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Les Jésuites du Canada révèlent les noms de 27 prêtres accusés d’abus sexuels

mars 13, 2023
Le père Erik Oland dirige l'ordre des Jésuites au Canada.

Le père Erik Oland dirige l’ordre des Jésuites au Canada. Photo : Radio-Canada/Ivanoh Demers

Les Jésuites du Canada ont publié lundi une liste de 27 prêtres qui, selon eux, ont été « accusés de manière crédible » d’avoir abusé sexuellement des mineurs au cours des six dernières décennies.

Avertissement : les passages qui suivent pourraient troubler certains lecteurs.

Au cours des trois dernières décennies ou plus, des révélations d’abus graves commis par des membres du clergé remontant à plusieurs générations ont été mises en lumière, et l’Église a été lente à réagir, a déclaré le père Erik Oland, Supérieur provincial des Jésuites du Canada, dans une lettre aux fidèles affichée sur le site Web des Jésuites du Canada.

En rencontrant les victimes, en écoutant leurs récits et en lisant les rapports sur leurs expériences, nous avons ressenti de la honte et sommes devenus conscients que la seule voie à suivre est celle de la vérité, de la guérison et de la réconciliation.

En décembre 2019, l’ordre religieux a annoncé qu’il publierait les noms après un audit complet de 60 ans de fichiers avec l’aide de King International Advisory Group, une organisation indépendante d’évaluation des risques.

L’ordre religieux de l’Église catholique avait initialement prévu de publier la liste avant janvier 2021. Dans sa lettre lundi, M. Oland a attribué le retard à un ralentissement lié à la pandémie de COVID-19.

Radio-Canada n’a pas vérifié de manière indépendante les allégations contre les 27 hommes sur la liste(Nouvelle fenêtre). La majorité d’entre eux sont morts.

La grande majorité des cas ont fait surface après la mort de l’auteur présumé, selon la déclaration d’Erik Oland. Il a également noté que certaines des affaires n’ont jamais été menées devant la justice pénale ou civile.

Tout le monde ne considérera pas la publication de la liste comme une mesure positive, poursuit le communiqué.

Nous sommes conscients que le fait de voir le nom d’un agresseur imprimé peut rouvrir de vieilles blessures. Néanmoins, nous publions cette liste en partie à la demande des victimes et des groupes de défense des victimes afin de favoriser la guérison, de reconnaître la gravité de leur traumatisme et de leur souffrance, de valider leur expérience et de promouvoir la justice et la transparence.

L’ordre des Jésuites du Canada revendique près de 250 membres au Canada.

M. Oland encourage toute personne ayant subi des abus sexuels de la part d’un Jésuite de contacter le 911, l’agence de protection de l’enfance locale ainsi que l’ordre religieux.

Avec Radio-Canada

Abus sexuels : le Vatican ouvre une enquête sur le cardinal Ricard

novembre 11, 2022

Le Vatican annonce lancer une enquête préliminaire sur le cardinal français Jean-Pierre Ricard, qui a avoué des faits d’abus sexuels datant d’il y a 35 ans.

Le cardinal francais Jean-Pierre Ricard va faire l'objet d'une enquete preliminaire de la part du Vatican.
Le cardinal français Jean-Pierre Ricard va faire l’objet d’une enquête préliminaire de la part du Vatican.© ANDREAS SOLARO / AFP

« Suite aux éléments qui sont apparus ces derniers jours et suite à la déclaration du cardinal Jean-Pierre Ricard, afin de compléter l’examen de ce qui s’est passé, il a été décidé d’ouvrir une investigatio praevia (enquête préliminaire) », a déclaré le directeur du service de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni. « On est actuellement en train d’évaluer la personne la plus apte à la mener, avec l’autonomie, l’impartialité et l’expérience nécessaires, compte tenu également du fait que les autorités judiciaires françaises ont ouvert un dossier sur cette affaire », a-t-il ajouté.

Mardi, le parquet de Marseille avait annoncé avoir ouvert une enquête préliminaire après les aveux de l’ex-archevêque de Bordeaux, en retraite depuis 2019 dans les Alpes-de-Haute-Provence (sud-est de la France), qui ont provoqué un nouveau séisme dans l’Église.

« Il y a 35 ans, alors que j’étais curé, je me suis conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans. Mon comportement a nécessairement causé chez cette personne des conséquences graves et durables », a écrit le cardinal, aujourd’hui âgé de 78 ans, sans donner plus de détails sur les faits dont il s’incrimine alors qu’il était en poste à Marseille.

Ces déclarations sont intervenues au lendemain de l’annonce surprise par l’épiscopat français que 11 évêques ou anciens évêques avaient eu affaire à la justice civile ou la justice de l’Église pour des « abus » sexuels ou leur « non-dénonciation ».

Mgr Ricard, qui dispose du droit de vote en cas de conclave, est membre du puissant dicastère – équivalent d’un ministère dans le gouvernement du Saint-Siège – pour la doctrine de la foi, chargé notamment des cas de violences sexuelles sur mineurs.

Un procès canonique n’est généralement ouvert qu’une fois le dossier clos par les autorités judiciaires dans le pays concerné. À l’issue du procès civil, l’Église peut demander la documentation aux autorités judiciaires afin de l’intégrer dans sa propre évaluation.

Par Le Point avec AFP

Canada-Québec: Un signalement d’abus sexuel sur un enfant en garderie toutes les deux semaines

octobre 2, 2022
Des enfants jouent avec des blocs en mousse.

65 % des personnes visées par un signalement d’abus sexuel travaillent dans une garderie familiale. Photo : Istock

Un nouveau cas toutes les deux semaines. Au Québec, telle est la fréquence des signalements d’abus sexuels commis contre des enfants confiés aux services de garde, selon des documents obtenus par La Presse canadienne auprès du ministère de la Famille.

