Composée de onze personnes parmi lesquelles des membres du ministère de la Justice, de la police, de l’armée et des services de renseignement, la commission a « trente jours pour enquêter, préparer et soumettre » son rapport, a écrit Ebrima G. Sankareh dans un communiqué.
Sept personnes arrêtées
La veille, la présidence a aussi annoncé dans un communiqué l’arrestation au cours du week-end du 25 décembre d’un capitaine et d’un lieutenant supposément impliqués dans le coup d’État manqué. Cinq autres soldats sont détenus dans le cadre de cette affaire. Au moins deux autres personnes accusées d’avoir joué un rôle dans cette tentative de putsch sont toujours recherchées, selon les autorités.
Par ailleurs, un responsable politique, ancien ministre des Affaires présidentielles sous le régime de Yahya Jammeh (1996 – 2017) et membre du principal parti d’opposition, le Parti démocratique unifié (UDP), est aussi détenu après être apparu dans une vidéo suggérant que le président sera renversé avant les prochaines élections locales. Son parti exige sa libération immédiate.
Réunis en sommet début décembre à Abuja, au Nigeria, les dirigeants des États membres de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), dont fait partie la Gambie, ont décidé la création d’une force régionale vouée à intervenir en cas de coups d’État, s’inquiétant d’un effet de contagion.
Des sirops frelatés sont soupçonnés d’avoir provoqué la mort de 69 enfants. Face à l’émoi, l’administration gambienne est accusée d’avoir manqué à son devoir de contrôle. Le Sénégal, lui, appelle les professionnels de santé à la vigilance.
Lorsque les alertes ont afflué de toutes parts, fin juillet, les autorités gambiennes ont d’abord blâmé la bactérie E. coli après les fortes pluies. Le paludisme a également été soupçonné. Mais progressivement, ce sont les sirops contre la toux et le rhume qui se sont imposés comme les principaux suspects dans la mort des 69 enfants ayant succombé à une insuffisance rénale aiguë ces trois derniers mois.
Quatre sirops, fabriqués par le laboratoire indien Maiden Pharmaceuticals, dont l’usine a été mise à l’arrêt mercredi 12 octobre, sont mis en cause. Les enquêtes ouvertes par les autorités et par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) devront dire si ces jeunes enfants, pour la plupart âgés de moins de deux ans, ont prématurément perdu la vie après avoir reçu des doses de ces médicaments. L’OMS a d’ores et déjà affirmé qu’ils contenaient des quantités « inacceptables » de diéthylène glycol et d’éthylène glycol, communément employés comme antigel et dont l’ingestion peut s’avérer mortelle.
Vigilance au Sénégal
L’alerte de l’OMS demandant leur retrait de la circulation a permis d’établir qu’ils n’avaient jusqu’à présent été repérés qu’en Gambie. Mais l’organisation a fait part de son inquiétude : en raison des voies informelles fréquemment empruntées par les médicaments, il n’est pas impossible qu’ils aient été distribués ailleurs.
Pressé de réagir, le ministre indien de la Santé, Mansukh Mandaviya, a assuré que seule la Gambie en avait reçu. Mais au Sénégal, le ministère de la Santé et de l’Action sociale a « appelé les populations à redoubler de vigilance » et demandé aux professionnels de santé de « notifier tout cas de suspicion ou de découverte de ces produits sur le territoire sénégalais ».
Face à l’émotion et la colère, le scandale sanitaire a pris une tournure politique. Comment ces produits frelatés ont-ils pu échapper à toute supervision, et pourquoi la Gambie serait l’un des seuls pays à les avoir importés ? Les autorités, qui ont ordonné le rappel des sirops le 23 septembre, ont-elles tardé à réagir ?
Le président Adama Barrow, qui ne s’est exprimé que samedi, n’a semble-t-il pas réussi à apaiser la colère. Au contraire : son allocution a été largement critiquée pour sa brièveté et son manque d’empathie. S’il a bien ordonné des mesures pour stopper l’importation de médicaments frelatés et demandé la création d’un laboratoire de contrôle, il aussi réaffirmé sa confiance en son ministre de la Santé et les services sanitaires de l’État.
