Cinq enfants de l’ancien président gabonais sont accusés d’avoir acheté des biens immobiliers en France grâce à la fortune de leur père, que la justice soupçonne d’avoir été frauduleusement acquise.
Le dossier des « biens mal acquis » gabonais, vieux de quinze ans, est relancé : la justice française a confirmé avoir mis en examen en juin et en juillet cinq fils et filles d’Omar Bongo Ondimba, ancien président gabonais décédé en 2009 et père de l’actuel chef de l’État. Parmi les intéressés figurent surtout Pascaline Bongo, l’ancienne directrice de cabinet d’Omar Bongo Ondimba, et Omar Denis Junior Bongo, lequel est également le petit-fils du président congolais Denis Sassou Nguesso.
Sont également concernés Jeanne et Joseph Matoua, enfants d’Omar Bongo Ondimba et de Patricia Thérèse Matoua. Ceux-ci ont été mis en examen pour recel de détournement de fonds publics, de corruption active et passive, de blanchiment et d’abus de biens sociaux.
« C’est tout un clan familial »
La justice française les soupçonne d’avoir « sciemment » bénéficié d’un important patrimoine immobilier « frauduleusement » acquis en France par l’ancien président gabonais. La valeur de ces biens a été évaluée « à au moins 85 millions d’euros ».
Outre des enfants Bongo – Grâce, Betty, Arthur et Hermine Bongo ont aussi été mis en examen en mars et avril – et la banque BNP Paribas, sont aussi poursuivies quatorze autres personnes physiques. Parmi celles-ci figurent des membres de la famille de Denis Sassou Nguesso et plusieurs Français parmi lesquels un avocat, un notaire ou une gérante de société civile immobilière (SCI).
« C’est tout un clan familial qui va devoir rendre des comptes », a réagi Me William Bourdon, avocat de Transparency International France, partie civile dans le dossier.
Ali Bongo Ondimba pas concerné
« Cela ne concerne ni le président de la République, ni aucun membre de présidence de la République gabonaise donc il n’y a pas à commenter », a déclaré Jessye Ella Ekogha, porte-parole de la présidence gabonaise.
Pour l’avocate de Pascaline Bongo, Me Corinne Dreyfus-Schmidt, il y a dans cette procédure « un anachronisme tant juridique que factuel ». Avocat d’Omar Denis Junior Bongo, Me Jean-Marie Viala a quant à lui contesté la mise en examen de son client « sur la base du droit », « non de la morale ».
Grâce, Betty, Arthur et Hermine Bongo ont quant à eux nié avoir eu connaissance du caractère frauduleux de cette fortune.
L’actrice franco-rwandaise est poursuivie à Paris pour recel de détournement de fonds publics, de corruption et d’abus de bien sociaux. En cause, un appartement dans le XVIe arrondissement de Paris offert en 2003 par l’ancien président gabonais Omar Bongo Ondimba.
Sonia Rolland, l’ancienne Miss France 2000 devenue actrice, a été mise en examen le 30 mai dans l’affaire des « biens mal acquis », selon une information du quotidien français Le Parisien, confirmée par son avocat à Jeune Afrique. Les enquêteurs se penchent sur les conditions dans lesquelles l‘ancien chef de l’État gabonais Omar Bongo Ondimba lui a offert un appartement en 2003.
Dans ce dossier judiciaire ouvert il y a plus de dix ans, la Franco-Rwandaise avait été entendue le 6 janvier 2021 sous le régime du suspect libre à l’Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), sur des faits de recel de blanchiment de détournement de fonds publics, ont indiqué une source judiciaire et une source proche du dossier.
Cadeau à 800 000 euros
Sonia Rolland s’est expliquée sur un cadeau qu’elle avait reçu des époux Bongo Ondimba, un appartement dans le 16e arrondissement de Paris d’une valeur de 800 000 euros, sous le régime d’une société civile immobilière (SCI). Selon le journal français Libération, elle a raconté avoir rencontré en 2001 Edith Bongo Ondimba, l’épouse de l’ancien président gabonais, alors que celle-ci parrainait des concours de Miss en Afrique. En 2002, l’ex-Première dame lui aurait dit qu’elle lui ferait un cadeau afin de la remercier pour l’image qu’elle véhiculait de l’Afrique.
L’acquéreur de l’appartement serait une société de décoration française, qui avait une filiale au Gabon « détenant un compte dans une banque locale, sur lequel ont été déposées pendant des années des valises de cash, livrées par des collaborateurs de Bongo Ondimba », écrit le quotidien.
Sonia Rolland a plaidé la naïveté. Elle a toujours assuré ne rien savoir du montage financier et des malversations qui se cachaient derrière l’achat de cet appartement et a souligné son jeune âge à l’époque – l’ancienne Miss avait alors 22 ans.
Condamnation
Depuis 2010, la justice française enquête sur le patrimoine considérable amassé en France par Omar Bongo Ondimba et d’autres chefs d’État africains. En avril 2016, des biens immobiliers à Paris et à Nice, sur la Riviera française, appartenant à la famille du président gabonais Ali Bongo Ondimba – le fils d’Omar Bongo Ondimba, qui a succédé à son père à la tête du pays en 2009 – ont été saisis. Puis en 2017, le juge d’instruction a annoncé son intention de clore le volet gabonais de l’enquête, sans n’avoir prononcé aucune mise en examen, prélude donc à un non-lieu. Mais quelques mois plus tard, un nouveau juge a relancé les investigations.
