Le principal opposant russe Alexeï Navalny a été condamné mardi à 30 jours de détention pour avoir organisé une manifestation non-autorisée et dispersée manu militari deux jours avant l’investiture de Vladimir Poutine.
M. Navalny « est reconnu coupable en vertu de l’article 20.2 (sur l’organisation de manifestation non-autorisées) et condamné à 30 jours de rétention administrative », a indiqué le juge Dmitri Gordeïev, après environ cinq heures d’audience.
L’opposant, dont le procès a débuté le 8 mai avant d’être reporté d’une semaine, devait être en outre jugé mardi pour avoir « désobéi aux forces de l’ordre ».
Coutumier des procès, M. Navalny, 41 ans, a multiplié ces derniers mois les manifestations pour faire pression sur le Kremlin, après avoir été déclaré inéligible à l’élection présidentielle du 18 mars, remportée sans surprise par Vladimir Poutine.
Sous le mot d’ordre « Il n’est pas notre tsar », l’opposant avait appelé le 5 mai dernier ses partisans à sortir dans les rues et des milliers de personnes ont manifesté dans de nombreuses villes du pays.
Alexeï Navalny avait été interpellé à Moscou lors d’une manifestation émaillée de heurts entre ses partisans et des personnes en treillis qui scandaient des slogans pro-Kremlin. La police avait dispersé le rassemblement en employant la force.
Ce procès intervient huit jours après l’investiture de Vladimir Poutine à la présidence de la Russie pour un quatrième mandat allant jusqu’en 2024, un quart de siècle après son arrivée au pouvoir.
La dernière interpellation d’Alexeï Navalny remonte à fin février, après une manifestation similaire en janvier, qui n’avait été sanctionnée par aucune condamnation.
En octobre, l’opposant avait été condamné à 20 jours de détention pour appels à des manifestations non autorisées.
Le principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, et plus de 580 de ses partisans ont été arrêtés samedi lors de manifestations antigouvernementales organisées à travers la Russie, à deux jours de l’investiture de Vladimir Poutine pour un quatrième mandat présidentiel.
M. Navalny n’avait pas pu se présenter à l’élection présidentielle du 18 mars, remportée par M. Poutine avec plus de 76% des voix, en raison d’une condamnation pénale qu’il estime orchestrée par le Kremlin.
A son appel, des milliers de manifestants se sont rassemblés dans de nombreuses villes du pays aux slogans « la Russie sera libre! » et « A bas le Tsar! ». Ces rassemblements n’avaient pas été autorisés par les autorités.
Selon l’organisation OVD-Info, spécialisée dans le suivi des arrestations, au moins 587 partisans de M. Navalny ont été interpellés par la police au cours de la journée, dont 161 à Moscou et 163 à Tcheliabinsk, dans l’Oural.
« Les interpellations ont été menées de manière brutale », a indiqué cette organisation, soulignant que certaines personnes détenues avaient des éraflures et des ecchymoses. Au moins une personne a été hospitalisée, selon la même source.
A Moscou, la police a brièvement fait usage de lacrymogène et employé la force pour disperser la manifestation, tandis que des échauffourées ont eu lieu entre partisans de l’opposition et militants pro-Kremlin, selon des journalistes de l’AFP sur place.
Alexeï Navalny a lui même été interpellé peu après son arrivée à la manifestation à Moscou, sous les cris de la foule, qui scandait « Honte! » en ukrainien, en référence à un célèbre slogan du soulèvement pro-européen du Maïdan à Kiev en 2014.
A Saint-Pétersbourg, la deuxième ville du pays, des milliers de personnes ont défilé sur la Perspective Nevski, la célèbre artère centrale de l’ancienne capitale impériale, aux cris « Poutine, voleur! » et « Poutine, dehors », selon une journaliste de l’AFP sur place.
Certains manifestants ont tenté de bloquer la circulation des voitures avant que la police n’intervienne. Des manifestants ont jeté des oeufs et des bouteilles d’eau sur les policiers et du gaz lacrymogène a été utilisé, selon la même source.
– « Vieillard peureux » –
« Navalny nous a appelés sur YouTube à ne pas se laisser voler les élections en silence. Poutine est un voleur. Il a forcé le vote des gens », a déclaré à l’AFP Katia, une manifestante de 15 ans à Moscou.
