La nouvelle loi ouvre la possibilité pour tout majeur de demander, une fois dans sa vie, à prendre, ou ajouter, le nom de son autre parent, par une simple démarche en mairie, sans avoir à formuler de justification.

Pouvoir changer de nom, une fois dans sa vie : le Parlement a définitivement adopté jeudi 24 février une proposition de loi permettant, avec des formalités réduites, de remplacer le nom reçu à la naissance par celui de l’autre parent. L’Assemblée nationale a adopté le texte porté par le député La République en marche (LRM) Patrick Vignal par 69 voix pour, une contre et deux abstentions, le validant au nom du Parlement après son rejet par le Sénat.
Ce texte à la tonalité « progressiste », chère à la majorité macroniste au Palais-Bourbon, était le dernier à venir devant les députés avant la pause des travaux législatifs pour cause de période électorale. Son entrée en vigueur est prévue au 1er juillet. Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, a salué devant l’hémicycle une loi « magnifique », synonyme de « simplification, de liberté et d’égalité ».
Procédure très allégée
Ce texte « résonne dans mon histoire personnelle », avait-il confié à Elle en décembre dernier. « Mon père est mort quand j’étais petit garçon. J’ai été élevé seul par ma mère » et « ai donc souhaité accoler à mon nom le sien. Les choses ont été facilitées parce que j’étais un avocat connu sous le nom Dupond-Moretti ». Et d’ajouter : « C’est une injustice pour tous ceux qui ne sont pas dans ma situation et qui n’ont pas connu la notoriété. Ce texte répare une injustice. »
La nouvelle loi ouvre la possibilité pour tout majeur de demander, une fois dans sa vie, à prendre, ou ajouter, le nom de son autre parent, par une simple démarche en mairie, sans avoir à formuler de justification.
Une procédure très allégée par rapport à celle, longue et aléatoire, qui existe aujourd’hui, qui passe par une décision du ministère de la justice, et doit être motivée : patronyme discrédité ou à consonance péjorative, désir de franciser son nom ou empêcher l’extinction d’un patronyme rare… Les motifs dits « affectifs », pour ceux désirant abandonner le nom d’un parent violent, incestueux, absent ou toute autre raison personnelle, sont soumis aux mêmes démarches.
Même si elle rend la procédure beaucoup plus aisée, la loi n’ouvrira pas la possibilité de prendre n’importe quel nom : juste celui de l’autre parent.
« Apaiser des familles »
La députée Aina Kuric (groupe Agir ensemble) avait marqué les débats en évoquant son cas personnel. « Je suis victime d’un père incestueux (…) et je ne souhaite plus porter le nom de mon bourreau. Je souhaite porter celui de la femme qui m’a faite, et c’est ma mère », avait-elle lancé, en décrivant les démarches actuelles complexes pour y parvenir. Cette loi « permettra de faire cesser des souffrances, d’apaiser des familles », plaide son auteur, Patrick Vignal.
« En simplifiant la possibilité de choisir le nom du parent qui n’a pas été transmis, nous répondons à une grande attente de nos concitoyens, je m’en réjouis », a déclaré Christophe Castaner, président du groupe LRM. « Cette loi viendra faciliter la vie de nombre d’entre nous, elle deviendra une loi d’égalité entre les parents et de liberté pour chaque Français », a-t-il encore vanté.
Une autre disposition vise à faciliter la vie des parents dont les enfants ne portent que le nom de l’autre parent. Des situations fréquentes, majoritairement pour des femmes, souvent après un divorce, contraintes de recourir au livret de famille pour prouver leur lien avec leurs enfants en cas de démarches scolaires, administratives, médicales, etc.
Le texte facilite pour les enfants le port, en plus du nom de famille donné à la naissance, du nom de l’autre parent au titre de « nom d’usage ».
Huit enfants sur dix nés en 2020 portent le nom de leur père
La droite avait concentré ses critiques au Sénat comme à l’Assemblée sur la facilité jugée excessive du changement de nom au regard de l’importance sociale, personnelle et symbolique du patronyme. La rapporteuse au Sénat Marie Mercier (Les Républicains) avait plaidé pour une procédure simplifiée mais passant toujours par le ministère de la justice.
En première lecture, le député Républicain Marc Le Fur (LR) avait dénoncé une dérive vers un « état civil à la carte, au risque d’affaiblir la notion même de filiation ». Mais jeudi, l’orateur Maxime Minot (LR) a soutenu ce texte « qui n’enlève rien à personne ». « Si grâce à cette loi la vie de certains peut être facilitée, je voterai pour sans aucune difficulté », a-t-il déclaré.
L’objectif de cette disposition répond à une demande du collectif #portemonnom. Malgré une loi entrée en vigueur en 2005 permettant aux parents de choisir le nom qu’ils transmettent à leur enfant (père, mère ou les deux accolés), huit enfants sur dix nés en 2020 portent en effet le nom de leur père.
Par Le Monde avec AFP