L’opposant le plus célèbre de Russie, Alexeï Navalny, a été condamné mardi à 9 ans de prison pour « escroquerie » et « outrage à magistrat ».

Une juge russe – Margarita Kotova – a reconnu mardi 22 mars Alexeï Navalny coupable d’« escroquerie » et d’outrage à magistrat, avant qu’un verdict ne soit finalement prononcé dans l’après-midi. Alexeï Navalny a écopé de neuf ans de prison. À cela s’ajoutent une peine d’un an et demi de liberté surveillée et une amende de 1,2 million de roubles, soit environ 10 000 euros au taux du jour, alors que le détracteur du Kremlin est déjà emprisonné depuis plus d’un an.
Il devra purger sa peine dans une « colonie pénitentiaire de régime sévère », ce qui signifie que ses conditions de détention vont devenir plus strictes. Le charismatique militant anticorruption et ancien avocat, âgé de 45 ans, était jugé depuis mi-février derrière les murs de sa colonie pénitentiaire, à 100 kilomètres à l’est de Moscou, dans un tribunal improvisé. Alexeï Navalny était accusé d’avoir détourné des millions de roubles de dons versés à ses organisations de lutte contre la corruption et d’« outrage au tribunal » au cours d’un précédent procès.
« Poutine a peur de la vérité »
Après le verdict, Alexeï Navalny a affirmé qu’il poursuivrait son combat contre le Kremlin, estimant que Vladimir Poutine a « peur de la vérité ». « La lutte contre la censure, amener la vérité aux habitants de la Russie, reste notre priorité », a-t-il expliqué. Ses avocats ont par ailleurs été arrêtés devant la colonie pénitentiaire dans laquelle il avait été condamné quelques minutes auparavant au motif, semble-t-il, qu’ils gênaient la circulation automobile devant la prison en parlant avec la presse.
En août 2020, il était tombé gravement malade en Sibérie, victime d’un empoisonnement à un agent neurotoxique commandité, selon lui, par le président russe en personne. Le Kremlin dément, mais les autorités russes n’ont jamais enquêté sur cette tentative d’assassinat présumée. Dès son retour en Russie en janvier 2021, après cinq mois de convalescence, il a été arrêté puis condamné à deux ans et demi de prison pour une affaire de « fraudes » remontant à 2014 et impliquant l’entreprise française Yves Rocher.
En juin 2021, ses organisations, qui militaient depuis des années dans toute la Russie, sont désignées « extrémistes » et interdites sur-le-champ, poussant à l’exil de nombreux militants pour éviter des poursuites. D’autres ont depuis été arrêtés et risquent de lourdes peines de prison. Cette répression inlassable, qui s’est accompagnée de l’interdiction des derniers médias et ONG critiques du Kremlin, a suscité un tollé dans les pays occidentaux et des sanctions contre Moscou.
15 000 opposants à la guerre en Ukraine interpellés en Russie
Même depuis sa colonie pénitentiaire, Alexeï Navalny continue de transmettre des messages fustigeant le pouvoir de Vladimir Poutine. Depuis l’offensive en Ukraine, il s’est fermement prononcé contre les combats. Il n’a cessé d’appeler à manifester contre le conflit malgré les risques encourus, les autorités ayant encore renforcé leur arsenal juridique, avec de lourdes peines de prison à la clé, pour étouffer toute critique de l’armée russe. Malgré tout, plus de 15 000 personnes ont été interpellées en Russie en près d’un mois pour avoir manifesté contre l’offensive, selon l’ONG spécialisée OVD-Info.
Parallèlement, le pouvoir russe a aussi renforcé son emprise sur la diffusion d’informations sur le conflit, en bloquant en Russie l’accès à des dizaines de médias locaux et étrangers. Lundi, la justice russe a également interdit les populaires réseaux sociaux américains Instagram et Facebook, accusés, comme Navalny, « d’extrémisme ». Ceux-ci sont déjà bloqués en Russie, tout comme Twitter et TikTok.
Avec Le Point