Le ministre de la Santé exclut de démissionner
« Le président Barrow devrait renvoyer son ministre de la Santé. Au lieu de ça, il fait ses louanges. Nous voulons que Justice soit faite pour ces enfants », s’indigne le père de Fatoumata, l’une des jeunes victimes. Après avoir été diagnostiquée malade du paludisme, l’hôpital l’avait renvoyée chez elle en lui prescrivant un sirop au paracétamol. Fatoumata, deux an demi, s’était éteinte une semaine plus tard.
Le principal parti d’opposition, le Parti démocratique unifié (UDP), a renchéri, reprochant au chef de l’État sa froideur. « Un pays traumatisé [se retrouve à] se demander quels autres médicaments disponibles sur le marché sont contrefaits ou dangereux », a-t-il dénoncé dans un communiqué.
Comme l’UDP, d’autres formations et organisations ont exigé que les responsables de ces décès rendent des comptes. « Nous sommes consternés » par la réaction gouvernementale, a déploré Nancy Jallow, de l’ONG Global Bridges. « Nulle part ailleurs une telle affaire ne se produirait sans qu’un officiel ne perde sa place », a-t-elle poursuivi. Fort du soutien présidentiel, le ministre de la Santé, Ahmadou Lamin Samateh, excluait en début de semaine de démissionner.
Le projet a coûté 156 milliards de francs CFA, selon la présidence, soit environ 237 millions d’euros. Le complexe, qui peut accueillir 50 000 personnes, a été construit en moins de deux ans par l’entreprise turque Summa, situé à Diamniadio en banlieue de Dakar. L’occasion d’une fête populaire, malgré des bousculades. Un événement également diplomatique et politique.
Le président Macky Sall et ses homologues Recep Tayyip Erdogan de Turquie, Paul Kagame du Rwanda, Adama Barrow de Gambie et George Weah du Liberia échangent quelques passes au milieu du stade, symbole d’un événement « panafricain » pour Patrice Motsepe président de la confédération africaine de football : « C’est un jour historique pour le football africain ! Tous les présidents qui sont ici nous encouragent pour le développement de l’Afrique. »
Sport, outil diplomatique
Le sport, un outil de diplomatie mais aussi d’unité nationale pour le président Macky Sall, qui a rendu hommage à son prédécesseur Abdoulaye Wade, malgré des tensions sur le cas de son fils Karim Wade : « Les vertus rassembleuses du sport nous rappelle que nous sommes une seule et même nation. C’est pourquoi j’ai décidé de donner le nom du stade à mon illustre prédécesseur, le président Abdoulaye Wade. »
Un hommage rendu aussi aux récents champions d’Afrique par le président de la FIFA, Gianni Infantino : « C’est véritablement l’un des plus beaux stades que j’ai vus, pas seulement en Afrique, mais dans le monde entier. Bravo ! Vive le football, vive le Sénégal champion d’Afrique ! Sé-né-gal ! »
« Ca va chauffer deh ! »
Le stade abritera le match retour Sénégal – Égypte des éliminatoires de la Coupe du monde le 29 mars prochain. « Ca va chauffer deh ! », dit un supporter. Qui va l’emporter ? « C’est pas une question ! Nous sommes champions d’Afrique. »
À moins de deux mois de la présidentielle, l’ancien chef de l’État n’a pas renoncé à peser sur la scène politique gambienne. Depuis Malabo, il rejette l’alliance conclue entre son parti et celui d’Adama Barrow, candidat à un nouveau mandat.
À plusieurs milliers de kilomètres de Banjul et après plusieurs années d’absence, Yahya Jammeh n’a rien perdu de sa capacité à faire parler de lui. Il aura suffit d’un coup de fil, relayé à ses partisans réunis dans son village de Kanilai, le 16 octobre, pour que l’ancien président gambien revienne au centre du jeu. Depuis Malabo, où il réside depuis sa défaite à l’élection présidentielle de décembre 2016, Yahya Jammeh a convoqué une réunion « d’urgence » pour parler de l’accord scellé début septembre entre son parti, l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC), et le Parti national du peuple (NPP) du président Adama Barrow.
Selon des propos rapportés par des médias locaux, Yahya Jammeh s’est opposé à cet étrange attelage et a ordonné le limogeage des responsables de son parti. Le numéro un, Fabakary Tombong Jatta, a aussitôt été démis de ses fonctions.
