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Au pays du Cèdre, la résistance par les livres

octobre 26, 2022

Après quatre ans d’interruption, Le Festival « Beyrouth Livre » revient et innove pour marquer sa volonté de faire revivre le secteur du livre dans le pays.

Au pays du Cedre, la resistance par les livres
Au pays du Cèdre, la résistance par les livres

C’est un événement incontournable, un symbole, et une nouvelle pierre, solide, posée au cœur d’un Liban meurtri par la crise. Du 19 au 30 octobre, Beyrouth Livres, Festival international et francophone de Beyrouth, rouvre ses portes dans un format ambitieux et inédit, après quatre ans de silence. « Avant » le grand chaos, Beyrouth avait, vingt-cinq ans durant, accueilli le troisième plus grand salon littéraire et francophone du monde (après Paris et Montréal). Et puis ce fut le trou noir. La tragédie du port, et une crise totale – économique, politique, sociale, sanitaire, monétaire, sécuritaire – qui a frappé chaque Libanais, de l’ouvrier au bourgeois. Comme tous les autres, le secteur du livre en est ressorti exsangue. Le phénix est KO, le Liban à genou, mais Sisyphe n’abandonne (toujours) pas.

Initié par Anne Grillo, l’ambassadrice de France, soutenu par l’Institut français du Liban, le Centre national du livre et tout ce que le pays du Cèdre a de plus volontaire, Beyrouth Livres renaît et revient en force. De Gemmayzé à Hamra, de Mar Mikhael à Mathaf, à Beyrouth mais aussi Tripoli, Saïda, Baalbek, Jounieh et Tibnine, plus de cent auteurs de quinze nationalités (Fawzia Zouari, Fabien Toulmé, Marie Darrieussecq, Didier Decoin, Clara Dupont-Monod, Serge Bloch ou encore Ryoko Sekiguchi, Paule Constant, Philippe Claudel, Charif Majdalani, Diane Mazloum, Sabyl Ghoussoub ou Hyam Yared), mais aussi des musiciens, des artistes, des comédiens, des dramaturges et des cinéastes se retrouveront pendant dix jours dans une trentaine de lieux culturels, écoles, collèges et universités. Toutes les rencontres, tables rondes et conférences en français seront simultanément traduits en arabe et en anglais. Le tout, gratuitement. Comme à son habitude, le petit pays accueille en grand – le Liban a toujours eu le goût et le talent de la démesure.

Pour l’écrivain et avocat Alexandre Najjar, responsable de L’Orient littéraire et auteur du Dictionnaire amoureux du Liban, « ce festival représente un symbole très fort. Il intervient après une interruption de quatre ans et au milieu d’une crise économique sans précédent. Cet événement, qui se déroule dans tout le pays et non plus sous chapiteau comme par le passé, a dynamisé la vie culturelle et la francophonie, malgré le prix du livre importé, devenu inabordable à cause de la dépréciation de la monnaie locale. De nombreux écrivains et illustrateurs ont répondu présent, dont plusieurs membres de l’académie Goncourt, et ce, malgré la polémique ridicule créée par le ministre libanais de la Culture qui, pour faire de la surenchère, avait manifesté le désir de vérifier si les idées des invités étaient politiquement correctes – ce qui a provoqué un tollé contre lui de la part de la population, attachée plus que jamais à la liberté d’expression*Mais j’ose espérer que ce festival marquera le début d’une renaissance au Liban ! ».

« Parce que c’est vous, parce que c’est nous », disait Emmanuel Macron au lendemain de l’explosion du port. L’espoir a chez les Libanais d’étranges et puissantes racines. En plein cœur du chaudron, ce festival résolument international et francophone est plus qu’une audace, c’est un acte de résistance. Par la langue, la musique, la poésie, par la beauté. « Dans le jardin secret / Où nous avons rêvé / Un ouragan a balayé les feuilles », écrivait Lady Cochrane, mémoire de Beyrouth, ardente défenseuse de la culture et du patrimoine morte à 98 ans en buvant le thé dans son palais le 4 août. « Dans le jardin secret / Que nous avons créé / Le passé est une fleur que l’on cueille. » Puisse cet événement rassembler et favoriser par les livres la renaissance d’un Liban en mille morceaux.

