
Des casquettes à l’éfigie du pape François qui fera une visite spéciale de quatre jours en Colombie, du 6 au 11 septembre, à Medelin le 1er septembre 2017 / © AFP/Archives / JOAQUIN SARMIENTO
Au premier coup de machette, le prêtre colombien Pedro Maria Ramirez est tombé à genoux, demandant pardon pour ses bourreaux. Quatre décennies plus tard, en 1989, l’évêque Jesus Jaramillo succombait sous les balles d’une guérilla commandée par un curé.
Tous deux seront béatifiés par le pape François durant la visite qu’il entame mercredi en Colombie, un pays déchiré par plus d’un demi-siècle d’une guerre fratricide et qui, avec l’aide du souverain pontife, tente de mettre fin au dernier conflit armé du continent américain.
L’Eglise catholique a versé sa part de sang dans la confrontation entre les forces de l’Etat, les guérillas de gauche, les milices paramilitaires d’extrême droite et les narco-trafiquants.
Depuis 1984, deux évêques et 89 prêtres ont été assassinés, 23 autres religieux, dont cinq prélats, ont été enlevés, selon la Conférence épiscopale de Colombie.
Dans ce pays en grande majorité catholique, le pape va reconnaître le martyre du curé Ramirez et celui de l’évêque Jaramillo à l’occasion de cette visite de cinq jours, du 6 au 10 septembre.
– « Père, pardonnez-leur » –
Le 9 avril 1948 éclatait la violence qui a marqué au fer rouge la Colombie du 20e siècle. Ce jour-là, le dirigeant libéral Jorge Eliecer Gaitan est assassiné à Bogota. Le lendemain, au coin d’une rue d’Armero (centre), le prêtre Pedro Maria Ramirez meurt, à genoux.
Les conservateurs et les libéraux se livreront une guerre sans merci dans les villes et les campagnes. De cet affrontement surgiront les premiers guérilleros et paramilitaires.
Le curé d’Armero a succombé à un coup de machette de partisans de Gaitan qui accusaient l’Eglise de s’allier aux conservateurs et de prêcher la mort des libéraux.
Face à ses assassins, le père Ramirez a crié: « Je veux mourir pour le Christ », raconte à l’AFP le directeur de doctrine de la Conférence, Jorge Bustamante.
En s’effondrant, couvert de sang, il a clamé: « Père, pardonnez-leur ». Puis il a reçu un coup de gourdin et un autre de machette. Il avait 49 ans. Ses restes ont été enterrés dans le cimetière de La Plata, son village natal, à environ 400 km d’Armero.
De son vivant, le père Ramirez avait une réputation de saint. « Tout le monde a foi en lui. De nombreux pèlerins viennent presque tous les jours », assure à l’AFP un habitant de La Plata, Rodrigo Fajardo, 70 ans.
Vendredi prochain, il sera béatifié par le pape François pour avoir vécu sa foi « avec héroïsme » et parce que « sa mort a été causée par une haine de l’Eglise », explique Jorge Bustamante.
– Une « erreur » de l’ELN –
Presque 40 ans plus tard, le 2 octobre 1989, Mgr Jesus Jaramillo se trouvait en voiture, avec quatre religieux, sur une route de l’Arauca, département frontalier du Venezuela.
Des guérilleros de l’Armée de libération nationale (ELN) séquestrent le prélat ainsi que le prêtre Elmer Muñoz, et laissent partir les autres. Les rebelles reprochaient à l’évêque d’être proche des militaires. Avant de se retrouver seul avec eux, Mgr Jaramillo a demandé au curé de le confesser, selon ce qu’a raconté ensuite le père Muñoz.
Le lendemain, l’évêque était retrouvé, tué de sept balles, et dépouillé de l’anneau épiscopal. Pour son « impartialité et sa condamnation de la violence, je crois qu’ils l’ont assassiné. Parce qu’il ne cédait à aucune idéologie », affirme à l’AFP Alvaro Hernandez, prêtre de l’église Maria Auxiliadora de Arauca.
Mgr Jaramillo a été tué par une guérilla alors commandée par le curé espagnol Manuel Perez, décédé de maladie en 1998. L’ELN a été fondée en 1964 sous l’influence de la révolution cubaine et de la théologie de la libération, courant de l’Eglise catholique qui revendiquait la lutte pour les plus pauvres.
Après des décennies de confrontation avec l’Etat, ces rebelles négocient, depuis février, un accord de paix similaire à celui qui a permis cette année le désarmement de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) et sa transformation en parti politique.
Pablo Beltran, chef négociateur de l’ELN, a qualifié la mort de Mrg Jaramillo d' »erreur ». « Nous le reconnaissons et demandons pardon pour cette erreur », a-t-il déclaré dans un entretien.
Romandie.com avec(©AFP / 02 septembre 2017 11h48)