« Chaque génération a sa propre révolution. La mienne, c’est maintenant et je raconterai à mes enfants comment j’ai libéré la Russie de Poutine le voleur qui pensait être Tsar », a affirmé Anton, un autre manifestant de 22 ans.
Plusieurs militants pro-Navalny avaient déjà été interpellés vendredi à la veille des manifestations, et des locaux de l’opposant avaient été perquisitionnés par la police.
« Le vieillard peureux Poutine pense qu’il est un tsar. Il n’est pas un tsar et c’est pour cela qu’il faut sortir dans la rue le 5 mai », a écrit vendredi Alexeï Navalny sur Twitter.
Des observateurs craignaient que les manifestations ne dégénèrent en affrontements avec la police suivis d’arrestations massives comme cela avait été le cas lors de protestations contre le troisième mandat de Vladimir Poutine en mai 2012.
A la veille de son investiture précédente, le 6 mai 2012, une manifestation anti-Kremlin sur la place Bolotnaïa à Moscou avait été émaillée d’affrontements avec la police.
Plusieurs manifestants avaient été condamnés à des peines allant jusqu’à quatre ans et demi de prison pour ces violences dans un procès dénoncé par des organisations de défense des droits de l’Homme comme un « simulacre » de justice.
Vladimir Poutine s’apprête à être réinvesti lundi à la présidence de la Russie pour un quatrième mandat. Sa victoire au scrutin de mars le place à la tête du pays jusqu’en 2024, après déjà plus de 18 ans de pouvoir en tant que chef d’Etat ou de gouvernement.
L’opposition et des observateurs indépendants ont dénoncé le bourrage d’urnes et d’autres fraudes lors du scrutin présidentiel du 18 mars.
Moscou – L’accès au site de l’opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, a été bloqué jeudi sur ordre de l’autorité russe de contrôle des médias, après la demande d’un milliardaire visé par une récente enquête de l’opposant.
« Roskomnadzor (autorité de contrôle des médias) a bloqué https://navalny.com/ à la demande de (l’oligarque russe Oleg) Deripaska », a annoncé l’opposant sur Twitter. « Le site reste encore accessible via quelques fournisseurs d’accès à internet, mais c’est temporaire », a-t-il ajouté.
Le blocage du blog d’Alexeï Navalny intervient moins d’une semaine après la publication d’une vidéo accusant l’influent vice-Premier ministre russe Sergueï Prikhodko de bénéficier des largesses du milliardaire Oleg Deripaska.
Celui-ci avait par la suite exigé que toutes les informations relatives à sa vie privée, notamment une vidéo le montrant avec un homme ressemblant à M. Prikhodko sur son yacht, soient retirées d’internet et des médias ayant couvert l’affaire.
Dans un e-mail envoyé à l’AFP, un porte-parole du milliardaire russe a précisé jeudi que « la demande de M. Deripaska vise à protéger son droit à la vie privée et n’a rien à voir avec un quelconque combat politique entre M. Navalny et ses opposants ».
« N’ayant pas été la source principale de la fuite d’informations privées, M. Navalny n’est pas partie prenante dans l’affaire actuelle. De plus, la plainte ne l’empêche pas de mener sa propre enquête, à condition de ne pas utiliser des informations personnelles de M. Deripaska », ajoute le porte-parole.
Alexeï Navalny, qui a fait de la lutte anticorruption son leitmotiv, écrit avoir reçu samedi un avertissement de Roskomnadzor l’invitant à « supprimer tout » le contenu de son blog, enregistré comme « site contenant des informations dont la diffusion en Russie est interdite ».
Roskomnadzor avait confirmé auprès des agences de presse russes qu’une « décision d’un tribunal russe l’obligeait à prendre des mesures pour bloquer l’accès à l’information diffusée » par le site d’Alexeï Navalny.
Deux vidéos qui constituent des éléments-clés de l’enquête de M. Navalny ont disparu dans la nuit de mercredi à jeudi du réseau social Instagram où elles avaient été postées à l’origine.