Le 8 octobre dernier, le ministre de la Culture libanais Mohammad Mortada avait critiqué la présence d’auteurs « ayant embrassé les projets sionistes dans la pensée et dans la pratique, les soutenant aussi bien dans leurs travaux littéraires que dans leur vie quotidienne ». Cinq auteurs, dont des membres de l’Académie Goncourt, avaient alors annulé leur participation, évoquant une « dégradation générale de la situation au Liban ».

Avec Le Point par Marine de Tilly

Effondrement d’une partie des silos à grain du port de Beyrouth

juillet 31, 2022
Une photo montre des silos à grain fortement endommagés dans le port de la capitale libanaise, Beyrouth.

L’incendie a ravivé le traumatisme de proches de victimes de l’explosion du 4 août 2020, qui avait fait plus de 200 morts. Photo : Getty Images/AFP/Anwar Amro

Des silos à grain endommagés dans le port de Beyrouth se sont effondrés dimanche à la suite d’un incendie, et ce, quatre jours avant le deuxième anniversaire de l’explosion dévastatrice survenue dans ces installations portuaires.

Un nuage de poussière a recouvert le port après l’effondrement de deux des 48 tours, ont constaté des journalistes de l’AFP. Des hélicoptères de l’armée ont aussitôt survolé le secteur pour larguer de l’eau et pour tenter d’éteindre complètement le feu dans la structure.

Deux autres tours risquent de s’effondrer, a déclaré le ministre des Travaux publics, Ali Hamiyé.

Il y a plus de deux semaines, un incendie s’était déclaré dans la partie la plus endommagée des silos. Selon les autorités et des experts, le feu a été causé par la fermentation des stocks de céréales restantes, conjuguée à de fortes températures.

L’incendie a ravivé le traumatisme de proches de victimes de l’explosion du 4 août 2020, qui avait fait plus de 200 morts et 6500 blessés et qui avait dévasté des quartiers entiers de la capitale libanaise.

L’explosion du 4 août 2020 avait été déclenchée dans un entrepôt qui abritait des centaines de tonnes de nitrate d’ammonium stockées sans précaution. Touchés de plein fouet par le souffle de l’explosion, les silos à grain du port s’étaient partiellement écroulés.

Les flammes et la fumée qui se dégageaient des silos depuis le début du mois étaient toujours visibles.

Après l’incendie, le premier ministre Najib Mikati avait averti cette semaine qu’une partie des silos risquait de s’effondrer et avait appelé l’armée et la Direction de la gestion des catastrophes à être en état d’alerte.

De la poussière recouvre les silos endommagés.

Il y a plus de deux semaines, un incendie s’est déclaré dans la partie la plus endommagée des silos. Photo : AP/Mohammed Anouti)

Certaines parties des silos contiennent toujours quelque 3000 tonnes de blé et d’autres céréales qui n’ont pas pu être retirées à cause du danger d’effondrement, selon les autorités.

Les ministères de l’Environnement et de la Santé ont émis des recommandations à l’intention du public en cas d’effondrement des silos, notamment en ce qui a trait à la nécessité d’évacuer la zone, de porter des masques et de fermer les fenêtres des logements.

En avril, le Liban avait ordonné la démolition des silos, mais cette décision avait été suspendue en raison de l’opposition des proches des victimes du drame, qui veulent en faire un lieu de mémoire.

J’ai pleuré quand j’ai appris que des silos s’étaient effondrés, a dit Cécile Roukoz, qui a perdu son frère dans l’explosion du 4 août 2020.

Nous voulons qu’ils restent en place comme témoins du crime […] et en mémoire de ceux qui ont perdu la vie sans raison, a-t-elle ajouté.

