Canada: De nombreuses personnalités réclament le changement du nom de l’Université de Moncton

Plus de 850 personnes ont signé cette pétition qui demande le changement de nom de l’Université de Moncton, dont Antonine Maillet, Édith Butler et les maires de Caraquet et Tracadie, Bernard Thériault et Denis Losier.

L'entrée du campus de Moncton de l'U de M avec des drapeaux.

Plus de 850 personnalités ont signé une pétition qui demande le changement le nom de l’Université de Moncton. Photo : Radio-Canada/Guy Leblanc

Le recteur de l’Université de Moncton affirmait la semaine dernière qu’il ne constatait pas de « consensus » au sujet d’un éventuel changement au nom du plus important établissement d’enseignement supérieur francophone du Nouveau-Brunswick.

La communauté a répondu à cet appel à la mobilisation en lui faisant parvenir une pétition signée par 860 personnes appuyant le renommage de l’Université de Moncton.

Le débat sur le nom de l’université revient de façon cyclique. Le mois dernier, Jean-Marie Nadeau, militant acadien de longue date, l’a relancé dans un essai publié par Le Moniteur acadien(Nouvelle fenêtre). Il estime qu’il est aberrant que l’une des institutions phares de l’Acadie porte le nom de Robert Monckton.

Copie en noir et blanc d'un portrait peint au 18e siècle d'un administrateur colonial britannique en uniforme, assis et avec la main droite rentrée entre les boutons de sa chemise, sur son ventre.

Un portrait de Robert Monckton (1726-1782) peint par Thomas Hudson. Photo: Bibliothèque et Archives Canada, Droits d’Auteurs Périmés

La ville de Moncton a hérité son nom de Robert Monckton (1726-1782), administrateur colonial et colonel de l’armée britannique qui a joué un rôle actif dans l’emprisonnement et la déportation de milliers d’Acadiens.

J’aime définir l’Acadie de manière positive et quand on traîne le nom de Monckton dans le nom de notre université acadienne au Nouveau-Brunswick, quant à moi c’est perpétuer l’aplaventrisme, l’horreur, l’inacceptable, déclarait Jean-Marie Nadeau lors d’une entrevue avec Radio-Canada Acadie le 9 février.

Longue liste de personnalités

La missive qui vient d’être envoyée aux dirigeants de l’Université de Moncton est accompagnée d’une pétition de quelque 860 noms. Ce sont des personnalités provenant de diverses sphères d’activités, dont le milieu de l’enseignement, de la politique, de la culture et des affaires.

On y lit entre autres les noms de députés actuels du Nouveau-Brunswick, comme Francine Landry, Isabelle Thériault, Kevin Arseneau et Robert Gauvin; des députés fédéraux Serge Cormier et René Arseneault; ceux des anciens ministres Bernard Richard, Bernard Thériault, Jean-Paul Savoie et Wilfred Roussel. Le chef de Pabineau, Terry Richardson, et les maires Jean-Pierre Ouellette, de Haut-Madawaska, et Denis Losier, de Tracadie, l’ont également signée.

Bernard Richard assis pour une discussion.

L’ancien ministre et ombudsman du Nouveau-Brunswick Bernard Richard est un signataire de la pétition. Photo : Radio-Canada

Bernard Richard, qui est aussi ancien ombudsman du Nouveau-Brunswick, estime que le contexte actuel est propice pour changer le nom de l’Université de Moncton.

Pour moi, ce serait un geste d’affirmation de fierté, de libération en quelque sorte aussi, et ça arrive dans un contexte nord-américain de rejet de personnalités qui ont joué des rôles plus ou moins racistes, violents, dans l’histoire de notre région. Puis, pour moi, c’est plutôt l’aspect positif, moins pour rejeter l’histoire, on ne peut pas changer l’histoire, mais on peut s’affirmer et regarder vers l’avenir, explique Bernard Richard au cours d’une entrevue accordée lundi à l’émission La matinale, d’ICI Acadie.

« Je pense que c’est le temps pour nous de se définir autrement, plus positivement. »— Une citation de  Bernard Richard, ancien ministre, ancien ombudsman du Nouveau-Brunswick et signataire de la pétition

Bernard Richard ne propose pas lui-même un nom de rechange. Il dit qu’il faudrait tout d’abord que le conseil de l’Université accepte l’idée de changer le nom et qu’elle lance un processus de consultation publique pour en trouver un autre.

