« Le Point » s’est procuré l’arrêté rendu le 27 avril dernier contre l’avocat et élu de Courbevoie, lequel a tenté d’obtenir l’annulation de la procédure disciplinaire le visant.

Un avocat peut-il rester avocat après avoir triché pour obtenir son diplôme ? Les accusations qui pèsent contre Arash Derambarsh sont connues : l’avocat et élu de Courbevoie est soupçonné d’avoir plagié une très grande partie de sa thèse soutenue en 2015 à la Sorbonne, thèse pour laquelle il avait réclamé et obtenu la confidentialité jusqu’en… 2047. Lorsque le pot aux roses est finalement découvert, début 2020, le scandale est double : pour le monde universitaire, d’abord, accusé d’offrir des thèses de complaisance ; pour le barreau de Paris, ensuite, qui ne met pas toujours beaucoup de célérité à sanctionner ses robes noires les plus influentes…
Sous la pression médiatique, les déconvenues vont cependant s’enchaîner pour l’avocat, connu médiatiquement pour son engagement contre le gaspillage alimentaire et pour être devenu le défenseur de Pierre Ménès, un journaliste de Canal+ mis en cause pour son comportement envers les femmes.
En juillet 2020, la section disciplinaire de l’université Paris-1-Panthéon-Sorbonne décide ainsi de lui retirer son doctorat – une décision dont Me Derambarsh a fait appel. « Depuis son introduction […] jusqu’à sa conclusion […], en passant par ses notes, ses annexes, sa bibliographie, le manuscrit de thèse de M. Derambarsh est quasi intégralement composé d’un assemblage de textes, produits dans un contexte académique ou publiés, par d’autres auteurs que lui-même, et recopiés selon un ou plusieurs des procédés plagiaires visant à faire accroire au lecteur que M. Derambarsh en est l’auteur », tacle l’université.
« Thèse obtenue par fraude »
Le 27 avril dernier, un conseil de discipline de l’ordre des avocats de Paris, présidé par l’ancien bâtonnier Pierre-Olivier Sur, a lui aussi sévi, ordonnant la radiation d’Arash Derambarsh, une décision dont l’intéressé a une nouvelle fois fait appel. Le Point a pu prendre connaissance du document qui reprend l’intégralité des griefs qui lui sont reprochés, et qui liste une série de manquements aux devoirs de dignité, de conscience, de probité, d’humanité, d’honneur, de loyauté et de courtoisie pour avoir, notamment, « frauduleusement dissimulé, lors de la procédure d’inscription au barreau de Paris, que son certificat d’aptitude à la profession d’avocat n’avait pu être obtenu que sur le fondement d’une thèse obtenue par fraude ».
Pour sa défense, Arash Derambarsh a commencé par pointer un conflit d’intérêts et attaquer les « liens étroits » qui uniraient, selon lui, Joël Grangé (l’avocat et auteur du rapport d’instruction disciplinaire) avec l’université Paris-1-Panthéon-Sorbonne. Un professeur de droit, Grégoire Loiseau, serait en effet à la fois consultant au cabinet de Me Grangé et enseignant à la Sorbonne. Un argument balayé par l’ordre des avocats : « L’impartialité du rapporteur ne saurait être remise en cause […] dès lors qu’il n’est pas invoqué ni établi que cet enseignant a joué un rôle dans le processus de délivrance de la thèse […] ou dans le processus ayant conduit à la remise en cause de son diplôme de docteur en droit. »
Plusieurs versions d’une même thèse
La formation disciplinaire du conseil de l’ordre de Paris revient ensuite longuement sur le contenu de la thèse, ou plutôt des thèses – Arash Derambarsh en a présenté plusieurs versions « entre lesquelles la formation de jugement [a fini] par se perdre ». L’avocat a également nié avoir demandé la confidentialité de sa thèse, alors même qu’un formulaire, signé par lui-même, et où est cochée la case « demande de confidentialité », a été retrouvé en procédure.
Pour la juridiction disciplinaire de l’ordre des avocats de Paris, aucun doute : Arash Derambarsh a obtenu son titre d’avocat « en fraude des principes d’honneur » et a ainsi « méconnu les principes fondamentaux de la profession, tant au moment de sa prestation de serment qu’en exerçant par la suite la profession d’avocat ». Ainsi, l’avocat aurait pillé « le travail d’autres chercheurs ou auteurs » et « procédé à des emprunts importants […] en s’appropriant des passages en intégralité, ou en remplaçant des mots, adverbes ou verbes ».
Et le conseil de conclure : « La méthode consistant à substituer marginalement un mot par un autre est regardée par la formation de jugement comme une manœuvre ayant pour objet de tromper les processus de vérification de l’absence de plagiat. » Loin, donc, de la simple « maladresse » ou « erreur de méthodologie » arguée par Me Derambarsh. Le 27 avril dernier, apprenant sa radiation, celui-ci a très vite réagi, dénonçant, par l’intermédiaire de ses avocats, une « décision incompréhensible ». « Un appel sera interjeté dans les heures qui viennent, ce qui la prive de tout effet. Me Arash Derambarsh reste avocat », prévenaient ainsi une legal team de six robes noires, l’ancien bâtonnier Francis Teitgen, Nicolas Rebbot, Thierry Vallat, Besma Maghrebi, Benoît Arvis et Yassine Bouzrou.
Par Le Point avec Marc Leplongeon