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« Les Africains ont besoin qu’on écoute ce qu’ils ont à dire »

février 27, 2023

ENTRETIEN. Qu’en est-il concrètement du sentiment antifrançais sur le terrain ? Hélène Conway-Mouret, sénatrice des Français de l’étranger apporte son éclairage.

Helene Conway-Mouret, senatrice des Francais de l'etranger, lors d'une seance de questions au gouvernement, en 2020.
Hélène Conway-Mouret, sénatrice des Français de l’étranger, lors d’une séance de questions au gouvernement, en 2020.© DANIEL PIER / NurPhoto via AFP

La sénatrice ( PS) des Français de l’étranger n’y va pas par quatre chemins lorsqu’il s’agit de dire ce qu’elle pense de la politique africaine de la France. Hélène Conway-Mouret arpente le terrain ces derniers mois, avec pas moins de trois pays visités depuis le début de l’année 2023 et délivre un constat amer concernant la présence française sur le continent africain. « Depuis l’Ouest jusqu’à l’Est, en passant par l’Afrique centrale », la responsable politique estime que les Africains oscillent entre l’hostilité et l’indifférence. Comment en est-on arrivé là ? L’ancienne ministre déléguée chargée des Français de l’étranger sous le gouvernement Ayrault pointe tout à la fois, le manque de concertation dans la définition même de la stratégie française en Afrique, l’absence de la France dans des marchés clés, et aujourd’hui une politique des visas trop restrictive. Elle a répondu aux questions du Point Afrique, au moment où le chef de l’État va donner un nouvel élan aux relations franco-africaines et entamer une tournée en Afrique centrale.

Le Point Afrique : Le président Macron entame une tournée dans quatre pays d’Afrique centrale. Vous revenez justement d’un voyage sur le continent africain. Comment se porte, sur le terrain, la relation franco-africaine ?

Hélène Conway-Mouret : J’étais récemment à Djibouti et en Éthiopie, plus tôt, en début d’année, je me suis rendue en Mauritanie. Ce sont des pays très différents, situés à l’est et à l’ouest du continent. Ce que je peux souligner, c’est que j’ai passé du temps sur place. Et je crois que, c’est essentiel, aujourd’hui, de passer du temps en Afrique. Le continent africain demande du temps pour mieux appréhender toutes ses dimensions.

C’est exactement l’inverse de ce que s’apprête à faire le président Macron, dans le sillage de ses prédécesseurs. Il va passer tout au plus 24 heures dans chaque pays, ce n’est plus concevable. Les Africains ont besoin qu’on écoute ce qu’ils ont à dire. Nous ne pouvons plus arriver avec des certitudes. Malheureusement, nous n’avons pas assez évolué sur cette approche. Et aujourd’hui, nos maladresses ou propos déplacés sont allègrement relayés sur tous les réseaux sociaux localement. Il faut vraiment que notre personnel politique fasse très attention à ses prises de parole, la moindre petite phrase malheureuse peut avoir des conséquences irrémédiables.

Pour en revenir à la tournée du président, cela donne, encore une fois, l’impression que les Français n’ont pas de temps à consacrer à l’Afrique. Tout se passe comme si l’Afrique était un sujet secondaire. Je pense qu’au contraire, il faut sérieusement considérer ce continent, mieux le comprendre, et appréhender les réalités du terrain. Car l’avenir se joue là-bas.

Le sentiment antifrançais est grandissant en Afrique, quel est votre constat ?

Il faut nuancer la réponse, parce qu’il y a plusieurs Afriques. En Afrique de l’Ouest, aujourd’hui, je note une hostilité de plus en plus marquée, c’est flagrant. Cela vaut pour l’ensemble des pays de la sous-région. Évidemment, les cas du Mali et du Burkina Faso sont très médiatisés, mais lorsque l’on prend le temps d’écouter les gens, on constate, aisément, que c’est toute l’Afrique de l’Ouest qui est dans cette dynamique antifrançaise.

En Afrique centrale, c’est différent, je note un désintérêt croissant. La France a perdu sa place de partenaire privilégié dans plusieurs pays avec lesquels elle a, pourtant, un passé colonial fort. C’est terminé, ce temps est révolu.

Désormais, nous sommes au même rang que les autres pays, nous devons mériter notre place de partenaire et il n’y a plus de capital de confiance sur lequel nous pouvons compter. Nous ne sommes plus les seuls et nous ne sommes plus les meilleurs, et pourtant nous continuons de considérer que c’est le cas.

Je crois qu’il faut un changement d’état d’esprit radical. Le contexte de l’Afrique a évolué, nous sommes en concurrence avec les autres et tant que nous n’aurons pas changé notre logiciel, le sentiment antifrançais ne fera que s’amplifier.

La situation est également différente en Afrique de l’Est, d’où je reviens. Nous n’avons pas la même histoire, et donc là il n’y a pas vraiment d’hostilité mais de l’indifférence.

J’étais en Éthiopie et à Djibouti, deux pays différemment liés à la France, mais dans lesquels on oscille entre indifférence et lamentation. À Djibouti, par exemple, beaucoup regrettent la frilosité de la France qui avait, autrefois, une place très privilégiée. Maintenant, la concurrence est rude avec les Chinois ou les Turcs. Prenons un exemple concret : pendant que nous ne proposons qu’un seul vol Air France par semaine, le jeudi, c’est-à-dire, en plein week-end, qui débute vendredi, à Djibouti, d’autres comme Turkish Airlines assurent des vols quotidiens. Or, Djibouti doit être stratégique pour nous, car ce pays est une plaque tournante des affaires dans la région, et là-bas, il y a du business à faire, ça bouge énormément.

Cette réduction drastique des vols signifie aussi qu’il y a moins de vols cargo, et donc que les produits français sont moins disponibles sur place. In fine, la France n’est plus visible auprès de la population, comme auparavant.

Nous avons l’Institut français qui fait un travail formidable, et que nous pourrions mieux soutenir, afin de continuer à faire rêver la jeunesse africaine et l’attirer à nous, mais là aussi, nous avons fait le choix de couper dans les budgets. Finalement, on se prive nous-mêmes en pensant que de toute façon, on est aimé partout. Ce n’est pas le cas.

Quels sont les retours des expatriés français sur place ? Se sentent-ils menacés ? Comment sont-ils préparés à affronter ce sentiment grandissant ?

Sur le terrain, évidemment, nos entrepreneurs français s’accrochent, ils se montrent vraiment conquérants, cependant, je note que trop souvent, l’Afrique n’est considérée que sous le prisme du risque. Cette vision empêche les entreprises françaises d’aller sur certains marchés africains. Il ne faut donc pas se lamenter du fait que les autres soient présents partout et que la France disparaisse un peu partout.

Si les autres prennent ce risque, pourquoi ne serions-nous pas en mesure d’en faire autant et de passer devant ? En tout cas, notre prise de risque, aujourd’hui, n’est pas assez forte.

Nous avons aussi les binationaux, qui sont forcément plus affectés par ce qu’il se passe. Ils ressentent encore plus que les autres ces difficultés parce qu’ils sont à la fois identifiés comme français et aussi comme nationaux. Ils s’accrochent, ils sont résilients, ils traversent les crises politiques, les crises sanitaires, les crises climatiques, et restent, contrairement à d’autres qui partent à la première difficulté.

À l’heure où le président Macron présente de nouvelles directives pour la politique africaine française, quelles sont vos réflexions ?

Je m’interroge énormément sur notre trajectoire. Quelle est notre ligne de force ? Quelle est notre colonne vertébrale ? Sincèrement, je ne parviens pas à répondre à ces questions. Pour ce voyage présidentiel, il sera question d’environnement, de protection de la forêt, des enjeux majeurs, mais je souligne que dans les opinions africaines, ce qui remonte, c’est que le président français se rend dans quatre pays pétroliers ! Le choix du Gabon n’est pas tellement évident à comprendre, on nous reproche déjà beaucoup de choses dans les autres pays, comme au Tchad.

