« On nous provoque. Je dois vous dire qu’il y a environ trois jours, peut-être plus, on a essayé depuis l’Ukraine de frapper des cibles militaires en Biélorussie. Dieu soit loué, nos systèmes anti-aériens Pantsir ont intercepté tous les missiles tirés par les forces ukrainiennes », a-t-il affirmé, cité par l’agence de presse d’Etat Belta.
« Nous n’avons pas l’intention de combattre en Ukraine »
« Je vous le répète, comme je l’ai dit il y a plus d’un an, nous n’avons pas l’intention de combattre en Ukraine », a-t-il toutefois assuré. Depuis l’attaque du Kremlin contre l’Ukraine, le 24 février, la Biélorusse, alliée de la Russie, a servi de base arrière aux forces russes. Les troupes russes s’étaient notamment élancées de la Biélorussie pour tenter de prendre la capitale Kiev, avant de renoncer fin mars face à la résistance ukrainienne et de se retirer.
Le régime de Alexandre Loukachenko, sous lourdes sanctions occidentales, est très dépendant militairement et économiquement de la Russie. La semaine dernière, le président russe Vladimir Poutine a annoncé que Moscou allait livrer « dans les prochains mois » au Bélarus des missiles Iskander-M capables de transporter des charges nucléaires.
Nombre de ceux qui campaient à la frontière ont été emmenés vers des hangars situés non loin, selon l’agence de presse biélorusse Belta. Dans le même temps, le rapatriement de certains Irakiens a commencé.
Des camps de migrants désertés, le 18 novembre 2021, à Grodno, en Biélorussie, à la frontière polonaise. LEONID SHCHEGLOV / AFP
L’agence de presse biélorusse Belta a annoncé, photos à l’appui, jeudi 18 novembre, que des migrants ont quitté deux principaux camps qu’ils occupaient près de Bruzgi, en Biélorussie, à la frontière polonaise, et nombre d’entre eux ont été emmenés vers des hangars situés non loin.
Un porte-parole des gardes-frontières polonais a confirmé que ces camps avaient été évacués. Ils « sont désormais vides, les migrants ont été le plus probablement emmenés vers le centre de logistique et de transport qui n’est pas loin du poste frontière de Bruzgi », a-t-il par ailleurs déclaré. « Il n’y avait pas d’autres camps de ce type (…), mais il y a eu des groupes qui apparaissaient à d’autres endroits pour tenter de franchir la frontière. Nous allons voir ce qu’il se passe dans les prochaines heures (…). Il y a encore des gens par là, mais ça se vide clairement », a-t-il poursuivi.
Parallèlement, quelque 430 Irakiens se sont manifestés pour rentrer en Irak, a annoncé Majid Al-Kilani, le consul d’Irak en Russie, cité par l’agence Associated Press. Un appareil de la compagnie Iraqi Airways a décollé dans l’après-midi de Minsk pour Bagdad, où le gouvernement avait annoncé le « rapatriement » de ses ressortissants « volontaires ».
« Fake news » sur le rapatriement
« Environ 7 000 » migrants se trouvent actuellement en Biélorussie, dont environ 2 000 à la frontière avec la Pologne, a affirmé jeudi la présidence biélorusse. Sa porte-parole, Natalia Eïsmont, a déclaré que Minsk allait œuvrer au rapatriement de 5 000 migrants, assurant que la chancelière allemande, Angela Merkel, allait négocier avec l’UE un « corridor humanitaire » pour évacuer les 2 000 restants vers l’Allemagne. Cette information a toutefois été démentie par la chancellerie allemande. Le ministre de l’intérieur allemand, Horst Seehofer, en visite à Varsovie, a déclaré qu’il avait « immédiatement contacté » la chancelière après avoir entendu les déclarations biélorusses et avait « reçu l’information claire qu’il s’agissait de “fake news” ».
Arrestations en Pologne
De leur côté, les forces de sécurité polonaises ont annoncé qu’elles ont arrêté une centaine de migrants alors qu’ils tentaient de franchir la frontière avec la Biélorussie dans la nuit de mercredi 17 novembre à jeudi 18 novembre, Varsovie accusant Minsk d’avoir orchestré cette tentative d’entrée dans l’Union européenne.