Selon une source proche du dossier, les autorités russes ont menacé Instagram de bloquer complètement l’accès au service pour lui faire retirer des publications.
Interrogé par l’AFP, le réseau social détenu par Facebook a simplement répondu qu’il lui arrivait, de façon générale, de se plier aux demandes de gouvernements.
« Lorsque les gouvernements estiment que quelque chose, sur internet, enfreint leurs lois, ils peuvent contacter des entreprises et nous demander de limiter l’accès à ce contenu. Nous examinons ces demandes avec attention, à la lumière de la législation locale, et lorsque cela se justifie, nous rendons (le contenu) inaccessible dans le pays ou le territoire concerné », a indiqué une porte-parole à l’AFP.
Oleg Deripaska avait qualifié les accusations de l’opposant d' »outrageantes et fausses » et promis de défendre « son honneur et sa dignité devant la justice ».
Le blocage du site d’Alexeï Navalny intervient près d’un mois avant l’élection présidentielle du 18 mars, de laquelle il a été écarté par la Commission électorale en raison d’une condamnation judiciaire, qu’il dénonce comme montée de toutes pièces. L’opposant a appelé à boycotter le scrutin.
Le 28 janvier, quelques milliers de Russes, dont plus de 4.000 à Moscou, ont répondu à son appel en descendant dans les rues pour manifester. Près de 300 personnes avaient été interpellées, dont M. Navalny, selon l’ONG russe OVD-Info.
L’appel à manifester avait surtout été diffusé via les réseaux sociaux, comme Facebook, Vkontakte (équivalent russe de Facebook), Telegram ou encore Twitter, dont l’opposant est féru.
Le site d’Alexeï Navalny avait déjà été bloqué en mars 2014, quelques jours après des manifestations à Moscou contre l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée.
La Commission électorale russe a rejeté lundi la candidature à la présidentielle du 18 mars prochain de l’opposant Alexeï Navalny, qui a aussitôt appelé ses partisans à boycotter le scrutin.
Invoquant une condamnation judiciaire dénoncée comme « fabriquée » par l’opposant, la Commission a voté à l’unanimité, lors d’une réunion publique, pour refuser le dossier présenté la veille au soir par le juriste de 41 ans à l’issue d’une journée de mobilisation de ses partisans.
« Nous allons appeler tout le monde à boycotter ces élections, nous ne reconnaîtrons pas les résultats », a aussitôt annoncé Alexeï Navalny à la presse.
Cette décision est loin de constituer une surprise car cette instance avait à plusieurs reprises averti que l’opposant ne pourrait se présenter avant 2028 en raison d’une condamnation en février dernier à cinq ans de prison avec sursis pour détournement de fonds dans une affaire remontant à 2009.
La présidente de la Commission Ella Pamfilova a assuré n’avoir « aucune observation » à faire quant aux documents apportés par Alexeï Navalny, répétant qu’il s’agissait de faire respecter la loi.
« Il est évident que ces affaires ont été fabriquées pour ne pas me laisser me présenter », a dénoncé M. Navalny lors des débats publics précédant la décision, s’appuyant sur une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).
L’opposant au Kremlin Alexeï Navalny a appelé mercredi à manifester dans toute la Russie le 12 juin, espérant amplifier la mobilisation après des rassemblements anticorruption d’une rare ampleur fin mars, marqués par des centaines d’interpellations.
M. Navalny a été libéré lundi après avoir passé 15 jours en détention pour l’organisation d’une vaste manifestation anticorruption non autorisée à Moscou et refus d’obtempérer aux policiers.
« Sortons dans les rues le 12 juin avec les mêmes slogans et sous le drapeau national », a écrit l’opposant sur son site internet. « Nous avons deux mois pour nous préparer. Nous allons rassembler plus de gens », a ajouté M. Navalny.
Le pays célèbre le 12 juin le Jour de la Russie, qui commémore la proclamation d’indépendance en 1990 quelques mois avant la dissolution officielle de l’URSS.
M. Navalny et plus de 1.000 autres personnes avaient été interpellés le 26 mars en marge de rassemblements d’une ampleur inédite depuis plusieurs année, qui avaient notamment mobilisé un grand nombre de jeunes.
