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Cameroun : à Mbengwi Road, le spectre d’une bavure

décembre 17, 2021
Soldats du Bataillon d’intervention rapide à Ekona, près de Buea, en 2018 © Ashley Gilbertson/VII/REDUX-REA

Militaires et séparatistes se rejettent la responsabilité de la mort de 13 personnes les 9 et 10 décembre près de Bamenda. Preuve, s’il en fallait, qu’à trois semaines de la CAN, la sécurité est loin d’être revenue dans les régions anglophones.

Ce sont une date, un lieu et des victimes qui s’ajoutent à l’interminable liste des drames enregistrés depuis que milices séparatistes et forces de défense s’affrontent dans les provinces anglophones du Cameroun. Le 9 décembre, en milieu d’après-midi, un convoi de reconnaissance du Bataillon d’intervention rapide (BIR) a été la cible d’une embuscade au lieu-dit Nitop, un quartier situé à la sortie de Bamenda, sur la route menant à Mbengwi (Nord-Ouest).

L’attaque, comme de nombreuses autres auparavant, a commencé avec l’explosion d’un engin explosif improvisé (EEI), enfoui sous la latérite. La détonation a détruit le blindé dans lequel se trouvaient les militaires, lesquels ont immédiatement ouvert le feu pour se défendre. L’un d’entre eux a perdu la vie. Face au nombre d’insurgés, les hommes du convoi ont dû battre en retraite. De retour à Bamenda, ils ont fait appel à leurs collègues du 3e bataillon du BIR, qui sont retournés sur les lieux pour une opération de sécurisation.

Maisons en flammes

L’attentat a été revendiqué par les Ambazonian Defence Forces (ADF), une milice séparatiste dirigée par Ayaba Cho Lucas. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux quelques heures plus tard, Daniel Capo, qui gère la branche armée du mouvement, a exhibé une arme récupérée sur les lieux pour légitimer sa revendication.

Selon les témoignages des riverains, les combats se sont en fait poursuivis tout au long de la nuit du 9 au 10 décembre. Des images de maisons en flammes ont circulé sur les réseaux sociaux, attestant de l’intensité des affrontements. Selon des sources locales, pas moins de 13 personnes – dont des enfants – ont été tués. La plupart d’entre elles ont péri dans l’incendie de leur logement, d’autres ont reçu des balles perdues.

DES IMAGES SATELLITAIRES CONTREDISENT LA DÉCLARATION DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE SUR L’ATTAQUE

Localement, c’est aux militaires, soupçonnés d’avoir mené une opération de représailles après l’attaque subie à Mbengwi Road, que l’on attribue la responsabilité de ces violences. Des accusations démenties le 11 décembre par l’armée camerounaise, qui évoque des « rumeurs » relevant de « la propagande séparatiste ». « Il ne s’agit que de fausses machinations, a déclaré dans un communiqué le colonel Atonfack Guemo, porte-parole du ministère de la Défense. Il se trouve qu’une maison servant de base arrière aux terroristes était en fait un magasin de fabrication d’engins explosifs improvisés. Dans le feu de l’action, une chambre pleine d’explosifs a explosé et à propagé le feu à quelques autres maisons du voisinage. »

Le 11 décembre, le Centre pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique (CHDRA en anglais) a rendu public un rapport détaillant grâce à des images satellitaires les maisons qui ont brûlé à Mbengwi Road. « L’ampleur des incendies et la distance entre les maisons concernées, telles que décrites dans la géolocalisation, contredisent la déclaration du ministère de la Défense, relève le CHDRA dans son rapport. Des preuves vidéo et photo prises avant et après la tombée de la nuit démontrent que le feu a consumé ces bâtiments sur une période de temps plus longue qu’elles ne l’auraient fait à partir d’une seule explosion et onde de choc. Des vidéos et des photos montrant des voitures brûlées et des cadavres au sol indiquent des attaques plus larges. »

Menace sur la CAN ?

Ces évènements montrent aussi que la situation en zone anglophone est loin d’être stabilisée, à quelques semaines de l’ouverture de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Aucun match ne sera disputé à Bamenda, et plusieurs sont programmés dans la région voisine du Sud-Ouest, qui est aussi la cible régulière d’attaques.

YAOUNDÉ REDOUTE QUE LES SÉPARATISTES PROFITENT DE LA COMPÉTITION POUR SE RAPPELER AU BON SOUVENIR DU MONDE

Les rencontres du groupe C sont ainsi programmées à Limbé, à une dizaine de kilomètres de Buea, la capitale régionale. Or le 7 décembre dernier, un engin improvisé a explosé lors d’une foire commerciale organisée dans cette ville. L’attaque a été revendiquée par les Buea Ghost Fighters, un groupe séparatiste actif dans la région et déjà auteur de plusieurs autres attentats similaires, notamment à l’université de Buea.