Pour le moment, M. Richard se réjouit de voir que cette pétition est une démarche citoyenne. Ça m’encourage. […] Je pense que ça veut dire que l’idée, justement, a fait son chemin, que le temps est arrivé, que c’est le bon moment, dit-il.

Il faudrait modifier une loi pour changer le nom

En entrevue à Radio-Canada vendredi, le recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton a expliqué qu’un changement de nom, si l’institution voulait aller de l’avant, se déciderait ultimement à Fredericton.

Denis Prud’homme, vêtu d'un complet et debout près d'un bureau de travail, pose pour une photo.

Denis Prud’homme, recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton, dans les studios de Radio-Canada à Moncton, vendredi dernier. Photo : Radio-Canada/Nicolas Steinbach

Il existe une Loi sur l’Université de Moncton(Nouvelle fenêtre), a expliqué Denis Prud’homme. Et la loi de l’Université a prescrit le nom. Si on veut changer le nom de l’Université, on va devoir rouvrir la loi, pour demander une modification et à ce moment-là, ça devra aller à la Chambre pour approbation.

Parmi quelques autres signataires connus de la pétition en faveur du changement de nom, on relève les noms d’Antonine Maillet, d’Édith Butler, de Zachary Richard, d’Armand Caron, qui est l’ancien vice-recteur de l’Université de Moncton, campus de Shippagan, de l’avocat spécialisé en droits linguistiques Michel Doucet, de la militante Huberte Gautreau, de Warren Perrin, avocat et militant acadien de Louisiane, du musicien Calixte Duguay, des cinéastes Renée Blanchar, Phil Comeau et Denise Bouchard, de Jacques Verge, secrétaire d’Égalité santé en français, et de Jean-Claude Basque, cofondateur du Front commun pour la justice sociale du Nouveau-Brunswick.

Enseigne et bâtiments du campus de Shippagan de l'Université de Moncton le 8 juin 2019.

Le campus de l’Université de Moncton à Shippagan, au printemps 2019 Photo : Radio-Canada/Wildinette Paul

Jean-Bernard Robichaud, qui fut recteur de 1990 à 2000, mentionnait lors d’une entrevue à Radio-Canada en février que l’idée d’un possible renommage avait été portée à l’attention du conseil des gouverneurs de l’Université au cours de son premier mandat, mais s’était heurtée à une fin de non-recevoir.

M. Robichaud est, avec M. Nadeau, cosignataire de la lettre envoyée aux dirigeants de l’université.

Le nom de l’oppresseur

Dans leur lettre, MM. Nadeau et Robichaud demandent : Pourquoi les autorités de notre Université refusent-elles à répétition le changement de nom? […] Serait-ce que nous doutons de notre légitimité comme université du peuple acadien? Avons-nous honte d’affirmer à la face du monde qui nous sommes? Agissons-nous comme des colonisés?

Historiquement, nos institutions adoptaient le nom d’un saint patron, pour signifier de qui on revendiquait la protection. Avons-nous troqué le nom d’un saint patron pour celui de notre oppresseur? ajoutent-ils en faisant référence à Robert Monckton.

La lettre est adressée à Denis Prud’homme, le recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton, qui préside aussi le sénat académique; à la chancelière Louise Imbeault; et à Denis Mallet, président du conseil de l’Université. Mme Imbeault a été auparavant présidente de la Société nationale de l’Acadie (SNA), de 2017 à 2021.

Nous, on est là pour écouter

La semaine dernière, devant le comité spécial sur les universités publiques, à Fredericton, Denis Prud’homme se disait prêt à écouter les arguments au sujet d’un renommage si une masse critique se manifestait.

On voit qu’il n’y a pas nécessairement un consensus, a-t-il ajouté vendredi dernier lors d’une entrevue à Radio-Canada, tant au niveau de la communauté universitaire que de la communauté civile.

Il disait néanmoins que la question serait examinée par les hautes instances universitaires si on leur démontrait qu’une telle volonté existait au sein du public. Nous, on est là pour écouter, a dit M. Prud’homme.

Jean-Marie Nadeau ne suggère pas officiellement de nouveau nom pour l’Université de Moncton. Le mois dernier, il disait préférer Université de l’Acadie, plutôt que le nom d’une personnalité.

Radio-Canada avec des renseignements de Nicolas Steinbach, Frédéric Cammarano et Michel Corriveau

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