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La vérité sur l’opération d’Alassane Ouattara

février 17, 2014

Le 10 février, la présidence ivoirienne publiait un communiqué annonçant que le chef de l’État, Alassane Ouattara avait été opéré d’une sciatique à Paris et « se portait bien ». Jeune Afrique a obtenu quelques précisions sur son état de santé.

C’est à l’hôpital américain de Neuilly (et non à l’hôpital d’instruction des armées Percy, à Clamart, comme l’ont affirmé la plupart des sites d’information ivoiriens) que le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) a été opéré d’une sténose du canal lombaire dans la matinée du 8 février.

L’opération, qui a duré près de trois heures, a été un succès. Elle a été réalisée par un chirurgien orthopédiste, le Pr Claude Laville, un spécialiste des affections du rachis, de la hanche et du genou formé au sein de la prestigieuse équipe du Pr Roy-Camille, à la Pitié-Salpêtrière. La sténose (réduction du calibre) du canal lombaire dont souffrait Alassane Ouattara est une pathologie relativement banale et sans gravité, mais dont les conséquences – difficulté à marcher et à rester debout plus de cinq à dix minutes, la compression des racines nerveuses entraînant de vives douleurs – sont pénibles.

Le président ivoirien, qui souffrait particulièrement de la jambe gauche, a d’abord été traité par des infiltrations de corticoïdes. Les symptômes devenant plus vifs, une laminectomie (élargissement du canal lombaire par la suppression de lames vertébrales) a été décidée – et pratiquée. C’est à Paris, pour que ses médecins puissent intervenir en cas (peu fréquent) d’hématome ou d’infection postopératoire, qu’Alassane Ouattara, qui devrait sortir de l’hôpital dans la semaine du 17 février, passera sa convalescence. Celle-ci durera de deux à trois semaines.

Retour à la mi-mars

Le chef de l’État devrait donc être de retour à Abidjan à la mi-mars. La visite officielle que devait faire à Abidjan, durant cette période, le président français a évidemment été reportée. François Hollande, qui s’est entretenu au téléphone avec Alassane Ouattara la veille de son opération, puis à son retour des États-Unis, se rendra donc le 27 février à Abuja, où il assistera au centième anniversaire de la création du Nigeria (un sommet sur la sécurité en Afrique de l’Ouest est annoncé en marge des cérémonies), sans faire ensuite escale à Abidjan, comme prévu.

En attendant, ADO, qui marche de nouveau normalement, partage ses journées entre le repos, les visites de ses proches collaborateurs et les appels de ses amis. Nicolas Sarkozy a ainsi été l’un des premiers à se manifester.

Jeuneafrique.com

Côte d’Ivoire : à Korhogo, l’adieu aux armes

juillet 25, 2011

Dans la ville du Nord de la Cote d’Ivoire, bastion de Ouattara et geôle de Gbagbo, l’heure est officiellement à la réconciliation. Reportage.

Un ciel bleu qui s’étend à perte de vue. Une large piste en latérite, cahotante à souhait. Des agriculteurs sur le chemin du retour… Et, soudain, un check-point : deux piquets de bois plantés de part et d’autre de la voie, une cordelette tendue entre les deux. Quittant son abri de branchages, le soldat-dozo de faction s’approche du véhicule. Bardé de grigris, fusil de chasse en bandoulière, le chasseur traditionnel scrute attentivement chaque visage, avant de marmonner une phrase que l’on interprète comme un « vous pouvez y aller ».

Bienvenue à Korhogo, capitale de la région des Savanes, base arrière des Forces nouvelles (FN), l’ex-rébellion armée. Six cent trente-trois kilomètres séparent la « cité du Poro » d’Abidjan. Autant dire tout un monde. Ici, les superstitions ont la dent dure, et on ne rigole pas avec ces chasseurs à qui l’on attribue de grands pouvoirs mystiques. Ils veillent sur Korhogo depuis le début de la rébellion, en 2002, et d’aucuns disent que leurs potions et bénédictions sont à la base de la victoire d’Alassane Ouattara (ADO).