Depuis une dizaine d’années, on peut donc affirmer que près de 300 enfants sans défense âgés de zéro à cinq ans ont fait l’objet d’un signalement ou d’une plainte de nature sexuelle dans un service de garde du Québec, selon les données recueillies. Et y ont peut-être subi des sévices.

Derrière ces chiffres, il y a des enfants vulnérables qui ont pu passer à travers les mailles du filet de sécurité prévu pour les protéger, particulièrement en milieu familial, là où surviennent la majorité des signalements.

Le phénomène semble stable, ni en hausse ni en baisse, avec en moyenne près d’une trentaine de cas par année.

Plusieurs questions restent sans réponses : quelles ont été les suites données à tous ces signalements? Quel pourcentage d’entre eux était fondé? Combien de responsables de services de garde (RSG) ont perdu leur emploi et se sont retrouvés derrière les barreaux? Combien de garderies ont dû fermer leurs portes, en raison d’agressions sexuelles survenues en leurs murs?

Absence de statistiques officielles

Personne au gouvernement n’a jugé bon de colliger l’ensemble des informations, du dépôt du signalement à la fermeture du dossier. Tous les acteurs impliqués, et ils sont nombreux, fonctionnent en silos, entourant chaque cas signalé de la plus étanche confidentialité.

Le Ministère [de la Famille] ne détient pas d’information relative au statut des plaintes et des signalements, a indiqué la personne responsable de l’accès à l’information à ce ministère, en guise de réponses à ces interrogations.

Après avoir étudié la question en 2017, le ministère de la Santé, de qui relève la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), a conclu en l’impossibilité d’apparier les données, a indiqué le ministère de la Santé dans un échange de courriels.

Personne au gouvernement n’a voulu commenter le sujet. Le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, a refusé une demande d’entrevue. Le ministre responsable de la DPJ, Lionel Carmant, a décliné lui aussi, tout comme la directrice nationale de la protection de la jeunesse, Catherine Lemay.

Du total des personnes visées par un signalement, deux sur trois (65 %) travaillaient dans une garderie familiale. Il s’agit souvent du conjoint de la responsable, ou encore d’un de ses enfants, adolescent ou jeune adulte.

Les dirigeants de ces garderies ne sont pas au-dessus de tout soupçon : durant la décennie, on a répertorié 15 RSG et 6 gestionnaires de permis associés à des signalements d’abus sexuel. Dans les autres cas, ce sont des membres du personnel (éducateur, concierge, cuisinier, etc.).

La nature des gestes reprochés n’est pas documentée. Il faut se contenter de comptes rendus de procès ou des jugements du tribunal administratif du Québec (TAQ), en cas de contestation d’une fermeture, par exemple.

On pourrait multiplier les exemples survenus ces dernières années, plus sordides les uns que les autres, comme cette fillette qui a confié à ses parents qu’un monsieur de la garderie lui avait demandé de lécher le doigt entre ses jambes ou le cas de cet éducateur surpris en train de profiter de la sieste des enfants l’après-midi pour agresser deux fillettes.

Géométrie variable

Dès qu’un signalement est effectué, une mécanique se met en branle. Tous les acteurs impliqués (Bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial, DPJ, police, etc.) doivent appliquer l’entente multisectorielle gouvernementale, un document qui décrit la procédure d’intervention et les obligations de chacun.

Or, le problème est que cette entente est appliquée à géométrie variable, déplore la directrice générale de l’Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE), Geneviève Bélisle, l’organisme qui chapeaute et encadre les bureaux coordonnateurs.

Le partage d’informations entre les différents intervenants, qui est encouragé, mais pas obligatoire, est aussi à géométrie variable, surtout si le signalement n’est pas retenu, ajoute Mme Bélisle. Il en résulte un flou dans l’application du protocole.

Le rapport Laurent, rédigé à la suite du décès tragique de la fillette martyre de Granby en 2019, avait noté la communication déficiente entre les partenaires chargés d’appliquer l’entente, un objectif qualifié de difficile.

Mme Bélisle insiste par ailleurs en entrevue sur l’importance de mieux former les RSG pour leur rappeler périodiquement leurs obligations en cas de signalement, selon elle une lacune importante. On peut faire vraiment mieux et vraiment plus, assure-t-elle, plaidant pour une formation annuelle obligatoire.

Un encadrement plus serré pourrait aussi s’avérer utile. Les bureaux coordonnateurs ne rendent visite aux garderies familiales que trois fois par année.

Dans son langage fleuri, le ministère de la Santé se montre rassurant : Le suivi de l’application de l’entente multisectorielle prévoit des mécanismes de suivi, tant sur le plan national et sur le plan régional, afin d’escalader et traiter avec les partenaires des défis et des besoins.

Mme Bélisle estime que le filet de sécurité s’est fragilisé avec la loi 15 parrainée par le ministre Carmant. Elle cite en exemple le fait qu’auparavant une personne voulant devenir RSG devait fournir un certificat attestant de sa santé physique et mentale. Ce n’est plus le cas. L’échéance pour renouveler les permis est passée de trois à cinq ans.

Pénuries de personnel et de places en garderie

La situation dans les garderies familiales pose le problème du recrutement par l’État des responsables de ces services et des critères retenus pour s’assurer qu’ils ne présentent pas un risque pour la santé ou la sécurité des enfants.

Le recrutement est en soi un problème de taille, en cette ère de pénurie de main-d’œuvre, ce qui pourrait inciter le gouvernement à baisser les critères pour fournir des places aux parents. On estime qu’il y a actuellement 23 000 places disponibles pour des enfants en milieu familial et laissées vacantes parce qu’on ne trouve pas de responsable.

Particulièrement dans le milieu des garderies non régies, certains font pression sur le gouvernement pour qu’il assouplisse les règles.