Alliance contre-nature
Cela ne suffira pas à remettre en cause l’accord du mois de septembre, assure-t-on pourtant dans l’entourage d’Adama Barrow. « Ce qu’a dit Jammeh ne change absolument rien. Fabakary Tombong Jatta est le chef légalement reconnu de l’APRC et ses décisions engagent le parti », assure Mambanyick Njie. Le secrétaire administratif du NPP précise par ailleurs que la majorité n’a pas signé avec Yahya Jammeh mais avec l’APRC. « Ses déclarations ne représentent rien de plus qu’une opinion individuelle. La position de “guide suprême” qu’il occupe est simplement un titre honorifique, insiste-t-il. S’il ne veut pas faire partie de notre coalition, il n’a qu’a créer un nouveau parti. »
ON SENT BARROW DE PLUS EN PLUS ENTOURÉ PAR LES PROCHES DE JAMMEH, QUASI-PHAGOCYTÉ
Adama Barrow sous-estime-t-il l’influence de celui qui dirigea pendant plus de vingt ans la Gambie d’une main de fer et qu’il battit à la surprise générale, le 1er décembre 2016 ? « Barrow est assez sûr de lui et s’imagine qu’il peut utiliser le camp de son prédécesseur, observe un observateur à Banjul. En vérité, chacun des deux bords a l’impression d’utiliser l’autre. »
Avant même de conclure une alliance contre-nature avec l’APRC, Adama Barrow avait déjà accepté de s’entendre avec des dignitaires de l’ancien régime. « Cela a débuté avec des technocrates, pas forcément impliqués dans les exactions. Puis il a négocié avec des responsables encore plus liés à Yahya Jammeh, décrit notre interlocuteur. On le sent de plus en plus entouré par ces proches, quasi-phagocyté. »
Retour en arrière ?
Quasi-inconnu lorsqu’il remporte la présidentielle en 2016 grâce à l’appui d’une vaste coalition de l’opposition, Adama Barrow ne pourra pas être réélu sans appui, et il le sait. Son tout jeune parti, officiellement lancé en début d’année, n’est pas assez puissant pour le maintenir seul à la tête de l’État. Il a donc tout intérêt à se rapprocher de l’APRC et de son vivier de voix, majoritairement diolas (l’ethnie de Yahya Jammeh), qui peut faire basculer la balance en sa faveur lors du scrutin à un tour prévu le 4 décembre prochain.
Mais ce faisant, le président gambien joue un jeu dangereux. L’accord noué avec l’APRC a choqué l’opinion gambienne, peu convaincue par l’argument du NPP selon lequel l’APRC n’a commis aucun crime « en tant que parti ». En particulier les nombreuses victimes du régime Jammeh, qui attendent fébrilement le rapport de la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC), mandatée par Barrow lui-même pour faire la lumière sur les crimes commis par son prédécesseur et ses proches. La remise des conclusions de la TRRC au chef de l’État, initialement prévue le 30 juillet dernier, a été reporté sine die et n’aura vraisemblablement pas lieu avant l’élection.
ADAMA BARROW VIENT EN QUELQUE SORTE RENDRE À YAHYA JAMMEH UNE SORTE DE LÉGITIMITÉ
« En se rapprochant de l’APRC, Adama Barrow vient en quelque sorte rendre à Yahya Jammeh une sorte de légitimité », tacle Almami Fanding Taal, un cadre du Parti démocratique unifié (UDP) autrefois allié au président sortant.
L’accord APRC-NPP va-t-il ouvrir un boulevard pour l’emblématique Ousainou Darboe, éphémère vice-président de Barrow, qui est aujourd’hui son plus sérieux challenger ? L’opposant ne manque pas une occasion de réaffirmer son engagement à poursuivre Jammeh pour ses crimes. « Organiser les audiences [de la TRRC] était facile, mais la remise du rapport est une autre paire de manches. La façon dont le travail de la Commission a pris du retard est très décevante », remarque Almami Fanding Taal.