L’enquête sur les causes du drame du 4 août 2020 est suspendue depuis des mois en raison d’obstructions politiques. Montrées du doigt pour négligence criminelle, les autorités sont accusées par les familles des victimes et par des ONG de la torpiller pour éviter des inculpations.

Par Radio-Canada avec Agence France-Presse

Congo-Pépinière à projets : Julles Ferry Quevin Moussoki Mitchum à Beyrouth

septembre 28, 2021

Le conteur congolais fait partie des dix-huit artistes comédiens, metteurs en scène, auteurs, scénographes, concepteurs sonores bénéficiaires de la bourse Focuna, une bourse de création. Il participe, à partir de ce 28 septembre jusqu’au 10 octobre, à un laboratoire de création artistique dans la région de Hammana, au Liban.

 

L’artiste Julles Ferry Moussoki/ DR

La participation de Jules Ferry Quevin Moussoki au projet fait suite à un appel à candidatures lancé par le Focuna, en collaboration avec Theater federatioun,  soutenu par l’Organisation internationale de la francophonie et l’espace Tiné. Durant deux semaines, le médaillé d’or en contes et les autres artistes choisis par les différents membres de la Commission internationale du théâtre francophone (CITF) vont prendre part à des échanges tant dans des cadres formels qu’informels, avec des artistes et des professionnels de la scène d’autres provenances. Ils rencontreront le public au terme de ces ateliers.

L’artiste assistera aussi à des spectacles programmés par Hammana Artist House (HAH) et des théâtres partenaires à Beyrouth. La pépinière à projets est organisée par la CITF, HAH et Valérie Cachard, artiste indépendante et co-présidente de la CITF.

Le projet pépinière a pour multiples objectifs : susciter le désir de développer des collaborations artistiques et des projets de coproduction théâtrale entre des artistes de la francophonie, contribuer à l’avancement de la pratique théâtrale grâce à des rencontres entre des artistes de la francophonie œuvrant en théâtre et en musique, susciter un échange sur les pratiques respectives de chacun et le partage des connaissances.

Ce projet a aussi entre autres objectifs, favoriser une meilleure connaissance de la création théâtrale libanaise dans toutes ses formes et dans toutes ses langues et du secteur culturel en général au Liban; favoriser une meilleure connaissance des conditions de travail et de production théâtrale dans un pays dit « du sud »; favoriser une meilleure connaissance et un rapprochement entre des artistes du Canada, d’Europe, d’Afrique et des pays du Levant; se retrouver pour pratiquer son métier de manière collective après une période d’instabilité…

Le conteur Julles Ferry Moussoki est directeur artistique du Festival international des rencontres itinérantes des arts de la parole et du langage à Brazzaville, médaillé d’or en contes et conteur aux huitièmes Jeux de la francophonie en 2017. Il participe à plusieurs festivals.

Avec Adiac-Congo par Rosalie Bindika

Liban : une réfugiée syrienne tuée par une balle perdue

janvier 1, 2021

Une balle perdue a en outre creusé un trou dans un avion de la compagnie nationale Middle East Airlines, garé sur le tarmac de l’aéroport international de Beyrouth.

Une réfugiée syrienne au Liban a été tuée par une balle perdue lors de tirs en l’air pour célébrer le Nouvel An, a indiqué vendredi 1er janvier l’agence nationale d’information (ANI), un phénomène récurrent dans ce pays que les autorités peinent à endiguer.

Les décès causés par des balles perdues sont fréquents au Liban, où les civils tirent régulièrement en l’air en guise par exemple de célébrations ou d’acclamation d’un chef politique.

Selon ANI, la Syrienne est décédée «après avoir été touchée à la tête par une balle perdue dans un camp de réfugiés à Taybeh» dans la ville de Baalbek (est) où des habitants ont tiré en l’air pour célébrer la nouvelle année.

