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Congo-Disparition : l’orchestre Bantous de la capitale pleure MPassi Ngongo Mermans

décembre 29, 2022

Le mi-soliste des Bantous de la capitale, Alphonse Mpassi Ngongo dit Mpassi Mermans, a tiré sa révérence le 28 décembre aux premières de la matinée, au Centre hospitalier universitaire de Brazzaville (CHU), à l’âge de 80 ans. Sa mort intervient cinq jours après celle de son collègue, le percussionniste Ignace Makirimbia, décédé le 23 décembre à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), alors qu’il y était en séjour.

1- Mpassi Ngongo Mermans / DR

Guitariste, auteur-compositeur et arrangeur, Mpassi Mermans a rejoint ses pairs des Bantous de la capitale, comme ce fut le cas pour le percussionniste Ricky Siméon Malonga dit Ricky Siméon “le gardien du temple”, décédé le 1er mai dernier à Brazzaville, à l’âge de 80 ans lui aussi. Né le 25 novembre 1942 à Madzia, département du Pool, Mpassi Ngongo Mermans a été le premier guitariste mi-soliste dans l’histoire de la rumba. En effet, après le départ de Papa Noël, il était devenu le seul soliste des Bantous de la capitale, mais avec la venue de Gerry Gérard, lui aussi soliste, il s’est posé la question du positionnement. Pour ne pas le mettre à l’écart, est ainsi créé le poste de mi-soliste. Du coup Les Bantous sont passés pour le premier orchestre à faire jouer quatre guitaristes. Il s’est agi de la guitare solo, guitare mi-solo, guitare accompagnement et la guitare base.

Amoureux de l’art d’Orphée

Mpassi Mermans a pris goût de la musique alors qu’il était encore à l’école primaire en classe de CE2, à Kibouendé, dans le Pool où il résidait. A l’âge de 16 ans en 1958, il monte son premier orchestre, Syncope Jazz, dans ladite localité. Une année après, il trouve l’emploi à Mfoati, dans le département de la Bouenza. Pendant ce temps, l’orchestre Les Bantous de la capitale voit le jour. En 1960, à l’âge de 18 ans, il quitte Mfoati pour Brazzaville. Amoureux de la musique, il relance avec ses anciens musiciens de Syncope Jazz leur groupe, mais cette fois-ci en changeant d’appellation ; de Syncope Jazz, il devient Mondo Negro Kwala-kwa et il dirige ce groupe pendant trois ans. C’est finalement en juillet 1963 qu’il va intégrer Les Bantous de la capitale dont il était un fanatique fieffé et surtout du brillant guitariste Papa Noël. Il tenait à jouer de la guitare comme lui. Il est admis dans ce groupe le même jour que deux autres artistes de renom, Pamelo Mounka et Samba Mascotte. Après plusieurs mouvements de va-et-vient, Mpassi Mermans va regagner Les Bantous de la capitale en 1997 jusqu’au dernier jour de sa vie, le 28 décembre 2022 ;

Quant à sa discographie, Mpassi Mermans a, à son actif, plusieurs chansons, parmi lesquelles “Libala é keséni”, “Badeti”, “Bu boté mona pelé”, “C’est sérieux tantine”, “A mon avis ». C’est en 1972 qu’il a sorti son premier album en solo. Ceci se passe à l’issue de la première scission de l’orchestre, exclu par Nino Malapé au même moment que Célestin Nkouka, Edo Ganga, Pamelo Mounka, Kosmos Moutouari et Théo Bitcheko. C’est ainsi qu’il va créer avec Ganga Edo et Théo Bitcheko l’orchestre Les Nzoï, avant d’être rejoints par Ange Linaud. Au sein de cet orchestre, Mpassi Mermans lance l’album « Bani-bani » qui connaîtra un grand succès. Malheureusement, l’aventure avec Les Nzoï ne va pas durer longtemps. Mpassi Mermans quitte ce groupe pour créer un autre qu’il va dénommer Lissolo. Le premier 45 tours de cet orchestre est enregistré à Kinshasa. Une autre composition de Mpassi Mermans, “Lemba”, dans l’orchestre National, en 1976, est un disque 33 tours. En 1981, il met sur le marché du disque son premier album en solo « Monia », de quatre titres en France. En 1988, suite à la maladie de Pamelo Mounka, Mpassi Mermans quitte Les Bantous de la capitale pour créer Les Bantous Monuments en 1990. Il sort ensuite un autre album en solo intitulé « Ton ami n’est pas ton ami », en 1992, en France, dans lequel il mettra un titre en hommage à Samba Mascotte.

2 -Ignace Makirimbia / DR

Ignace Makirimbia

Véritable fils de la cité Ngamaba, à Brazzaville, Ignace Makirimbia a longtemps marqué ses connaissances dans les tumbas au sein des groupes traditionnels tékés communément appelés Tékés de Brazzaville. Son savoir-faire va le pousser à tenter une carrière professionnelle à Kinshasa et dans l’orchestre Continental où il s’est fait connaître dans le grand milieu musical, au point où il a joué dans plusieurs groupes, à l’instar du Continental de Me Taureau Gombe en compagnie de Josky Kiambukuta, Wuta Mayi, Tinio Mwinkwa, Siran Mbenza…, d’Afrisa de Tabu Ley Rochereau, … Très proche de Sam Mangwana, Ignace Makirimbia a été dans toutes ses aventures. Ils sont liés dans Vox Arriva de Jeannot Bombenga, ensuite dans Festival de maquisards… De retour à Brazzaville au cours des années 2000, il va passer directement chez les Bantous où il évolue dans un premier temps avec son cadet Robert Massengo, puis va dans Bana Poto-Poto de Bienvenu Rolland Faignand, avant de regagner Les Bantous jusqu’à sa mort le 23 décembre dernier, à Kinshasa.