Les personnes intéressées à ouvrir une garderie familiale doivent faire la preuve qu’il n’y a aucun empêchement les rendant inaptes à s’occuper de jeunes enfants. L’attestation d’absence d’empêchement est délivrée par un corps de police, pour la personne responsable, celles qui résident à la même adresse et ses employés.

Sauf que la personne ayant un empêchement peut contester la décision. Depuis 2018, le ministère a reçu 540 demandes de révision et la grande majorité des gens, soit 380 (70 %), ont eu gain de cause.

Un empêchement peut être un acte criminel ou pénal, mais pas nécessairement un crime majeur ou à caractère sexuel, précise le ministère dans un échange de courriels.

Il peut s’agir d’une erreur de jeunesse (ex. : vol de voiture à 18 ans), d’un manque de jugement (ex. : conduite avec les facultés affaiblies) ou encore d’un moment plus difficile dans une vie (ex. : vol à l’étalage), explique le ministère de la Famille pour justifier la décision dans plusieurs cas de passer l’éponge sur les empêchements identifiés.

Au sujet de la forme actuelle de recherche d’empêchement, nous considérons la procédure adéquate, a indiqué le ministère de la Santé.

Radio-Canada avec La Presse canadienne

Canada: Le pape demande pardon aux victimes d’abus sexuels de l’Église

juillet 28, 2022
Assis sur son siège, devant l'autel, le pape François écoute les mots de bienvenue de Mgr Raymond Poisson.

Le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, Mgr Raymond Poisson (à gauche), a accueilli le pape avec des mots de bienvenue à l’intérieur de la basilique-cathédrale de Notre-Dame-de-Québec. Photo : Radio-Canada

Le pape François a demandé pardon jeudi à toutes les victimes d’abus sexuels commis par des membres de l’Église catholique au Canada. Il a également invité le clergé canadien à se montrer humble et crédible dans le processus de réconciliation avec les Autochtones en rejetant notamment tout sentiment de supériorité ou de malveillance à leur égard.

Devant des membres du clergé canadien et des agents pastoraux laïcs réunis à la basilique-cathédrale de Notre-Dame-de-Québec, le souverain pontife a mentionné que l’Église au Canada avait commencé un nouveau parcours après avoir été blessée et choquée par le mal perpétré par certains de ses enfants.

Je pense en particulier aux abus sexuels commis contre des mineurs et des personnes vulnérables, des scandales qui appellent des actions fortes et un combat irréversible, a déclaré le pape, avant de demander pardon aux victimes.

« Je voudrais, avec vous, demander à nouveau pardon à toutes les victimes. La douleur et la honte que nous ressentons doivent devenir une occasion de conversion : plus jamais ça! »— Une citation de  Extrait de l’homélie du pape François

Un homme vêtu d'une coiffe à plumes assiste à la messe.

Le pape a invité le clergé canadien à s’inspirer de saint François de Laval dans ses relations avec les Autochtones. Photo : Radio-Canada/Olivia Laperrière-Roy

Le chef du Saint-Siège a immédiatement enchaîné en fustigeant l’exclusion de toute culture au nom d’une prétendue supériorité, une référence directe à la participation de l’Église aux politiques d’assimilation des Autochtones, dont le système des pensionnats.

En pensant au parcours de guérison et de réconciliation avec nos frères et sœurs autochtones, que la communauté chrétienne ne se laisse plus jamais contaminer par l’idée qu’il existe une supériorité d’une culture par rapport à une autre et qu’il soit légitime d’utiliser des moyens de coercition contre les autres, a insisté le pape.

S’inspirer de François de Laval

Il a enjoint aux responsables de l’Église catholique au Canada de s’inspirer de son premier évêque, saint François de Laval, qui fulminait contre ceux qui exploitent les Autochtones en les incitant à consommer des boissons pour les arnaquer.

« Ne permettons à aucune idéologie d’aliéner et de confondre les styles et les modes de vie de nos peuples pour tenter de les soumettre et de les dominer. »— Une citation de  Extrait de l’homélie du pape François

Pour mettre fin à cette culture de l’exclusion, il faut commencer par nous, a poursuivi le pape, qui a exhorté les pasteurs et les agents pastoraux à ne pas se sentir supérieurs et à ne pas voir leur service comme un pouvoir.

Le pape devant le tombeau de Saint François de Laval.

Le pape François et le cardinal archevêque de Québec, Gérald Cyprien Lacroix, se sont recueillis près du tombeau de saint François de Laval. Photo : Radio-Canada

Comme il le fait lors de la plupart de ses visites à l’étranger, le pape tenait à rencontrer des représentants locaux de l’Église catholique à l’occasion de la prière du soir, également appelée vêpres.

Il s’agissait de la dernière action liturgique à être célébrée par le pape durant son voyage apostolique au Canada.

Le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, Raymond Poisson, et le cardinal archevêque de Québec, Gérald Cyprien Lacroix, étaient sur place.

Message attendu

Comme prévu, le chef du Saint-Siège a donc profité de son homélie pour faire part de ses observations, préoccupations et attentes à l’égard des évêques canadiens et de leurs collaborateurs.

Des fidèles assistent à la messe célébrée par le pape, accompagné d'autres membres de l'Église.

En matinée, le pape a célébré une messe à la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré. Photo : Radio-Canada/Olivia Laperriere-Roy

Selon Alain Bouchard, chargé de cours à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval, en évoquant les abus sexuels commis par des membres de l’Église, le pape a lancé un message clair au clergé canadien.

Il y a un mot d’ordre. Il termine en disant : plus jamais, mais ça prend un combat irréversible, ça prend des actions fortes. Alors ça, c’est un message qu’il passe au clergé, c’est-à-dire qu’à partir de maintenant, le clergé canadien a comme mandat, face à cette question-là, d’agir et de poser des gestes, a analysé M. Bouchard en entrevue au Téléjournal Québec.

Des abus nommés

La sénatrice Michèle Audette, membre de la communauté innue, était émue après avoir entendu le pape évoquer enfin les abus sexuels de l’Église devant des membres du clergé.