Le ministère de la défense polonais a accusé les Biélorusses d’avoir « forcé les migrants à jeter des pierres sur les soldats polonais afin de détourner leur attention ». « La tentative de franchir la frontière a eu lieu à quelques centaines de mètres de là », près du village de Dubicze Cerkiewne, a précisé le ministère.
Une vidéo diffusée par le ministère de la défense montre des soldats polonais entourant un groupe important de migrants accroupis par terre la nuit dans une forêt près d’une barrière de fils de fer barbelés. « L’attaque d’hier [mercredi] a été menée par des forces spéciales [de la Biélorussie] », a accusé une nouvelle fois le ministère. L’incident n’a pas pu être vérifié de manière indépendante, car l’accès à la zone frontalière est interdit aux journalistes du côté polonais.
Lors d’un autre incident, des séquences vidéo diffusées par les gardes-frontières biélorusses montraient un chien garde-frontière lituanien mordant un homme allongé sur le sol dans un sac de couchage. Les gardes-frontières lituaniens ont admis l’incident, affirmant qu’ils tentaient de repousser un groupe de migrants en Biélorussie et que les gardes-frontières n’avaient pas vu le migrant.
Le G7 condamne Minsk
Les pays du G7 ont appelé jeudi la Biélorussie à mettre fin « immédiatement » à la crise migratoire en cours aux frontières de l’UE, accusant Minsk de chercher à « détourner l’attention » des violations du droit international et des droits humains. L’Occident accuse Minsk d’avoir orchestré depuis l’été cet afflux, en réponse à des sanctions occidentales contre la Biélorussie après la répression, en 2020, d’un mouvement d’opposition historique.
Dans un communiqué, les chefs de la diplomatie du Royaume-Uni (qui occupe la présidence tournante du G7), de France, des Etats-Unis, du Canada, d’Allemagne, d’Italie, du Japon et de l’Union européenne ont condamné « l’orchestration par le régime biélorusse de l’immigration illégale à travers ses frontières ». « Nous demandons au régime de cesser immédiatement sa campagne agressive et d’exploitation afin d’éviter de nouvelles morts et de nouvelles souffrances », ont-ils déclaré.
Le G7 a demandé à Minsk d’accorder aux organisations internationales « un accès immédiat et sans entrave pour livrer de l’aide humanitaire » et a exprimé sa « solidarité » avec la Pologne, la Lituanie et la Lettonie, victimes « d’un usage provocateur de l’immigration illégale ».
Nouvel entretien Loukachenko-Merkel
Le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, et la chancelière allemande, Angela Merkel, s’étaient entretenus dans la journée par téléphone, pour la seconde fois en trois jours, afin d’évoquer ce dossier qui provoque de graves tensions entre l’UE et la Biélorussie soutenue par Moscou.
Isolé depuis sur la scène internationale, Minsk a soutenu mercredi que l’appel entre Mme Merkel et M. Loukachenko avait abouti à un accord sur l’organisation de pourparlers Biélorussie-UE. Mais cette annonce a été immédiatement nuancée par Berlin, qui n’a évoqué qu’une coopération entre Minsk et l’UE pour fournir une aide humanitaire aux migrants coincés à la frontière,la Commission européenne évoquant seulement des « discussions techniques » avec Minsk sur le rapatriement dans leur pays des migrants, la Biélorussie devant « donner accès à l’aide humanitaire et fournir un abri aux migrants dans le pays ».
L’Union européenne accuse le président biélorusse, Alexandre Loukachenko – lequel dément –, d’avoir orchestré l’arrivée d’une vague de migrants et de réfugiés, en réponse aux sanctions imposées par Bruxelles.
Des migrants tentent de franchir le passage frontalier de Kuznica, le lundi 8 novembre 2021. HANDOUT / VIA REUTERS
Les autorités polonaises ont averti, lundi 8 novembre, que des centaines de migrants, en provenance de la Biélorussie, essayaient de franchir la frontière de la Pologne, limite orientale de l’Union européenne (UE). Cette dernière accuse le président biélorusse, Alexandre Loukachenko – lequel dément –, d’avoir orchestré l’arrivée d’une vague de migrants et de réfugiés, venus principalement du Moyen-Orient pour tenter d’entrer sur le territoire de l’UE, en réponse aux sanctions imposées par Bruxelles à la suite de la répression brutale de son régime contre l’opposition.