Si les victimes et les militants des droits humains attendent ce rapport avec impatience, c’est parce qu’il devrait servir de base à des poursuites contre Yahya Jammeh et ses alliés. Faut-il craindre qu’Adama Barrow soit tenté de mettre sa promesse de justice sous le tapis ? Les dignitaires du NPP ne se sont pas privés de dire publiquement que l’ancien président pouvait avoir tout à gagner dans cette alliance entre les deux partis. Ils ne font pas non plus mystère de leur volonté de voir ses biens lui être restitués. Les adversaires politiques de Barrow l’accusent, quant à eux, d’avoir profité de son séjour en Guinée, en août dernier, pour négocier avec Jammeh via certains de ses proches qui se trouvaient à Conakry.
« Barrow montre enfin son vrai visage »
« Cet accord ne favorise pas le droit à la vérité, mais il est illusoire de penser que Jammeh pourrait revenir l’année prochaine en Gambie avec une promesse d’impunité. Ce serait poser les bases d’une grave instabilité pour le pays », estime l’avocate des droits humains Fatou Jagne Senghore. Elle évoque néanmoins une « alliance de tous les dangers ».
Les récents propos de Yahya Jammeh à ce sujet pourraient être un moyen de mettre la pression sur son successeur. « En fin politique, il a compris que cette alliance ne garantissait pas son retour et qu’une transhumance de l’APRC vers le NPP pouvait représenter un danger pour lui », analyse l’avocate. Elle a surtout jeté le discrédit sur Adama Barrow, déjà vivement critiqué pour avoir failli à sa promesse de ne rester à la tête de l’État que trois ans. Ce 16 octobre, la société civile organisait une marche intitulée Never again (« Plus jamais ça ») dans les rues de la capitale pour réaffirmer sa volonté de voir les recommandations de la TRRC respectées. Un message directement envoyé au gouvernement gambien.
« Barrow montre enfin son vrai visage, conclut Fatou Jagne Senghore. Il a remporté l’élection de manière démocratique, mais il est parvenu au pouvoir car le pays voulait tourner la page de ces années de dictature. Cela choque les Gambiens de voir qu’il utilise ces mêmes leviers démocratiques pour valider une alliance contre-nature, qui vient remettre en cause tous nos acquis depuis le départ de Yahya Jammeh. »
Trois mois avant la prochaine présidentielle, le parti du chef de l’État et celui de son prédécesseur ont annoncé qu’ils allaient s’allier.
La politique réserve souvent bien des surprises et, en ce début du mois de septembre, l’inattendu s’est produit à Banjul. Le 5, Fabakary Tombong Jatta, le secrétaire général de l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC), a annoncé qu’un accord venait d’être trouvé avec le Parti national du peuple (NPP, au pouvoir).
À trois mois de la prochaine élection présidentielle, dont la date a été fixée au 5 décembre, les formations du président Adama Barrow et de son prédécesseur, Yahya Jammeh, ont donc décidé de s’allier, et l’époque où le second contestait la victoire du premier avant d’être contraint par les troupes de la Cedeao à embarquer dans un avion à destination de Malabo paraît n’être plus qu’un lointain souvenir.
Rester au pouvoir
Faut-il pour autant s’en étonner ? Avant le scrutin de décembre 2016, Barrow avait reçu le soutien de la Coalition 2016, un bloc de huit partis menés par le Parti démocratique unifié (UDP), auquel appartenait Barrow à l’époque. Mais l’UDP lui a retiré son appui en septembre 2019. En cause : les querelles internes qui ont rapidement opposé Barrow à Ousseinou Darboe, opposant historique à Jammeh et figure emblématique du parti, mais aussi la volonté assumée du chef de l’État de se maintenir au pouvoir au-delà des trois années qu’il s’était engagé à effectuer. C’est dans ce contexte que le NPP a vu le jour, en décembre 2019.
IL EST DANS L’INTÉRÊT DE BARROW DE S’ENTENDRE AVEC LE PARTI DE JAMMEH POUR ÉVITER LA DÉBÂCLE
Mais Adama Barrow a besoin de renforcer son assise électorale avant la présidentielle et les législatives, qui auront lieu en avril 2022. « Le président et le NPP ont pressenti la défaite et pensent que le salut pourrait venir d’un accord avec l’APRC, tacle Amadou Scattred Janneh, membre du bureau exécutif de l’UDP. Cette alliance est purement opportuniste. » « Il est dans l’intérêt de Barrow de s’entendre avec le parti de Jammeh pour éviter la débâcle », confirme un bon connaisseur de la politique gambienne, en rappelant que depuis les législatives de 2016, c’est l’UDP qui est majoritaire à l’Assemblée.