Korhogo est chargé d’une histoire faite d’actes de bravoure et de légendes. C’est aussi une ville stratégique, porte de passage vers le Burkina et le Mali voisins. Comme tous les carrefours, elle est grouillante, colorée, bruyante, commerçante. Le carburant vient du Burkina, les deux-roues chinois qui ont envahi la ville transitent par le Togo, les boissons gazeuses sont importées du Mali, de même que le riz et bien d’autres céréales… avec une plus-value substantielle depuis que les douanes sont assurées par les FN.

Cependant, pour rien au monde Chérif El Ouazani ne ferait marche arrière. Le restaurateur marocain et toute sa famille se sont installés à Korhogo en décembre 2002, alors que le « bruit des rafales résonnait encore ». « Mes amis d’Abid­jan me prenaient pour un fou : m’installer dans une région où il y a des rebelles… », se souvient-il. Neuf ans plus tard, il est encore là, propriétaire de trois restaurants très fréquentés, dont le Bokadios où se côtoient cadres des FN et habitants lambda. « Il n’y a pas de doute : la Côte d’Ivoire va se relever et Korhogo sera très important pour l’avenir du pays », promet-il, ponctuant ses phrases de « Inch’Allah » convaincus.

Un « invité » de marque

L’actualité récente s’est chargée de mettre la cité sénoufo en première ligne. C’est là, dans la résidence présidentielle située sur les hauteurs de la ville, qu’est détenu, depuis le 14 avril, Laurent Gbagbo. Des rondins de bois bloquent la circulation tout autour de la propriété, et ni les hauts murs ni la végétation luxuriante ne permettent de voir ce qui s’y passe. Passés les premiers jours d’excitation qui ont suivi l’arrivée de l’ex-chef d’État, les Korhogolais ont fini par se lasser du mystère, et plus personne ne se préoccupe de cet invité de marque.

« Au mieux, il est l’objet de plaisanteries sur le sens de l’hospitalité du peuple sénoufo qu’il a tant détesté », lance Soro Kanigui Mamadou, délégué des FN de Korhogo, qui se refuse à communiquer toute information sur les conditions de détention de l’ancien président. Madame Rumeur fait moins de manières : elle a de nombreuses fois aperçu le président dans la voiture du commandant de zone Fofié Kouakou Martin, à la nuit tombée, ou dans une boîte de nuit de la ville, en charmante compagnie.

ADO, le fils de la région

« La politique nous a divisés, mais on se connaît tous, nous sommes de la même famille. On ne peut pas se déchirer indéfiniment », philosophe Éric Ouattara, directeur de campagne d’ADO chargé de la jeunesse lors de la présidentielle. En tant que président de l’Union de la jeunesse communale, il a aussi activement œuvré au retour des « LMPistes », les partisans de Gbagbo, témoigne l’un d’entre eux, Moussa Silué, qui a payé cher son soutien au parti au pouvoir de l’époque. Représentant de La Majorité présidentielle (LMP), soupçonné d’acheter des voix pour le compte de son candidat, il a été roué de coups. « Grâce à Éric, je suis rentré sans problème, j’ai retrouvé mon travail et ma maison… Mais je sens bien que quelque chose est cassé », dit-il. Car derrière les discours convenus, les rancœurs sont là, tenaces, ancrées. Le jeune Ouattara, casquette vissée sur le crâne, regard pénétrant, ne se lasse pas de pourfendre l’ancien pouvoir et sa « haine envers les gens du Nord ».