Redoutant que les séparatistes profitent de la CAN pour se rappeler au bon souvenir du monde entier cinq ans après le début du conflit, les autorités camerounaises ont annoncé avoir renforcé leur dispositif sécuritaire à travers le pays. Reste à voir si cela suffira à créer les conditions pour un retour à l’accalmie. Le coup d’envoi de la compétition sera donné le 9 janvier prochain.

Avec Jeune Afrique par Franck Foute – à Yaoundé

Bavure américaine à Kaboul pendant la visite des chefs du Pentagone et de l’Otan

septembre 27, 2017

Des forces de sécurité afghanes et des soldats américains, le 24 septembre 2017 à Kaboul / © AFP/Archives / WAKIL KOHSAR

Un raid américain à Kaboul a fait « plusieurs victimes » civiles mercredi pendant la visite du chef du Pentagone et du secrétaire général de l’Otan venus réaffirmer leur « engagement » en Afghanistan contre le terrorisme.

Les forces américaines sont intervenues en riposte à une attaque à la roquette et au mortier des talibans sur l’aéroport international de Kaboul et sur un quartier résidentiel adjacent, quelques heures après l’arrivée du secrétaire américain à la Défense Jim Mattis, ont expliqué les porte-parole de l’opération Resolute Support (RS) de l’Otan dans un communiqué.

« Malheureusement, un missile a mal fonctionné causant plusieurs victimes civiles », ont-ils ajouté sans préciser s’il s’agissait de morts ou de blessés.

Selon eux, les assaillants ont également « actionné leurs vestes explosives, mettant en danger un grand nombre de civils », ce qui a motivé leur intervention « en appui de la force de réaction rapide afghane ».

Un précédent bilan du ministère de l’Intérieur faisait état d’une femme tuée et de onze civils blessés. Mais le bilan précis de ces incidents restait incertain mercredi soir et pourrait, selon les médias locaux, être plus élevé qu’officiellement annoncé.

Au même moment, Jim Mattis et Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, réaffirmaient leur engagement en Afghanistan, quelques semaines après l’annonce de renforts américains.

« We are the good guys » – « nous sommes les gentils », a martelé M. Mattis.

Aux termes de la « nouvelle stratégie » annoncée par le président Donald Trump, 3.000 Américains sont attendus en renfort des 11.000 déjà présents en Afghanistan, théâtre depuis octobre 2001 de la plus longue guerre américaine.

Ces renforts, dont certains sont déjà en route, vont « nous donner un sérieux avantage sur tout ce que les talibans pourront tenter contre vos forces », a affirmé M. Mattis, promettant devant le président Ashraf Ghani de ne « pas abandonner l’Afghanistan à un ennemi sans merci ».

Pour le chef du Pentagone, surnommé « Mad Dog » pour ses exploits militaires passés, tirer des roquettes sur l’aéroport, « comme sur n’importe quel aéroport international, est un crime contre des innocents: c’est une déclaration d’intention des talibans sur ce qu’ils sont, ça témoigne de leur approche ».

« C’est ce qu’ils ont toujours fait. Mais ils vont trouver les forces afghanes face à eux », a-t-il prévenu: pas question de laisser « les talibans, le groupe Etat islamique et le réseau Haqqani » (puissant réseau insurgé installé à la frontière avec le Pakistan) se renforcer.

– Plus de 15 pays –

« Plus l’Afghanistan reste stable, plus nous sommes en sécurité » a renchéri Jens Stoltenberg.

Plus de quinze pays membres de l’Otan ont déjà donné leur accord pour l’envoi de troupes supplémentaires: « L’Otan ne part pas quand ça se gâte. Nous tenons nos promesses » a-t-il insisté sur Twitter.

Les forces de Resolute Support s’élèvent à 5.000 hommes (hors soldats américains) actuellement et le président Ghani a espéré que « maintenant que le général Mattis a décidé d’envoyer plus d’hommes (…) les autres membres de l’Otan en feront autant ».

Selon le général américain John Nicholson, commandant de RS, la nouvelle donne annoncée par les Etats-Unis a déjà contribué à relever le moral des troupes afghanes et altère celui des talibans.

« Sur le champ de bataille, le moral des talibans est à la baisse, leurs pertes restent très élevées » a-t-il confié aux journalistes.

Mais malgré « les regrets profonds » exprimés par l’Otan et l’annonce d’une enquête, les bavures comme celles de mercredi, liées le plus souvent aux raids aériens des forces américaines, alimentent la rancoeur et la colère des populations contre les forces occidentales.