Dans le dossier équato-guinéen, Teodoro Nguema Obiang Mangue, le fils du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, a été condamné. Il a écopé en 2017 de trois ans de prison et de 30 millions d’euros d’amende avec sursis pour « blanchiment d’abus de biens sociaux ».
Pour la première fois, entre le 25 mars et le 5 avril, le juge financier Dominique Blanc a successivement mis en examen Grâce (58 ans), Betty (55), Arthur (51) puis Hermine (53) – tous des enfants du défunt président gabonais Omar Bongo Ondimba – pour recel de détournement de fonds publics, de corruption active et passive et d’abus de biens sociaux.
Après la mise en examen de la banque française BNP Paribas en mai 2021, c’est une nouvelle accélération dans cette enquête difficile et au long cours, déclenchée après une plainte en mars 2007. D’autres enfants, parmi les 54 de l’ex-allié historique de la France, pourraient suivre.
Questions sur un immense patrimoine immobilier
La justice française soupçonne en effet plusieurs membres de la famille Bongo, d’Omar le défunt père à Ali, le fils et actuel président, en passant par la fille Pascaline, d’avoir « sciemment » bénéficié d’un important patrimoine immobilier « frauduleusement » acquis par le patriarche et dont la valeur a récemment été évaluée par la justice « à au moins 85 millions d’euros ».
Contacté par l’AFP, Jessye Ella Ekogha, porte-parole de la présidence gabonaise, n’a pas fait de commentaire.
Devant le juge, les quatre enfants de celui qui fut président du Gabon de 1967 à sa mort en 2009 ont tous évoqué des biens reçus comme « cadeaux » de leur père, des appartements dans les 15e et 16e arrondissements parisiens acquis entre 1995 et 2004.
Connaissaient-ils le circuit tortueux emprunté par l’argent pour financer ces acquisitions, décrit par un notaire français mis en cause comme servant à « camoufler » l’origine des fonds ? « Non », ont-ils tous répondu. « Je n’étais au courant de rien », répond ainsi Betty Bongo, ex-directrice générale adjointe de feu la compagnie aérienne Air Service Gabon.
Aux quatre enfants, le juge Dominique Blanc égrène la même litanie d’affaires judiciaires, de rapports officiels et d’enquêtes journalistiques ayant étayé les soupçons de corruption qui aurait enrichi Omar Bongo.
La « fortune immense » de sa famille, selon un arrêt de février de la cour d’appel de Paris, provient « de l’argent issu de détournements de fonds publics et des sommes considérables provenant du délit de corruption des sociétés pétrolières », notamment Elf Aquitaine, ce que « les investigations menées dans la présente procédure ont confirmé », selon le magistrat.
Une affaire de famille ?
Les enfants Bongo opposent au juge leur ignorance ou absence de curiosité. « J’apprends beaucoup de choses aujourd’hui », répond laconiquement Grâce Bongo, tandis qu’Hermine Bongo, directrice générale de la compagnie aérienne Nouvelle Air Affaires Gabon, fait valoir son « éducation » : « Sois heureuse de ce que tu as et ne sois pas curieuse de ce qui ne te concerne pas. »
Pour eux, quoi qu’il en soit, pas de fraude : Arthur Bongo, un temps pilote de l’avion présidentiel paternel, indique qu’il n’a « pas le sentiment d’avoir bénéficié d’une rente pétrolière ».
Grâce Bongo précise : « Si (Omar Bongo) a volé dans la caisse, je n’ai pas de preuves. »
Me Elise Arfi, l’avocate de cette dernière, a dénoncé une mise en examen « scandaleuse » qui crée « de l’insécurité juridique ». « Vingt-cinq ans après une vente légale et régulière, on vient chercher la propriétaire en disant que les faits qui ont servi à financer cet appartement n’auraient pas une origine licite », dit-elle. « On ira jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme », a assuré l’avocate. « La justice française se fait gardienne des intérêts du contribuable gabonais, mais parallèlement le parquet refuse au Gabon sa constitution de partie civile », a-t-elle aussi dénoncé, faisant référence à la récente décision du magistrat instructeur de refuser le statut de victime à l’État gabonais, qui conteste cette décision en appel. Surtout, l’avocate s’est interrogée sur l’absence de procédure visant « tous les chefs d’État qui ont des biens français », ciblant des dirigeants du Golfe ou du Maghreb. « Pourquoi seulement le Gabon ? C’est une rétorsion », d’après elle.
En France, Rifaat el-Assad, oncle du dirigeant syrien Bachar el-Assad, a été condamné en septembre en appel à quatre ans de prison. Sa défense a annoncé un pourvoi.
Les avocats des autres enfants n’ont pas répondu à l’AFP.