Ces manifestations, organisées à travers le pays, suivaient la publication par l’opposant d’un rapport accusant le Premier ministre Dmitri Medvedev de se trouver à la tête d’un empire immobilier financé par des oligarques.
Le blogueur anticorruption compte défier Vladimir Poutine lors de l’élection présidentielle de début 2018, mais sa candidature risque de se voir entraver par sa récente condamnation à cinq ans de prison avec sursis pour détournement de fonds.
L’opposant russe Alexeï Navalny a été interpellé par la police lors de la manifestation contre la corruption qui réunissait dimanche plusieurs milliers de personnes dans le centre de Moscou, a annoncé sa porte-parole Kira Iarmych sur Twitter.
M. Navalny « a été arrêté sur (la place) Maïakovskaïa », sur l’itinéraire de la marche, interdite par les autorités, a écrit Mme Iarmych. « Tout va bien pour moi, ce n’est pas la peine de se battre pour moi », a écrit de son côté M. Navalny sur son propre compte, appelant à continuer de manifester.
L’opposant à Vladimir Poutine a été condamné à cinq ans de prison avec sursis pour « détournement de fonds ». Il fait appel et dénonce un procès politique.
Alexei Navalny lors de l’inauguration de son quartier général electoral à Saint-Pétersbourg (Russie) le 4 février. ELENA IGNATYEVA / APLa chronique politique russe retiendra peut-être que c’est dans la petite pièce d’un tribunal de province, semblable à une salle de classe – n’eussent été trois petites cages métalliques derrière lesquelles comparaissent habituellement les prévenus –, que s’est joué le sort du dernier opposant médiatique du Kremlin depuis Boris Nemstov, assassiné il y a tout juste deux ans.
Arrivé libre, Alexeï Navalny, 40 ans, candidat à l’élection présidentielle de 2018 en Russie, est reparti de la même façon, mais avec une condamnation à cinq ans de prison avec sursis pour détournement de fonds, au terme d’un énième procès. Cette décision rendue mercredi 8 février par la cour de justice de Kirov, à 800 kilomètres de Moscou, entraîne, en théorie, son inéligibilité.
« Nous allons continuer notre campagne, indépendamment de ce qui se passe ici ! », s’est exclamé à l’issue du jugement M. Navalny, en s’appuyant sur la Constitution russe, qui exclut uniquement de la course à l’élection présidentielle les personnes placées en détention. La voie est néanmoins étroite, car le verdict, lu pendant de très longues minutes d’une voix quasi inaudible par le juge Alexeï Vtiourine, a fait référence à l’article 160 du code pénal, qui définit les « délits graves ». Or, ces derniers sont cités comme un motif d’inéligibilité selon la loi électorale…
« Ce verdict, c’est un télégramme du Kremlin »
« Ce verdict, c’est un télégramme du Kremlin », a ironisé l’opposant, en dénonçant une affaire fabriquée de toutes pièces pour l’écarter du jeu politique. Pour ce remuant avocat, qui s’est fait une spécialité depuis quelques années de dénoncer la corruption du pouvoir en Russie, c’est surtout un retour à la case départ.
Navalny, un habitué des prétoires
En concluant à sa culpabilité dans l’affaire Kirovles, du nom d’une société d’exploitation forestière, le tribunal de Kirov a en effet quasiment repris mot à mot un précédent jugement rendu en 2013 sur la même affaire, mais annulé depuis. Conseiller du gouverneur de la région de Kirov en 2009, Alexeï Navalny avait été par la suite accusé d’avoir détourné 400 000 euros au détriment de cette compagnie. Condamné une première fois à cinq ans de colonie pénitentiaire et 500 000 roubles d’amende en juillet 2013, en même temps que son associé Piotr Ofitserov, également présent mercredi, l’opposant avait vu sa peine maintenue trois mois plus tard en appel, mais commuée en sursis.
En février 2016, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de Strasbourg, constatant que les droits des accusés pour « un procès équitable avaient été bafoués », avait infligé à la Russie le versement de 79 000 euros de dommages et compensations à Alexeï Navalny et à son associé. La Cour suprême russe avait alors cassé le jugement et ordonné aussitôt l’ouverture d’un nouveau procès. Kirovles 2 a ainsi commencé, avant de s’achever exactement comme Kirovles 1.