Après avoir longuement hésité, Donald Trump a dévoilé fin août sa « nouvelle stratégie » pour soutenir le régime de Kaboul face aux insurgés islamistes, estimant qu’un retrait créerait un « vide » qui profiterait aux « terroristes ».

Les forces afghanes, qui subissent des pertes considérables – plus de 7.000 morts et 12.000 blessés en 2016 – reculent de fait face aux insurgés et leur ont abandonné plus d’un tiers du territoire.

L’opération RS est principalement chargée de former et d’encadrer ces forces, tandis que les Etats-Unis mènent, parallèlement, des opérations antiterroristes notamment en conduisant des raids aériens.

Dimanche, le porte-parole du ministère de la Défense, le général Dawlat Waziri, a annoncé que plus de 20.000 opérations militaires avaient été conduites contre les insurgés sur les six premiers mois de l’année.

Romandie.com avec(©AFP / 27 septembre 2017 21h47)                

Bavure au Niger: l’armée tue 14 paysans, pris pour des jihadistes

juillet 6, 2017

Niamey – L’armée nigérienne a tué mercredi par erreur dans un bombardement 14 paysans dans une région instable du sud-est du pays, les prenant pour des jihadistes de Boko Haram, ont indiqué jeudi des sources locales.

« C’est une bavure militaire qui a coûté la vie à 14 personnes (…) des réfugiés et des déplacés qui étaient rentrés dans leur village près d’Abadam, qu’ils avaient abandonné à cause des exactions de Boko Haram, et qui étaient revenus pour préparer leurs champs », a déclaré à l’AFP un élu de la région de Diffa.

« Ils n’avaient pas prévenu les autorités » alors que c’est une zone rouge interdite d’accès, près de la rivière Komadougou Yobé, qui sert de frontière naturelle entre le Niger et le Nigeria, a expliqué l’élu.

Parmi les tués figurent 12 Nigérians et deux Nigériens, selon le secrétaire général du gouvernorat de Diffa, Yahaya Godi.

« Les militaires les ont pris pour des combattants de Boko Haram. L’armée est sur ses gardes depuis les deux dernières attaques dans cette zone », a indiqué un journaliste local à l’AFP.

Pour pouvoir lutter contre Boko Haram, les autorités ont évacué en mai 2015 les civils de zones frontalières avec le Nigeria et l’accès y est interdit sans autorisation. Cette décision impopulaire chez nombre de déplacés oblige beaucoup d’entre eux à vivre dans des camps. Certains reviennent quand même dans leurs villages pour cultiver malgré l’interdiction.

La région de Diffa est le théâtre depuis plusieurs années de nombreuses attaques du groupe islamiste nigérian Boko Haram, aussi bien contre des soldats que contre des civils.

« Abadam est une zone interdite donc tout déplacement est considéré comme (étant) celui de (militants) de Boko Haram », a déclaré Yahaya Godi sur une radio locale à Niamey.

« C’est pour éviter des attaques que l’avion n’a pas tarder à (les) bombarder. Il y a eu cette erreur là. Les gens ont violé l’interdiction, ils ont quitté Diffa pour soit disant faire des travaux agricoles sans informer qui que ce soit. L’avion ne peut pas distinguer (les combattants de Boko Haram des simples paysans). Il y a eu malheureusement 14 morts dont deux Nigériens et 12 Nigérians ».

Le village d’Abadam est divisé en deux par la rivière Komadougou Yobé: une partie se trouve au Nigeria et l’autre au Niger. Les deux Nigériens tués sont des déplacés et les 12 Nigérians sont des réfugiés.

Les autorités militaires de la région de Diffa étaient injoignables jeudi après-midi.

En février 2015, Abadam avait déjà été touché par le bombardement d’un avion « non identifié », selon les autorités : une bombe larguée sur une cérémonie funéraire avait fait 36 morts et 27 blessés.

Le village s’était vidé de ses habitants un peu plus tard.

La région de Diffa, qui compte 600.000 habitants, subit depuis 2015 des attaques récurrentes des islamistes nigérians. Elle abrite plus de 300.000 réfugiés et déplacés, qui vivent au milieu d’une population locale déjà très pauvre, selon l’ONU.

Une force régionale composée du Niger, du Nigeria, du Tchad et Cameroun mène depuis deux ans des opérations de ratissage terrestres et aériennes dans la zone du lac Tchad où se sont retranchés les combattants de Boko Haram.

Neuf personnes ont été tuées et 37 filles et garçons kidnappés dimanche dans un village de la même région, Ngalewa, lors d’une attaque attribuée à Boko Haram. Deux personnes avaient été tuées dans un attentat suicide perpétré le 29 juin près d’un camp de réfugiés par deux femmes kamikazes, dans le village de Kabaléwa, dans la même zone.