Plusieurs implications
Dans ce dossier des biens mal acquis, outre les enfants Bongo et la BNP Paribas, sont poursuivies quatorze autres personnes physiques, dont des membres de la famille du président congolais Denis Sassou Nguesso et plusieurs Français, parmi lesquels un avocat, un notaire, une gérante de société civile immobilière, etc. « Le chapitre famille Bongo qui s’est ouvert va se poursuivre. La procédure enseigne maintenant à quel point les biens français n’ont pu être mal acquis que grâce au concours des ingénieurs du chiffre et du droit », a relevé Me William Bourdon, avocat de l’association Transparency International France, partie civile dans ce dossier.
Début février, le magistrat instructeur a retiré à l’État gabonais son statut de partie civile, estimant qu’il n’avait pas apporté depuis le début de l’enquête la preuve d’un préjudice. Les avocats de ce pays, qui a indiqué dans un courrier du 1er février que le Gabon « ne conteste pas […] l’existence des délits objets de cette procédure », ont fait appel de cette décision.
La justice accélère la cadence. En un mois, ce sont près de 4 milliards d’euros de biens appartenant à d’ex-responsables de l’ère Bouteflika qui ont été saisis.
L’horizon s’assombrit un peu plus pour d’anciens hauts responsables et hommes d’affaires du régime de Bouteflika, déjà condamnés à de lourdes peines de prison dans le cadre des affaires de corruption. La justice a en effet délivré une série d’ordonnances de saisies de biens, exécutées progressivement depuis le 15 février.
Parmi les biens à récupérer sur le territoire national, une source judiciaire cite des usines, des villas, des bateaux de plaisance, des appartements, des lots de terrains, des immeubles, des voitures, des bijoux et des avoirs bancaires.
La valeur des propriétés confisquées s’élève à 600 milliards de dinars (3,8 milliards d’euros), qui seront versés dans un fonds spécial créé en vertu de l’article 43 de la loi de finances complémentaire 2021.
Ce fonds réunit les sommes récupérées à l’étranger, ainsi que le produit de la vente des biens saisis après décision judiciaire définitive.
Ce compte sera également affecté au règlement des frais liés à l’exécution des procédures de confiscation, de récupération et de vente, ainsi qu’à l’apurement des dettes grevant les biens saisis.
L’exécution des perquisitions, mises sous scellés et saisies ordonnées par la justice ont déjà concerné quinze personnalités ces trois dernières semaines.
Énorme préjudice pour le Trésor public
La tentative de vente de deux luxueux appartements à Paris d’une valeur supérieure à 450 millions de dinars (2,8 millions d’euros) appartenant à l’ancien ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb, condamné par contumace par quatre décisions de justice à 80 ans de prison, a, semble-t-il, été l’élément déclencheur de l’accélération des procédures.
Pourtant, tous ses avoirs bancaires et ses biens, en Algérie et à l’étranger, font l’objet de décisions de saisie rendues par les tribunaux algériens dans les affaires de corruption.
Le 21 février, la justice a ainsi décidé de récupérer dix propriétés immobilières et industrielles, deux voitures de luxe de marque allemande, ainsi que divers objets de valeur lui appartenant. Seule sa villa de Chéraga, inscrite au nom de sa mère, a échappé aux filets de la police judiciaire.
Versée au dossier judiciaire, la liste des biens de Ali Haddad, patron du groupe ETRHB, détenu à la prison de Tazoult, dépasse, elle, les dix feuillets : plusieurs logements à Alger, 57 lots de terrains et 452 crédits auprès des banques publiques qui ont coûté au Trésor public 110 milliards de dinars (706 millions d’euros), ajoutés aux 275 projets octroyés de manière irrégulière au groupe ETRHB, causant à la même institution une perte de 1 000 milliards de dinars (6,5 milliards d’euros).
Toutefois, seules ses villas d’El-Biar et de Delly Brahim, à Alger, ont été placées sous scellés. Ali Haddad a été condamné définitivement en mai 2021 pour « trafic d’influence, blanchiment d’argent, perception d’indus avantages et financement occulte de la campagne électorale » pour un cinquième mandat de l’ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika.
LES BIENS IMMOBILIERS QUE LES PERSONNALITÉS VISÉES POSSÈDENT SUR LE TERRITOIRE NATIONAL SE TROUVENT ESSENTIELLEMENT DANS LA CAPITALE
Les policiers, sous la supervision du juge et du procureur, ont procédé également en février à la saisie, à Bouzaréah, sur les hauteurs d’Alger, de la maison de l’homme d’affaires Noah Kouninef, à la confiscation de la maison de Rouiba du patron du groupe Cima Motors, Mahieddine Tahkout, condamné pour « trafic d’influence et perception d’indus avantages », ainsi que les biens immobiliers à Oran du minotier Hocine Metidjii, PDG du groupe éponyme.
Les biens immobiliers algérois des deux ex-Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, des anciens ministres des Travaux publics Amar Ghoul et Abdelkader Kadi, du chef de cabinet de Sellal, Mustapha Rahiel, ainsi que ceux de Mokhtar Reguieg, ancien chef du protocole à la présidence de la République, ont été, en outre, mis sous scellés.
