« L’homme tué est sans l’ombre d’un doute Anis Amri », a déclaré Marco Minniti pendant une conférence de presse à Rome, en référence au Tunisien de 24 ans qui faisait l’objet d’une chasse à l’homme dans toute l’Europe depuis mercredi.
Une source de la police antiterroriste de Milan citée par l’agence italienne ANSA affirme qu’Amri a été identifié non seulement à partir de son apparence physique, mais aussi avec ses empreintes digitales.
La mort d’Amri a aussi été confirmée par le groupe armé État islamique (EI), qui a revendiqué l’attentat de Berlin. Dans une vidéo postée par son agence de propagande, Amri peut être entendu prêtant allégeance au chef du groupe, Abou Bakr Al-Bagdadi. Il parle aussi d’une vengeance des partisans du groupe contre les « croisés » qui bombardent les musulmans.
Le premier ministre italien Paolo Gentiloni a appelé la chancelière allemande Anglea Merkel pour l’informer de la mort d’Amri.
En conférence de presse à Berlin, le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a reconnu être « très soulagé » par la mort d’Amri. Il a cependant indiqué que « la menace terroriste reste élevée en Allemagne », et que l’enquête allemande se poursuivait pour établir s’il avait des complices.
Pour nous maintenant, il est d’une grande importance de déterminer si dans la préparation et l’exécution [de l’attentat] et la fuite du suspect, il y a eu un réseau de soutien, un réseau d’aide, des complices ou des personnes qui l’ont aidé.
La police allemande a annoncé vendredi que ses forces spéciales ont arrêté deux Kosovars suspectés de vouloir commettre une attaque contre un centre commercial d’Obershausenln, en Rhénanie du Nord-Westphalie. Les deux hommes ont été interpellés à Duisbourg. Un porte-parole de la police assure qu’il n’y a aucun lien entre cette affaire et celle impliquant Anis Amri.
Fusillade après un contrôle d’identité
Selon le ministre Minniti, Amri a été intercepté vers 3 h, heure locale par deux jeunes policiers italiens qui voulaient contrôler son identité.
Il se trouvait alors devant la gare de train de Sesto San Giovanni, en banlieue de Milan, dans le nord de l’Italie. Les policiers auraient trouvé cette présence suspecte, dans la mesure où la station est fermée à cette heure tardive.
Lorsque les agents lui ont demandé ses papiers d’identité, Amri aurait sorti une arme à feu et tiré en direction d’un policer, qui a été légèrement blessé à l’épaule. Son collègue l’a alors abattu.
« Ces deux jeunes hommes extraordinaires, et extrêmement jeunes, ont rendu un service incroyable à la communauté », a commenté le ministre Minniti. Selon lui, un des deux policiers était à l’essai.
Les autorités italiennes tentent de déterminer avec plus d’exactitude comment Amri a pu se rendre à la station Sesto San Giovanni, qui n’est desservie que par de rares autobus à cette heure de la nuit.
Le ministre Minniti, qui est demeuré avare de détails, a précisé que l’enquête était en cours et qu’il pourrait y avoir des « développements ultérieurs ».
Amri arrivait de France
Le chef de la police de Milan, Antonio de Iesu, affirme qu’Amri arrivait de France.
Selon une source judiciaire de Reuters, un billet de train trouvé sur lui montre qu’il était arrivé à Turin à bord d’un train à grande vitesse, et qu’il aurait ensuite pris un train régional pour se rendre en banlieue de Milan.
Cette même source affirme que la police italienne avait des informations selon lesquelles Amri pourrait se trouver dans la région de Milan et que des patrouilles additionnelles avaient été déployées en conséquence.
Les polices européennes avaient lancé une chasse à l’homme pour retrouver Anis Amri après que ses empreintes digitales et une pièce d’identité eurent été retrouvées dans le camion utilisé pour l’attentat.
Selon le groupe public de radiodiffusion allemand RBB, Amri avait été repéré sur une caméra par la police allemande dans le cadre de la surveillance régulière d’une mosquée du quartier Moabit de Berlin mardi matin.
Si elle constitue un soulagement pour les autorités allemandes, la mort d’Amri ne permettra pas d’occulter les nombreuses questions que soulèvent les nombreuses informations concernant son parcours en Europe.
Un parcours qui soulève de nombreuses questions
Amri est arrivé en Italie en 2011, après avoir fui sa Tunisie natale à l’âge de 19 ans. Selon AFP, il avait été condamné par contumace à quatre ans de prison pour vol et cambriolage, mais a profité du chaos entourant la révolution tunisienne alors en cours pour prendre le large. À bord d’une embarcation, il rejoint l’île italienne de Lampedusa, comme des centaines de milliers d’autres migrants.
Arrivé en Italie, il bascule de nouveau dans la délinquance. Arrêté pour avoir incendié une école, il écope de quatre ans de prison, qu’il purgera dans deux établissements. Loin d’être un détenu modèle, il ne bénéficiera d’aucune remise de peine. Selon la presse italienne, c’est sans doute dans un de ces pénitenciers qu’il s’est radicalisé, un phénomène bien connu en Europe.
La Tunisie refusant de le reprendre après sa libération, l’Italie lui ordonne de quitter son territoire. Il rejoint donc l’Allemagne en juillet 2015 où il dépose une demande d’asile, qui lui sera refusée en juin. Selon sa mère, il aurait transité par la Suisse.
Policiers et procureurs allemands le remarquent rapidement parce qu’il gravite autour de réseaux djihadistes. Il sera même classé « individu dangereux » par les autorités de la Rhénanie du Nord-Westphalie.
Il est notamment en contact avec un Irakien de 32 ans, Ahmad Abdulaziz Abdullah A., alias « Abou Walaa », prédicateur lié au groupe État islamique à la mosquée de Hildesheim, considérée comme un bastion des salafistes. Ce prédicateur a été arrêt en novembre avec quatre complices pour avoir monté un réseau de recrutement au profit de l’EI, selon le parquet antiterroriste allemand.
Amri a aussi fait l’objet d’une surveillance de mars à septembre dans le cadre d’une enquête portant sur la « préparation d’un acte criminel grave représentant un danger pour l’État ». Il était concrètement soupçonné de préparer un braquage pour « acheter des armes automatiques et probablement ensuite, à l’aide de complice qu’il voulait trouver, de commettre un attentat ».
Les autorités savaient en outre qu’il utilisait au moins une demi-douzaine d’identités et qu’il circulait librement avec elles en Allemagne.
Cette filature a cependant été classée en septembre, parce qu’elle « n’a pu confirmer les soupçons initiaux ». Le parquet de Berlin croyait avoir affaire un petit délinquant bagarreur faisant du trafic de stupéfiants dans le parc Görlitzer de Berlin.
Les autorités de la Rhénanie du Nord-Westphalie le signalent une fois de plus au centre antiterroriste fédéral, mais en vain : Amri disparaît jusqu’au soir fatidique du 19 décembre.
Amri devait par ailleurs être déporté cet été après que sa demande d’asile eut été refusée. Le processus a finalement avorté, parce qu’il n’avait pas de papiers d’identité, et que la Tunisie contestait qu’il soit un de ses ressortissants.
Les papiers tunisiens confirmant qu’il en était bel et bien un sont arrivés en Allemagne mercredi, deux jours après l’attentat de Berlin.
Radio-Canada avec Reuters, Agence France-Presse et Associated Press