Poursuivre Jammeh – ou pas
Cette alliance soulève par ailleurs d’autres questions. Fabakary Tombong Jatta, le porte-parole de l’APRC, a en effet indiqué que le retour de Jammeh à Banjul, « de manière pacifique et dans la dignité », était l’un des points du protocole d’accord. Et que vont devenir les travaux de la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC) ?
Celle-ci a été créée en 2019 pour faire la lumière sur les crimes commis sous la présidence de Jammeh, de juillet 1994 à janvier 2017. À son arrivée au pouvoir, Adama Barrow s’était engagé à lutter contre l’impunité. La TRRC doit lui présenter ses recommandations le 30 septembre prochain, et le chef de l’État aura la responsabilité de décider si Jammeh doit être poursuivi ou non. Prendra-t-il le risque de s’aliéner son allié ? C’est peu probable, répondent les organisations des droits humains, qui rappellent qu’en juillet, Fabakary Tombong Jatta avait dit souhaiter que « le rapport final de la TRRC soit mis à la corbeille ».
CES CRIMES NE PEUVENT PAS ÊTRE AMNISTIÉS
Pourtant, selon un sondage Afrobarometer rendu public au lendemain de l’annonce de l’union APRC-NPP, 73 % des Gambiens interrogés estiment que « les auteurs de crimes et de violations des droits humains pendant le régime de Jammeh devraient être jugés par un tribunal ». « Je peux comprendre le désarroi des Gambiens qui ont été torturés, violés ou qui ont perdu des êtres chers et qui se demandent maintenant si justice sera jamais rendue », réagit Reed Brody, membre de la Commission internationale de juristes. Lui-même insiste sur le fait que « les gouvernements ont l’obligation légale d’enquêter et de poursuivre les actes de torture et les crimes contre l’humanité, et [que] ces crimes ne peuvent pas être amnistiés ».
En mai dernier, Karim Khan avait affirmé sur Twitter, alors qu’il s’apprêtait à devenir le nouveau procureur de la Cour pénale internationale (CPI), que justice devait être faite en Gambie. Le pays est en effet État-parti du statut de Rome. Et ce notamment grâce aux efforts d’Adama Barrow qui est revenu, en février 2017, sur la décision de Jammeh de quitter la CPI. À cette époque, il mettait un point d’honneur à veiller à ce que les “crimes” de son prédécesseur soient punis. Pas sûr que ce soit toujours le cas.
Alors qu’il vient de lancer officiellement son Parti national du peuple (NPP), le président semble avoir oublié sa promesse de n’effectuer qu’un mandat de transition et se diriger vers une candidature à la présidentielle du 4 décembre.
Le Parti national du peuple (NPP) existe depuis plus d’un an déjà, mais c’est dans la soirée du 30 janvier dernier que la formation du président gambien a été officiellement lancée. Et si Adama Barrow n’a pas formellement annoncé sa candidature à l’élection présidentielle du 4 décembre prochain, nul doute que le chef de l’État sortant a l’intention de briguer un second mandat et de porter les couleurs de ce parti.
La présentation du NPP au stade de l’Indépendance de Bakau, à une dizaine de kilomètres de Banjul, en présence de ses délégués et sympathisants, est ce jour-là assortie d’un discours qui ressemble fort à celui d’un début de campagne. « Le NPP représente le présent et le futur, et c’est le parti de toutes les catégories sociales, fondé sur la notion de véritable citoyenneté démocratique et patriotique », déclare le président.
« Je suis convaincu qu’en me pressant à former un parti politique pour participer à l’élection présidentielle de 2021, le peuple gambien a fait le bilan de ma performance et m’a appelé pour conduire ce voyage historique, affirme-t-il. C’est ce qui a conduit à la naissance du NPP, que nous sommes ici pour lancer officiellement aujourd’hui. »
Promesse oubliée
Adama Barrow paraît désormais déterminé à devenir plus qu’un président de transition. Il semble avoir totalement oublié sa promesse de quitter le pouvoir au bout de trois ans, le temps d’organiser une élection à laquelle il ne se serait pas présenté. C’est pourtant cet engagement qui convainc les Gambiens de l’élire en 2016, afin de tourner la page des décennies de dictature brutale de son prédécesseur, Yayah Jammeh. Porté par le soutien d’une coalition de l’opposition, il promet de ne pas aller au bout des cinq ans prévus par la Constitution.