Comme les maisons qui sont aux noms des enfants du général-major Abdelghani Hamel, au titre de sa condamnation à dix ans de prison ferme et à la saisie de ses biens dans le cadre de l’affaire de la fille présumée de l’ancien président Bouteflika.
Les biens immobiliers que possèdent les personnalités visées sur le territoire national se trouvent essentiellement dans la capitale. Les usines et certains lots de terrains sont en revanche disséminés dans le pays.
Giron de l’État
Les opérations devraient s’étendre au tissu industriel appartenant aux hommes d’affaires détenus. Début janvier, le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné, lors d’un conseil des ministres, d’achever l’opération de transfert des biens confisqués au secteur public marchand avant la fin du premier trimestre 2022.
À charge désormais pour le gouvernement d’achever le recensement des usines dont le statut juridique a été régularisé en vue de leur transfert dans le giron de l’État. L’une des entreprises concernées, implantée dans la wilaya de Jijel, produit de l’huile de table.
L’usine appartient aux frères Kouninef, propriétaires du groupe KouGC et condamnés en mai 2021 par la cour d’Alger à de la prison ferme, à de fortes amendes et à la saisie de leurs biens. Ils étaient poursuivis pour « trafic d’influence, blanchiment d’argent, financement occulte de la campagne électorale du président Bouteflika et perception d’indus avantages ».
Parmi les nombreux biens de l’homme d’affaires Mahieddine Tahkout, l’entreprise de transport des étudiants Mahieddine Tahkout Transport sera la première à être transférée à l’État, au ministère des Transports. La procédure touchera aussi les entreprises du groupe Mazouz composé de plusieurs filiales et la société de travaux publics ETRHB de l’homme d’affaires Ali Haddad. Les emplois, ainsi que les patrimoines de ces entités seront préservés.
Les biens confisqués par les États-Unis au vice-président Teodoro Nguema Obiang Mangue seront rendus aux Équato-Guinéens. Sous forme de médicaments et de doses de vaccins anti-covid.
Aux confiscations internationales de biens jugés « mal acquis » à des caciques de régimes approximativement démocratiques, l’opinion africaine applaudit majoritairement, comme par réflexe. Mais rapidement se pose la question du retour des fortunes gelées aux pays lésés. Il y a loin de la coupe de la saisie occidentale aux lèvres du recouvrement populaire africain… Le cas de la Guinée équatoriale – singulièrement celui de son vice-président – cristallise les affaires dites des « biens mal acquis », tant le « fils de » s’est vu confisquer de « jouets » au niveau international : hôtels particuliers, voitures de course ou encore montres de luxe.
En juillet dernier, la Cour française de cassation confirmait la condamnation de Teodoro Nguema Obiang Mangue à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende, pour « blanchiment d’abus de biens sociaux », « blanchiment de détournement de fonds publics » et « blanchiment d’abus de confiance », le tout en rapport avec des détournements présumés de fonds publics d’environ 150 millions d’euros, soit près de 100 milliards de francs CFA. En 2019, le vice-président avait dû renoncer à 25 voitures de luxe pour mettre fin à des poursuites en Suisse…
Que faire du butin ?
Aux États-Unis, pays de l’ultra-judiciarisation tout autant que des arrangements judiciaires à l’amiable, « Teodorín » n’a pu mettre fin à des poursuites pour corruption, en 2014, qu’en renonçant à quelque 26 millions de dollars. Que faire de cette somme, lorsqu’on sait que le paternel du « mal acquérant », le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, détient le record de longévité au pouvoir en Afrique : 42 ans. Bien qu’un proverbe africain dise que « si tu n’as pas la force de ton voleur, aide-le à porter le butin », le gouvernement de la Guinée équatoriale n’est censément pas le partenaire indiqué pour rendre les sommes à un peuple dont une partie vit sous le seuil de pauvreté…
Pour ne pas être accusé de spoliation, le gouvernement américain a donc annoncé, le 20 septembre, que l’argent provenant de la liquidation des biens de Teodorín sera converti en médicaments – pour 6,35 millions de dollars, via l’ONG Medical Care Development International– et en vaccins contre le coronavirus – pour 19,25 millions de dollars, via l’ONU. Pas moins de 600 000 Équato-guinéens pourraient bénéficier de ces deux opérations.
Parmi les objets cédés par le vice-président en échange de sa relaxe, figuraient une villa californienne, une Ferrari, mais aussi une collection consacrée à Michael Jackson. Si Teodorín a pu conserver les gants blancs incrustés de cristaux du « roi de la pop », il a dû se séparer d’un blouson dédicacé et de six statues grandeur nature du chanteur. Il n’est, pour autant, pas tout à fait fauché.
La Cour de cassation française a confirmé la condamnation de Teodoro Nguema Obiang Mangue – dit Teodorín. Le vice-président de la Guinée équatoriale avait été condamné à trois ans de prison avec sursis dans l’affaire des « biens mal acquis », en février 2020. Une condamnation qui pourrait avoir des conséquences diplomatiques lourdes.
C’est l’épilogue d’une longue procédure judiciaire. La Cour de cassation, saisie par le fils du chef de l’État équato-guinéen, a confirmé ce mercredi 28 juillet la condamnation de Teodorín Obiang à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende, dans l’affaire dite des « biens mal acquis ».