Une balle perdue a en outre creusé un trou dans un avion de la compagnie nationale Middle East Airlines (MEA), garé sur le tarmac de l’aéroport international de Beyrouth, après des tirs similaires à proximité, selon une source à la MEA. L’appareil, un Airbus A321neo qui fait partie d’une flotte de sept nouveaux avions livrés en 2020, nécessite désormais des réparations, a-t-elle dit à l’AFP.

Mise en garde

Appréhendant ces tirs, les Forces de sécurité intérieure (FSI) avaient dès jeudi spécifiquement mis en garde contre les célébrations par des tirs en l’air en avertissant que des balles perdues pourraient tomber à l’aéroport, «ce qui menacerait la sécurité de l’aviation (civile) et la vie des voyageurs».

Cela n’a pas empêché des tirs nourris dans plusieurs régions du pays pour accueillir le Nouvel An, comme en témoignent des photos et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux.

Par Le Figaro avec AFP

Liban: Pour le FBI, l’explosion à Beyrouth a été provoquée par 500 tonnes de nitrate d’ammonium

décembre 29, 2020

L’explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth a été provoquée par 500 tonnes de nitrate d’ammonium, a indiqué mardi 29 décembre le premier ministre libanais démissionnaire Hassan Diab, citant les résultats d’une enquête de la police fédérale américaine (FBI).

Le jour du drame, qui a fait plus de 200 morts et 6500 blessés, M. Diab avait affirmé que 2750 tonnes de nitrate d’ammonium étaient stockées depuis des années «sans mesures de précaution» dans un entrepôt du port, imputant l’explosion à la présence de cette cargaison. Des experts estimaient toutefois que la quantité de ce produit à haut risque ayant pris feu était moins importante.

Si les autorités libanaises ont refusé les appels à une enquête internationale, elles ont autorisé des enquêteurs français et ceux du FBI américain à venir au Liban pour participer aux investigations préliminaires. «Le rapport du FBI a révélé que la quantité ayant explosé était de 500 tonnes seulement», a indiqué Hassan Diab lors d’une rencontre avec des journalistes. Mais «où sont passées les autres 2200 tonnes ?», a-t-il interrogé.

L’enquête piétine toujours près de cinq mois après l’explosion qui a traumatisé la nation et dévasté des quartiers entiers de la capitale. L’opinion publique, en colère, attend toujours de savoir comment un tel drame a pu avoir lieu et réclame aux responsables de rendre des comptes.

De nombreux dirigeants, dont le président Michel Aoun et le Premier ministre, avaient été officiellement avertis du danger que représentait la présence du nitrate d’ammonium au port. Le chef du gouvernement avait présenté sa démission quelques jours après le drame, tout en se dédouanant de toute responsabilité. Mais avec trois anciens ministres, Diab a été inculpé le 10 décembre par un juge d’instruction. Ils sont accusés de «négligence et d’avoir causé des centaines de décès».

Quelques jours plus tard, l’enquête a toutefois été temporairement suspendue, deux ministres accusés ayant réclamé la récusation du juge d’instruction Fadi Sawan. La cour de cassation doit désormais trancher sur cette requête avant une reprise des procédures. Une vingtaine de personnes, notamment des responsables du port et des douanes, ont été arrêtées dans le cadre de l’enquête.

Par Le Figaro avec AFP

Liban/Beyrouth : sous la pression des manifestants, le premier ministre propose des élections anticipées

août 8, 2020

Quelques jours après l’explosion du port, la foule se masse dans le centre-ville. Les manifestants ont pénétré le ministère des Affaires étrangères pour en faire le «quartier général de la Révolution», mettant le gouvernement sous pression.

 

Le samedi de la colère. Quatre jours après la terrible explosion qui a tué au moins 158 personnes, blessé 6000 autres et mis en ruine le port et une partie de la ville de Beyrouth, les Libanais se sont donné rendez-vous pour demander des comptes. Face à la pression de la rue, le premier ministre Hassane Diab a annoncé qu’il allait proposer des élections anticipées.