C’est ce qui permet alors à ce quasi-inconnu de déjouer tous les pronostics et de l’emporter, le 2 décembre 2016, face à Jammeh, avec 43,29 % des voix contre 39,64 % pour son adversaire. Le 19 janvier 2017, il prête serment depuis l’ambassade de Gambie à Dakar, tandis que Yahya Jammeh, poussé hors du pays par une intervention politico-militaire régionale, s’apprête à partir en exil.
« Three years, Jotna » (« Trois ans, ça suffit ») scandent déjà les Gambiens dans les rues de Banjul, en décembre 2019, lui rappelant – en vain – sa promesse. Mais les manifestations sont sévèrement réprimées, le gouvernement qualifie de « subversif, violent et illégal » le collectif qui les a organisées et prend la décision de fermer deux radios nationales.
« Aucun accomplissement »
« C’est très décevant de voir une telle équipe aux manettes du pays », déplore aujourd’hui Almamy Fanding Taal, le porte-parole du Parti démocratique unifié (UDP), l’ancienne formation d’Adama Barrow. Le président a acté la rupture avec son ancien parti quelques mois seulement après son élection, en remerciant le vice-président Ousseinou Darboe, opposant historique à Yahya Jammeh et secrétaire général de la formation. Ce dernier sera, sauf grande surprise, le candidat de l’UDP au scrutin de décembre.
« La coalition de 2016 n’était pas partie pour durer, d’abord parce que l’opposition ne croyait pas en sa victoire. Adama Barrow a été choisi comme candidat parce que tous les cadres du parti [dont Ousseinou Darboe] étaient en prison au moment du scrutin », rappelle Almamy Fanding Taal. Aujourd’hui, l’UDP affirme que le chef de l’État n’a « rien accompli pour la Gambie » et se dit destiné à l’emporter lors du scrutin de décembre. Cette fois, le parti présentera son propre candidat, sans coalition.
Deux ministres qui avaient exercé sous le régime de l’ancien homme fort de Gambie Yahya Jammeh ont été nommés dans le cadre d’un remaniement ministériel par le président gambien Adama Barrow, a annoncé samedi la présidence.
Deux anciens ministres des Finances et des Affaires étrangères sous Jammeh, Mam Bury Njie et Momodou Tangara ont été respectivement nommés aux mêmes fonctions.
La présidence n’a fourni aucune explication, se contentant de préciser uniquement dans un tweet que celles-ci entraient « immédiatement en vigueur ».
En outre, la vice-présidente de la Gambie, petit pays d’Afrique de l’ouest, Fatoumata Jallow Tambajang, a été remplacée par l’ancien chef de la diplomatie, Ousainou Darboe, qui est également le dirigeant du Parti démocratique uni (UDP), la plus grande formation politique du pays.
La Constitution prévoit une limite d’âge fixée à 65 ans pour tout candidat à l’élection présidentielle et au poste de vice-président.
Huit ministres ont été remplacés dans ce premier remaniement ministériel d’importance depuis que le président Adama Barrow a pris ses fonctions en janvier 2017.
Ancien militaire, Yahya Jammeh est parvenu au pouvoir par un putsch sans effusion de sang en 1994 dans cette ex-colonie britannique enclavée dans le Sénégal, à l’exception d’une étroite façade côtière.
Après six semaines d’une crise à rebondissements provoquée par son refus de céder le pouvoir, il a finalement quitté le pays le 21 janvier 2017 à la suite d’une intervention militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et d’une ultime médiation guinéo-mauritanienne.
Après un peu plus de quatre ans d’absence, la Gambie se tourne de nouveau vers le Commonwealth. Une décision prise par le nouveau président Adama Barrow, qui marque une rupture avec la politique de son prédécesseur Yahya Jammeh.
Après avoir quitté le Commonwealth en 2013, la Gambie est de retour dans l’organisation internationale. La secrétaire générale Patricia Scotland accueillera le 53e membre de l’organisation ce jeudi 8 février à Londres, lors d’une cérémonie de levée de drapeaux aux côtés de l’ambassadeur gambien au Royaume-Uni, Francis Blain.