Notons que Mpassi Mermans est de la deuxième génération après celle des co-fondateurs, à savoir Edo Ganga, Saturnin Pandi, Jean Serge Essous (premier chef d’orchestre), Nino Malepet (deuxième chef d’orchestre), Célestin Nkouka, Daniel Loubelo De la lune. Il est de la génération de Pamelo Mounka, Samba Mascotte, Théo Bitsikou, Michel Boyibanda, Gerry Gérard (qui ont tous tiré leur révérence). Les deuils de MPassi Mermans et Ignace Makirimbia se tiennent respectivement au 17 de la rue Matouba-Abraham, arrêt Mitoko Château d’eau pour Mpassi Mermans, et 20 rue Loubomo, Talangaï, arrêt Ebina, pour Ignace Makirimbia.

Avec Adiac-Congo par Bruno Okokana

RDC: la femme collective des Bashilele

août 14, 2017

Tous les jeunes gens de la tribu vivent sous le même toit, le kumbu, où ils peuvent bénéficier des faveurs d’une épouse commune qu’ils chouchoutent.

Bashilele partageant la même épouse.
Bashilele partageant la même épouse. © DR

RDC : la violence reprend entre Bantous et Pygmées

août 9, 2016

Des manifestants mobilisés pour la défense des Pygmées, à Kinshasa, en 2014. Crédits : AZIZ TUTONDELE / AFP
Après des mois d’accalmie, la situation se crispe à nouveau entre les Bantous et les Pygmées. « C’était une période très critique dont on venait de sortir. On a beaucoup travaillé pour le calme et ça recommence encore… Il faut prendre des mesures sinon la population risque d’être sacrifiée. C’est une situation d’urgence », explique, très préoccupé, François Luhunga, président de la société civile du territoire de Nyunzu, dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC).

Lire aussi : Dans le bassin du Congo, les Pygmées, gardiens oubliés du climat

Depuis fin 2013, des combats chroniques entre Bantous, majoritaires, et Pygmées, marginalisés et revendiquant plus d’égalité, ont fait plusieurs centaines de morts. Alors qu’une trentaine de suspects des deux camps sont jugés depuis août 2015 pour crimes de génocide présumés par la cour d’appel de Lubumbashi, bien plus au sud, des projets de réconciliation menés par les autorités, l’ONU et des ONG humanitaires ou religieuses ont permis d’apaiser les tensions.

Des violences qui ont déplacé 6 000 personnes

Mais autour du 10 juillet, des incidents ont éclaté. L’élément déclencheur reste flou. Parmi les thèses récurrentes : prenant au sérieux des allégations d’arrestation imminente de leur leader, des partisans de Nyumbaisha – principal chef milicien pygmée, considéré comme le plus réfractaire aux efforts de réconciliation – ont affronté des militaires. Une autre version indique que des soldats ont été dépêchés pour ôter des barrières illégales posées par des Pygmées, qui ont alors riposté.

Lire aussi : En RDC, Bantous et Pygmées s’engagent sur la longue route de la réconciliation

Les heurts ont fait entre deux et quatre morts, selon les sources. Un cadre de la société civile présent avec son équipe dans la région lors des troubles raconte que des Pygmées « énervés », armés « avec des flèches » et portant des gris-gris les ont dépouillés avant de leur intimer d’aller voir le cadavre de victimes, selon eux toutes pygmées. « J’ai vu trois personnes mortes par balles, elles ont été fusillées. » Du côté de l’armée, un militaire aurait été blessé au cou.

Les violences ont fait au moins 6 000 déplacés, indique un rapport du Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha) publié fin juillet. L’organisation précise que « l’extension des attaques des Pygmées sur d’autres villages du territoire de Nyunzu » s’est accompagnée de graves exactions : au moins deux centres de santé « pillés » et « des centaines de ménages ont vu leurs champs détruits, leurs maisons incendiées, leurs articles ménagers emportés… »

Renforcement militaire

Les déplacés n’ont jusqu’à présent reçu que peu ou aucune assistance, notamment à cause de l’instabilité. Et alors que des travailleurs humanitaires signalent une circulation inquiétante de milices pygmées, les autorités tentent de sensibiliser les villageois à retourner chez eux. Mais malgré le renforcement de la présence militaire et policière, la peur reste encore forte. Résultat, si de nombreux ménages sont rentrés, bien d’autres préfèrent retarder l’échéance.

Pour Rogatien Kitenge, militant bantou des droits des Pygmées, le conflit perdure suite à une négligence des problèmes de fond. Un avis que partage une autorité locale. « Aussi longtemps qu’on n’arrivera pas à répondre à certaines questions d’ordre anthropologique et socio-économique pour comprendre les motivations des uns et des autres, y compris des tireurs de ficelles, il n’y aura pas de solution vraiment durable », souligne-t-elle. Et de regretter que les analyses déjà disponibles ne soient « pas véritablement prises en compte ».

Lemonde.fr par Habibou Bangré (contributrice Le Monde Afrique, Kinshasa)