Dès 15 heures, heure locale (14 heures en France), des centaines de citoyens se sont retrouvés dans le centre. Comme sur la place des Martyrs, symbole de la contestation populaire depuis plusieurs mois, où environ 5000 manifestants, selon des premières estimations, demandent «le Jour du Jugement». Des potences y ont même été installées.

Un groupe de manifestants s’en est également pris au Parlement, jusqu’à tenter d’y pénétrer, rapporte l’agence Reuters. Ils ont été séparés par la police, qui a tiré des gaz lacrymogènes. Plus tard dans l’après-midi, peu après 18h, heure locale, une dizaine de manifestants ont réussi à pénétrer dans le ministère des Affaires étrangères, fortement touché par l’explosion de mardi. Les manifestants ont déclaré, en direct à la télévision libanaise, que ce ministère devenait le «quartier général de la Révolution».

Les manifestants sur le perron du ministère des Affaires étrangères, ont également suspendu des banderoles.

Les manifestants sur le perron du ministère des Affaires étrangères, ont également suspendu des banderoles. ELLEN FRANCIS / REUTERS

«Le peuple veut la chute du régime», «partez, vous êtes des assassins», «vengeance, vengeance, jusqu’à la chute du régime», plusieurs slogans sont scandés dans la ville à l’encontre du pouvoir. Selon l’AFP, le rassemblement reste majoritairement pacifiste, malgré quelques zones de tension. La Croix Rouge libanaise fait état de 110 personnes blessées au cours de la journée, dont 32 emmenées à l’hôpital.

Au même moment, le gouverneur de la ville, Marwan Abboud, était pris pour cible. Après quelques instants de discussion avec des manifestants, il est entré dans sa voiture, qui s’est retrouvée poursuivie et caillassée sur les premiers mètres de son trajet. Sur son compte Twitter, l’armée libanaise assure comprendre «la profondeur de la douleur dans le cœur des Libanais» mais «rappelle aux manifestants l’obligation de préserver l’aspect pacifique du mouvement, d’éviter de barrer les routes et toute atteinte aux biens publics et privés». Depuis l’explosion, près de 300.000 habitants sont sans-abri.


Les forces de l'ordre ont tiré du gaz lacrymogène, à proximité du Parlement.
Les forces de l’ordre ont tiré du gaz lacrymogène, à proximité du Parlement. THAIER AL-SUDANI / REUTERS

Ce samedi, plusieurs députés ont rendu leur mandat, suivant ainsi d’autres membres du Parlement, plus tôt dans la semaine. Selon eux, le temps est venu de bâtir un «nouveau Liban». «Le peuple libanais doit prendre une position historique. Un nouveau Liban doit émerger sur les ruines de l’ancien, que vous représentez», a déclaré Samy Gemayel, chef du parti Kataëb, un groupe chrétien de l’opposition, lors des obsèques de Nazar Najarian, secrétaire général du parti, tué dans l’explosion du port. «J’invite tous les députés qui ont de l’honneur à démissionner pour que le peuple puisse décider de ses gouvernants», a ajouté Samy Gemayel.

Demain, dimanche, une visioconférence des donateurs en soutien au Liban sera organisée. Co-organisée par l’ONU et la France, le président américain Donald Trump y participera également. Elle aura lieu à 14h.

Des manifestants libanais, le 8 août 2020.

Des manifestants libanais, le 8 août 2020. HANNAH MCKAY / REUTERS 

Avec Le Figaro par Pierre Zéau

 

Explosions à Beyrouth : le Mozambique nie avoir eu connaissance de l’arrivée du navire chargé de nitrate d’ammonium

août 8, 2020

 Des libanais portent un blessé après la double explosion du 4 août.

Des libanais portent un blessé après la double explosion du 4 août. © Hassan Ammar/AP/SIPA

 

Les autorités portuaires du Mozambique ont officiellement nié jeudi avoir eu connaissance du navire et de sa cargaison de nitrate d’ammonium qui a explosé à Beyrouth, faisant au moins 137 morts et 5 000 blessés. Des sources libanaises assurent que le bateau était à l’origine en route vers le port mozambicain de Beira.