Celle qui a été commissaire à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées de 2016 à 2019 avait une pensée particulière pour les victimes qui ont assisté à la messe du pape François à Sainte-Anne-de-Beaupré, jeudi matin, au cours de laquelle les abus sexuels n’ont pas été mentionnés.

Michèle Audette lors des travaux de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Michèle Audette s’est réjouie de ce que le pape évoque les abus sexuels commis par des membres de l’Église (archives). Photo : The Canadian Press/David Lipnowski

C’est notre vie, c’est mes amis, c’est tout le monde qui est dehors, que vous ne voyez pas, qui ont été touchés, qui ont été affectés et qui ne l’ont pas entendu aujourd’hui, mais qui ont accepté pareil cette messe-là. Ils l’ont trouvée belle, a indiqué Mme Audette à l’animateur Bruno Savard lors d’une émission spéciale sur les ondes de RDI.

Alors, comprenez-vous que, quand je vais vous dire bye-bye tout à l’heure, bien, je vais leur dire : vous pouvez lire ce que le pape a dit ce soir à d’autres Autochtones, à d’autres leaders puis à la planète au complet, a ajouté la sénatrice.

Le pape François partira de Québec vendredi pour se rendre à Iqaluit, dernière étape de son pèlerinage au Canada.

Avec Radio-Canada par Louis Gagné

Abus sexuels au sein de l’Église : à quand un rapport Sauvé en Afrique ? 

octobre 24, 2021

En RDC, à Kinshasa, en 2017. Photo d’illustration. © JOHN WESSELS/AFP

Alors que plusieurs pays occidentaux ont ouvert des enquêtes sur la pédophilie, le clergé du continent peine à se prononcer et à prendre des décisions. Pour combien de temps encore…

Dans l’histoire récente, aucun scandale n’a autant terni l’image de l’Église catholique que la pédocriminalité. Passée sous silence au cours du long pontificat de Jean-Paul II, elle est révélée sous ceux de ses deux successeurs, Benoît XVI et François, qui ont pris le risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Après les États-Unis, l’Angleterre, l’Irlande, l’Australie… où des enquêtes indépendantes ont débouché sur des révélations accablantes et sur des sanctions qui n’ont pas épargné des hauts dignitaires du clergé, la France a pris le relais avec la publication, le 5 octobre dernier, du rapport Sauvé.

En saluant le courage de l’autorité ecclésiale de ces pays occidentaux pour avoir ordonné ces enquêtes ou pour s’y être soumis, on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il en est de l’Afrique. À ce jour, aucune démarche similaire n’a été entreprise. Impossible donc de citer un seul membre poursuivi ou en prison pour abus sexuels sur mineur. Faut-il en conclure que le continent n’est pas concerné par ces scandales ?

Racines culturelles

On se souvient de ce documentaire de la chaîne franco-allemande ARTE, diffusé le 5 mars 2019, qui avait levé le voile sur la pédophilie et sur les crimes sexuels que des membres du clergé faisaient subir aux religieuses sur tous les continents, dont l’Afrique. Il y était question d’un missionnaire européen soupçonné de tels actes mais renvoyé dans son pays d’origine par un évêque africain afin de le soustraire à une éventuelle procédure judiciaire locale. Depuis la publication du rapport Sauvé, si les autorités ecclésiales africaines condamnent unanimement les atrocités mises au grand jour, leurs avis divergent sur les enjeux d’un tel rapport pour les Églises du continent.

Il y a ceux, nombreux, pour qui la question des abus sexuels ne se pose pas dans les mêmes termes au Nord et au Sud. Selon eux, si en Occident la plupart des victimes sont des garçons, en Afrique, ce sont presque exclusivement des filles ou des femmes. Il arrive qu’une grossesse de mineure soit attribuée à un membre du clergé. Mais ces cas, pour lesquels on ne dispose d’aucune statistique, font rarement l’objet de poursuites judiciaires. Quand l’affaire est rendue publique, les évêques procèdent généralement au renvoi du concerné pour qu’il assume ses responsabilités parentales.

Aussi, les racines culturelles de la relativité du « concept de minorité » en Afrique ne sont pas de nature à favoriser la judiciarisation des cas d’abus. Dans certains contextes, l’adolescente est perçue comme mariable et est donc, « naturellement », cible de convoitises sexuelles. Ainsi, peu de parents chrétiens ébruitent les affaires impliquant un membre du clergé. Ils privilégient les arrangements à l’amiable donnant lieu à une pragmatique prise en charge totale des besoins de l’enfant.

Enfants de prêtres

Une autre frange du clergé africain, plutôt minoritaire, estime que l’Église catholique devrait prendre les devants pour dire sa part de vérité. Bien que le problème ne se pose pas dans les mêmes termes partout, un abus reste un abus et mérite l’attention de l’institution. Elle gagnerait à tirer les leçons de réparations en cours dans les Églises occidentales rattrapées par leur passé de dissimulation et de complaisance. Tôt ou tard, elle se verra contrainte de livrer la réalité de son passé. Autant le faire aujourd’hui de sa propre initiative.

On peut aussi envisager que le pape impose cette politique de vérité à toutes les congrégations catholiques. Si beaucoup pensent que la pédocriminalité dans le clergé reste un phénomène marginal en Afrique, comment en être sûr en l’absence de statistiques que seules des enquêtes indépendantes permettent d’obtenir ? Le clergé connait aussi différents « scandales d’enfants de prêtres » qui, sans être nécessairement liés à des crimes sexuels, posent la question du célibat ou de la chasteté des curés. Des investigations sur cette part de leur vie intime pourraient révéler bien de choses que l’Église préfère pour l’instant cacher ou ignorer. Mais, là aussi, jusqu’à quand  ?