« Le gouvernement gambien est ravi d’être de retour parmi cette famille qu’est le Commonwealth et tient à remercier les 52 chefs d’État qui ont accepté notre adhésion », a expliqué à Jeune Afrique le porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
« Nous étions impatients du retour de la Gambie »
La Gambie avait rejoint le Commonwealth en 1965 après avoir obtenu son indépendance du Royaume-Uni. Peu après son investiture début 2017, le président Barrow avait annoncé son intention de rejoindre le Commonwealth. Une décision confirmée quelques mois plus tard par un vote unanime à l’Assemblée.
« Nous étions impatients du retour de la Gambie et étions ravis quand, après sa victoire aux urnes l’année dernière, le président Barrow a annoncé son retour », a précisé Patricia Scotland, la secrétaire générale du Commonwealth, dans un communiqué.
Depuis, le président gambien avait enchaîné les rencontres avec ses homologues : d’abord au Sénégal, puis en France et en Chine. En décembre, c’est le président Allemand, Frank-Walter Steinmeier, qui se rendait à Banjul.
Avantages économiques et politiques
Les membres du Commonwealth ont accès à des avantages économiques et politiques : l’organisation fournit, par exemple, un soutien pour améliorer la compétitivité en matière de commerce, ou encore des règles d’immigration assouplies à destination du Royaume-Uni.
Un soutien économique non négligeable pour le petit pays, qui a hérité d’une dette d’un milliard de dollars de son prédécesseur, d’après le gouvernement. Une commission d’enquête a d’ailleurs été créée, dans le but de recouvrer une partie des millions de dollars qui manquaient dans les caisses de l’État après le départ de Yahya Jammeh.
Accusé d’une multitude d’abus contre les droits humains, le régime de l’ancien président avait vu l’aide financière accordée par l’Union européenne (UE) au pays gelée. Un symbole de confiance en la « Gambie nouvelle », à peine le dictateur s’envolait vers Malabo que l’UE accordait 225 millions d’euros d’aide au pays.
À la suite du retour de la Gambie dans le Commonwealth, les représentants du pays sont invités au sommet des chefs d’État du Commonwealth en avril prochain à Londres.
Le principal parti de la coalition de l’ex-opposition qui a soutenu la candidature d’Adama Barrow contre Yahya Jammeh à l’élection présidentielle a remporté la majorité absolue aux élections législatives, a indiqué vendredi la Commission électorale (IEC).
Le parti de Yahya Jammeh, l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC), qui détenait une majorité écrasante dans l’Assemblée sortante, avait présenté des candidats dans 29 circonscriptions. Mais celui-ci ne conserve aujourd’hui que cinq sièges.
Le chef de l’État Adama Barrow, candidat victorieux à l’élection présidentielle du 1er décembre face à Yahya Jammeh, doit encore désigner cinq des 58 députés. Mais cette nette victoire aux élections législatives devrait déjà lui permettre de bénéficier d’une important marge de manœuvre pour appliquer son programme de réformes.
Record de candidatures et faible participation
Au total, près de 886 000 électeurs, sur les deux millions d’habitants, étaient appelés à choisir leurs parlementaires parmi 238 candidats issus de neuf partis politiques ou de listes indépendantes.
Un record de candidatures selon la commission électorale, même si son président Alieu Momar Njie a déploré la faible participation : 42% de votants.
La première alternance depuis 22 ans
Le chef de l’État sortant Yahya Jammeh s’est exilé en Guinée équatoriale en janvier, à la suite d’une intervention militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et d’une ultime médiation guinéo-mauritanienne pour le forcer à céder le pouvoir.
Déclaré battu de peu par Adama Barrow, après plus de 22 ans de pouvoir sans partage sur cette ex-colonie britannique, il avait d’abord contesté, pendant six semaines, sa défaite.
Invité par François Hollande en janvier, le nouveau président gambien effectue, depuis la mi-mars, son premier voyage officiel en dehors du continent africain.
Le président de la Gambie, Adama Barrow, lors de son passage à Sciences-Po Paris, le 15 mars 2017. Crédits : Marie Lechapelays« S’il vous plaît, levez-vous pour accueillir le président de la Gambie, Adama Barrow ! » C’est la tête basse qu’un monsieur rond vêtu d’un grand boubou blanc se fraie lentement un chemin parmi les hommes de la sécurité. En guise de salut, l’homme lève la main gauche vers l’assemblée comble de l’amphithéâtre Boutmy de l’université de Sciences-Po Paris, sourit timidement et cherche où s’installer.