Pour la RDC (République démocratique du Congo, NDLR), le choix peut s’expliquer par une volonté d’équilibrer les relations par rapport au Rwanda.

Notre politique africaine manque clairement de cohérence. Nous devons plus sérieusement savoir expliquer pourquoi nous privilégions tel interlocuteur et pas un autre. Nous devons, également, être capables de solder notre passé colonialiste avec certains États, pour avancer plus sereinement.

Si nous avions une politique africaine claire avec des messages sincères à la fois pour la jeunesse et pour l’ensemble des pays, les choses iraient mieux pour nous sur le terrain.

Toute la politique africaine est pensée et mise en œuvre depuis l’Élysée, et nous, parlementaires, sommes totalement ignorés, alors que nous pourrions avancer ensemble sur ces sujets, apporter des regards croisés afin de sortir la politique africaine du jeu de la confrontation politique. Même si le président de la république devait, in fine, faire toutes les interventions, prendre toutes les décisions, cela mérite quand même d’y penser collectivement. Ce n’est pas des bouts de décisions, d’annonce de retrait par-ci par-là, ou un redéploiement qui vont faire la différence. Les militaires français ne sont, d’ailleurs, pas toujours en accord avec cette approche, ni les diplomates. Une vraie politique africaine demande un engagement collectif, beaucoup plus large parce que ce continent, c’est l’avenir, et pas seulement pour ses ressources naturelles mais aussi pour ses populations. Il n’y a qu’à voir le dynamisme de la jeunesse africaine.

Comment interprétez-vous le fait que la Russie pousse de plus en plus ses pions dans l’ancien « pré carré » français… Moscou livre-t-il une guerre par procuration contre la France en Afrique ?

Nous ne pouvons pas tout mettre sur le dos des Russes. Ils ne font que s’engouffrer dans un mouvement qui est général parce qu’ils voient qu’il y a du répondant dans la jeunesse africaine. Et j’en reviens à la source du problème, c’est nous et notre absence de cohérence dans notre stratégie africaine qui jouent en notre défaveur. Que dit-on aux jeunes Africains, majoritaires ? Est-ce qu’on doit continuer à soutenir des présidents qui sont au pouvoir depuis 40 ans et en plus penser qu’ils restent en place grâce à nous, avec des oppositions étouffées dans les pays. Je crois qu’il faut cesser de tout mettre sur le dos des Russes qui ne font que profiter de la situation. Les Chinois font la même chose, ils sont plutôt actifs sur les réseaux sociaux locaux, et sont plutôt efficaces, mais on n’en parle pas. Arrêtons de penser que c’est à cause d’autres qu’on a des difficultés en Afrique.

Les logiciels parisiens n’ont pas changé parce que nous avons des experts qui sont excellents, mais ils sont en décalage par rapport à une réalité qui change beaucoup plus vite que ce qu’ils peuvent concevoir.

Les Russes, les Chinois, les Turcs et d’autres ont juste compris cet état de fait. Nous, nous continuons de ne proposer qu’un vol par semaine avec une politique des visas qui fait que la moitié des personnes ne peuvent pas partir parce qu’elles ne l’obtiennent pas. En attendant, nous avons la Turquie avec Turkish Airlines qui fait de l’intra-Afrique, ce que l’on n’a jamais fait !

Comment expliquez-vous la montée de ce sentiment antifrançais au-delà des cas malien et burkinabé où le contexte de la lutte contre le djihadisme est souvent avancé ? Quid des autres pays ?

Nous sommes face à une jeune génération qui est dans le rejet du colonialisme, et qui n’a pas connu la Françafrique. En face, la France ne les fait plus rêver. Avant, dans ces pays pour la plupart francophones, il était possible de venir faire ses études en France, il y avait des partenariats pour la formation, de nombreux échanges à travers la coopération, aujourd’hui, nous avons une politique de visas qui est trop restrictive, notamment dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique du Nord.

Quels sont les remontés du terrain à ce propos, comment ça se passe concrètement et qu’est-ce qui ne marche pas…

Parmi les problèmes remontés, il y a le fait que les gens perdent leur billet d’avion réservé assez tôt afin d’en réduire le coût souvent très élevé, quand le visa n’est pas octroyé ou arrive trop tard. Ils doivent bien souvent faire leur réservation au milieu de la nuit ou payer des prestataires – pour un service pourtant gratuit ! Ce n’est pas ce qu’on attend du service public.

Il faut ajouter à cela qu’afin d’accélérer la procédure, ces prestataires offrent un tarif progressif qui peut atteindre 300 euros et que des officines privées bloquent les créneaux disponibles sur Internet et les revendent ensuite à des tarifs qui vont jusqu’à 500 euros. Dans certains pays, celles-ci se sont installées près du consulat et récupèrent ainsi les personnes désespérées qui, pour des raisons professionnelles, familiales ou médicales, doivent se rendre impérativement en France. Ces services créent des inégalités d’accès aux visas entre celles et ceux pouvant payer cette option et les autres qui ne le peuvent pas.

De mon point de vue, on humilie les demandeurs, on les bloque, avec des démarches chronophages, et surtout, cela a un coût.

Comment en est-on arrivé là ?

Depuis Brice Hortefeux et l’administration Sarkozy, c’est le ministère de l’Intérieur qui dicte la politique des visas en France. Le système tel qu’il fonctionne, aujourd’hui, est une aberration totale. Nous avons un ministère de l’Intérieur qui fait de la politique intérieure. Notre politique de visas ne se résume plus qu’à des statistiques et des messages hostiles envoyés aux étrangers. Nous les empêchons de venir chez nous, et nous avons tout faux !

Le Point.fr propos recueillis par Viviane Forson

Bourses d’excellence de la confédération suisse

janvier 13, 2023

Ces bourses sont destinées aux étudiants étrangers et africains pour étudier en Suisse.

1. Données sur la bourse 
• Année de la bourse : 2023
• Pays : Suisse
• Organisme : plusieurs universités
• Niveau d’étude : master
• Spécialité de la bourse : sciences humaines et sociales, sciences fondamentales, plusieurs spécialités
• Montant de la bourse : jusqu’à 1 920 CHF / mois
• Date limite pour postuler : 30 novembre 2022

2. Organisme d’accueil 
• Nom de la bourse : bourses d’excellence de la confédération suisse
• Organisme : plusieurs universités

3. Description de la bourse 
Chaque année, la confédération suisse attribue des bourses d’excellence gouvernementales pour promouvoir les échanges internationaux et la coopération en matière de recherche entre la Suisse et plus de 180 autres pays.
Les récipiendaires sont sélectionnés par l’organisme d’attribution, la commission fédérale des bourses pour étudiants étrangers.
En effet, les bourses d’excellence du gouvernement suisse s’adressent aux jeunes chercheurs étrangers titulaires d’une maîtrise ou d’un doctorat et aux artistes étrangers titulaires d’une licence.
Par ailleurs, les bourses d’art sont ouvertes aux étudiants en art souhaitant poursuivre un premier master en Suisse.
En plus, les bourses d’art sont attribuées pour étudier dans n’importe quel conservatoire ou université des arts suisse.
La bourse de recherche est disponible pour les chercheurs de troisième cycle dans n’importe quelle discipline.
Les bourses de recherche sont attribuées pour des recherches ou des études dans toutes les hautes écoles cantonales suisses, les hautes écoles spécialisées et les deux écoles polytechniques fédérales, ainsi que les quatre instituts de recherche.
Ainsi, les candidatures sont soumises à une sélection préalable par les autorités nationales compétentes et/ou la représentation diplomatique suisse.

Groupe cible : pour tous les groupes.