Ludovic Lado

Avec par Ludovic Lado

Universitaire jésuite, directeur du Cefod Business School de N’Djamena

France-Secret de la confession : « rien de plus fort que les lois », selon Attal

octobre 7, 2021

Le bras de fer se poursuit entre le gouvernement et le président des évêques de France, Mgr Moulins-Beaufort, concernant le secret de la confession.

Eric de Moulins-Beaufort a cependant assure etre a la recherche d'une alternative a la levee de ce secret (photo d'illustration).
Éric de Moulins-Beaufort a cependant assuré être à la recherche d’une alternative à la levée de ce secret (photo d’illustration).© Romain Boulanger / MAXPPP / PHOTOPQR/PRESSE OCEAN/MAXPPP

Deux jours après la publication du rapport Sauvé sur les abus sexuels au sein de l’Église catholique, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a convoqué le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr de Moulins-Beaufort, mardi à 14 heures, « afin de s’expliquer sur ses propos » sur le secret de la confession.

L’archevêque de Reims a déclaré mercredi, au lendemain de la publication du rapport Sauvé, que le secret de la confession était « plus fort que les lois de la République ». Interrogé sur ces propos, le porte-parole du gouvernement a indiqué qu’il n’y avait « rien de plus fort que les lois de la République ». « La réaction à ces propos, elle est très claire, il n’y a rien de plus fort que les lois de la République dans notre pays, ça tient en une phrase, et c’est très clair. (…) Le président de la République a demandé au ministre de l’Intérieur de recevoir le président de la Conférence des évêques de France pour que les choses soient claires », a précisé Gabriel Attal.

« Le secret de la confession a toujours été respecté par la République française »

Le président de la Conférence des évêques de France a à nouveau défendu jeudi 7 octobre le secret de la confession, « qui a toujours été respecté par la République française » et qui « n’est pas contraire au droit pénal français ». Dans un communiqué, l’archevêque de Reims indique qu’il a accepté « l’invitation » du ministre de l’Intérieur.

« Ce sera pour lui l’occasion de rappeler qu’aujourd’hui, le secret de la confession, imposé aux prêtres par le droit canonique, n’est pas contraire au droit pénal français, comme le souligne la circulaire de la chancellerie du 11 août 2004 » (sur le secret professionnel des ministres du culte). Selon le président de la CEF, « le secret de la confession a toujours été respecté par la République française. C’est l’honneur de la République française que de respecter ainsi la dignité de la conscience de chacun ».

Il précise également que « la confession est aussi un moment durant lequel une personne victime, par exemple un enfant, peut évoquer ce qu’elle a subi et être rassurée sur son innocence… parce que la certitude du secret lui permet de livrer ce qui lui est le plus difficile. Ce temps peut être alors, sur les encouragements du prêtre qui reçoit cette confession, une première étape dans la libération de la parole, en dehors du sacrement ».

« Il faut que nous trouvions un moyen de le faire autrement »

Éric de Moulins-Beaufort avait toutefois assuré être à la recherche d’une alternative à la levée de ce secret. « Il faut que nous trouvions un moyen de le faire autrement », a-t-il expliqué, précisant que la CEF regarderait « de très près la recommandation de la Ciase ».

Cette dernière a préconisé mardi aux autorités de l’Église de relayer un message clair aux confesseurs et aux fidèles sur l’obligation du confesseur de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable.

« Il ne faut pas opposer le secret de la confession aux lois de la République puisque celles-ci n’imposent pas sa levée, estime le président du CEF. Le droit canonique qui impose aux prêtres le secret de confession comme absolu et inviolable (…) n’est pas donc pas contraire au droit pénal français », a-t-il précisé dans un communiqué publié mercredi soir.

Par Le Point avec AFP

France: un rapport évoque 330 000 victimes au sein de l’Église catholique

octobre 5, 2021

PARIS — Quelque 330 000 enfants ont été victimes d’agressions sexuelles au sein de l’Église catholique en France au cours des 70 dernières années, selon une estimation contenue dans un rapport publié mardi, qui représente le premier grand bilan du pays sur le phénomène mondial.

© Fournis par La Presse Canadienne

Le nombre comprend des agressions commises par quelque 3000 prêtres et autres personnes impliquées dans l’Église – des actes répréhensibles que les autorités catholiques ont dissimulés pendant des décennies de manière «systémique», selon le président de la commission qui a publié le rapport, Jean-Marc Sauvé.

Le président de la Conférence des évêques de France a demandé pardon aux victimes, dont environ 80 % étaient des garçons, selon le rapport. Les évêques se réunissent mardi pour discuter des prochaines étapes.

La commission indépendante a exhorté l’église à prendre des mesures vigoureuses, dénonçant les «fautes» et le «silence».

«Les conséquences sont très graves», a déclaré M. Sauvé. «Environ 60 % des hommes et des femmes qui ont été agressés sexuellement rencontrent des problèmes majeurs dans leur vie affective ou sexuelle.»

«Nous considérons que l’Église a une dette envers les victimes», a-t-il ajouté.

Le document de 2500 pages a été publié alors que l’Église catholique en France, comme dans d’autres pays, cherche à faire face à des secrets honteux longtemps dissimulés.

Les victimes ont salué le rapport comme attendu depuis longtemps.

François Devaux, chef du groupe de victimes La Parole libérée, a déclaré qu’il s’agissait «d’un tournant dans notre histoire».

Il a dénoncé les dissimulations qui ont permis des «crimes de masse pendant des décennies».

«Mais pire encore, il y a eu une trahison: trahison de confiance, trahison des mœurs, trahison des enfants, trahison de l’innocence», a-t-il déclaré, appelant l’Église à offrir réparation.

Olivier Savignac, le responsable de l’association de victimes Parler et Revivre, a contribué à l’enquête. Il a déclaré à l’Associated Press que le ratio élevé de victimes par agresseur était particulièrement «terrifiant pour la société française, pour l’Église catholique».

