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Côte d’Ivoire : « Le Femua relancera les activités culturelles du pays »

septembre 9, 2021

A’Salfo, le chanteur du groupe Magic System, lors de l’ouverture du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua) à Abidjan le 12 avril 2013.

Après une annulation et un report pour cause de pandémie mondiale, la 13e édition du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo lancé par A’Salfo bat son plein à Abidjan, et ce, jusqu’au 12 septembre.

Hors de question d’annuler cette édition. Il aura fallu un mois à l’équipe du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua) pour revoir la programmation et mettre sur pied ce 13e millésime.

Cinq mois après son report en avril 2021, les constructions gonflables peuvent enfin flotter sur le terrain de l’Institut de la jeunesse et des sports du petit village d’Anoumabo situé dans la commune de Marcory, là où A’Salfo, commissaire général de l’événement et leader de Magic System, a grandi.

Répercussions sur les populations

Pensés en marge des concerts, les volets « kids » et jeunesse font partie des rendez-vous phares de cet événement qui se veut avant tout social. « On a mis les bouchées doubles pour que le Femua ait des répercussions sur les populations », glisse Salif Traoré, de son vrai nom.

L’UN DES PLUS GRANDS RASSEMBLEMENTS DU GENRE EN AFRIQUE DE L’OUEST

Cette année, deux écoles ont pu être offertes à l’État avec le soutien de l’Union Européenne et de l’Office National de la Population (ONP). Un projet d’une enveloppe estimée entre 80 000 et 100 000 euros pour chaque établissement, qui pourront accueillir les élèves dès la rentrée 2022 dans les communes de Vavoua et de Tanda situées au nord d’Abidjan. Les premières pierres sont posées. Les festivités peuvent commencer.https://www.youtube.com/embed/iWmRoMZZ98Y?start=5&feature=oembed

Réunissant quelque 100 000 visiteurs chaque année, le festival est l’un des plus grands rassemblements du genre en Afrique de l’Ouest. Malgré la pandémie mondiale, le public est bel et bien au rendez-vous. L’occasion pour son initiateur de sensibiliser les festivaliers. Aux côtés des stands de Bocks brassées localement vient se loger un pavillon de vaccination. « La réticence envers le Covid-19 est très grande en Côte d’Ivoire, surtout auprès des jeunes », regrette A’Salfo.

Séduire les plus jeunes par le sport

Prouver que la culture peut vivre malgré le contexte sanitaire, c’est l’un des objectifs que s’est fixé la star du zouglou, qui le soutient : « le Femua relancera les activités culturelles du pays ». C’est aussi via le volet sportif que la manifestation a su séduire les plus jeunes. Les gamins des environs ont repris leur année scolaire. Et frappent le ballon sur le terrain de l’INJS en attendant que les concerts commencent.

VOIR UN KOFFI OLOMIDÉ QUI A TRENTE ANS DE CARRIÈRE JOUER AUX CÔTÉS D’UN JEUNE QUI N’A MÊME PAS ENCORE SORTI UN ALBUM

« Le sport comme la musique sont des facteurs de rapprochement », observe celui qui est aussi président de la Fondation Magic System. « Cet événement est rassembleur, observe Mory Touré, promoteur de la web-radio Afrika qui répond chaque année présent au festival depuis sa création en 2008. Il a été monté au moment où la Côte d’Ivoire sortait de la crise. Le temps d’un événement, les velléités socio-économiques disparaissent. »

Mélange des genres

Les musiques urbaines se mêlent aux sonorités traditionnelles, la nouvelle génération côtoie des artistes installés qui n’ont plus à faire leurs preuves… La programmation se veut, elle aussi, sans cloison. « Je suis vraiment heureux de faire mon premier Femua, de jouer en live aux côtés des plus grands », confie Ariel Sheney, ex-poulain de feu DJ Arafat, la veille de son concert. « Le Femua, c’est voir un Koffi Olomidé qui a trente ans de carrière jouer aux côtés d’un jeune qui n’a même pas encore sorti un album », résume Mory Touré.

Au total, 13 pays sont représentés cette année, avec le Sénégal en invité d’honneur. « Renforcer les liens entre les pays frères est devenu notre ambition », martèle A’Salfo. Mais aussi ceux avec l’Europe. Aux côtés des stars locales et du continent venues du Sénégal comme Pape Diouf, l’Espagne et le Portugal défendront aussi leurs couleurs sur la grande scène. Preuve que les frontières sont bel et bien ouvertes.