La Pologne a envoyé des milliers de soldats à la frontière, y a construit une clôture de fils barbelés à lames de rasoir et a appliqué un état d’urgence local interdisant aux journalistes de travailler. « Un groupe de quelques centaines de personnes se dirigent vers le passage frontalier de Kuznica. Un groupe a déjà essayé de franchir la frontière », a déclaré à la presse le porte-parole du gouvernement polonais Piotr Müller. Selon lui, cette opération est organisée « par les personnes liées à des services spéciaux biélorusses ».about:blankhttps://acdn.adnxs.com/dmp/async_usersync.html
« L’utilisation des migrants par le régime [du président biélorusse Alexandre] Loukachenko comme tactique hybride est inacceptable », a estimé dans un communiqué un responsable de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Et d’ajouter : « Nous sommes préoccupés par la récente escalade à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Nous appelons la Biélorussie à se conformer au droit international. »
Une partie de la clôture frontalière détruite
Depuis lundi matin, des dizaines de vidéos ont été publiées sur les réseaux sociaux. Les images montrent des groupes de centaines de personnes, avec des vêtements chauds et des sacs à dos, marchant le long d’une route. Selon une géolocalisation faite par le service de vérification des informations de l’Agence France-Presse, une des vidéos a été prise près de bâtiments situés à Bruzgi, en Biélorussie, à 1,2 km de la frontière avec la Pologne. Une vidéo publiée sur Twitter par le ministère de la défense polonais fait, quant à elle, état de centaines de migrants massés le long de la frontière près du poste-frontière de Kuznica-Bruzgi.
Une autre vidéo publiée par le ministère de l’intérieur montre une partie de la clôture frontalière installée par la Pologne détruite, avec, d’un côté, des centaines de migrants et, de l’autre, des soldats, gardes-frontières polonais et des policiers en tenue antiémeute. « Les services polonais ont empêché les migrants de se frayer un chemin du côté polonais au sud du poste-frontière de Kuznica. La situation était sous contrôle », a fait savoir le ministère dans le tweet.
De leur côté, les gardes-frontières biélorusses ont confirmé lundi dans un communiqué : « En ce moment, un grand groupe de réfugiés avec des effets personnels se déplace le long de l’autoroute vers la frontière avec la Pologne. »
Cellule de crise
A Varsovie, une cellule de crise du gouvernement – à laquelle ont participé le premier ministre, Mateusz Morawiecki, et les ministres de l’intérieur et de la défense – s’est réunie à 13 heures pour discuter de la situation. Au moins dix migrants sont morts jusqu’à présent dans la région, dont sept du côté polonais de la frontière, selon le quotidien du pays Gazeta Wyborcza.
La chef de l’opposition biélorusse, Svetlana Tsikhanovskaïa, a reproché lundi au président Alexandre Loukachenko d’avoir orchestré ce qu’elle a qualifié d’« attaque hybride » et a appelé le Conseil de sécurité des Nations unies à réagir dans un message publié lundi sur Twitter :
« Les migrants sont poussés à la frontière par des hommes armés. Loukachenko est pleinement responsable de l’attaque hybride contre la Pologne, la Lituanie et l’Union européenne. Le trafic de migrants, la violence et les mauvais traitements doivent cesser. Une réponse forte est nécessaire. #UNSC devrait discuter de cette crise. »
Le corps de ce responsable d’une ONG aidant les réfugiés biélorusses a été retrouvé mardi. Ses collègues accusent le régime de Minsk, et la police ukrainienne soupçonne un « meurtre camouflé en suicide ».
Photo non datée de Vitali Chychov, fournie par l’organisation de défense des droits humains Viasna. M. Chychov, 26 ans, responsable d’une ONG biélorusse aidant celles et ceux qui ont fui le régime d’Alexandre Loukachenko, a été retrouvé mort à Kiev, le 3 août. AP
Vitali Chychov, responsable d’une ONG biélorusse qui apporte son aide à celles et à ceux qui ont fui le régime d’Alexandre Loukachenko, a été retrouvé pendu dans un parc de Kiev, en Ukraine, mardi 3 août.