Comment postuler pour la bourse ?
Vous voulez postuler pour les bourses d’excellence de la confédération suisse ?
C’est très simple.
Vous devez préparer un dossier de demande de bourse d’étude selon les exigences des bourses d’excellence de la confédération suisse.
Ensuite, vous devez suivre le lien ci-dessous pour envoyer votre demande.

https://www.epsu.ch/fr/Page.php?R=3

Avec Adiac-Congo par Concoursn

Italie « post-fasciste » : mépris annoncé envers l’Afrique 

septembre 27, 2022

En Italie, l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni devrait avoir un impact sur l’immigration africaine. Dans les limites qu’impose la realpolitik…

© Damien Glez

« Fasciste » : alors qu’habituellement, dans leur bras de fer avec la droite de la droite, les plus outranciers des militants hésitent à atteindre le point de Godwin en évoquant les souvenirs de l’ère hitlérienne ou mussolinienne, ce terme semble être attribué de manière automatique à la nouvelle dame de fer italienne. Tel une poupée gigogne nimbée de la flamme tricolore chère aux nostalgiques de Benito Mussolini, le parti Fratelli d’Italia, de Giorgia Meloni, a surgi de l’Alleanza nazionale, de Gianfranco Fini, elle-même enfantée par le Mouvement social italien, lui-même résurgence de la dictature du Duce…

Si les observateurs attendent la formation du gouvernement italien et ses premières mesures pour juger sur pièces ce post (ou néo) fascisme, nul doute que la question migratoire constituera un enjeu éminemment symbolique. La botte italienne et la Sicile sont en effet particulièrement proches des côtes africaines, notamment de la Libye et de la Tunisie.

Internationale souverainiste

Un cadre du parti de Fratelli d’Italia ayant déjà mis en garde contre « la substitution ethnique » –pour ne pas dire « le grand remplacement » –, priorité sera accordée à une natalité italo-italienne. Si la coalition au sein de laquelle évolue Giorgia Meloni lui donne les coudées franches, elle tentera de compliquer les conditions d’accès à la nationalité italienne et de s’attaquer à l’immigration illégale, réservant les fonds destinés à la coopération Nord-Sud à ces questions et réclamant que les ports italiens refusent d’accueillir les bateaux ayant secouru des migrants en Méditerranée.

Membre fondateur de la CEE devenue Union européenne, l’Italie, aujourd’hui souverainiste, devra toutefois mettre un peu d’eau dans son chianti. Certes, les projets de blocus naval ou de hotspots destinés à trier les réfugiés-candidats à l’exil dès leur parcours africain ne sont pas nouveaux aux sein de l’UE.

Certes, l’Italie, soucieuse de diversifier ses sources énergétiques, évitera de froisser des pays comme l’Algérie, en passe de devenir son premier fournisseur de gaz. Certes enfin, depuis une quinzaine d’années avec les patrouilles mixtes imaginées par le duo Berlusconi-Kadhafi, et depuis 2018 avec le décret-loi « immigration et sécurité » du ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, le combat contre l’immigration illégale est déjà au cœur de la politique italienne.

Rien de nouveau, pour l’Afrique, sous le soleil de Rome ? Si la tendance actuelle devait se préciser, c’est peut-être sous les rayons dardés sur Bruxelles que le vent idéologique pourrait souffler sur d’autres États. Sous le regard gourmand du Hongrois Viktor Orbán et sous celui, alléché, de la Française Marine Le Pen, le parti du Suédois Jimmie Åkesson, virulent à l’égard de l’immigration, a poussé les portes du pouvoir, le 11 septembre. Aux nouveaux nationalismes panafricanistes de répondre comme il se doit à l’émergence d’une internationale européenne souverainiste…

Avec Jeune Afrique

Damien Glez

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Canada-Québec: Le refus d’accorder des visas à des Africains, une « incohérence » dénoncée par l’UQTR

août 26, 2022
Les cubes devant l'Université.

L’UQTR accueille de nombreux étudiants africains (archives). Photo : Radio-Canada/Josée Ducharme

L’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) dénonce le refus massif de visas pour les étudiants africains francophones par l’agence d’immigration fédérale. Le taux de refus des demandes d’étudiants internationaux qui veulent fréquenter l’UQTR est de 79 %, selon des données gouvernementales.

Les Africains verraient leurs demandes de visa plus souvent refusées que celles des étudiants d’autres pays, selon le recteur de l’UQTR, Christian Blanchette. Il souligne que l’institution est particulièrement touchée par ce problème.

Pour l’UQTR, le principal bassin de recrutement d’étudiants internationaux est l’Afrique, affirme Christian Blanchette qui précise que ces étudiants représentent 65 % de tous les étudiants étrangers.

« C’est un grand problème et ça fait des années qu’on en parle. »— Une citation de  Christian Blanchette, recteur de l’UQTR

Les raisons du refus seraient souvent la crainte que les étudiants africains ne veuillent pas repartir dans leur pays une fois leurs études terminées. Or, plusieurs élus et employeurs voient en l’immigration une solution au problème de pénurie de main-d’oeuvre, ce qui rend donc perplexes les dirigeants de l’UQTR.

Autant le gouvernement canadien que le Québec souhaiteraient les garder parce qu’on cherche de la main-d’œuvre, il y a une incohérence, a déploré le directeur du bureau des relations internationales de l’UQTR, Sylvain Benoit, en entrevue à l’émission En direct. Il constate par ailleurs que les demandes de visas des étudiants de la Chine ou du Vietnam sont plus souvent acceptées par Ottawa que ceux des pays africains.

En entrevue à Toujours le matin, le recteur de l’UQTR a assuré que les élus sont conscients de cet enjeu-là, car il a maintes fois discuté du problème avec eux. Christian Blanchette espère que des solutions seront mises en place.

Une Afghane refusée injustement, selon un professeur

Une Afghane qui voulait venir aire son doctorat à la session d’automne à l’Université du Québec à Trois-Rivières s’est vu refuser son visa d’étudiante.

« On lui a refusé son visa sous prétexte qu’elle ne retournerait pas dans son pays alors que, clairement, elle avait expliqué […] qu’elle désirait vraiment contribuer à sa société en y retournant par la suite comme professeure avec des qualifications de chercheuse. »— Une citation de  Mathieu Piché, professeur au département d’anatomie de l’UQTR

Le Bloc québécois a fait une sortie publique mercredi pour dénoncer le refus massif d’étudiants étrangers francophones.

Avec Radio-Canada

Bourses sur l’avenir mondial à l’Université de Manchester pour Africains en Angleterre en 2023

août 12, 2022

Ces bourses d’études sont destinées aux étudiants étrangers et africains pour étudier en Angleterre.

01. Données sur la bourse :

Année de la bourse : 2023

Pays : Angleterre

Organisme : Université de Manchester

Niveau d’étude : master

Spécialité de la bourse : Ingénierie, environnement, sciences de la santé, développement, éducation, textile et droit.

Montant de la bourse : Jusqu’à 100% des frais des études

Date limite pour postuler : 31 août 2022

02. Organisme d’accueil :

Nom de la bourse : Bourses d’études sur l’avenir mondial à l’Université de Manchester

Organisme : Université de Manchester

03. Description de la bourse :

L’Université de Manchester est fière d’offrir des bourses totalisant plus de 1,7 million de livres sterling à des étudiants internationaux, commençant leurs études en septembre. Cette bourse est ouverte aux étudiants de premier cycle et de maîtrise titulaires d’une offre de l’Université de Manchester et l’évaluation sera basée sur le mérite académique et la qualité de votre demande de bourse. Vous devez être autofinancé (non parrainé). Le niveau d’attribution, les critères d’éligibilité et les dates limites de candidature diffèrent pour chaque région.

Pour pouvoir postuler, vous devez détenir une offre de place d’étude à l’Université de Manchester pour un cours qui débutera en septembre 2022. Vous devrez également soumettre un formulaire de candidature en ligne qui sera automatiquement envoyé par e-mail à toutes les offres concernées.

