitté ses fonctions le 15 février, soit au lendemain de l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence – juge que les autorités fédérales auraient dû s’impliquer davantage dans la planification de la manifestation.

Les rapports sur la gestion de la menace à laquelle nous faisions face venaient de la Police provinciale de l’Ontario, a-t-il expliqué. À ce jour, j’ai encore une question : « Pourquoi n’ai-je pas reçu de telles informations, de la qualité de celles que je recevais de la PPO, mais de nos partenaires fédéraux, et ce, sur une base régulière? »

Dès le départ, il s’agissait, dit-il, d’un événement d’envergure nationale, puisque les camions arrivaient tout autant de l’Ouest canadien que du sud de l’Ontario, du Québec et des Maritimes.

Des agents entourés de manifestants bien emmaillotés.

Les policiers d’Ottawa, a souligné M. Sloly vendredi, ont travaillé dans des conditions particulièrement difficiles, l’hiver dernier, pendant l’occupation du centre-ville d’Ottawa. Photo : Radio-Canada/Ivanoh Demers

Le gouvernement Trudeau a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence le 14 février 2022 pour mettre fin à un rassemblement réunissant des camionneurs et d’autres manifestants opposés aux mesures sanitaires liées à la COVID-19, qui ont paralysé le centre-ville d’Ottawa du samedi 29 janvier au dimanche 20 février.

Cette loi – adoptée en 1988 pour succéder à la Loi sur les mesures de guerre – prévoit notamment qu’une enquête publique doit a fortiori se pencher sur les circonstances ayant mené les autorités à prendre une telle décision.

L’ex-chef Sloly, qui a été remplacé de façon intérimaire par Steven (Steve) Bell, devrait témoigner toute la journée et revenir à la barre lundi pour les contre-interrogatoires.

Sa comparution a été jusqu’ici l’occasion de souligner une fois de plus la confusion qui régnait à l’époque dans la structure de commandement du SPO et sur le manque de coordination entre l’équipe de liaison avec les manifestants et celle du maintien de l’ordre public.

Elle intervient après deux semaines d’audiences presque entièrement consacrées aux points de vue policiers sur la crise. Des organisateurs du convoi seront entendus après lui.

Le fil des événements de plus en plus clair

Les témoignages recueillis par la Commission jusqu’à maintenant ont notamment permis de comprendre que le service de police municipal n’a pas tenu compte des alertes lancées par les hôteliers et le service du renseignement de la PPO laissant entendre que le convoi pourrait rester à Ottawa plus longtemps que prévu.

Le SPO a effectivement erré dans sa lecture des événements, a reconnu la semaine dernière sa cheffe adjointe par intérim, Patricia (Trish) Ferguson, et les policiers ont été pris de court lorsque les camionneurs ont cessé de collaborer avec eux, a raconté lundi Steven Bell.

Résultat : la police locale a rapidement perdu la confiance du gouvernement Trudeau. Pour sortir de la crise, le fédéral a songé à rencontrer les organisateurs du convoi, mais cette rencontre n’a jamais eu lieu. La Loi sur les mesures d’urgence a finalement été invoquée le 14 février.

Des témoins, comme le chef surintendant à la retraite Carson Pardy, de la PPO, ont toutefois déclaré à la Commission qu’ils auraient pu s’en passer. Le convoi, qui a été démantelé à partir du 18 février, l’aurait été de toute façon, a renchéri un autre officier de la police provinciale, jeudi.

Encore quatre semaines d’audiences

Outre des policiers, la Commission présidée par le juge Paul Rouleau a entendu depuis le début des audiences, le 13 octobre, des résidents, des commerçants et des élus locaux, comme l’ex-maire Jim Watson.

Les travaux de la Commission se sont jusqu’ici déroulés uniquement en anglais, ce qui a mené dès le 14 octobre à un échange tendu entre l’ancien conseiller municipal Mathieu Fleury et l’un des avocats du convoi, Me Brendan M. Miller.

D’ici le 25 novembre, 68 témoins auront comparu. Justin Trudeau figure dans le lot, de même que sept ministres, dont Marco Mendicino (Sécurité publique), qui a réitéré en Chambre vendredi que le recours aux mesures d’urgence avait été une décision de dernier recours pour régler une situation sans précédent.

M. Mendicino debout en Chambre.

L’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence était « nécessaire », a une nouvelle fois plaidé Marco Mendicino, vendredi, aux Communes. Photo : La Presse Canadienne/Adrian Wyld

Des représentants du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) seront également appelés à comparaître, tout comme la commissaire de la GRC Brenda Lucki, qui croyait le 14 février que les autorités n’avaient pas encore épuisé tous les moyens à leur disposition pour déloger les manifestants.

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, et l’ex-solliciteure générale de la province Sylvia Jones ont reçu une citation à comparaître, mais ils s’y opposent pour toutes sortes de raisons, faisant notamment valoir qu’il s’agit, selon eux, d’une affaire exclusivement fédérale.

M. Ford et Mme Jones ont aussi rejeté cette semaine une assignation à comparaître devant les élus fédéraux du comité d’examen parlementaire sur l’état d’urgence, créé dans la foulée de l’invocation des mesures d’urgence fédérales. C’est ce que montre une lettre de l’avocat général du Bureau du conseil des ministres de l’Ontario, Don Fawcett, adressée le 27 octobre au comité en question pour décliner l’invitation à témoigner.

Avec Radio-Canada

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Une Réponse to “Canada-Ottawa/Convoi des camionneurs : « Il faisait trop froid, et c’était trop »”

  1. Bouesso Says:

    Une affaire peu honorable !

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