Marié et père de deux enfants, Alexeï Navalny est un habitué des prétoires, mais pas dans ses habits d’avocat en droit civil dont il a fait profession. Sept fois condamné à des peines administratives pour avoir participé à des manifestations, placé un an en surveillance surveillée, il a également été condamné à trois ans et demi de colonie pénitentiaire avec sursis pour détournement de fonds au détriment de la filiale russe du groupe de cosmétiques français Yves Rocher. Dans cette affaire, son frère Oleg Navalny a été condamné à la même peine, ferme cette fois, qu’il purge actuellement dans la région d’Orel, à 360 kilomètres au sud-ouest de Moscou.
Ce tir de barrage juridique ne semble pas décourager Alexeï Navalny, qui publie sur son site Internet des vidéos dévastatrices sur les biens somptueux des ministres et des hauts fonctionnaires, tout en livrant ses commentaires argumentés sur leur enrichissement. Fondateur en 2011 du Fonds de lutte contre la corruption, il a vu son audience grandir progressivement. Au point qu’en septembre 2013, en pleine affaire Kirovles 1 déjà, Alexeï Navalny avait créé la surprise en se hissant à la deuxième place pour l’élection du maire de Moscou avec un peu plus de 27 % des voix.
Un opposant déterminé à Poutine
Issu des rangs nationalistes, l’homme s’affiche aujourd’hui comme un indépendant et un opposant déterminé de Vladimir Poutine. Le 13 décembre 2016, dans une vidéo d’un peu plus de trois minutes diffusée sur son propre site de campagne, troquant ses chemises à carreaux pour un costume et une cravate sombres, il avait annoncé sa candidature à la présidentielle en promettant d’aborder « les sujets tus par tout le monde ». « Il n’y a pas eu de véritables élections en Russie depuis 1996, ajoutait Alexeï Navalny, ceux qui sont au pouvoir depuis dix-sept ans ne réagissent plus à aucune critique, trop occupés à résoudre leurs propres problèmes financiers. Ils ne permettent aucune concurrence. »
Le lendemain cependant, sur Radio Echo de Moscou, le croisé de la corruption en Russie faisait une proposition surprenante : « Je pense que l’immunité doit être garantie à Poutine et à sa famille. » Soit la même « garantie » offerte, officieusement, par Vladimir Poutine à Boris Eltsine, lors de la passation de pouvoir entre les deux hommes, en 1999…
« Oui, j’ai dit que si Poutine était d’accord avec une transition de pouvoir pacifique, il faudrait lui accorder l’immunité, a répondu au Monde l’opposant entre deux interruptions d’audience à Kirov, le 1er février. C’est une décision désagréable pour qui connaît sa corruption, et elle l’est doublement pour moi parce que mon frère est en prison, mais il faut parfois savoirmettre de côté ses émotions… » L’amnistie proposée suffira-t-elle à infléchir le Kremlin pour le laisser concourir ?
Trublion imprévisible
La porte n’est peut-être pas tout à fait fermée, mais Alexeï Navalny est surtout considéré aux yeux du pouvoir comme un trublion imprévisible. Ses critiques, féroces, alimentent les réseaux sociaux. Et ses multiples procès n’ont pas suffi à entacher sa réputation aux yeux de ses partisans. Plusieurs dizaines d’entre eux, jeunes pour la plupart, se sont ainsi pressés aux portes de son premier QG de campagne ouvert à Saint-Pétersbourg, le 4 février. Plus de soixante-dix autres QG sont prévus dans tout le pays, assure son ami et directeur de campagne, Léonid Volkov.
D’un autre côté, le Kremlin aimerait bien trouver un adversaire capable de crédibiliser l’élection présidentielle de 2018, pour laquelle Vladimir Poutine n’a pas encore fait officiellement acte de candidature, en attirant vers les urnes une population de plus en plus absente des scrutins. Les dernières élections législatives de septembre 2016 l’ont prouvé avec, pour la première fois, une participation inférieure à 50 %.