L’arrêt de la Cour de cassation vient confirmer le jugement en appel de février 2020, qui faisait suite à sa condamnation en première instance, en octobre 2017, par le Tribunal correctionnel de Paris.
Le vice-président équato-guinéen est reconnu définitivement coupable de « blanchiment d’abus de biens sociaux », « blanchiment de détournement de fonds publics » et de « blanchiment d’abus de confiance ». Il est accusé d’avoir détourné des fonds publics en Guinée équatoriale pour acquérir des biens en France, pour une somme estimée à 150 millions d’euros par les juges français. La décision de la cour de Cassation a également confirmé la confiscation de l’ensemble des biens saisis, parmi lesquels un somptueux hôtel particulier situé avenue Foch, à Paris.
Tout au long de la procédure, et jusqu’à la barre des tribunaux, les avocats de Teodorín Obiang ont remis en cause la légitimité de la justice française à se saisir de cette affaire, considérant qu’il s’agissait d’une forme d’ingérence dans les affaires intérieures équato-guinéennes.
Le fils du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a également tenté de faire pression par la voie diplomatique, avant que la Cour de cassation ne rende sa décision. Le 20 avril dernier, le chef de l’État équato-guinéen avait notamment reçu l’ambassadeur de France à Malabo, menaçant alors de rappeler son propre ambassadeur à Paris. Il avait également évoqué une possible rupture des relations diplomatiques entre les deux États en cas de condamnation de Teodorín Obiang.
Jeudi 22 juillet, le gouvernement britannique a édicté une série de sanctions à l’encontre de Teodorín Obiang, l’accusant notamment de « détournement de fonds publics » et de pots-de-vin. Les autorités britanniques, qui estiment que le vice-président équato-guinéen a consacré plus de 500 millions de dollars à l’acquisition de résidences de luxe à travers le monde, d’un jet privé, de voitures et d’objets de collection liés au chanteur Michael Jackson, ont prononcé un gel de ses avoirs au Royaume-Uni, ainsi qu’une interdiction de séjour dans le pays.
Cinq jours plus tard, lundi 26 juillet, Malabo annonçait sa décision de fermer son ambassade à Londres. « Nous n’admettons pas d’ingérence dans les affaires internes de notre pays », avait alors déclaré le ministre équato-guinéen des Affaires étrangères, jugeant que ces sanctions « violent le principe du droit international ». Un précédent récent qui laisse augurer d’un avis de tempête à venir sur les relations entre la France et la Guinée équatoriale.
Selon le quotidien « Libération », la justice française a convoqué l’actrice franco-rwandaise pour l’entendre, dans le cadre de l’affaire des « biens mal acquis », au sujet d’un appartement qui lui a été offert par Omar Bongo Ondimba en 2003.
« Recel de détournement de fonds publics ». Telle est l’accusation qui pèse sur la Franco-rwandaise de 40 ans, actrice, réalisatrice et ancienne Miss France. Selon une information du quotidien français Libération, Sonia Rolland a été entendue début janvier par un commandant de l’Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF).
Ce qui a attiré l’attention des enquêteurs, c’est un appartement situé dans le XVIe arrondissement parisien, acheté « sur plan » en 2003 pour la coquette somme 800 000 euros et offert à la jeune femme par Omar Bongo Ondimba.
C’est en enquêtant sur le patrimoine de la famille Bongo, dans le cadre de l’affaire des « biens mal acquis », que les hommes de l’OCRGDF ont découvert l’existence de cet appartement.
« Petite soeur »
Comment et dans quelles circonstances l’actrice l’a-t-elle reçu ? Née au Rwanda d’un père français et d’une mère rwandaise, Sonia Rolland a quitté son pays d’origine à l’âge de huit ans. Elle a remporté le concours de Miss France en 2000 et crée l’année suivante une association qui finance des projets pour les enfants rwandais, notamment les orphelins du génocide.
Une fois sa couronne rendue, la Miss continue à parrainer des concours de beauté. C’est à cette occasion qu’elle rencontre la première dame du Gabon de l’époque, Edith Bongo – celle-ci la voit « comme sa petite sœur », explique Sonia Rolland à Libération. Elle fait ensuite la connaissance de son époux, Omar Bongo Ondimba, président du Gabon de 1967 jusqu’à sa mort, en 2009.
Montage
Selon Libération, le bien immobilier a été acheté via une entreprise de décoration française avec des chèques émis par la BNP. Un compte de la filiale de la banque française au Gabon était alimenté par des valises de cash livrées par des proches d’Omar Bongo, précise le quotidien. Les enquêteurs estiment à une vingtaine le nombre de biens achetés via ce procédé, pour un total de 40 millions d’euros.
Interrogé par Libération, Sonia Rolland assure qu’elle ne savait rien de l’étonnant montage utilisé pour acheter l’appartement qui lui a été offert, et ne s’être jamais doutée que ce cadeau aurait pu être lié à des malversations. Elle affirme aussi qu’elle n’était pas en position, à l’époque, de refuser un tel présent (elle était alors âgée de 22 ans).