04. Groupe Cible :

Pour tous les groupes.

05. Pour postuler :

https://www.manchester.ac.uk/study/international/finance-and-scholarship…

Avec Adiac-Congo par Bourses Africaines

Mondiaux d’athlétisme : ces Africains qui peuvent faire la différence sur le sprint

juillet 16, 2022

PRONOSTICS. À Eugene aux États-Unis, où commencent les Championnats du monde d’athlétisme, certains athlètes africains pourraient véritablement donner le tempo.

Le Kenyan Ferdinand Omanyala, champion d'Afrique du 100 m.
Le Kényan Ferdinand Omanyala, champion d’Afrique du 100 m.© TONY KARUMBA / AFP

Alors que le continent africain est reconnu pour ses coureurs de fond et de demi-fond, des talents émergent sur le sprint mondial. De quoi créer des surprises ? L’avenir nous le dira.

Ferdinand Omanyala (26 ans, Kenya, 100 m H)

Nouvel homme fort du sprint africain, Omanyala avait fait sensation en 2021 avec un nouveau record d’Afrique et un temps de 9’77 réalisé lors du meeting de Nairobi, le plaçant alors à la 8e place des meilleures performances mondiales de l’histoire. Toutefois, ses chances de médaille ont été sérieusement compromises par ses difficultés d’obtention de visa pour les États-Unis. Alors que sa situation s’est décantée ces dernières heures, Omanyala devrait arriver à Eugene à moins de trois heures du premier tour du 100 m, 2 h 40 plus précisément. En prenant en compte les différentes formalités à l’entrée sur le territoire américain, sa présence lors de la première course est très incertaine.

Akani Simbine (28 ans, Afrique du Sud, 100 m H)

Ancien recordman d’Afrique (9’84), Simbine est toujours à la recherche de sa première médaille dans une compétition mondiale. Cinquième aux Jeux de Rio, puis aux Championnats du monde de Londres et de Doha, avant de finir 4e aux Jeux olympiques de Tokyo, cette année est l’opportunité pour lui de réaliser un pas de plus. Toutefois, avec un meilleur temps de la saison à 10’02 lors du meeting de Stockholm comptant pour la Diamond League, il devra sans aucun doute élever son niveau de jeu pour accrocher une place sur le podium.

Joseph Paul Amoah incarne la relève du sprint ghanéen, après la génération des années 1960 et 1970.© JAVIER SORIANO / AFP

Benjamin Azamati (24 ans) et Joseph Paul Amoah (25 ans) (Ghana, 100 m H, relai 4 x 100 m)

Sur la courbe ascendante depuis sa première course sous les 10 secondes, le sprinteur ghanéen Benjamin Azamati a amélioré le record de son pays en passant de 9’97 à 9’90. Il avait également atteint les 9’86, non homologué en raison d’un vent trop favorable. Il s’est également distingué en s’imposant lors du meeting de Charléty. En compagnie de son compatriote Joseph Paul Amoah, qui a réalisé 9’94 sur 100 m, le Ghana tentera de continuer sa marche en avant sur le relais 4 x 100 m, pour lequel il réalise des progrès notables ces dernières années. À noter que tous deux ont participé aux tournois NCAA et ne seront pas dépaysés par la tenue de ces Championnats du monde en Oregon.

À LIRE AUSSIJO de Tokyo : ces sprinteurs africains qui pourraient créer la surprise

Letsile Tebogo (19 ans, Botswana, 100 m – 200 m H)

Champion du monde sur 100 m et médaillé d’argent sur 200 m chez les juniors en 2021, Tebogo a réussi son entrée dans la cour des grands en remportant son premier titre de champion d’Afrique sur 200 m il y a quelques semaines aux îles Maurice. Avec un record personnel à 9’96, s’il est prématuré d’ambitionner une médaille cette année, il pourrait faire parler de lui dans les années à venir et cette édition des championnats pourrait lui permettre de se faire connaître.

Le Botswanéen Letsile Tebogo, 18 ans, s’est emparé à Gaborone du record du monde juniors du 100 m avec un chrono de 9 sec 96/100e (vent: +1,9 m/s), améliorant d’1/100e le précédent record de l’Américain Trayvon Bromell datant de 2014.© SIMON MAINA / AFP

Joseph Fahnbulleh (20 ans Liberia, 100 m – 200 m H)

Après une participation aux Jeux olympiques de Tokyo, dans laquelle Fahnbulleh avait accédé à la finale grâce à un temps qualificatif de 19’99, le jeune sprinteur libérien a continué sa progression. Élu athlète de l’année en NCAA, le tournoi américain universitaire, Fahnbulleh a réalisé le doublé sur 100 m et 200 m et se présentera sur les deux disciplines. Néanmoins, étant plus adapté au demi-tour de piste, il présente logiquement plus de chances sur 200 m où il a réalisé son record personnel avec un temps de 19’83 pour remporter le tournoi universitaire. Évoluer quasiment à domicile pourrait augmenter ses chances de performance dans ces Championnats du monde.

Luxolo Adams (26 ans, Afrique du Sud)

Avec un temps de 19’82 réalisé au meeting de Paris, l’athlète sud-africain est descendu sous la barre des vingt secondes pour la première fois de sa carrière. Âgé de 26 ans, Adams, médaillé de bronze aux Championnats d’Afrique de 2018, a une trajectoire de late bloomer, signifiant l’éclosion tardive. Véritable inconnue de la compétition, à voir s’il saura élever son niveau de jeu et améliorer son record pour se faire une place dans la discussion.

Wayde Van Niekerk (30 ans, Afrique du Sud, 400 m H)

Après des années très difficiles, le recordman du monde du 400 m, champion olympique à Rio et champion du monde à Londres, se remet progressivement de la terrible blessure aux ligaments qu’il a contractée alors qu’il jouait un match de rugby et qui l’a éloigné des pistes entre 2017 et 2020. Pour son retour à la compétition internationale, il avait logiquement été éliminé en demi-finales des Jeux de Tokyo, avec un temps de plus de 45 secondes, loin de son meilleur niveau. Dans la quête d’un retour à un niveau conforme à ses standards, ces Championnats du monde sont une chance pour lui de continuer sa progression. Avec un record de la saison en 44’58 réalisé il y a quelques jours, accrocher une place en finale serait déjà une première victoire.

Le Sud-Africain Wayde Van Niekerk, recordman du monde et champion olympique en 2016.© JAVIER SORIANO / AFP

Marie José Ta Lou (33 ans, Côte d’Ivoire, 100 m F)

La double championne d’Afrique, médaillée de bronze à Doha et d’argent (sur 100 m et 200 m) aux mondiaux de Londres, court encore après son premier sacre dans un tournoi mondial. Faisant face à la domination grandissante des sprinteuses jamaïcaines, la tâche devient de plus en plus âpre. N’étant pas descendue sous les onze secondes, elle réserve sans doute le meilleur pour la compétition, d’autant plus que son record personnel 10’78 (avec un vent légèrement défavorable) remonte aux tours qualificatifs des Jeux olympiques.

Au sommet de sa carrière, elle a d’ailleurs exprimé sa pensée par rapport aux soucis rencontrés par ses collègues, notamment ceux venant d’Afrique quant à l’attribution de visas : « En tant qu’athlète, vous travaillez dur pour être qualifié pour les Championnats du monde, et après vous avez un problème de visa… » a-t-elle écrit sur ses réseaux sociaux. Comment veulent-ils que les athlètes soient performants ? Une situation qui ne leur permet pas d’arriver sur un pied d’égalité dans la compétition. L’athlète gambienne Gina Bass, championne d’Afrique sur 100 m, se retrouve dans cette situation, pour ne citer qu’elle.