En 2012, lors de la réélection de Vladimir Poutine, perturbée alors par d’importantes manifestations de protestation, l’homme d’affaires milliardaire Mikhaïl Prokhorov s’était prêté au jeu, obtenant 8 % des suffrages, sur la troisième marche du podium. Sauf qu’aujourd’hui, Alexeï Navalny, même si ses chances de concurrencer le chef de l’Etat russe apparaissent quasi nulles dans les sondages, est loin de présenter le profil idéal du compétiteur… Réagissant au procès de Kirov, mercredi, l’ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski, réfugié en Europe après avoir passé dix ans dans une colonie pénitentiaire pour fraudes, a anticipé la réponse : « Le pouvoir a décidé qu’il ne voulait pas une ombre de problème aux “élections” ».
Lemonde.fr par Isabelle Mandraud (Kirov (Russie), envoyée spéciale) Correspondante à Moscou
Alexeï Navalny et Garry Kasparov lors d’une manifestation contre les fraudes électorales en mars 2012, à Moscou. (Photo Sergei Karpukhin. Reuters)
RÉCITA l’approche du référendum en Crimée, les autorités ont fermé depuis plusieurs sites, dont ceux de Navalny et de Kasparov.
«La page est bloquée par décision des autorités de votre région.» Depuis jeudi soir, plusieurs sites internet ont vu leur accès suspendu sur ordre de l’autorité russe du contrôle des médias, Roskomnadzor. Cette dernière a pour mission de lutter contre l’extrémisme sur la Toile en traquant les «appels à des activités illégales, à la participation à des manifestations en violation de l’ordre établi». «On assiste à un véritable ratissage des médias libres sur internet. Rien de bon ne nous attend.» Ioulia Berezovskaïa, directrice du site Grani.ru, se désole, tout comme la frange libérale et ultraconnectée de la population russe.
Parmi les sites incriminés, ceux de deux figures très hostiles au Kremlin: le virulent Alexeï Navalny, ancien candidat à la mairie de Moscou, et l’ancien maître des échecs Garry Kasparov. Le premier, placé en résidence surveillée depuis le mois dernier – il est visé par plusieurs enquêtes judiciaires –, se retrouve privé d’Internet, l’outil qui l’a propulsé figure de proue de l’opposition. Ses deux blogs, dont l’un était hébergé sur le site de la radio Echo de Moscou, sont aujourd’hui inaccessibles.
L’accès à Kasparov.ru est lui aussi bloqué, hébergeant des contenus jugés indésirables. Le peu poutino- compatible Grani.ru est quant à lui invisible depuis une adresse IP russe. «Les principaux sites d’information d’opposition ont tout simplement été rayés d’Internet en Russie. Bienvenue en Chine», écrit Kasparov sur Twitter.
Ce contrôle est rendu possible par une loi entrée en vigueur le 1er mars et qui permet de suspendre la diffusion d’un site sur ordre d’un procureur et sans décision d’un tribunal. «Beaucoup de contenus Internet sont jugés extrémistes selon des critères difficiles à cerner, parce que ces questions se décident dans les bureaux de procureurs de district où règne une ignorance totale», commente Alexandre Verkhovski, directeur du centre d’études Sova, cité dans The New Times, magazine indépendant ayant pour habitude de torpiller le pouvoir russe.
Ces décisions de Roskomnadzor interviennent après la mise-à-pied de la rédactrice en chef de Lenta.ru, le média en ligne le plus consulté du pays. Motif: «diffusion de matériaux à caractère extrémiste». Le site avait diffusé un entretien avec un membre de Pravy Sektor, mouvement radical ultranationaliste ukrainien en première ligne des affrontements sur la place de l’Indépendance, à Kiev. Un mouvement régulièrement montré du doigt par le Kremlin – la Russie a lancé un mandat d’arrêt international contre son leader, Dmitri Iaroch.
Ce renforcement du contrôle d’Internet, en pleine crise ukrainienne, est perçu par l’opposition et par des observateurs comme une tentative de bannir contrepoints et analyses alternatives. La télévision câblée Dojd, qui revendique une indépendance de ton, a consacré de nombreuses heures d’antenne à la crise politique à Kiev. Elle se retrouve aujourd’hui au bord de la fermeture, privée de ses principaux opérateurs.