Avec Jeune Afrique par Eva Sauphie

Magic System : « On rêve d’être disque d’or »

juin 26, 2021
Les Magic System.

Avec « Envolée zougloutique », un 11e album paru pour la première fois chez Universal Music Africa, le groupe emmené par A’Salfo entend continuer à faire bouger la nouvelle génération.

Il est loin ce temps où Magic System peinait à trouver des producteurs. Si « Premier Gaou » résonne encore dans toutes les têtes, ce tube sorti en 1999 a pourtant failli ne jamais être diffusé. « Il ne faut pas oublier que notre premier album a été un bide, rappelle le leader du groupe A’Salfo, de passage à Paris, dans son costume tiré à quatre épingles. Ce qui fait notre longévité, c’est notre persévérance. » Mais c’est sans compter la loyauté de cette joyeuse troupe formée dans le quartier populaire d’Anoumabo à Abidjan, au milieu des années 1990. « Jamais d’accord, toujours ensemble », glissent de concert Salif Traoré, de son vrai nom, et son manager, aux côtés de la bande depuis 18 ans. Autant de fidèles années que le groupe a également passées chez la major Warner. Aujourd’hui pourtant, les Ivoiriens annoncent un tournant dans leur carrière en rejoignant Universal Music Africa. Cette signature s’accompagne de la publication d’un 11e album, Envolée zougloutique. Un titre qui « rappelle le lien que l’on a avec ce mouvement musical, mais qui est aussi annonciateur de rebond », reconnaît la tête pensante du projet.

Avec 25 ans de carrière au compteur et une petite quarantaine d’années de moyenne d’âge, Magic System n’entend pas quitter de sitôt son statut d’ambassadeur du zouglou, genre éminemment lié à la jeunesse ivoirienne. « Ce groupe iconique a décidé de nous faire confiance, et c’est un formidable signal pour les jeunes talents que l’on forme et les équipes qui portent ce jeune projet de label depuis le début », admet Franck Kacou, directeur général d’Universal Music Africa, dans les locaux parisiens du groupe. Le moyen pour la division ivoirienne, qui a implanté ses bureaux à Abidjan en 2018, de parier sur des valeurs sûres du patrimoine musical africain. Et pour Magic System de garder le cap sur les tendances actuelles du marché.

Son festif et porteur de messages

« On n’est pas totalement de la vieille école, mais on a débuté à une époque où l’industrie de la musique vendait encore des disques. L’arrivée du numérique et de la nouvelle génération nous obligent à nous adapter et à nous renouveler », admet A’Salfo. Toujours un œil rivé sur les chiffres, ce businessman invétéré se dit néanmoins fier de comptabiliser 10 000 pré-commandes physiques au moment où on le rencontre, à quatre jours de la sortie officielle du nouvel opus. Preuve que les fans de la première heure sont toujours au rendez-vous. « On rêve d’être disque d’or pour montrer que cette clientèle-là, adepte du physique, existe aussi. On a eu l’habitude de voir nos fans nous réclamer des CD à la fin de chaque concert, se souvient A’Salfo nostalgique. Cette époque nous manque. » Une époque toutefois révolue, à l’heure où l’économie du streaming domine le paysage de l’industrie.

IL N’Y A PLUS DE MUSIQUE URBAINE IVOIRIENNE, MAIS UNE MUSIQUE URBAINE AFRICAINE. NOUS AVONS LA CHANCE AVEC MAGIC SYSTEM D’ÊTRE DES CLASSIQUES.

