REPORTAGE. Les autorités algériennes ont annoncé le lancements des recherches pour trouver la dépouille du militant communiste disparu en 1957.

C’est sous un soleil de plomb et aux chants patriotiques des militantes féministes et de gauche que Pierre Audin a inauguré la stèle dédiée à son père, le militant communiste Maurice Audin, à Alger-centre, sur la place qui porte le nom de ce disparu de la « bataille d’Alger ».

Plusieurs dizaines de personnes, dont des jeunes, ont assisté ce 5 juin, émues, à la brève cérémonie, à laquelle ont pris part des officiels au nom du gouvernement algérien. « Que se passe-t-il ? » demande un passant intrigué par le rassemblement dans une capitale qui n’a plus renoué avec les mouvements de foule depuis la fin du hirak. « Tu ne connais pas Audin, ce Français mort pour que vive l’Algérie ? » lui rétorque une militante de gauche, qui venait d’entonner L’Internationale , poing levé, avec ses camarades, en français et en arabe. « Je suis très ému, témoigne Ali, retraité de la Poste qui a attendu sur la place depuis le matin. Il faut rendre justice à tous ceux qui sont tombés au champ d’honneur. » Ali lève les mains en l’air en récitant un verset du Coran sur les martyrs, « ceux qui demeurent vivants chez Dieu ».
« Actes de tortures »
« Il est très important de faire ce genre de geste, c’est une manière forte de revisiter notre récit national de la guerre de libération. Il faut expliquer aux jeunes générations que le combat à l’époque avait rassemblé Algériens et Européens d’Algérie, communistes et libéraux », explique Fatma, professeure d’université. Avec ses amies, quand le cortège officiel emporte Pierre Audin et sa délégation, elles déposent une gerbe de fleurs au pied de la stèle, reprenant des chants patriotiques.
Pour rappel, le président français Emmanuel Macron a reconnu, le 13 septembre 2018, dans une déclaration à la veuve de Maurice Audin, Josette – décédée en février 2019 –, que l’État français était responsable de la disparition de son mari, dans le cadre d’un « système » entraînant « des actes de torture ».
« Il importe que cette histoire soit connue, qu’elle soit regardée avec courage et lucidité. Il y va de l’apaisement et de la sérénité de ceux qu’elle a meurtris tant en Algérie qu’en France », avait déclaré le chef de l’État français.
Mort en détention
Le 11 juin 1957, en pleine « bataille d’Alger », le jeune militant communiste français, engagé en faveur de l’indépendance algérienne, alors âgé de 25 ans, mathématicien et assistant à la faculté d’Alger, est arrêté à son domicile par les parachutistes du général Massu.
Il est ensuite torturé dans une villa sur les hauteurs d’Alger. Dix jours plus tard, son épouse, Josette, apprend que son mari se serait évadé lors d’un transfert vers un autre centre de détention. Cette version officielle restera de mise, jusqu’à ce que l’ancien président François Hollande ait reconnu, en 2014 que « les documents et les témoignages dont nous disposons aujourd’hui sont suffisamment nombreux et concordants pour infirmer la thèse de l’évasion qui avait été avancée à l’époque. M. Audin ne s’est pas évadé. Il est mort durant sa détention ».
Ce 5 juin, le ministre des Moudjahidine (anciens combattants) a déclaré qu’il avait donné « des instructions pour que soient entreprises les recherches sur les lieux où le corps du chahid (martyr) pourrait avoir été enterré par ses bourreaux », selon Pierre Mansat, président de l’Association Josette et Maurice Audin, présent à Alger. « L’association fera des démarches pour que l’exécutif français fasse pression sur les anciens militaires afin qu’ils ouvrent leurs archives personnelles ainsi que celles qu’ils ont privatisées », a également posté Pierre Mansat sur les réseaux sociaux dès la fin de la cérémonie de ce matin.

Pour rappel, des membres de l’Association Josette et Maurice Audin, arrivés le 28 mai en Algérie pour marquer le 60e anniversaire de l’indépendance algérienne, ont multiplié les rencontres dans des universités à Constantine, Oran et Alger, notamment avec des étudiants, des anciens combattants condamnés à mort, des militantes féministes, des officiels, etc. Début mai dernier, Pierre Audin qui est aussi mathématicien comme son père, a obtenu la nationalité algérienne.
Par Le Point avec AFP