La « cité du Poro » attend beaucoup d’ADO, le fils de la région, qui y a fait des scores staliniens lors de la présidentielle. Tout est à faire ou à refaire. « Pendant la crise, à plusieurs reprises, le maire Amadou Gon Coulibaly a payé des dépenses de sa propre poche, raconte son adjoint Lanciné Koné. À présent, nous serons ravis de passer le relais à l’État. » Le réseau routier s’est tellement dégradé qu’il ne faut plus une heure mais deux pour relier Korhogo à Ferkessédougou (55 km). Les 2 millions d’habitants de la région des Savanes attendent toujours leur adduction au réseau hydraulique : l’Union européenne (UE) avait fait le plus dur, investissant 4 milliards de F CFA (6,1 millions d’euros) pour le raccordement au fleuve Bandama. La participation de 500 millions de F CFA promise par Laurent Gbagbo en 2009, elle, est toujours en attente.

Quant au Centre hospitalier régional (CHR), il n’a tenu que par les largesses de l’UE et de la Croix-Rouge jusqu’en 2007. Depuis, les actes médicaux sont exécutés… moyennant finances. « 1 000 F CFA la consultation, 5 000 F CFA l’accouchement, c’est beaucoup demander aux populations d’ici », reconnaît le docteur Jules Kra Yao, directeur du CHR.

Malgré la misère, Korhogo reste digne. « C’est le plus important chez un Sénoufo », martèle Kafana, derrière le comptoir de son kiosque à café. « Même quand tu es pauvre, il faut montrer un bon visage aux étrangers. » L’adage est profondément ancré. Du grand marché au quartier Gbon en passant par la rue des Banques, la ville est propre, les bâtiments publics entretenus. Ni impacts de balles sur les bâtiments ni bâtisses calcinées, en dehors de quelques domiciles vandalisés, à l’instar de celui de l’ex-ministre Lanciné Gon Coulibaly, descendant du fondateur de la cité et proche du président déchu. « Tout cela, c’est grâce au comzone, explique fièrement Kafana. C’est vraiment quelqu’un qui aime Korhogo et les Korhogolais. »

Fofié Kouakou Martin est commandant de la Compagnie territoriale de Korhogo depuis 2005. Ce militaire taiseux fuit la presse, mais répond volontiers aux sollicitations de ses concitoyens. Lorsqu’il est question de lui, chaque Korhogolais se mue volontiers en griot. « Il a réparé les éclairages publics », « il nourrit de sa poche les jeunes démobilisés », « grâce à lui, nos rues sont plus sûres »… Même le préfet de région y va de son compliment : « Notre collaboration est des plus efficaces. »

Réinsertion

Dans la contrée, les sanctions onusiennes qui pèsent sur les comzones, accusés de violations des droits de l’homme, ont bien peu de portée. Et personne n’évoque à voix haute l’enrichissement de Fofié Kouakou Martin depuis sa prise de fonctions. Même si, dans le secret des chaumières, les supputations vont bon train à chaque fois qu’un immeuble surgit de terre ou qu’une affaire ouvre ses portes. « On ne regarde pas dans la bouche de celui qui grille des arachides », ironise-t-on en ville.

Dans une Peugeot qui a connu des jours meilleurs, cinq hommes en armes patrouillent. Depuis la fin du conflit, l’avenir des combattants et des démobilisés revient régulièrement dans les conversations. Si les premiers, au nombre de 500, sont sûrs de trouver une place dans l’armée, les 1 000 autres attendent toujours d’être pris en charge par le Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire (PNRRC). « Ils se débrouillent comme ils peuvent, certains sont retournés aux champs, d’autres ont monté de petites activités : menuiserie, taxis-motos… » explique Éric Ouattara. « C’est une question que les autorités doivent prendre au sérieux, analyse Mack Dakota, un correspondant de presse local. Le chômage des jeunes conduit à tous les extrêmes. » Encore plus quand ils savent tenir une arme.

Jeuneafrique.com par Malika Groga-Bada, envoyée spéciale

Côte d’Ivoire : Mamadou Koulibaly, le franc tireur

juillet 19, 2011

Le président par intérim du Front populaire ivoirien claque la porte pour créer sa propre formation. Une décision tardive, après des années de coups d’éclat et de relations tendues avec Laurent Gbagbo.