Flavour Ofili (19 ans, Nigeria, 200 m F)

Détentrice de la 4e performance mondiale de l’année sur 200 m avec un temps de 21’96, réalisée lors du tournoi NCAA, la sprinteuse nigériane de LSU, considérée comme un grand espoir du continent, a une opportunité de remporter sa première médaille intercontinentale chez les séniors. Alors qu’elle devait prendre part aux Jeux olympiques l’an passé, un non-respect des procédures pré-olympiques de test antidopage de la part de la fédération nigériane a abouti à la disqualification de 10 athlètes, dont elle.

Tobi Amusan (25 ans, Nigeria, 100 m haies F)

Aux pieds du podium aux Championnats du monde de Doha, puis aux Jeux olympiques de Tokyo, Amusan a conservé une régularité lui permettant d’espérer franchir ce cap. Si la championne portoricaine Jasmine Camacho-Quinn semble dominer la discipline sans partage, la compétition pour le podium fait rage sur le 100 m haies. Avec la troisième meilleure performance de l’année (12’42), également son record personnel, réalisée au meeting de Charléty, la coureuse nigériane peut légitimement espérer enrichir son palmarès après l’or récolté aux Championnats d’Afrique (2018 et 2022), les Jeux africains (2019).

La Nigériane Tobi Amusan, récente recordwoman d’Afrique (12.41).© MICHELE MARAVIGLIA / NurPhoto via AFP

Les Namibiennes Christine Mboma et Béatrice Masilingi absentes

Malheureusement, les forfaits des deux sensations namibiennes Christine Mboma et Béatrice Masilingi viennent réduire les possibilités africaines de médaille. Avec une performance de 21’87 réalisée en avril passé, Mboma détient la troisième meilleure performance mondiale de l’année et semblait la plus apte à bouleverser les pronostics annonçant un duel entre les Jamaïcaines Elaine Thompson-Hebrah, Fraser Pryce, la détentrice de la meilleure performance mondiale de l’année Shericka Jackon (21’55), et l’Américaine Abby Steiner (21’77).

Avec Le Point par Abdoulaye A. Sall

Guerre en Ukraine : l’Afrique ne doit pas oublier ses étudiants

juillet 5, 2022

Cinq mois après le début de l’offensive de la Russie, précarité et insécurité administrative sont le lot des jeunes Africains qui ont quitté l’Ukraine et tentent de s’installer ailleurs en Europe. Nos dirigeants doivent collectivement leur venir en aide.

Réfugiés fuyant l’Ukraine à la gare de Przemyśl, en Pologne, le 2 mars 2022 © Davide Bonaldo/Sipa USA

En février dernier, les images insoutenables d’actes de racisme sur des ressortissants africains avaient fait le tour du monde. Parmi ces derniers figuraient notamment de jeunes étudiants, violemment brimés aux frontières de l’Ukraine qu’ils essayaient de franchir, ou aux abords de trains qui quittaient ce pays : ils n’étaient pas jugés aussi prioritaires dans leur fuite que les autres.

Aujourd’hui, l’on assiste à un autre épisode malheureux. Après avoir échappé aux canons et aux bombardements en Ukraine – parfois au prix de profonds traumatismes – pour trouver refuge ailleurs sur le Vieux continent, c’est contre la précarité et l’insécurité administrative qu’ils sont désormais nombreux à batailler. Après leur avoir accordé une brève protection temporaire, plusieurs États européens ordonnent aux étudiants africains qui ne remplissent pas les conditions d’obtention d’un titre de séjour de quitter leurs territoires, considérant que leurs pays d’origine ne sont, pour la plupart, pas en guerre.

Titre de séjour : un si rare sésame

En effet, pour séjourner durablement dans un pays européen, ces jeunes Africains doivent introduire des demandes de titres de séjour selon les modalités de droit commun. En France par exemple, ils n’ont d’autre choix que de demander un titre de séjour ou de déposer une demande d’asile pour ne pas se retrouver en situation irrégulière. Toutefois, les chances d’obtention d’un titre de séjour sont faibles en raison des conditions strictes exigées. Il en est de même pour la demande d’asile, qui a peu de chance d’aboutir dans la mesure où celle-ci sera étudiée au regard de la situation des pays d’origine desdits étudiants et non pas de la situation en Ukraine.

Deux constats factuels et quelque peu troublants découlent de ces cas éprouvants. Le premier, c’est le double standard des pays européens, bien loin des discours de leurs hauts représentants lors de sommets successifs Afrique-Europe, rappelant l’importance stratégique de la relation avec l’Afrique et la volonté d’engager cette dernière dans le « camp du bien », dans la croisade contre le « méchant agresseur russe ». La cohérence aurait voulu un traitement strictement égal entre Africains et Ukrainiens, ce qui, au passage, aurait nourri l’empathie d’une partie de l’opinion publique africaine. C’est sans doute une faute politique que l’histoire n’ignorera pas.

Créer un groupe d’envoyés spéciaux africains

Le second constat, et c’est le plus important, porte sur la difficulté pour les États et institutions d’Afrique à apporter une réponse à la hauteur des enjeux de leur jeunesse où qu’elle se trouve. Faute d’anticipation, de réaction plus robuste et de coordination, des centaines de milliers d’étudiants africains sont livrés à eux-mêmes lorsqu’ils sont pris dans les tourments d’une crise comme celle de la pandémie de Covid-19. Or, derrière chacun d’eux, c’est un projet de vie, des ambitions et des rêves, voire l’espoir de familles entières, qui sont dangereusement compromis. La récente tournée du président en exercice de l’Union africaine, Macky Sall, en Russie et plus récemment au G7, portant sur la question de l’approvisionnement alimentaire du continent offrait l’occasion de soulever la question de l’abandon de cette jeunesse et de porter un message politique fort en faveur de ces étudiants.

L’urgence du moment, au-delà des condamnations des actes discriminatoires ainsi que des initiatives salutaires de personnes de bonne volonté est de répondre collectivement et intelligemment à ce défi, pour garantir les conditions d’un retour à une vie normale, la continuité pédagogique et renforcer durablement les capacités du continent à offrir à sa jeunesse des cadres de formation d’excellence et de réussite professionnelle sur le continent. Pour cela, des pistes de solutions peuvent être explorées.

En premier lieu et à court terme, il faut amplifier l’accès à l’information et aux droits, capital pour accompagner ces jeunes plongés dans une détresse administrative en raison de la situation inédite qu’ils vivent. C’est le sens de la plateforme initiée par Initiative for Africa (IFA) et le think tank Molongwi, destinée d’une part à centraliser l’ensemble des initiatives de soutien aux étudiants africains fuyant l’Ukraine, et d’autre part, à mettre en relation les bonnes volontés et ces jeunes. Nous devons amplifier et multiplier ce genre d’outils.

En second lieu, sur un plan politique, nous estimons impérieux, au regard de la place importante de la jeunesse dans l’agenda de l’Union africaine et, à l’instar des initiatives continentales prises lors de la crise du Covid, de créer un organe ou nommer un groupe d’envoyés spéciaux du continent africain réunissant un groupe de personnalités qualifiées à même de réfléchir et répondre aux conséquences économiques, alimentaires et énergétiques et plus largement humaines. La question éminemment importante de la formation et de la situation des ressortissants africains, en particulier des jeunes étudiants, devra figurer comme l’une des priorités du mandat de cette institution ad hoc.

Former nos élites sur le continent

Enfin, dans une perspective de moyen et long terme, la question de l’excellence académique en Afrique ne saurait être éludée. La présente crise la pose avec une singulière acuité. Comment expliquer que se perpétue ce système de délégation de la formation des futures élites du continent à l’étranger ? Et comment expliquer que l’option d’un retour en Afrique proposée à plusieurs de ces jeunes a été largement exclue par ces derniers, en raison des insuffisances du système de formation sur le continent ?

