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Le « syndrome de la Havane », ce mal mystérieux qui frappe les diplomates américains

août 26, 2021
Le "syndrome de la Havane", ce mal mysterieux qui frappe les diplomates americains
Le « syndrome de la Havane », ce mal mystérieux qui frappe les diplomates américains© AFP/YAMIL LAGE

Un mal mystérieux, surnommé « syndrome de la Havane » et parfois comparé à des « attaques acoustiques », frappe des diplomates américains depuis cinq ans à travers le monde. De quoi s’agit-il ? Une puissance rivale est-elle responsable ?

La visite de la vice-présidente des Etats-Unis Kamala Harris au Vietnam, retardée de plusieurs heures cette semaine par un « incident de santé anormal » signalé par l’ambassade américaine à Hanoï, a de nouveau braqué les projecteurs sur ce phénomène sur lequel Washington n’a toujours pas pu faire la lumière.

A quand remontent les premiers cas ?

C’est en 2016 que de premiers diplomates américains en poste à Cuba commencent à se plaindre de malaises.

Mais l’affaire n’éclate au grand jour qu’en 2017, lorsque le président américain de l’époque, Donald Trump, rappelle la majeure partie de ses diplomates de La Havane pour répondre à cette nouvelle menace.

Plus de vingt employés du gouvernement américain et membres de leurs familles sont concernés à Cuba entre fin 2016 et mai 2018, ainsi que des diplomates canadiens.

En 2018, des symptômes similaires frappent une dizaine d’autres diplomates américains en Chine. Des cas sont successivement signalés en Allemagne, en Australie, en Russie, à Taïwan et même à Washington.

En juillet dernier, le journal The New Yorker rapporte l’existence de plus d’une vingtaine de cas à Vienne, en Autriche, depuis le début de l’année.

Le département d’Etat américain refuse de fournir une estimation globale du nombre de personnes touchées. « Le nombre de 200 cas a été évoqué », confirmés ou présumés, dit à l’AFP une source proche du dossier, déplorant une forme d’omerta.

Quelles sont ses manifestations ?

« Beaucoup de gens entendent un bruit persistant, une douleur perçante, ressentent une forte pression dans leur tête », explique cette source, décrivant aussi des effets de long terme comme « des difficultés de concentration et des trous de mémoire ».

Les diplomates concernés ont souffert de maux divers incluant des problèmes d’équilibre et de vertige, de coordination, de mouvement des yeux, ainsi que de l’anxiété, de l’irritabilité et ce que des victimes ont appelé un « brouillard cognitif ». Des lésions cérébrales ont même été diagnostiquées.

« Chaque cas signalé d’un possible incident de santé inexpliqué est unique », et « nous prenons chaque signalement très au sérieux » pour « apporter aux employés touchés les soins et le soutien nécessaires », affirme à l’AFP un porte-parole de la diplomatie américaine.

Des chercheurs qui ont analysé les victimes par imagerie médicale ont expliqué que leur cerveau avait « subi quelque chose » provoquant des « changements ».

Quelles sont les causes ?

Des hypothèses plus ou moins farfelues se sont succédé, comme celle suggérant que le bruit en question correspondait au chant d’accouplement d’un grillon, ou encore une possible intoxication à des pesticides.

Mais selon un rapport de l’Académie des Sciences américaine, « l’énergie dirigée d’ondes radio » est la cause la plus probable de ces symptômes. Des faisceaux de micro-ondes sont une explication qui revient régulièrement.

Problème: malgré une enquête toujours en cours depuis les premiers cas, le gouvernement américain n’a pas été en mesure de « déterminer la cause de ces incidents ni s’ils constituent une attaque de la part d’un acteur étranger », reconnaît le département d’Etat.

« C’est difficile à croire, et même effrayant, car ceux qui enquêtent » au sein de la task force gouvernementale « sont les meilleurs », soupire la source proche du dossier.

Des « attaques » étrangères ?

Après le cas de Hanoï, l’ex-agent de la CIA Marc Polymeropoulos, lui-même victime à Moscou en 2017, a clairement évoqué l’hypothèse d’attaques.

« Il me semble que nos adversaires nous envoient un message clair, qu’ils ne sont pas uniquement en mesure de viser nos agents du renseignement, nos diplomates et nos militaires » mais aussi « nos plus hauts responsables », a-t-il dit mercredi au site spécialisé sur la sécurité nationale Cipher Brief.

Depuis le début, les autorités américaines ont oscillé, certains responsables minimisant des symptômes parfois attribués au stress, d’autres évoquant en privé de possibles attaques et soupçonnant des pays comme la Russie.

L’administration Trump, qui n’avait pas hésité à provoquer une crise diplomatique avec Cuba, avait été accusée par certaines victimes touchées en Chine de sous-estimer leur cas pour des raisons politiques: il s’agissait selon elles de ne pas se fâcher avec Pékin au moment où le milliardaire républicain négociait un accord commercial.

L’AFSA, principal syndicat représentant les diplomates américains, dit dans un document interne obtenu par l’AFP avoir dû insister pour que les victimes « présumées » soient traitées comme celles « confirmées ». Elle salue des progrès ces derniers mois — depuis l’arrivée de l’administration de Joe Biden.