Une source de sécurité libanaise a assuré qu’en 2013, le Rhosus, battant pavillon moldave et venant de Géorgie, a fait escale à Beyrouth alors qu’il était en route pour le port mozambicain de Beira. Il transportait 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium, un produit qui peut entrer dans la composition de certains explosifs à usage civil, mais également être utilisé comme engrais. C’est l’explosion de cette cargaison qui, selon les premiers éléments de l’enquête a provoqué le drame qui a coûté la vie à au moins 137 personnes et causé plus de 5 000 blessés à Beyrouth.

« Les autorités portuaires de Beira n’étaient pas informés de l’arrivée du Rhosus », a cependant indiqué le port de Beira dans un communiqué, ce jeudi, ajoutant que « l’arrivée d’un navire dans ce port est annoncée de 7 à 15 jours à l’avance ».

Un haut responsable du port de Beira, qui a demandé à rester anonyme, a cependant indiqué à l’AFP que « bien que la destination du navire était Beira, la destination finale de la cargaison n’était pas le Mozambique mais le Zimbabwe ou la Zambie parce que le nitrate d’ammonium sert à fabriquer des explosifs pour l’industrie minière ». « Et apparemment ce type de nitrate d’ammonium n’était pas celui utilisé dans l’agriculture (comme engrais) mais dans l’industrie minière », a-t-il poursuivi.

Arrivé à Beyrouth en 2013

Selon le site Marine Traffic, le navire est arrivé le 20 novembre 2013 dans le port de Beyrouth et n’est jamais reparti. Il avait rencontré des problèmes techniques. D’après des sources sécuritaires libanaises, alors que le Rhosus était en transit à Beyrouth, une firme libanaise aurait porté plainte contre la compagnie à laquelle le bateau appartenait, poussant la justice locale à saisir l’embarcation. La cargaison a été placée dans le hangar numéro 12, consacré aux marchandises saisies. Quant au bateau, endommagé, il a fini par couler.

En juin 2019, la sûreté de l’État, un des plus hauts organismes de sécurité au Liban, a lancé une enquête sur cette cargaison, après des plaintes répétées sur des odeurs nauséabondes qui émanaient du hangar. Dans son rapport, elle a signalé que l’entrepôt contenait « des matières dangereuses qu’il est nécessaire de déplacer ». Elle a aussi indiqué que les parois de l’entrepôt étaient lézardées, ce qui rendait un vol possible, et recommandé qu’il soit réparé

La direction du port, qui était au courant du caractère dangereux des produits, a finalement envoyé des ouvriers colmater les fissures de l’entrepôt. Ces travaux, selon les sources de sécurité, auraient été à l’origine du drame.

Le nitrate d’ammonium est un sel blanc et inodore utilisé comme base de nombreux engrais azotés sous forme de granulés, et a causé plusieurs accidents industriels dont l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en France en 2001.

L’équivalent de 1 200 à 1 300 tonnes de TNT

Vue de Beyrouth le 5 août 2020, au lendemain des explosions survenues dans le port de la capitale.
Vue de Beyrouth le 5 août 2020, au lendemain des explosions survenues dans le port de la capitale. © AP SIPA /Hussein Malla

Selon une autre source de sécurité, « la capacité de destruction de cette quantité de nitrate d’ammonium équivaut à entre 1 200 et 1 300 tonnes de TNT ». Après les explosions, le directeur des douanes, Badri Daher, s’est empressé de rendre publique une lettre qu’il avait adressée en décembre 2017 au procureur, dans laquelle il demandait comme dans des missives précédentes soit de transférer la cargaison à l’étranger, soit de la vendre à une compagnie locale, l’armée ayant affirmé n’en avoir pas besoin.

Selon Riad Kobaissi, un journaliste d’investigation libanais spécialisé dans les affaires de corruption et qui a beaucoup enquêté sur le port de Beyrouth, les services des douanes cherchent à se décharger de toute responsabilité. Soulignant qu’à la base il est interdit d’introduire de tels produits chimiques au Liban sans autorisation, il estime que cette affaire « met en lumière l’état de délabrement et la corruption au sein des douanes, qui assument en premier lieu, mais pas exclusivement, la responsabilité » du drame.