M. Savignac a attaqué l’Église pour avoir traité de tels cas comme des anomalies individuelles plutôt que comme une horreur collective. Il a décrit avoir été maltraité à l’âge de 13 ans par le directeur d’un camp de vacances catholique dans le sud de la France, qui a été accusé d’avoir agressé plusieurs autres garçons.

«Je percevais ce prêtre comme quelqu’un de bon, une personne attentionnée qui ne me ferait pas de mal», a raconté M. Savignac. «Mais c’est lorsque je me suis retrouvé sur ce lit à moitié nu et qu’il me touchait que j’ai réalisé que quelque chose n’allait pas… Et on garde ça, c’est comme un kyste qui grandit. C’est comme une gangrène à l’intérieur du corps de la victime et de la psyché de la victime.»

Le prêtre a finalement été reconnu coupable et condamné en 2018 à deux ans de prison, dont un an avec sursis.

La commission a travaillé pendant 2 ans et demi, écoutant les victimes et les témoins et étudiant les archives des églises, des tribunaux, de la police et de l’actualité à partir des années 1950. Une ligne téléphonique lancée au début de l’examen a reçu 6500 appels de victimes présumées ou de personnes déclarant connaître une victime.

M. Sauvé a dénoncé l’attitude de l’Église jusqu’au début des années 2000 comme «une profonde et cruelle indifférence envers les victimes».

Le rapport indique qu’environ 3000 agresseurs d’enfants — dont les deux tiers étaient des prêtres — ont travaillé dans l’église au cours de la période de sept décennies. Ce chiffre est probablement sous-estimé, a avancé M. Sauvé. Le décompte des victimes comprend environ 216 000 personnes maltraitées par des prêtres et d’autres religieux, a-t-il déclaré.

Les estimations sont basées sur des recherches menées par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale sur les agressions sexuelles sur enfants dans la population française.

«Parfois, les responsables de l’Église ne dénonçaient pas (les agressions sexuelles) et exposaient même les enfants à des risques en les mettant en contact avec des prédateurs», a déclaré M. Sauvé. «Nous considérons (…) que l’église a une dette envers les victimes.»

Le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, a dit que les évêques «sont consternés» par les conclusions du rapport.

«Je souhaite (…) demander pardon, pardon à chacun de vous», a-t-il déclaré aux victimes.

M. Sauvé a déclaré que 22 crimes présumés pouvant être poursuivis ont été transmis aux procureurs. Plus de 40 cas trop anciens pour être poursuivis, mais impliquant des auteurs présumés encore en vie ont été transmis aux responsables de l’Église.

avec Sylvie Corbet, The Associated Press

France-Abus sexuels dans l’Eglise: à Reims, la parole libérée des victimes

septembre 15, 2021
Abus sexuels dans l'Eglise: a Reims, la parole liberee des victimes
Abus sexuels dans l’Eglise: à Reims, la parole libérée des victimes© AFP/FRANCOIS NASCIMBENI

« Regarder en face » les cas d’abus sexuels, « accueillir la parole des victimes »: l’archevêque de Reims à ouvert mardi une série de quatre réunions publiques inédites dans le diocèse, avant un attendu rapport de la Commission indépendante mise en place par l’Église catholique au niveau national.

« On m’a volé mon corps d’enfant. J’ai 51 ans et mon âme à huit ans ». Sur la scène de la petite salle de spectacles de la maison diocésaine Saint-Sixte à Reims (Marne), Laurent Martinez joue son propre rôle devant une centaine de personnes.

Violé à huit ans par un prêtre d’une école catholique de la région lyonnaise, il en a conçu « Pardon », une pièce puissante et sensible jouée en préambule des échanges.

« C’est mon histoire ! J’avais dix ans. Et j’avais 64 ans quand j’en ai parlé pour la première fois à mon évêque » raconte Francis, la voix secouée de sanglots. « En mai-juin, j’ai eu l’occasion d’en parler avec mes enfants. Mon fils aîné m’a dit qu’il était content que je parle » et « qu’il s’en doutait parce que je ne parlais jamais de mon enfance », poursuit-il.

« Perdu la foi »

Quelques fauteuils plus loin, un autre retraité prend la parole. « J’ai été violé dans mon enfance par un prêtre de Reims. Cette expérience, je l’ai refoulée. Pour pouvoir parler, il faut être écouté. Je n’ai pas trouvé d’interlocuteur » confie-t-il d’une voix basse et tendue.

« Voilà comment j’ai perdu la foi », après « une éducation et une scolarité très catholiques », ajoute-t-il. « Je me suis arrangé pour que mes enfants ne soient pas baptisés, qu’ils n’aillent pas à l’Église ».

Pour lui, le problème reste que « l’Église pense que la loi de Dieu est supérieure à celle des hommes ». L’homme s’éclipse ensuite discrètement de la salle.

« L’enfant est une proie facile. J’avais été repéré comme le faible dans le troupeau. Un pédophile fait toujours comme ça », déplore devant le public Laurent Martinez, l’auteur de la pièce.

Face à lui, une responsable d’association, chargée d’accompagner les enfants victimes, témoigne: « vous avez bien décrit combien les victimes sont dévastées. La parole fait sortir du secret ». « Dans l’Église le silence a duré trop longtemps. C’est ce silence qui me faisait mal. Il faut en finir ! » lance aussi, nerveuse, une jeune membre d’une autre association catholique féminine.

Chiffres « effrayants »

« Enfin, il y a un débat dans ce diocèse qui bruissait de rumeurs de comportements inappropriés. Mais que de temps perdu ! », regrette un intervenant.

« Nous sommes au début du chemin », concède l’archevêque de Reims, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la conférence des évêques de France depuis 2019. « Mais on sait maintenant ce que l’on ne voulait pas voir: la souffrance des victimes » poursuit-il, qualifiant les prises de parole de cette soirée de « première nécessité ».