Sous les yeux de sa délégation, dont six de ses ministres, et du directeur de la prestigieuse institution, Frédéric Mion, le nouveau président gambien prend la parole. La voix est grave. Les mots sont hésitants. Les phrases hachées. Celui qui symbolise désormais l’avènement de la démocratie en Gambie n’a rien d’un tribun populiste. Il lit consciencieusement son discours, page après page, et ne lève les yeux que pour chercher du regard le soutien de son voisin, Julien Vandriessche, responsable des conférences de l’association des Etudiants de Sciences-Po pour l’Afrique (ASPA), qui organise l’événement.
Un pays en quête de démocratie
Le but de sa visite ? Partager des « leçons apprises de la transition politique » chèrement acquise en Gambie, précisent les affiches de communication qui annoncent sa venue. Cette conférence dans une université française, c’est lui qui l’a sollicitée. Pour témoigner de l’aventure d’un pays en quête de démocratie. « C’est encourageant qu’en venant en France il veuille rencontrer des jeunes », estime Noé Michalon, un membre de l’ASPA.
Alors l’ancien homme d’affaires raconte, « un peu platement », ose une étudiante de cinquième année présente ce soir-là : la situation dictatoriale en Gambie pendant les vingt-deux ans du règne de Yahya Jammeh ; son élection en décembre 2016 et les premiers mois de sa présidence en exil au Sénégal, à cause du refus de son prédécesseur de céder le fauteuil présidentiel ; son serment à l’ambassade de la Gambie au Sénégal, le 19 janvier. Et finalement ses espoirs démocratiques. « Je veux vous dire que la Gambie est de retour », conclut-il avec une voix égale au reste de son discours.
A peine a-t-il lâché la parole qu’au fond de l’amphithéâtre, on entonne l’hymne national gambien. Enthousiastes, les membres de la diaspora gambienne installée en France qui se sont déplacés pour l’occasion se sont levés pour fairerésonner son chant, repris en chœur par le président et sa délégation. Très vite, c’est l’assemblée tout entière qui se lève. L’atmosphère est donc chaleureuse lorsque débute l’échange avec l’assemblée.
« Un président de transition »
Mais les réponses aux quelques interrogations des étudiants sont lapidaires, plus courtes même que les questions. Quelques mots reviennent dans chacune de ces phrases qui sonnent un peu comme des répliques : « paix », « démocratie », « bonne gouvernance », « réformes », « espoir ». Vainqueur contre toute attente de la dernière présidentielle, grâce à une coalition de sept partis prêts à tout pour évincer Yahya Jammeh du pouvoir, l’ancien chef d’entreprise est visiblement peu à l’aise dans cet exercice. « C’est un président de transition, tout le monde le sait, lui-même le sait, justifie Omar Jabang, le seul étudiant gambien à Sciences-Po. Mais les Gambiens s’en foutent, du moment que le dictateur est parti », assure le jeune homme de 27 ans.
Heureusement pour Adama Barrow, l’assistance n’a pas été très mordante : à trois semaines des élections législatives, prévues le 6 avril, aucune question ne lui a été posée sur l’implosion de la coalition qui l’a conduit au pouvoir et qui pourrait permettre au parti de l’ancien dictateur de maintenir son influence sur la scène politique gambienne. Rien non plus sur une éventuelle soumission à Macky Sall, le président sénégalais, à qui il doit en partie son accession au pouvoir.
Alors qu’environ 500 soldats sénégalais, mandatés par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), devraient quitter la Gambie d’ici deux mois, Adama Barrow a demandé sur Radio France Internationale, jeudi matin, « au Sénégal de nous envoyer plus de soldats pour assurer notre sécurité. Cela aussi longtemps que nécessaire ».
En somme, sa venue à Sciences-Po Paris aura eu pour principale vertu d’incarner devant les jeunes la transition gambienne. « L’idée devait être de marquer le coup, car tout ce qu’il a dit, j’aurais pu le trouver sur Internet », conclut une étudiante en sécurité internationale.