Par Le Figaro avec AFP

Liban: le Hezbollah «nie catégoriquement» avoir tout «entrepôt d’armes» dans le port de Beyrouth

août 7, 2020

Au moins 150 personnes ont été tuées dans l'explosion survenue mardi.

Au moins 150 personnes ont été tuées dans l’explosion survenue mardi. MARWAN TAHTAH / AFP 

Le chef du mouvement libanais du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a «nié catégoriquement» vendredi 7 août que son organisation possédait un «entrepôt d’armes» dans le port de Beyrouth, secoué par une explosion meurtrière et destructrice.

«Je nie totalement, catégoriquement, qu’il y ait quoi que ce soit à nous dans le port, ni entrepôt d’armes, ni entrepôt de missiles (…) ni une bombe, ni une balle, ni nitrate» d’ammonium, a martelé le chef du Hezbollah dans une allocution télévisée, après des accusations qui ont circulé dans les médias ou au sein de l’opinion publique et pointant du doigt l’influent mouvement chiite libanais.

Par Le Figaro avec AFP

[Photos] Beyrouth : les images apocalyptiques du jour d’après

août 5, 2020

Vue de Beyrouth le 5 août 2020, au lendemain des explosions survenues dans le port de la capitale.

Vue de Beyrouth le 5 août 2020, au lendemain des explosions survenues dans le port de la capitale. © AP SIPA /Hussein Malla

Immeubles éventrés, hôpitaux débordés, familles endeuillées et sans domicile… les deux explosions survenues mardi 4 août ont plongé la capitale libanaise dans un chaos total.

Deux puissantes explosions ont secoué Beyrouth mardi en fin d’après-midi. Parties d’un entrepôt du port de la capitale où étaient stockées plus de 2 700 tonnes de nitrate d’ammonium, produit qui entre dans la composition de certains engrais mais aussi d’explosifs, ces déflagrations ont fait plus de 100 morts, 4000 blessés et 300 000 sans abris, selon le bilan provisoire délivré par la Croix Rouge libanaise.

Ressenties à des centaines de kilomètres, les explosions ont plongé la capitale dans un état post-apocalyptique. Immeubles détruits, familles endeuillées et sans logement, hôpitaux saturés… retour en images sur une catastrophe sans précédent.

  • Champignon de fumée orange

Les explosions dans le portd de Beyrouth mardi 5 août 2020 ont provoqué un immense champignon de fumée dans le ciel de la capitale libanaise.

Les explosions, dont le souffle a été ressenti jusque sur l’île Chypre, à plus de 200 kilomètres de Beyrouth, ont formé un nuage géant semblable à un champignon atomique. Les stocks de nitrate d’ammonium dans l’un des entrepôts du port sont suspectés d’être la cause du désastre.

  • Beyrouth sous les décombres 

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Éclats de verre, véhicules en feu, bâtiments détruits … les images de Beyrouth au lendemain des explosions sont dignes d’une scène de guerre.
  • Hôpitaux saturés

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Les secours s’affairent à transférer les victimes dans les différents hôpitaux de la capitale, débordés après les explosions.

  • Sauvetage improvisé

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Des civils tentent d’évacuer un marin blessé alors qu’il se trouvait sur un navire qui accostait non loin du lieu de l’explosion qui a frappé le port de Beyrouth.

  • Solidarité citoyenne

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Anonymes et soldats œuvrent main dans la main pour évacuer les habitants touchés par les violentes déflagrations.

  • L’hôpital Saint Georges à Achrafieh, très endommagé 

Lebanon Explosion

Les hôpitaux de la capitale libanaise sont arrivés à pleine capacité mardi soir, certains d’entre eux ayant subi d’importants dégâts après les explosions. De nombreux patients sont renvoyés vers des établissements situés aux quatre coins du pays.