Par Le Point avec AFP

Cuba-USA: la controverse sans fin autour des « attaques acoustiques »

octobre 28, 2017

L’ambassade des Etats-Unis à La Havane, le 3 octobre 2017 / © AFP/Archives / YAMIL LAGE

L’enquête sur les mystérieux incidents qui auraient causé des dommages physiques à des diplomates américains à Cuba continue de susciter la polémique entre Washington et La Havane, qui reproche aux Etats-Unis d’entraver ses investigations.

– Accusations mutuelles –

Depuis la révélation de l’affaire en août, l’administration américaine se garde d’accuser formellement le gouvernement cubain, mais le président Donald Trump a affirmé mi-octobre que Cuba était « responsable ». Et la Maison blanche considère que La Havane avait « les moyens de stopper les attaques ».

Samedi à Washington, le ministre cubain des Affaires étrangères Bruno Rodriguez a dénoncé une « manipulation politique destinée à nuire aux relations bilatérales » entre les deux pays. « Les soi-disant attaques acoustiques (…) sont totalement fausses », a-t-il insisté.

Dans un documentaire sous forme de contre-offensive diffusé jeudi soir par la télévision cubaine, des responsables cubains de l’enquête ont aussi rejeté toute responsabilité, tout en reprochant à la partie américaine de ne pas collaborer.

Responsable du volet médical, le docteur Manuel Villar a affirmé que Washington avait refusé de partager les dossiers médicaux des personnes affectées ou de laisser des médecins américains échanger avec leurs confrères cubains.

« La coopération a été nulle et les rapports que nous avons reçus n’éclairent pas ce qui s’est passé », a-t-il déploré.

Les Cubains assurent pourtant avoir fait preuve de bonne volonté en accueillant des enquêteurs du FBI à trois reprises cette année.

Sourd à ces arguments, Washington a retiré fin septembre plus de la moitié de son personnel diplomatique à Cuba et expulsé 15 diplomates cubains du territoire américain. Depuis près d’un mois, les visas américains ne sont plus délivrés à Cuba, ce que La Havane juge « injustifié ».

En prenant de telles mesures sans attendre les résultats de l’enquête, Donald Trump et son secrétaire d’Etat Rex Tillerson « sont en train de placer la relation avec Cuba dans un bourbier, sans proposer aucune perspective de sortie de crise », regrette l’expert cubain Arturo Lopez-Levy, professeur à l’Université du Texas Rio Grande Valley.

– Versions divergentes –

Au delà de la querelle diplomatique, les parties s’opposent sur la nature même de ces obscurs incidents, dignes d’un roman d’espionnage.

Selon des responsables américains, ces « attaques » qui ont affecté au moins 24 diplomates entre novembre 2016 et août 2017 dans des résidences et hôtels de la capitale cubaine ont pu être menées à l’aide d’appareils acoustiques.

Une version battue en brèche par les conclusions du documentaire diffusé jeudi par les autorités cubaines, qui soulignent l’absence de preuves confirmant les causes ou l’origine des dommages physiques rapportés aux Etats-Unis (migraines et nausées, légères lésions cérébrales, pertes d’audition, ndlr).

Selon La Havane, des experts locaux ont analysé en vain de nombreux prélèvements effectués autour des résidences diplomatiques et hôtels concernés, et exploré de multiples pistes telles que l’intervention de toxines, d’ondes électro-magnétiques ou… d’insectes.

La semaine dernière, plusieurs médias américains ont diffusé une bande sonore saisie au smartphone par une des victimes. Mais de l’avis des experts, cet enregistrement ressemblant fortement au chant aigu d’un grillon ou d’un criquet n’éclaire en rien les événements.

« En tant que tel, le son ne semble à même de provoquer aucun dommage », relève le professeur Kausik Sarkar, de l’école d’ingénierie de l’Université George Washington, qui l’a analysé. Selon lui, sur ce type d’enregistrement, impossible de détecter d’éventuels infra-sons (moins de 20 Hertz) ou ultra-sons (plus de 20.000 Hz) nocifs.

Beaucoup d’experts aux Etats-Unis et à Cuba doutent de la faisabilité de telles attaques, mais Peter Earnest, directeur du Musée de l’espionnage à Washington, rappelle que « par le passé plusieurs organisations ont travaillé sur l’utilisation du son comme arme ».

Pour Denis Bedat, spécialiste français en bio-électromagnétique, l’émission discrète et ciblée d’ondes infra-soniques est difficilement envisageable car elle nécessiterait un puissant amplificateur et des enceintes de grande taille pour être en mesure de causer des dommages physiques.

Mais la projection d’ultra-sons nocifs à partir d’un dispositif non repérable est « tout à fait plausible d’un point de vue technique », par exemple à distance à l’aide d’une antenne ou à proximité de la cible avec un petit boîtier.

« J’ai lu les rapports des attaques dans les hôtels et c’est très étrange (…), ce pourrait être une sorte d’accident, une activité industrielle ou une opération qui a mal tourné », spécule M. Earnest.

Car, comme nombre d’experts, il « ne voit pas » les Cubains se livrer à de telles attaques en plein rapprochement diplomatique avec les Etats-Unis.

Seule certitude pour ce vétéran de l’espionnage ayant passé 35 ans au sein de la CIA, il « n’a jamais rien vu de tel » au cours de sa carrière.

Romandie.com avec (©AFP / 28 octobre 2017 23h58)