Depuis plus de dix ans, la police judiciaire française enquête sur les biens acquis par certains dirigeants du continent et sur les circonstances de leur acquisition. Teodoro Nguema Obiang Mangue, le fils du président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, a ainsi été condamné en 2017 à trois ans de prison et 30 millions d’euros d’amende avec sursis pour « blanchiment d’abus de biens sociaux ».
Un nouveau volet judiciaire s’est ouvert dans le dossier dit des « biens mal acquis » présumés de la famille présidentielle du Congo Brazzaville, aux États-Unis cette fois. Deux procureurs fédéraux de Floride ont engagé le mois dernier une procédure au nom du département américain de la Justice en vue de saisir une luxueuse propriété en Floride estimée à 3 millions de dollars, et dont ils affirment qu’elle aurait été acquise par Denis-Christel Sassou-Nguesso, le fils du président congolais, avec de l’argent public détourné, entre 2011 et 2014, à l’époque où il était numéro 2 de la SNPC.
C’est une « illustration rare du cycle complet de la kleptocratie » autrement dit de la façon dont « le membre d’une famille présidentielle aurait volé, blanchi et dépensé des fonds publics à des fins personnelles », écrit Global Witness dans un communiqué. L’ONG anti-corruption s’est procuré la requête des procureurs américains. Ce document, également consulté par RFI, détaille étape par étape la façon dont Denis-Christel Sassou-Nguesso aurait agi pour acquérir la propriété de Miami visée par cette procédure dite de « confiscation civile », mais aussi d’autres biens.
Première étape selon les procureurs américains : détourner l’argent du compte de la SNPC vers ceux de l’une de ses sociétés écrans. Pour cela, « en tant que cadre dirigeant (…) et fils du président », il aurait « suffi » selon eux à Denis-Christel Sassou-Nguesso « d’ordonner » au PDG de la BGFI, qui héberge les comptes de la SNPC, « de transférer cet argent vers les comptes de ses propres » sociétés écrans. « Cela s’est produit plusieurs fois », peut-on lire dans leur demande de saisie de la propriété du 900 boulevard Biscayne à Miami. Les procureurs retranscrivent des e-mails auxquels ils disent avoir eu accès à l’appui de cette accusation.
Deuxième étape : envoyer cet argent « volé » aux États-Unis, sur les comptes d’un prête-nom, un certain « Associé A » décrit dans le document de la justice américaine comme le « fils d’une ancien haut-fonctionnaire gabonais » dont l’identité n’est pas dévoilée. Pour justifier ces transferts et dissimuler l’origine des fonds, il aurait fourni de factures. L’associé aurait ensuite versé une partie de l’argent à un avocat en Floride, et le reste lui-même en vue d’acquérir une propriété en vente à l’époque à 2,8 millions de dollars. « Pour ne pas apparaître » comme le véritable propriétaire du bien, écrivent les procureurs, le fils du chef de l’État congolais aurait enfin fait rédiger dans un premier temps l’acte de vente au nom de son associé, avant à la dernière minute de s’y substituer sous l’alias de « Denis Christelle », une fausse identité, qu’il aurait également utilisée pour ouvrir des comptes bancaires aux États-Unis et au nom de laquelle il possèderait un « second passeport congolais », selon ce document de la justice américaine.
Seule la propriété de Miami est visée par le procédure de confiscation. Au stade actuel de leur enquête, les procureurs américains notent toutefois qu’un procédé identique aurait également servi à acquérir une autre résidence à Coral Gables, près de Miami pour 2,4 millions de dollars au nom de sa première femme, Danielle Ognanosso, ainsi que d’autres biens en France.
Plus largement, ils disent avoir trouvé la trace qu’entre 2007 et 2017, Denis Christel aurait dépensé plus de 29 millions de dollars en articles de luxe et pour « financer le train de vie somptueux de sa famille et de lui-même » « Cette somme correspond à environ 10 pour cent du budget congolais de la santé en 2020 », souligne l’ONG anti-corruption Global Witness.
Ces dépenses sont « largement supérieures » écrivent les procureurs à ce que Denis-Christel Sassou-Nguesso prétendait alors gagner. Ils disent avoir la preuve par exemple que le fils du chef de l’État congolais aurait dépensé une somme de plus de 550 000 dollars pour une nouvelle cuisine dans une résidence en France en 2012, et autant l’année suivante dans un hôtel de Los Angeles.
Toujours d’après les procureurs, le fils du chef de l’État congolais aujourd’hui député aurait également accepté plus de 1,5 million de dollars de « pots de vin » en provenance de sociétés pétrolières, en échange de l’attributions de contrats pétroliers.
Il faut préciser qu’il s’agit d’une procédure civile à ce stade de « confiscation ». Si les mis en cause n’arrivent pas prouver que la propriété n’a pas été acquise illégalement, elle sera saisie au profit du Trésor américain. Le département de Justice pourra ensuite décide ou non de poursuivre sur le plan pénal cette fois les auteurs du détournement présumé. Ni Denis-Christel Sassou-Nguesso ni ses avocats français n’ont répondu aux sollicitations de RFI à ce propos. Pas plus que le porte-parole du gouvernement congolais ou que la présidence congolaise.