« Le spleen de Koulibaly. » Ainsi pourrait s’intituler la biographie de celui qui préside l’Assemblée nationale depuis janvier 2001 et qui était, récemment encore, le président par intérim du Front populaire ivoirien (FPI, parti de Laurent Gbagbo). C’est un fait : Mamadou Koulibaly ne s’y sentait plus chez lui depuis 2003. Mais ce n’est que ce 11 juillet, après moult couleuvres avalées et contradictions – plus ou moins – occultées, que le professeur d’économie a rompu les amarres. « Mon engagement au sein du FPI étant allé jusqu’à l’épuisement de toutes les possibilités compatibles avec mes convictions, j’ai décidé d’y mettre un terme », a-t-il déclaré en en annonçant la création de son propre parti, Liberté et démocratie pour la République (Lider).

« Comment a-t-il pu tenir tout ce temps, alors qu’il ne partageait plus depuis longtemps la même vision que la majorité des responsables du FPI ? », s’interroge un analyste. En juin, dans les colonnes de J.A., Koulibaly marquait sa déception : « Lorsque nous étions dans l’opposition, on rêvait d’une nouvelle Côte d’Ivoire et on déplaçait des montagnes. Dix ans plus tard, nous étions pleins de fric. »

Mais le quinquagénaire n’était pas à une contradiction près. Ni à une controverse. En mai 2000, alors qu’il clame son aversion pour les coups de force, il accepte le poste de ministre de l’Économie et des Finances que lui confie le général putschiste Robert Guéï. Élu en décembre 2000 député du FPI, parti socialiste, il affiche son libéralisme. En janvier 2003, bien que partisan d’une solution radicale contre les insurgés du 19 septembre 2002, il est à la table ronde de Linas-Marcoussis. Avant de claquer la porte en dénonçant « une tentative de coup d’État constitutionnel de la France ».

Boulets rouges

Novembre 2004 : l’armée française, piégée à l’Hôtel Ivoire, tire à balles réelles sur des manifestants. « Le Vietnam ne sera rien par rapport à ce que nous allons faire ici », promet Koulibaly. Mais le lendemain, il apparaît aux côtés des généraux français et ivoirien et négocie des patrouilles mixtes. Laurent Gbagbo soupçonne derrière cette initiative une tentative de putsch en faveur de son chef d’état-major, le général Doué. Les relations entre les deux hommes forts du pays deviennent aussi exécrables qu’hypocrites. « MK » passe subtilement à l’offensive. Il enchaîne les diatribes contre les rebelles, décoche ses flèches sur la « France coloniale », mais aussi, et surtout, tire à boulets rouges sur le camp Gbagbo. « Koulibaly se comportait comme un rebelle au FPI, commente un responsable du parti. Son départ ne nous surprend guère. Il travaillait pour l’adversaire. »

Lors des derniers temps du régime Gbagbo, le président de l’Assemblée nationale fait l’école buissonnière, multipliant les séjours à Accra… Et lors de la campagne présidentielle, il se distingue par son engagement pour le moins timide. Après le putsch électoral de décembre, Koulibaly ne se montre pas à la cérémonie d’investiture de Laurent Gbagbo. Quelques heures après sa chute, le 11 avril, il apparaît en revanche au Golf Hôtel et se fait recevoir par Alassane Ouattara. À l’époque, il affiche son ambition : « La priorité, c’est de refaire du FPI un grand parti d’opposition. » Manifestement, il n’a pas réussi à convaincre les irréductibles refondateurs de jouer sans Gbagbo.

Avec son nouveau parti, Mamadou Koulibaly compte mener une « opposition forte pour freiner l’oppression d’un pouvoir présidentialiste absolu ». Alors, enfin libre de faire de la politique comme il l’a toujours souhaité ?

Jeuneafrique.com par André Silver Konan, à Abidjan