Une enquête dans les archives du diocèse de Reims-Ardennes a révélé « qu’il y avait eu, depuis les années 50 jusqu’à aujourd’hui, 11 cas de prêtres coupables », dévoile Mgr de Moulins-Beaufort.

« Je crains que, le 5 octobre, le rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église ne rende des chiffres considérables, effrayants » affirme-t-il.

Créée en 2018, après la révélation de plusieurs scandales, et commandée par l’épiscopat et les instituts religieux, la Ciase est chargée d’enquêter sur les agressions sexuelles sur mineurs dans l’Église depuis 70 ans.

Elle s’est appuyée sur de nombreuses archives de l’Église, de la presse ou de la justice, une enquête portant sur un échantillon représentatif de la population générale, ou encore un appel à témoignages effectué via une plateforme d’appels téléphoniques pendant près de 18 mois.

En mars, elle avait révélé un chiffre provisoire « d’au moins 10.000 » victimes depuis 1950.

« Il faut que les victimes sachent que si elles parlent, elles seront maintenant entendues » s’engage Mgr de Moulins-Beaufort.

Par Le Point avec AFP

#Metoo au Venezuela: les langues se délient sur les abus sexuels

juin 11, 2021
#Metoo au Venezuela: les langues se delient sur les abus sexuels
#Metoo au Venezuela: les langues se délient sur les abus sexuels© AFP/Yuri CORTEZ

Gionaira Chavez, violée quand elle avait 15 ans, avait toujours gardé le secret avant que la campagne #Metoo au Venezuela, après l’avoir d’abord plongée dans des crises d’angoisse, ne l’aide à surmonter l’épreuve.

« Je me suis beaucoup identifiée. Je suis passée par une crise nerveuse. J’ai eu besoin d’aide psychologique. Il était temps que j’élève la voix. Cette expérience (témoigner) m’a aidée à comprendre que c’était un cauchemar qui était passé et que je peux continuer ma vie », raconte cette styliste aujourd’hui âgée de 28 ans.

Encore aujourd’hui, elle peine à raconter son expérience et baisse instinctivement la voix: « Il a insisté pour me ramener à la maison. Quand on a été dans le centre (…) cette personne… ce… eh… m’a violée dans la voiture. Après, il m’a déposée à la maison et je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles ». Il avait une dizaine d’années de plus qu’elle.

La campagne du #metoo vénézuélien a commencé en avril avec la mention #yositecreo (Moi je te crois, ndlr) et l’apparition de témoignages de victimes d’agressions sexuelles de la part de personnes célèbres. La justice a ouvert des enquêtes et lancé en juin des mandats d’arrêt notamment contre Alejandro Sojo, chanteur du groupe Los Colores et contre Tony Maestracci, batteur des Tomates Fritos.

Sur internet, une femme aujourd’hui majeure avait notamment relaté des faits qui s’étaient produits avec M. Sojo alors qu’elle était mineure. D’autres témoignages contre des personnes célèbres comme des metteurs en scène ou l’écrivain Willy McKey avaient suivi.

Ce dernier avait reconnu une partie des faits dans un communiqué avant de se suicider le 29 avril à Buenos Aires où il résidait.

Des témoignages contre le système des Orchestres de jeunes du Venezuela étaient aussi apparus.

Parmi les témoignages qui ont lancé le mouvement figure celui de Carmela Perez contre Sojo. La jeune femme avait 15 ans à l’époque et lui 23. « Il voulait prendre ma virginité et je ne voulais pas. Il était si insistant que j’ai dit que j’avais mes règles. C’est ce qui l’a arrêté », se souvient-elle.

Aujourd’hui âgée de 20 ans, elle dit comprendre « la manipulation » dont elle a été victime. « Il était célèbre mais personne n’échappait à ce qu’il écrivait ou à une photo qu’il t’envoyait et que tu ne voulais pas voir ».

Vivant aujourd’hui en Argentine, Sojo, qui fait l’objet de plus de trente plaintes selon Yo si Te creo, a diffusé un communiqué regrettant « profondément » son « comportement ignorant et imprudent ».

Les choses bougent

« L’abus sexuel au Venezuela est normalisé dans une société patriarcale » et conservatrice, estime Abel Saraiba de l’ONG Cecodap de protection des mineurs. « La violence sexuelle est loin d’être en régression, elle est même en hausse ».

Selon le procureur général du Venezuela Tarek Saab, il y a eu 8.450 inculpations et 1.676 mandats d’arrêts pour des crimes ou délits sexuels depuis sa prise de fonction en 2017, pour une population de 30 millions d’habitants.

« On voit que les choses bougent. Les gens prennent conscience » de certaines « dynamiques d’abus » considérées comme normales jusqu’ici, précise M. Saraiba.

A l’époque, après des attouchements par un musicien alors qu’elle avait 12 ans, Carmela avait fini par penser que les baisers forcés et les caresses sans consentement étaient normaux. « C’est comme ça que CA se passe » dans les fêtes, pensait-elle.

Les violences sexuelles sont passibles de 12 ans de prison au Venezuela mais le délai de prescription est d’un an seulement.

« J’ai dû lui expliquer »

« La plupart (des victimes) ne veulent pas porter plainte parce qu’elles n’ont pas confiance en la justice » commente Ariana Gonzalez, activiste de Yo si Te Creo Venezuela.

« Ce que veulent la plupart des victimes ce n’est pas que les agresseurs soient emprisonnés mais qu’on les croie », précise Andrea Hernandez, une autre activiste de 26 ans.

Yarani Acosta, 23 ans, a été victime d’abus en 2019, lors d’une fête universitaire alcoolisée. Après quelques baisers avec un homme, celui-ci est devenu « un peu agressif. Mon souvenir suivant, c’est lui ouvrant la porte et moi en train de remettre ma chemise. (Le lendemain), j’avais des bleus partout », dit-elle.