  • Course contre la montre

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Les secouristes, épaulés par des agents de sécurité, ont cherché toute la nuit des survivants ou des blessés coincés sous les décombres des immeubles.

  • Drames humains

Beyrouth sous les décombres ce mardi 4 août après la double explosion survenue dans le port.

Des familles entières se retrouvent à la rue après la destruction de nombreux immeubles d’habitations. Ici, un père portant sa fille dans les rues de Beyrouth.

  • Tensions entre civils et autorités

Lebanon

Dans un contexte politique déjà tendu, les explosions survenues ce mardi 4 août ont engendré d’énièmes affrontements avec les forces de l’ordre. Ici des manifestants anti-gouvernementaux venus protester devant le ministère de l’Énergie et de l’Eau après le drame.

Ave Jeune Afrique par Mélany Procolam

Qu’est-ce que le nitrate d’ammonium, responsable présumé de l’explosion de Beyrouth ?

août 5, 2020

 

Quelque 2750 tonnes de nitrate d’ammonium auraient été stockées dans l’entrepôt du port de Beyrouth qui a explosé, causant des dizaines de morts et des dégâts sans précédent.

Nitrat

Des sacs de nitrate d’ammonium sont stockés, le 26 octobre 2001 à l’intérieur de l’usine chimique AZF de Toulouse, après l’explosion du 21 septembre qui a fait 30 morts et près de 2500 blessés ERIC CABANIS / AFP

Le nitrate d’ammonium à l’origine supposée des explosions de Beyrouth mardi est un sel blanc et inodore utilisé comme base de nombreux engrais azotés sous forme de granulés. Selon le premier ministre libanais, environ 2750 tonnes de nitrate d’ammonium étaient stockées dans l’entrepôt du port de Beyrouth qui a explosé, causant des dizaines de morts et des dégâts sans précédent dans la capitale libanaise.

Les nitrates d’ammonium composent les engrais appelés ammonitrates, que les agriculteurs achètent en gros sacs ou en vrac. Ce ne sont pas des produits combustibles : ce sont des comburants, c’est-à-dire qu’ils permettent la combustion d’une autre substance déjà en feu. «C’est très difficile de le brûler», dit à l’AFP Jimmie Oxley, professeure de chimie à l’université du Rhode Island, qui a elle-même travaillé sur la combustion du nitrate d’ammonium. «Ce n’est pas facile de le faire détoner».

La détonation n’est possible qu’avec une contamination par une substance incompatible ou une source intense de chaleur. Le stockage doit donc suivre des règles pour isoler le nitrate d’ammonium de liquides inflammables (essence, huiles…), de liquides corrosifs, de solides inflammables ou encore de substances qui dégagent une chaleur importante, parmi d’autres interdits, selon une fiche technique du ministère français de l’Agriculture (en PDF).

De nombreuses tragédies dans le monde, accidentelles et criminelles, ont comme source le nitrate d’ammonium. La France garde notamment le souvenir tragique de l’accident de l’usine chimique AZF de Toulouse, le 21 septembre 2001. 300 tonnes de nitrates d’ammonium avaient subitement explosé, provoquant la mort de 31 personnes. La déflagration fut entendue jusqu’à 80 kilomètres à la ronde.

Le nitrate d’ammonium peut aussi être utilisé dans la construction d’engins explosifs. Le mélange ANFO est un mélange hautement explosif composé à 94% de nitrate d’ammonium et 6% de kérosène, d’essence ou de gazole, dont la puissance est comparable à celle de la TNT.

Mais la professeure Oxley nuance en rappelant que le nitrate d’ammonium est devenu indispensable à l’agriculture et à la construction. «Nous n’aurions pas ce monde moderne sans explosifs, et nous ne pourrions pas nourrir la population actuelle sans les engrais au nitrate d’ammonium», dit-elle. «Nous en avons besoin, mais il faut faire vraiment attention à ce qu’on fait avec.»

Par Le Figaro avec AFP