Cette nouvelle stratégie sera donc confiée à Universal Music Africa, qui a d’ailleurs prouvé sa capacité à se positionner sur le numérique, notamment au début de la pandémie liée au Covid, période durant laquelle la maison a mis en place une série de formats digitaux pour promouvoir les poulains de son catalogue. Pour le reste, Magic System ne changera pas sa recette gagnante : un son festif mais néanmoins porteur de messages sur l’éducation, le chômage des jeunes, l’environnement… « Notre musique est intergénérationnelle car nous parlons du quotidien des Africains et défendons les valeurs de courage et de détermination, martèle le président de la fondation Magic System, engagée dans l’éducation, la santé, la culture et l’environnement. On a su montrer aux Africains que l’on pouvait connaître le succès, et devenir un exemple pour des générations tout au long de notre carrière. On a envie de dire à cette jeunesse qui a tendance à baisser les bras au moindre échec que c’est au bout de la souffrance que se trouve la victoire », poursuit-il en chantonnant un extrait du tube « Bouger bouger » (« Tant qu’il y a la vie, on dit toujours il y a espoir »), sorti en 2005. C’est aussi sur ce même morceau en featuring avec le rappeur franco-malien Mokobé, que le groupe clame à l’envi que « rien n’a changé ». Un mantra qui définit la signature sonore des Magic.

Un album 100 % ivoirien

Leur musique métissée au croisement du zouglou et du coupé-décalé n’a pas changé. Elle est comme figée dans le temps, ni tout à fait obsolète ni tout à fait progressiste. Mais elle perdure, à l’heure où la Côte d’Ivoire peine pourtant à renouveler son répertoire. « Depuis une dizaine d’années, il n’y a eu aucun nouveau phénomène musical sur ce territoire qui a pourtant vu naître le ziglibithy, le zoblazo, le gnama gnama, le rap ivoirien, le zouglou et le coupé-décalé, énumère A’Salfo. Je crois que les réseaux sociaux ont tué cette dynamique, car toutes les musiques du continent s’agglomèrent sur Facebook. Il n’y a plus de repères géographiques, observe-t-il. Il n’y a plus de musique urbaine ivoirienne, mais une musique urbaine africaine. Nous avons la chance avec Magic System d’être des classiques. Nous ne jouons plus un genre de musique mais une marque, et c’est tout à notre honneur. »

Avec en moyenne 50 dates livrées par an un peu partout dans le monde, le groupe a eu pour habitude de vivre entre deux avions. Mais la crise sanitaire aura eu raison de ce rythme effréné. Suisse, France, Allemagne, Angleterre ou encore États-Unis, autant de pays où le combo devait se produire en 2020. Cette parenthèse lui a néanmoins permis de se recentrer sur l’écriture et la création, et surtout sur l’Afrique. « On ne s’était pas posés en Côte d’Ivoire pendant une année complète depuis… 2001, réalise A’Salfo. Ce contexte nous a naturellement conduit à réaliser un projet 100 % ivoirien. » Enregistré dans plusieurs studios d’Abidjan, Envolée zougloutique – qui compte des collaborations avec Fally Ipupa et le rappeur burkinabé Smarty – est l’album du retour aux sources.

La pandémie aura tout de même bouleversé l’agenda de celui qui porte le Femua (Festival de musique urbaines d’Anumabo), l’un des plus importants festivals de musique en Afrique qui se tient en avril depuis 2008. Avec une édition annulée en 2020 et celle de 2021 a priori reportée en septembre, les pertes financières ont été colossales. Pour le fondateur de l’événement, il fallait privilégier la santé des quelque 100 000 festivaliers et éviter tout cluster. Mais il l’assure, la cuvée prévue cette année se fera. « La tenue du Femua sera la sortie du tunnel pour tous les promoteurs africains qui ont envie de défendre des projets culturels, mais qui ont été bloqués jusqu’à présent, estime celui qui a été nommé conseiller économique, environnemental et culturel par le président Alassane Ouattara en 2019. Une nomination que cet apolitique revendiqué voit comme une opportunité de plus d’être du côté du peuple. Cette édition sera le signal de relance », soutient-il.

En 2017, Magic System fêtait ses 20 ans de carrière et se produisait dans 14 pays. Une rareté dans le paysage musical ouest-africain où le manque de partenaires sonne peu à peu le glas des tournées, lesquelles sont de moins en moins rentables pour les organisateurs. « Nous avons la chance d’avoir une base de fans, mais ce n’est pas forcément le cas des nouveaux artistes, estime A’Salfo. Voir que les artistes africains rejoignent une grande maison comme Universal et qu’une partie du groupe est dirigée par un jeune Africain, ce n’était pas quelque chose que l’on aurait imaginé il y a 20 ans. On a ouvert la voie à la nouvelle génération. Aujourd’hui c’est la musique de ceux que l’on appelait les blédards autrefois qui inspire la jeunesse. »

Avec Jeune Afrique par Eva Sauphie