Le conflit actuel en Ukraine comme les autres avant est un énième appel au sursaut : la transformation du continent demande de bâtir en Afrique, les structures et systèmes de notre autonomie stratégique. Il n’y a pas de raccourci. Sinon nous continuerons à sous-traiter aussi notre développement. Il n’est pas trop tard !

Avec Jeune Afrique

Adébissi Djogan

Par Adébissi Djogan

Adébissi Djogan est président d’Initiative for Africa.

Fortuné Ahoulouma

Par Fortuné Ahoulouma

Avocat au Barreau de Paris, co-fondateur du think tank Molongwi

Rachel Keke, Nadège Abomangoli, Carlos Martens Bilongo… Qui sont les nouveaux députés français d’origine africaine ?

juin 21, 2022

À l’issue du scrutin des 12 et 19 juin qui a largement rebattu la composition de la représentation nationale, de nouvelles figures originaires du continent font leur entrée au Palais Bourbon, incarnant un peu plus la diversité de la société française.

Rachel Keke, élue Nupes de la 7e circonscription du Val-de-Marne © Bruno Levy pour JA

En 2017, Emmanuel Macron promettait « des visages, ceux de la France réelle, […] la France de tous les visages, de toutes les couleurs », lançant dans la course aux législatives un panel de candidats aux parcours professionnels, aux origines socio-économiques et géographiques variés.

Cinq ans plus tard, alors que la nouvelle composition de l’hémicycle consacre une poussée historique du Rassemblement national de Marine Le Pen et voit Emmanuel Macron perdre la majorité absolue, de nouveaux visages font leur apparition. Des profils qui viennent renforcer l’envie de diversité de certains électeurs. En témoigne l’élection de Rachel Keke, femme de chambre franco-ivoirienne qui s’est imposée dans la 7e circonscription du Val-de-Marne. Ou celle du diplomate franco-tunisien Karim Ben Cheïkh dans la 9e circonscription des Français de l’étranger.

Jeune Afrique a ainsi recensé, de manière non exhaustive, 17 députés « d’origine africaine », qu’ils soient binationaux, nés en Afrique ou nés en France de parents Africains. Dix d’entre eux sont issus des rangs d’Ensemble !, la coalition de La République en marche (246 députés au total) et sept de la coalition de gauche, la Nupes (142 députés au total). Jeune Afrique dresse la liste des personnalités les plus marquantes de la nouvelle assemblée.

Ceux qui arrivent

  • Rachel Keke (Nupes)

Cette Franco-Ivoirienne de 49 ans, native d’Abobo, un quartier populaire d’Abidjan en Côte D’Ivoire, s’est faite connaître pour son combat contre le groupe hôtelier Accor. Entre 2019 et 2021, elle incarne le visage et la voix des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles qui mènent une grève historique de deux ans afin d’exiger de meilleures conditions de travail.

Élue dans le Val-de-Marne sous l’étendard de la Nupes, cette insoumise a battu l’ancienne ministre déléguée chargée des Sports Roxana Maracineanu (LREM). Se définissant volontiers comme une guerrière, Rachel Keke entend représenter « les invisibles » et les « essentiels ».

  • Karim Ben Cheïkh (Nupes)
Karim Ben Cheikh
Karim Ben Cheikh

Également candidat de la Nupes, ce Franco-Tunisien de 45 ans s’est distingué en défaisant l’ancienne ministre de l’Égalité hommes-femmes, Élisabeth Moreno, originaire du Cap Vert.

Ce diplomate de carrière est le seul candidat de la gauche à avoir remporté l’adhésion des Français expatriés – neuf circonscriptions des Français de l’étranger sur onze sont tombées dans l’escarcelle de la majorité présidentielle. « Vous avez exprimé un choix clair pour la justice sociale et la défense de nos services publics », a réagi le député de la 9e circonscription des Français de l’étranger, qui comprend le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest.

  • Nadège Abomangoli (Nupes)
Nadège Abomangoli
Nadège Abomangoli

Ce 19 juin, cette native du Congo Brazzaville de 46 ans, candidate de la Nupes, a fait tomber le député sortant Les Républicains (LR) Alain Ramadier à Aulnay-sous-Bois et Bondy (10e circonscription de Seine-Saint-Denis – 93).

Cette ancienne militante de SOS Racisme a été collaboratrice parlementaire entre 2013 et 2015. Nadège Abomangoli a également siégé au Conseil régional d’Île-de-France entre 2010 et 2015, alors qu’elle était encartée au Parti socialiste avant de rejoindre La France insoumise (LFI).

  • Carlos Martens Bilongo (Nupes)
Carlos Martens Bilongo
Carlos Martens Bilongo

Autre insoumis faisant son entrée dans l’hémicycle : Carlos Martens Bilongo, élu à Villiers-le-Bel dans le Val-d’Oise face au candidat MoDem François Pupponi, avec 61,72 % des suffrages.

Cet enseignant en économie de 31 ans, né en France de parents congolais (RDC) et angolais, est très actif dans le milieu associatif, notamment via une structure qui propose aux enfants de tous les milieux des activités sportives et culturels accessibles.

  • Farida Amrani (Nupes)
Farida Amrani
Farida Amrani

Née au Maroc en 1976, arrivée en France à l’âge de deux ans, cette candidate de la Nupes a été élue dans la 1ère circonscription de l’Essone au terme d’une bataille qu’elle mène de longue date.

Battue aux législatives de 2017 par Manuel Valls, qui l’accuse alors de complaisance avec les islamistes, Farida Amrani soupçonne l’ancien Premier ministre de tricherie. Lorsque ce dernier démissionne afin de se lancer à l’assaut de la mairie de Barcelone, elle tente de lui succéder à l’occasion de l’élection législative partielle de novembre 2018. Elle est alors défaite par Francis Chouat, candidat soutenu par Emmanuel Macron. À 45 ans, cette conseillère municipale a pris sa revanche en battant le candidat LREM avec près de 60 % des voix.

Ceux qui partent

  • Saïd Ahamada, (LREM – Ensemble !)

Comme de nombreux députés sortants de la majorité, Saïd Ahmada a fait les frais de la sanction électorale infligée au camp présidentiel lors de ces législatives. Député des quartiers nord de Marseille, entré dans l’hémicycle en 2017 sous les couleurs de La République en marche, il a été évincé dès le 12 juin au profit du Rassemblement national (RN) et de la Nupes.

Né à Saint-Denis de la Réunion, celui qui fut porte-parole de son groupe parlementaire entre 2019 et 2020 est d’origine comorienne.

  • Laetitia Avia, (LREM – Ensemble !)

Figure de la diversité nouvelle de l’hémicycle en 2017, cette avocate de 36 ans est née en France de parents togolais et a été naturalisée à l’âge de 12 ans. Cette ancienne membre de la Commission des lois ainsi que des groupes d’amitié France-Ghana et France-Canada n’a obtenu que 45,92 % des voix face à la candidate écologiste de la Nupes Éva Sas, dans la 8e circonscription de Paris.

  • Brahim Hammouche (MoDem – Ensemble !)

Élu en Moselle en 2017, ce natif de Smaoun, en Algérie, n’a lui non plus pas réussi à dépasser le premier tour du scrutin. Médecin-psychiatre de formation, il cède son siège d’élu LREM à Laurent Jacobelli du Rassemblement national.

  • Jean-François Mbaye (LREM – Ensemble !)

Ce natif de Dakar, au Sénégal, a été largement battu lors du 2e tour du scrutin par la candidate de la Nupes Clémence Guetté (64,2 % des voix) dans la 2ème circonscription du Val-de-Marne. Il avait été élu en 2017 dans les rangs de la majorité présidentielle.

Arrivé en France en 1998 pour ses études, Jean-François Mbaye est le petit-fils d’une ancienne conseillère municipale de l’île de Gorée, dans la capitale sénégalaise.