Pour Natasha White, chercheuse sur l’Afrique Centrale à Global Witness, cette enquête des procureurs américains offre une parfaite et « rare » illustration du « cycle complet » de ce qu’elle appelle la « kleptocratie » congolaise.
« J’aurais pensé que cette procédure aurait pu donner des informations sur de nouveaux mécanismes de corruption mais en fait non. Il aurait utilisé les mêmes techniques, les mêmes types de facilitateurs que plusieurs kleptocrates et businessman corrompus ont utilisé au cours de la dernière décennie, c’est à dire : des hommes de paille, des sociétés écrans, des avocats et de banquiers. Donc c’est toujours les mêmes pratiques et des choses qui sont assez simples à notre avis à résoudre. Du coup, nous formulons toujours les mêmes recommandations : que les avocats, les banquiers et les agents immobiliers doivent connaître leurs clients, notamment les bénéficiaires effectifs de leur société et aussi la source de leur financement et qu’ils doivent être tenus d’effectue des contrôles anti blanchiment d’argent. Et s’ils ne le font pas, ils doivent être sanctionnés ».
« Les États ne doivent plus servir de refuge et de terrain de jeu aux kleptocrates du monde entier. Le système financier international devrait bloquer, et non pas faciliter le mouvement de fonds détournés. Les banquiers, avocats et agents immobiliers doivent cesser de s’enrichir sur le dos de citoyens d’autres pays, privés d’un accès aux services élémentaires de santé et d’éducation », réagit également l’ONG anti-corruption.
Interrogée par Global Witness, la SNPC a de son côté assuré vouloir « examiner attentivement » les allégations de détournement, et que concernant l’attribution des permis pétroliers relevait du gouvernement et du Parlement. BGFIGroup n’a pas répondu à la demande de commentaires de l’ONG.
« Selon les rapports de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) et le cadastre pétrolier du MAETGT, le Congo a délivré ou renouvelé 26 permis de recherche et de production pétrolière entre 2014 et 2016. Les bénéficiaires de ces permis étaient, entre autres, les majors pétrolières Eni et Total », rappelle enfin Global Witness. De son côté, Total a déclaré a Global Witness et RFI n’avoir « payé aucun pot-de-vin en échange de permis pétroliers » de la part du gouvernement congolais. Elle ajoute avoir pris « toutes les mesures nécessaires afin de se conformer aux lois applicables contre la corruption ainsi qu’à sa propre politique anti-corruption. »
Ces nouvelles allégations surviennent alors que le Congo-Brazzaville, surendetté malgré l’abondance de ses ressources pétrolières, a vu fin 2019 le FMI suspendre les versements prévus dans le cadre d’un programme d’aide conclu en juillet 2019 après d’âpres négociations. L’institution financière internationale reproche aux autorités congolaises de ne pas avoir honoré leur promesse de négocier une décote de 30% sur la dette contractée par le pays auprès de plusieurs négociants en pétrole comme elle s’y était engagée.
Les populations du Congo-Brazzaville l’avaient rêvé, la justice par l’entremise du parquet de Paris l’a réalisé. Le fils de Denis Sassou Nguesso a été mis en examen à Paris pour blanchiment en décembre 2019 pour corruption dans le volet de l’affaire dite des « Biens mal acquis ». La balle est dans le camp de la justice du Congo-Brazzaville, pour filer la métaphore sportive.
Le parquet de Brazzaville saisira-t-elle la balle au bond pour mettre en examen Christel Sassou Nguesso pour les mêmes faits ? La loi est pourtant d’une clarté cristalline. Aucun citoyen n’est au dessus des lois. Et, le khalife d’Oyo, Denis Sassou Nguesso, l’avait lui-même martelé : « Il n’y aura ni menu fretin ni gros poisson dans la lutte contre la corruption ». André Oko Ngakala a des coudées libres pour mener toute investigation. Le petit procureur de Brazzaville ne va pas s’ennuyer.
Plusieurs personnes dans l’entourage du Président congolais ont été mises en examen dans le dossier tentaculaire des biens mal acquis. Les magistrats cherchent à savoir si les fortunes de plusieurs familles présidentielles africaines, notamment celle de Denis Sassou Nguesso, ont pu être bâties en France grâce à de l’argent public détourné.
Les populations du Congo-Brazzaville voyaient dans le gargarisme lexico-politique de Denis Sassou Nguesso un durcissement du verbe qui présage d’un durcissement des actes. Il ne s’en est rien suivi. Les scandales financiers au retentissement international qui touchent les proches de Sassou Nguesso se suivent et se heurtent à un silence de cathédrale des autorités judiciaires du Congo-Brazzaville.
Les délinquants en cols blancs vivent des jours heureux à Brazzaville, Dolisie, Ouesso et à Pointe-Noire. Jean Didier Elongo, auteur de malversations financières se la coule douce. Jean Jacques Bouya, Gilbert Ondongo, Jean Bruno Richard Itoua, Lucien Ebata, Willy Etoka, Blaise Onanga, Oscar Etoka, Isidore Mvouba, Rodolphe Adada, Jean Dominique Okemba, Denis Ngokana, Henri Djombo, Rigobert Maboundou, Claude Alphonsfe Nsilou, albert Ngondo… continuent de narguer les populations du Congo-Brazzaville sans que le parquet ne lève son petit doigt.
