D’origine libanaise, Hala Salamé est revenue sur son adolescence, quand elle a décidé de changer son prénom pour éviter les moqueries. En cachette de son père.
Un prénom longtemps vécu comme une souffrance… Dans une interview accordée à Konbini, Léa Salamé a expliqué pourquoi elle avait fini par changer son prénom, qui lui attirait remarques et moqueries au collège. D’origine libanaise par son père et arménienne par sa mère, elle a quitté le Liban, déchiré par la guerre civile, au début des années 1980 pour trouver refuge en France. Et elle a commencé sa scolarité avec le regard hostile ou moqueur des autres élèves, notamment en raison de son premier prénom de l’époque, Hala, mis devant Léa.
« Hala, en français, on ne prononce pas le H et quand j’étais petite, à l’école, on se moquait de moi, on se moquait de mon prénom, on me disait “Allah akbar, tes parents t’ont appelé Dieu”, “Allah est grand”, etc., se souvient-elle sur le média en ligne. Ça me heurtait énormément parce que je voulais leur dire que mon prénom voulait dire bienvenue en libanais, un prénom là-bas usuel, très fréquent… c’était une souffrance. » Quand elle passe du collège au lycée, vers 14 ans, la jeune fille demande alors à sa mère d’inverser ses deux prénoms : « Je vais basculer à Léa, tu vas inscrire à l’école Léa, Hala », lui dit-elle. Mais elle le cache à son père, pour ne pas lui faire de peine. « J’ai mis du temps à le dire à mon père. Parce que j’avais peur qu’il dise que je n’assumais pas mon origine ou mon arabité. Et au fond, je ne l’assumais pas à cet âge-là… »
Avoir les yeux bleus
Elle se souvient surtout qu’elle voulait se fondre dans la masse des élèves, avoir la paix et ne pas devenir la cible d’un harcèlement quelconque. « Je voulais être comme tout le monde, poursuit-elle. Je voulais avoir une mère de la Creuse et un père de Bretagne. Je voulais en plus avoir les yeux bleus. Et je me disais, on est différent, mon père a un accent, ma mère aussi… J’ai mis du temps à accepter ma différence, à comprendre que cette différence allait être ma force, parce que clairement, mes origines libanaises et arméniennes, c’est ça aujourd’hui ma force. C’est ça qui fait que j’ai été repérée plus tard et que j’ai fait cette carrière. »
Au lycée, Léa Salamé – qui est de confession chrétienne – dit ne pas avoir souffert de racisme, mais des remarques ici et là lui faisaient sentir une nouvelle fois sa différence. Elle se souvient notamment qu’on lui reprochait d’être trop « orientale ». Alors que son père faisait tout pour arrondir les angles et éviter tout esclandre, sa mère, en revanche, n’a pas hésité à répliquer et défendre sa fille quand elle a entendu ce genre de remarques. « Un jour, ma mère leur a dit : “Oui, ma fille est orientale, elle est fière de l’être et on est fiers d’être orientaux !” Et j’avais trouvé ça bien. »
Il y a deux ans, la journaliste n’avait pas hésité à moucher Éric Zemmour, qui l’avait prise en exemple pour appuyer sa volonté de voir imposer un premier prénom français aux jeunes enfants issus de l’immigration, afin de faciliter leur intégration. Un sujet qui suscite régulièrement une vive polémique en France… Invité sur l’antenne de France Inter, le candidat à la présidentielle avait défendu son projet face à Nicolas Demorand et Léa Salamé, présents dans le studio. « Demandez à Léa ce qu’elle en pense », lançait Zemmour, avec enthousiasme, alors qu’il revenait sur le sujet. « J’ai gardé mon prénom libanais, répliquait vertement la journaliste. Je garde mes deux prénoms, Éric Zemmour. » Histoire de bien lui signifier qu’elle restait fière de ses racines.
Avec Le Point par Marc Fourny