Selon la police locale, le ressortissant biélorusse était porté disparu depuis qu’il était sorti faire un jogging, la veille. « Vitali Chychov a été retrouvé pendu (…) à proximité du lieu où il habitait », dit-elle dans un communiqué. Une enquête pour meurtre a été ouverte, car, aux yeux des enquêteurs, il pourrait s’agir d’un « meurtre camouflé en suicide ».about:blankclose
Selon des membres de son ONG, Maison biélorusse en Ukraine, « il ne fait aucun doute » que Vitali Chychov, âgé de 26 ans et exilé en Ukraine depuis les manifestations massives d’opposants en 2020, a été assassiné par le régime biélorusse. Sur la chaîne Telegram de l’ONG, consultée par l’Agence France-Presse, on peut lire :
« Il s’agit d’une opération planifiée par les membres du service de sécurité pour liquider [une personne] véritablement dangereuse pour le régime biélorusse. Vitali était surveillé et la police [ukrainienne] en avait été notifiée. Nous avions été avertis à plusieurs reprises, à la fois par des sources locales et par des personnes en Biélorussie, de toutes sortes d’opérations allant jusqu’à l’enlèvement et la liquidation. »
Un militant biélorusse, Oleg Ovtchinnikov, a fait savoir à l’AFP que le visage du défunt présentait des hématomes et que son nez était cassé. Un membre de Maison biélorusse à Kiev, interrogé par Associated Press, a confirmé que « rien n’a[vait] été volé (…), il n’avait que son téléphone sur lui. »« On nous avait prévenus qu’il fallait d’être plus vigilants, car un réseau d’agents du KGB biélorusse opérait ici. Vitali m’avait demandé de prendre soin de ses proches, il avait un mauvais pressentiment », a-t-il ajouté.
La chef de l’opposition biélorusse, en exil, Svetlana Tsikhanovskaïa, a exprimé ses condoléances aux proches de M. Chychov. « Les Biélorusses ne sont pas en sécurité, même à l’étranger, tant qu’il y aura ceux qui tentent de se venger et de cacher la vérité en se débarrassant des témoins », a-t-elle lancé sur Telegram. Les Nations unies ont appelé mardi Kiev à mener une enquête « minutieuse, impartiale et efficace » sur sa mort.
La police a ouvert une enquête pour homicide avec préméditation, mais elle étudie également la piste d’un geste volontaire. « Un suicide et un meurtre déguisé en suicide sont les principales hypothèses », a précisé le chef de la police nationale.
Perquisitions, arrestations et emprisonnements à un rythme effréné
L’Ukraine, comme la Pologne et la Lituanie, a historiquement accueilli les exilés biélorusses – opposants, membres d’ONG, journalistes ou militants – fuyant cette ex-république soviétique. Le cinquième mandat présidentiel d’Alexandre Loukachenko, remporté frauduleusement en 2020, et la répression massive des manifestations contestataires ont accéléré ce phénomène. Vitali Chychov avait lui-même quitté son pays pour l’Ukraine après avoir participé à la contestation dans la ville de Gomel.
Ces derniers mois, perquisitions, arrestations parfois spectaculaires et emprisonnements se sont succédé à un rythme effréné.
En mai, l’opposant Roman Protassevitch était arrêté après le détournement de son vol Ryanair vers Minsk. Depuis, il a été transféré, avec sa femme, en résidence surveillée.
Le 4 août s’ouvrira le procès de Maria Kolesnikova, l’une des trois grandes opposantes de la contestation de 2020. Selon elle, les forces de sécurité l’ont enlevée en septembre pour l’exiler en Ukraine. Mais, comme elle a résisté, elle a finalement été arrêtée, incarcérée et inculpée pour « complot visant à s’emparer du pouvoir ».
Les dernières cibles du régime sont celles qu’Alexandre Loukachenko appelle les « sales ONG » cultivant « la terreur ». Plusieurs dizaines d’entre elles ont été liquidées sur ordre du gouvernement biélorusse. Selon l’ONG Viasna, elle-même concernée, il s’agit d’organisations de défense des droits humains, d’enseignement des langues, d’aide aux handicapés ou d’aide à l’emploi pour les jeunes, ainsi que de l’Association des journalistes biélorusses et le bureau biélorusse de PEN, l’association de défense des écrivains.
Au printemps, l’Union européenne et les Etats-Unis ont pris de nouvelles sanctions, économiques et individuelles, visant de hauts responsables biélorusses et des hommes d’affaires, ainsi que des secteurs-clés de l’économie. La Biélorussie a riposté en annonçant, le 28 juin, la suspension de sa participation au Partenariat oriental de l’UE et le rappel de son ambassadeur à Bruxelles.