La médiatisation des scandales financiers qui touchent les proches de Denis Sassou Nguesso à travers le globe indique l’ampleur du phénomène de la corruption au Congo-Brazzaville et montre l’ampleur du travail qu’il reste à accomplir pour convaincre de la nécessité d’autres pratiques et d’autres politiques de lutte contre la corruption.
Les avocats qui parlent d’acharnement de nature néocolonialiste, les lobbyistes et les soutiens de Denis Sassou Nguesso à Paris, dédaigneux de la bonne gouvernance du Congo-Brazzaville, feraient mieux de s’inquiéter des proportions du phénomène et du discrédit jeté par la corruption sur ce petit pays pétrolier d’Afrique Centrale qui peine à appliquer les 48 mesures édictées par le Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre de l’accord sur la facilité élargie de crédit (FEC).
D’après Challenge (7 février 2020), trois biens immobiliers appartenant à Christel Sassou Nguesso situés dans le 16è arrondissement de Paris et à Neuilly-sur-Seine ont été saisis. Leur valeur pourrait avoisiner 30 millions d’euros. Durant leur court séjour à Paris Denis Sassou Nguesso, Christel Sassou, Claudia Sassou, Edgar Sassou, et les membres du clan descendent dans les palaces et autres hôtels les plus huppés de Paris (Bristol, Georges V…). Comment expliquer cette frénésie à l’acquisition immobilière sur la place de Paris et autres endroits paradisiaques ?
La justice du Congo-Brazzaville, une institution parmi les plus corrompues, est connue pour sa sévérité dans les affaires politiques et son immobilisme dans les affaires financières. Le filet de la lutte contre la corruption de la justice du Congo-Brazzaville pêchera-t-il un jour des gros poissons qui pullulent dans les allées du pouvoir ?
Jean-François Meyer, conseil du président gabonais durant près de vingt ans, est poursuivi pour « complicité de blanchiment de détournements de fonds publics et de corruption ».
Omar Bongo Ondimba à Addis-Abeba, en 2008. JOSE CENDON/AFP
Dans le petit milieu feutré des robes noires parisiennes spécialistes des dossiers franco-africains, Jean-François Meyer est une figure discrète et controversée. Un temps avocat de l’État du Sénégal, de celui du Tchad et du Mali, il a aussi facilité l’achat d’un avion et d’œuvres d’art pour l’actuel vice-président de Guinée équatoriale, Teodorin Obiang, premier condamné dans l’affaire dite des « biens mal acquis ». Mais c’est en tant que conseil, durant dix-neuf ans, de l’ancien président gabonais (1967-2009), Omar Bongo, défunt pilier de la « Françafrique », que Me Meyer a outrepassé ses fonctions, selon les enquêteurs français.
Dans ce dossier tentaculaire, l’avocat de 63 ans est le dernier « facilitateur » à avoir été mis en examen le 22 janvier pour « complicité de blanchiment de tout crime et délit (notamment des délits de détournements de fonds publics et de corruption) » et « recel de détournement de fonds publics et recel de corruption », selon les informations du Monde.
Un compte professionnel au service des Bongo
Pour le compte de la famille Bongo, l’avocat est soupçonné d’avoir facilité des acquisitions de biens immobiliers parisiens fastueux et d’avoir opacifié des fonds probablement publics. Pour ce faire, Me Meyer mettait au service de son client son compte bancaire professionnel à la BNP Paribas qui fut crédité, entre janvier 2006 et novembre 2007, de près de 7 millions d’euros par l’État gabonais. Selon la cellule de renseignement financier, Tracfin, au moins 2,3 millions d’euros de dépenses effectuées depuis ce compte n’ont aucune justification professionnelle. « Le fait que l’ensemble de ces sommes transite par le compte professionnel de Me Meyer semble singulier », notent les limiers de Tracfin.
Me Meyer apparaît comme un pourvoyeur de services financiers jouant même le « banquier » informel, selon les enquêteurs. En juin 2004, il s’illustre ainsi comme l’un des payeurs, à hauteur de 350 000 euros, d’un appartement dans le XVIe arrondissement. Or le bien est en réalité acheté par Omar Bongo pour l’un de ses fils, Ben Omar. Me Meyer n’est qu’un prête-nom soupçonné d’avoir servi à « masquer le financeur réel et l’origine frauduleuse des fonds employés à cet effet, et ce sans aucun lien avec l’exercice de la profession d’avocats », comme le souligne le juge d’instruction Dominique Blanc.
Me Meyer, dont le cabinet a été perquisitionné en juin 2011 dans le cadre de l’enquête, se chargeait également de produire des attestations sur l’origine des fonds gabonais, pourtant douteux, permettant à Omar Bongo d’assouvir sa frénésie d’acquisitions immobilières. L’avocat s’occupait ensuite de régler les charges à la copropriété pour des biens appartenant, à titre personnel, au président dont il est le représentant fiscal.