Malheureusement, certains tombent dans le panneau. C’est le cas d’Aline Bimenyimana, une jeune mère de famille arrivée de la République démocratique du Congo il y a tout juste un an et qui a utilisé les services du Centre multiethnique.
Au début du mois d’octobre dernier, elle a reçu un appel en anglais. Au bout du fil, l’homme se faisait passer pour un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
Quand ils ont commencé à me poser leurs questions, moi, l’idée n’est pas venue dans ma tête que ce sont des fraudeurs, raconte la femme de 33 ans. Devant l’insistance de son interlocuteur, elle a fini par se compromettre.
Les choses que je leur ai données, c’était mon numéro d’assurance sociale, mon numéro de carte de crédit, de carte de débit, le montant dans mon compte et l’argent limite de ma carte de crédit, énumère-t-elle, sachant bien qu’elle n’aurait pas dû.
Des menaces
L’appel est ensuite devenu agressif. L’homme l’accusait notamment d’être une consommatrice de drogues et une fraudeuse.
Résidente permanente, Mme Bimenyimana s’est mise à paniquer. Si on t’accuse de choses pareilles, je me suis dit l’immigration va dire : « pourquoi on a emmené une telle chose au Canada »! J’avais tellement peur!
«Ils m’ont dit madame, tu es fraudeur. On va envoyer la police pour te chercher. Si tu ne veux pas que la police t’arrête, il faut que tu nous donnes 1000 $.»
-Aline Bimenyimana
À ce jour, le fait qu’elle ait transmis son numéro d’assurance sociale ne lui a toujours pas causé d’ennui. Elle craint toutefois que cela finisse par rebondir tôt ou tard.
Préoccupant
Aussi inquiétant soit-il, le cas de Mme Bimenyimana n’est pas unique. Le Centre multiethnique de Québec a eu vent d’autres appels semblables, commis au nom de l’Agence de revenu du Canada (ARC) ou d’IRCC.
C’est inquiétant parce qu’on n’a pas d’emprise là-dessus, se désole la directrice, Dominique Lachance.
C’est vraiment la personne [seule] avec son téléphone. On va vraiment chercher la corde sensible : « vous allez perdre votre statut, on va venir vous chercher, les agents d’immigration vont venir chez vous. »
«Le contenu était plus pour la fraude faite en mode porte-à-porte. On va actualiser, ça c’est sûr. On va informer les gens dès leur arrivée que le numéro d’assurance sociale ne doit pas être donné à qui que ce soit.»
-Dominique Lachance, directrice du Centre multiethnique de Québec
Selon Dominique Lachance, entre 800 et 1200 nouveaux arrivants utilisent les services du Centre multiethnique de Québec chaque année.
Des stratégies qui évoluent
Depuis 2014, des fraudes totalisant plus de 17 millions de dollars ont été commises au nom de l’ARC et de l’IRCC, selon les données du Centre antifraude du Canada.
C’est une bonne portion des rapports qu’on reçoit à notre bureau, analyse Lisanne Roy-Beauchamp, superviseure des opérations du centre d’appels au Centre antifraude du Canada.
Or, les tentatives de fraude en utilisant l’IRCC et l’ARC semblent à la baisse cette année, par rapport à 2018. Les fraudeurs ont changé leur modus operandi, explique Mme Roy-Beauchamp.
Selon elle, les noms d’autres organismes, comme Service Canada ou le ministère de la Justice du Canada, sont de plus en plus utilisés par les fraudeurs.
Mme Roy-Beauchamp explique également que les fraudeurs savent désormais comment usurper les vrais numéros de téléphone de ces organismes, ce qui rend leurs manœuvres encore plus crédibles.
«Le numéro de téléphone que vous voyez sur votre afficheur, à ce point-ci, vous ne pouvez plus lui faire confiance.»
-Lisanne Roy-Beauchamp, superviseure des opérations du centre d’appels au Centre antifraude du Canada
Pour éviter de se retrouver pris au piège, Mme Roy-Beauchamp suggère carrément de ne pas répondre aux appels non sollicités. Si vous répondez et qu’on vous demande de donner des renseignements personnels, raccrochez la ligne, dit-elle.
Pour joindre le Centre antifraude du Canada : 1-888-495-8501
Par Alexandre Duval