  • Patrice Anato (LREM – Ensemble !)

Élu dans la 3e circonscription de Seine-Saint-Denis, ce Franco-Togolais né à Lomé en 1976 perd son siège au profit du candidat LFI (Nupes) Thomas Portes. Ce juriste, qui a rejoint LREM en 2016, s’était porté candidat à la présidence de son groupe parlementaire, face à François de Rugy et Christophe Castaner.

Ceux qui restent

  • Danièle Obono (Nupes)

À 41 ans, elle fait partie des rares députés élus dès le premier tour des élections législatives. Elle entame ainsi son deuxième mandat pour la 17e circonscription de Paris. Née à Libreville au Gabon, elle arrive en France à l’âge de onze ans. Elle a notamment largement soutenu la candidature de Rachel Keke.

  • Mohamed Laqhila (MoDem – Ensemble !)

Né à Oulmès, au Maroc, en 1959, ce député de la majorité présidentielle conserve son siège en tant qu’élu de la 11e circonscription des Bouches-du-Rhône. Cet expert-comptable et commissaire aux comptes est membre du groupe d’amitié France-Maroc, lequel comptait plusieurs députés franco-marocains, comme Fiona Lazaar (non-réélue), Nadia Hai (réélue) ou encore Mustapha Laabid (ex-député LREM démissionnaire, poursuivi pour abus de confiance)

  • Huguette Tiegna (LREM – Ensemble !)

Cette députée de la majorité, née en 1982 à Bangassogo au Burkina Faso et arrivée en France en 2009, rempile pour un second mandat. Élue dans la 2e circonscription du Lot, elle doit sa carrière politique à une rencontre en 2015 avec Emmanuel Macron qui, à l’époque où il était encore ministre de l’Économie, a visité les locaux de la start-up où elle travaillait.

  • Amélia Lakrafi (LREM – Ensemble !)

Réélue par les Français de la 10e circonscription de l’étranger, la député de 44 ans continuera de défendre les projets de l’exécutif à l’Assemblée nationale. Née à Casablanca, au Maroc, elle représente les citoyens français établis dans quarante-neuf pays répartis entre l’Est et le Sud du continent africain et le Moyen-Orient.

Avec Jeune Afrique par Manon Laplace et Olivier Marbot

CoM2022 : trois points saillants de la rencontre des ministres africains des Finances à Dakar

mai 19, 2022

Lors de la 54e session de la Conférence des ministres africains des Finances, de la planification et du développement économique, économistes et dirigeants ont plaidé en faveur d’une refonte complète de l’architecture financière mondiale qui replacerait l’Afrique au cœur des décisions.

Le président du Sénégal, Macky Sall, lors de son discours d’ouverture de la CoM2022, qui s’est tenue à Dakar du 11 au 17 mai. © Présidence de la République du Sénégal

Outre la pandémie, la hausse des prix des denrées alimentaires, du pétrole et des engrais entrave fortement la reprise économique africaine. D’après les dernières données compilées par la Commission économique pour l’Afrique (CEA), 29 pays africains devraient être confrontés à une « grave crise alimentaire », plus de 15 pays font face à un risque élevé d’endettement, et 55 millions d’Africains supplémentaires ont basculé dans la pauvreté.

Dans ce contexte, des experts de haut vol se sont réunis à Dakar du 11 au 17 mai, sous l’égide de la CEA, afin de tenter « d’identifier les politiques et les interventions économiques permettant de garantir une croissance des économies africaines d’au moins 10 % par an », précise le communiqué officiel.

Réformer l’architecture financière mondiale

Pour les panélistes présents lors de la CoM2022, les arrangements économiques mondiaux, censés maintenir la stabilité du système financier international, sont « dépassés et injustes pour de nombreux pays en développement ».

LES TAUX D’INTÉRÊT APPLIQUÉS À NOS PAYS SONT PLUS ÉLEVÉS QUE CEUX APPLIQUÉS À NOS PAIRS EN DEHORS DU CONTINENT

Lors de son discours inaugural, le président Macky Sall a, quant à lui, déclaré que l’Afrique se faisait désormais « dicter sa conduite alors qu’elle avait connu plus d’une décennie de bonne croissance, et qu’elle n’avait subi qu’un revers, comme le reste du monde, à cause de la pandémie de coronavirus ». D’après le président du pays hôte, les fonds sont prêtés aux pays africains à « un taux d’intérêt plus élevé que celui d’autres pays comparables », alors que leur solvabilité dépend des « décisions d’agences de notation opaques ».

« Les taux d’intérêt appliqués à nos pays sont plus élevés que ceux appliqués à nos pairs en dehors de notre continent, dont les fondamentaux économiques sont similaires ou pires », rapporte le communiqué de la CEA. Les banques centrales des économies avancées ayant relevé leurs taux d’intérêt afin de contenir la hausse des anticipations inflationnistes, ces coûts devraient encore augmenter au vu de la conjoncture économique actuelle.

Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), a, de son côté estimé qu’un changement fondamental de l’architecture financière mondiale est « crucial » pour le continent.

Créer un espace budgétaire pour les dépenses urgentes

Pour répondre à cette problématique, différentes propositions ont été émises. Rebeca Grynspan, secrétaire générale de la Cnuced, a par exemple suggéré – comme plusieurs voix avant elle – que l’Afrique obtienne un siège permanent au G20 pour « mieux se faire entendre ». D’autres experts ont, quant à eux, tablé sur une nouvelle extension de l’initiative de suspension de la dette (DSSI) de la Banque mondiale, afin de contribuer à « créer un espace budgétaire pour les dépenses urgentes ».

Pour rappel, cette initiative de suspension – lancée pour répondre aux conséquences immédiates de la crise de Covid-19 – n’a reporté que les paiements du service de la dette bilatérale des pays à faibles revenus, et les créanciers privés n’ont pas offert de traitement similaire.

Le financement des infrastructures africaines en question

Selon la dernière étude de la CEA, les dépenses annuelles des pays africains pour la seule réalisation des objectifs de développement durable (ODD) devraient augmenter de 154 milliards de dollars, et une somme supplémentaire de 285 milliards de dollars sera nécessaire au cours des cinq prochaines années pour assurer une réponse adéquate aux conséquences économiques du Covid-19. Les ministres participant à la CoM2022 ont souligné que le continent avait également besoin de « 130 à 170 milliards de dollars par an pour les projets d’infrastructure et d’environ 66 milliards de dollars par an pour investir dans les systèmes et les infrastructures de santé ».  

Une autre solution a été évoquée : la rétrocession des Droits de tirage spéciaux (DTS), permettant aux pays qui n’en ont pas besoin de les prêter aux États les plus vulnérables.  « La rétrocession de 100 milliards de dollars [95,15 milliards d’euros] de DTS à l’Afrique serait un moyen rentable de financer la relance du continent », a affirmé un économiste lors de l’évènement.

La Facilité de liquidité et de durabilité (FLS) a aussi été citée comme bonne alternative pour générer des fonds à moindre coût. Cet outil permettrait aux pays africains d’attirer des investissements dans des produits financiers axés sur la durabilité, notamment des obligations vertes. Dans le même contexte, Vincent Mortier, directeur des investissements de la société française de gestion d’actifs Amundi, a souligné que l’émission d’obligations vertes et durables, aujourd’hui presque inexistante en Afrique et ne représentant que 1 % des émissions mondiales actuelles, pourrait être une source de financement fiable. « D’autant plus que ces obligations alignées sur les ODD pourraient contribuer à stabiliser les économies », a-t-il ajouté.

Les ministres ont également indiqué fonder plusieurs espoirs dans la Zone de libre-échange africaine (Zlecaf), qui permettrait d’augmenter le PIB de l’Afrique « d’environ 55 milliards de dollars d’ici à 2045 ».