Romandie.com avec(©AFP / 06 juillet 2017 20h32)                                            

États-Unis: Le Pentagone reconnaît la pire bavure dans la campagne contre l’EI

mai 26, 2017

Le Pentagone à Washington, le 25 août 2013 / © AFP/Archives / SAUL LOEB

Le Pentagone a reconnu jeudi la pire bavure de la campagne contre le groupe Etat islamique, 105 victimes civiles dans un bombardement le 17 mars à Mossoul, attribuant toutefois ce terrible bilan à des explosifs de l’EI, et non à la bombe américaine elle-même.

Cette admission survient alors que des ONG dénoncent une augmentation des victimes civiles des bombardements de la coalition depuis l’arrivée au pouvoir du président Donald Trump, qui a promis d’accélérer l’élimination du groupe EI.

Le Pentagone dément de son côté que ses bombardements soient plus meurtriers.

Les « règles d’engagement », les précautions prises pour éviter les morts de civils, sont restées les mêmes depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, répètent les militaires américains.

Pour le Pentagone, la bavure du 17 mars est surtout liée au comportement des jihadistes, qui n’hésitent pas utiliser les civils dans leurs tactiques de combat avec un mépris total pour leur sort.

Selon le résumé de l’enquête militaire, rendu public jeudi, le bombardement fatal visait deux snipers de l’EI installés dans une belle demeure de Mossoul.

Il été avait été demandé par les forces anti-terroristes irakiennes (CTS) menant l’assaut dans le quartier.

Ces forces, postées à moins de 100 mètres depuis deux jours, n’avaient pas décelé la présence de dizaines de civils qui s’étaient réfugiés dans la maison, à l’invitation du propriétaire.

Et la coalition était privée depuis deux jours de ses habituelles images vidéos prises par drone, en raison du mauvais temps.

La décision a été prise d’éliminer les deux snipers avec une bombe relativement légère GBU-38 de 192 livres (environ 87 kilos) d’équivalent TNT, ne devant toucher que l’étage où se trouvaient les deux jihadistes.

Mais l’explosion de celle-ci a provoqué une puissante « explosion secondaire » qui a fait s’effondrer tout le bâtiment, prenant au piège 101 personnes qui s’y étaient réfugiées, ainsi que quatre voisins, selon le rapport d’enquête.

Pour parvenir à de tels dégâts, il fallait au moins 1.000 livres (environ 450 kilos) d’équivalent TNT, soit quatre fois plus que la bombe GBU-38 utilisée, a indiqué aux journalistes le général américain Matt Isler, qui a conduit sur place l’enquête de la coalition, avec le renfort d’experts en armement et en génie civil.

Les enquêteurs ont établi que l’EI avait placé des explosifs dans la maison, retrouvant des résidus chimiques d’explosifs utilisés par les jihadistes, comme de la nitroglycérine ou du cordon explosif.

– Maison délibérément piégée –

Et ils soupçonnent, sans en avoir la preuve formelle, que l’EI a piégé délibérément la maison, avec la volonté d’attirer une attaque de la coalition et de provoquer une bavure.

Chercher à provoquer des bavures est une tactique reconnue de l’EI, a affirmé le général Isler.

Le 28 mars, un drone de la coalition a filmé une telle tentative des jihadistes à Mossoul, a-t-il affirmé.

La vidéo montre les jihadistes conduisant par la force des civils dans un bâtiment, puis piégeant celui-ci, notamment avec une bouteille de propane destinée à augmenter les effets d’un bombardement, a-t-il expliqué.

Le général Isler n’a pas exclu que des familles de victimes puissent recevoir une indemnité du Pentagone, en « marque de sympathie » devant la perte subie.

« Dans certaines circonstances, les chefs militaires peuvent envisager » un tel paiement, qui toutefois pas n’est pas une reconnaissance de responsabilité, a-t-il dit.

Le bombardement du 17 mars porte à plus de 450 le nombre de morts civils reconnus par la coalition depuis le début des bombardements contre l’EI en août 2014, mais de nombreux cas font encore l’objet d’investigations et le bilan réel est certainement plus lourd.

Les forces irakiennes appuyées par la coalition internationale antijihadistes conduite par Washington ont lancé mi-octobre une vaste offensive pour chasser les jihadistes de l’EI de Mossoul, la deuxième ville irakienne.

Elles se sont emparées fin janvier de la partie orientale de la ville et ont lancé mi-février un assaut sur la partie ouest, densément peuplée et qui comprend notamment la vieille ville.

Romandie.com avec(©AFP / 26 mai 2017 20h53)