« J’ai dû lui expliquer pourquoi ce qu’il avait fait était mal. Je lui ai pardonné et je n’ai pas porté plainte », raconte-elle.

Aujourd’hui mariée et mère d’une fille de 3 ans, Gionaira a en revanche porté plainte tout en sachant qu’elle « n’obtiendra pas justice. Mais ça soulage un peu de penser que je peux faire éviter un nouvel abus ».

Par Le Point avec AFP

Allemagne : un éminent cardinal démissionne en dénonçant « la catastrophe des abus sexuels »

juin 4, 2021

L’un des cardinaux les plus influents d’Allemagne, l’archevêque de Munich Reinhard Marx, a demandé au pape François d’être démis de ses fonctions, tirant les conséquences de l' »échec », selon lui, de l’Église catholique dans « la catastrophe des abus sexuels » qui ébranle tout particulièrement un diocèse allemand.

L'archevêque de Munich et ancien président de la conférence épiscopale allemande, Reinhard Marx, le 1er février 2017 à Stuttgart

© THOMAS KIENZLE L’archevêque de Munich et ancien président de la conférence épiscopale allemande, Reinhard Marx, le 1er février 2017 à Stuttgart

Le cardinal allemand Reinhard Marx lors d'une conférence de presse à Munich (Allemagne), le 4 juin 2021

© LENNART PREISS Le cardinal allemand Reinhard Marx lors d’une conférence de presse à Munich (Allemagne), le 4 juin 2021

« Pour moi, il s’agit essentiellement de partager la responsabilité de la catastrophe des abus sexuels commis par des responsables de l’Église au cours des dernières décennies », a écrit l’ancien président de la Conférence épiscopale allemande dans ce courrier adressé le 21 mai au pape.

Il dénonce également un « échec institutionnel ou systémique » dans ce vaste scandale qui éclabousse toute l’Église.

Le prélat de 67 ans, considéré comme un libéral au sein de l’institution, juge que l’Église catholique est arrivée à « un point mort ».

Les récentes discussions ont montré « que certains au sein de l’Église ne veulent pas accepter cette responsabilité et donc la complicité de l’institution et s’opposent ainsi à tout dialogue de réforme et de renouvellement en lien avec la crise des abus » sexuels, poursuit-il dans cette missive.

A ce stade, la démission du cardinal n’a pas été acceptée par le pape François, dont il est un proche. « Le pape lui-même voulait que cette lettre soit publiée, c’est important », a souligné Mgr Marx lors d’une conférence de presse.

L’actuel président de la Conférence épiscopale, Georg Bätzing, a exprimé son « respect » pour le geste de son prédécesseur. 

« Je comprends la décision du cardinal Marx » qui veut « envoyer un signal », a-t-il dit, assurant que les abus sexuels et leur dissimulation avaient « révélé des faiblesses systémiques dans l’Eglise qui appellent également des réponses systémiques ».

Reinhard Marx fait partie d’un conseil restreint de cardinaux conseillant le pape sur ses réformes de la Curie romaine. Il coordonne aussi au Vatican le Conseil pour l’économie chargé de veiller à la bonne gestion financière du Saint-Siège.

Archevêque de Munich et de Freising (sud) depuis près de 14 ans, il avait refusé il y a un mois la plus haute distinction allemande, la Croix fédérale du Mérite.

– « Visiteurs apostoliques » –

Cette demande de démission intervient alors que le pape a ordonné fin mai une enquête sur le traitement de cas d’agressions sexuelles de mineurs au diocèse de Cologne (ouest), le plus grand d’Allemagne, secoué par une grave crise depuis des mois.

L’archevêque de Cologne, Rainer Maria Woelki, un conservateur dans les rangs de l’Église, est accusé notamment d’avoir longtemps couvert deux prêtres de la communauté religieuse de Düsseldorf soupçonnés de violences sexuelles.

Le Saint-Siège a nommé deux « visiteurs apostoliques », des envoyés pontificaux extraordinaires, chargés d' »appréhender la situation pastorale complexe à l’archevêché et parallèlement d’étudier d’éventuelles fautes » du cardinal Woelki et d’autres prélats.

Reinhard Marx a assuré que sa décision ne visait pas à dicter leur conduite à ses pairs. « Chacun doit prendre ses responsabilités comme il l’entend », a-t-il déclaré.

Un rapport accablant, rendu public en mars, révélait que des centaines de mineurs avaient subi des violences sexuelles dans le diocèse de Cologne entre 1975 et 2018, et que plusieurs responsables religieux s’étaient tus.

– Fuite en masse –

L' »affaire » du diocèse de Cologne s’est notamment traduite par une fuite en masse des fidèles.

En 2019, lors d’un sommet inédit au Vatican de présidents de conférences épiscopales consacré aux scandales d’abus sexuels sur mineurs, Reinhard Marx fut une personnalité en pointe pour réclamer davantage de transparence sur la question.

L’année précédente, il avait présenté les excuses de l’Église allemande après un rapport révélant des abus sexuels sur plus de 3.600 mineurs pendant des décennies.

Le président du puissant comité central des catholiques allemands, qui représente les laïcs au sein de l’institution, a salué son engagement dans ce domaine. « Ce n’est pas lui qui devrait partir », a jugé Thomas Stenberg au quotidien Rheinische Post.

Le chargé des questions d’abus sexuels au sein du gouvernement allemand, Johannes-Wilhelm Rörig, a lui souhaité que toute la lumière soit faite sur ces crimes dans tous les diocèses, selon l’agence dpa.

L’Église allemande, qui reste la plus grande confession du pays avec quelque 22,6 millions de membres, mène par ailleurs depuis des mois un « synode » national houleux où s’opposent progressistes en faveur par exemple de l’ordination de femmes et évêques plus conservateurs.

Avec AFP par bur-yap/ilp/mba