Enfin, les porte-voix de la CoM2022 ont pointé du doigt les surcharges imposées par le FMI aux pays ayant contracté des emprunts importants. Ces surcharges, payées en plus du versement des intérêts et des frais, sont évaluées à environ 4 milliards de dollars pour les pays africains pour cette seule année. Les ministres ont donc demandé au FMI d’y renoncer pour une période supplémentaire de deux à trois ans, et d’utiliser son fonds fiduciaire d’allègement et de limitation des catastrophes (CCRT) pour offrir un réduction du service de la dette aux pays pauvres.

Mobiliser les ressources et lutter contre les flux financiers illicites

Les ministres africains des Finances se sont engagés à accroître leurs efforts pour mobiliser les ressources nationales et à « mettre en œuvre des politiques qui créent un environnement propice » pour attirer le secteur privé. Les pays africains exportateurs de pétrole ont pour leur part été invités à utiliser la manne provoquée par la crise ukrainienne pour soutenir la reprise économique.

ON ESTIME QUE 83 MILLIARDS DE DOLLARS SONT SIPHONNÉS HORS D’AFRIQUE, PRIVANT LE CONTINENT DE RESSOURCES DONT IL A DÉSESPÉRÉMENT BESOIN

Selon la même logique, les ministres ont également promis de redoubler d’efforts pour mettre en œuvre une « politique fiscale globale et sans ambiguïté » et d’améliorer les capacités de lutte contre les flux financiers illicites (IFF). En effet, les ministres des Finances présents – parmi lesquels les ministres du Nigeria, du Maroc, du Sénégal ou encore de l’Égypte – ont avoué être « profondément préoccupés » par les flux financiers illicites (IFF).

« On estime que 83 milliards de dollars sont siphonnés hors d’Afrique, privant le continent de ressources dont il a désespérément besoin. »  Ces derniers ont également reconnu que l’Afrique avait des marchés de capitaux sous-développés, « en partie à cause d’un secteur informel important, de faibles taux d’épargne et de régimes réglementaires et de gouvernance faibles ». Il a ainsi été demandé à la CEA de continuer à apporter son aide dans la conception des politiques fiscales et dans leur mise en œuvre effective.

Avec Jeune Afrique par Yara Rizk

Diplomatie : quand la France ne fait plus rêver

avril 3, 2022
L’ambassade de France à Abidjan. © ISSOUF SANOGO/AFP

La France a décidé de revoir la composition de son corps diplomatique. Malheureusement, cette réforme ne s’accompagne pas d’une réflexion sur les raisons pour lesquelles la voix de Paris est de moins en moins audible, particulièrement en Afrique.

La démocratie libérale recule dans le monde, et le retour par l’Est du tragique en Europe escamote le débat démocratique français. Il a aussi pour regrettable effet de limiter la confrontation d’idées que le scrutin présidentiel a pourtant vocation à favoriser.

Dans un monde où l’ordre international est bousculé et où l’hégémonie occidentale semble dépassée, l’avenir de notre diplomatie française aurait mérité un vrai débat.

Et ce, d’autant plus qu’une réforme dite de l’encadrement supérieur de la haute fonction publique conduira à la suppression, dans l’Hexagone, dès janvier 2023, de deux corps diplomatiques, au profit d’un corps interministériel unique, celui des administrateurs d’État : en ambassade, à l’exception notable de nos ambassadeurs, il n’y aura donc plus de diplomates de métier. Pour le meilleur ou pour le pire.

Changer de ton

Comment, dans ces circonstances, s’organisera l’action extérieure française dans les prochaines années ? C’est une discussion majeure que nous n’aurons pas. Son importance est pourtant avérée, en particulier pour les Français de l’étranger, dont parfois 80 % s’abstiennent de participer aux scrutins électoraux.

Je pense notamment au continent africain, qui fait beaucoup parler de lui pendant la campagne, parfois avec condescendance, souvent sous le prisme de l’actualité migratoire ou militaire, et alors même que tous les candidats s’accordent par ailleurs à reconnaître qu’Europe et Afrique ont destin lié.

Lors du vote, à l’Assemblée générale des Nations unies, condamnant l’invasion russe en Ukraine, des pays du continent tels que l’Afrique du Sud, le Sénégal et l’Algérie se sont abstenus, comme d’ailleurs la Chine et l’Inde, quand le Maroc et l’Éthiopie n’ont tout simplement pas pris part au scrutin. Et puis il y a les pays que l’on préfère ne pas lister, mais qui ont voté la résolution à contrecœur, cédant à une pression qui provenait parfois de la France.

Nous devons adapter notre action extérieure aux nouveaux défis de l’époque, en commençant par changer de ton avec nos partenaires. Entre le premier suffrage universel en France, le 11 août 1792, et le premier vote des femmes, le 19 avril 1945, il s’est passé plus de cent cinquante ans : à qui souhaitons-nous donner des leçons ?

Changer de ton, c’est aussi cesser les discours grandiloquents. La ritournelle des poncifs humanistes à laquelle on a été habitué pendant les derniers quinquennats peut rendre un discours agréable. Elle ne constitue pas pour autant une modalité efficace de notre action politico-diplomatique.

L’ACTION CULTURELLE DE LA FRANCE EST FRAGILISÉE. SON IMAGINAIRE EST DATÉ

Face au ressentiment antifrançais d’une part, qui croît en Afrique pour des raisons qui ne sauraient tenir qu’aux seules entreprises de manipulation de nos rivaux, et d’autre part aux importants efforts qui sont fournis sur le continent par de puissants adversaires de la démocratie libérale, notamment la Chine, la Russie et la Turquie, quels moyens la France souhaite-t-elle se donner pour accomplir son destin de puissance d’équilibre ?

Les efforts consentis pour apaiser les douleurs mémorielles, par exemple au Rwanda, sont à saluer et participent du nécessaire effort d’adaptation. Ils restent néanmoins insuffisants, quand l’on voit se détourner de la France des pays comme la Centrafrique, le Mali ou, pour des raisons différentes, le Gabon.

Ils sont en revanche plus productifs dans les pays sans legs colonial français, par exemple au Ghana, en Angola, ou en Égypte.

Mais l’action culturelle de la France est fragilisée. Son imaginaire est daté. La vision de nos diplomates est parfois strabique ou dépassée. La souveraineté de nos partenaires n’est pas toujours respectée. Bref, la France ne fait plus rêver.

Et elle n’a plus à faire rêver. Il ne faut pas plus de France. Il en faut mieux.

Tisser de nouveaux fils

En Afrique et au Levant, la « diplomatie parlementaire » doit de ce point de vue être réhabilitée. Soyons clair : il ne s’agit pas pour nos députés ou sénateurs de suppléer la diplomatie française. L’expression, dont il faut reconnaître le caractère commode, doit plutôt renvoyer au rôle que les parlementaires peuvent jouer pour tisser les nouveaux fils de la relation entre nos partenaires africains d’une part, et la France, l’Allemagne et l’Italie d’autre part, cela en complément de nos actions diplomatiques respectives.

Cette conception de la diplomatie parlementaire suppose de s’appuyer sur des élus véritablement représentatifs, en capacité d’enrichir l’analyse de la diplomatie régalienne, notamment du fait de leur ancrage territorial et socioculturel. Ils le feraient avec la liberté de ton et d’appréciation que le suffrage universel confère.

C’est ainsi que des compromis peuvent être construits, des équilibres préservés, des opportunités réciproques saisies, y compris en matière économique, par exemple dans les secteurs de l’énergie, de la santé et de l’éducation.

Dans cette nouvelle entreprise, les Français établis hors de l’Hexagone doivent être au centre de nos attentions, faute de quoi, notre action extérieure en Afrique connaîtra son crépuscule.

Avec Jeune Afrique

Ali Hojeij

Par Ali Hojeij

Avocat au Barreau de Paris, spécialiste du droit public des affaires