Ce mardi, une délégation venue de Côte d’Ivoire a livré un message de l’ancien président à Paul-Henri Sandaogo Damiba. Cette démarche intervient moins de trois semaines après un bref retour de l’ex-chef de l’État à Ouagadougou.
« J’appelle nos compatriotes, les filles et fils de l’intérieur comme de l’extérieur, à une union sacrée à la tolérance et à la retenue, mais surtout au pardon, pour que prévale l’intérêt supérieur de la nation », écrit l’ancien président Blaise Compaoré dans un courrier adressé aux Burkinabè et livré ce 26 juillet par une délégation venue de Côte d’Ivoire, où vit l’ex-chef de l’État depuis son exil, en 2014.
Trente-cinq ans plus tard
Les mots les plus marquants sont ceux destinés à la famille de Thomas Sankara : « Je demande pardon au peuple burkinabè pour tous les actes que j’ai pu commettre pendant mon magistère, plus particulièrement à la famille de mon frère et ami Thomas Isidore Noël Sankara. J’assume et déplore, du fond du cœur, toutes les souffrances et drames vécus par toutes les familles durant mes mandats à la tête du pays et [leur] demande de m’accorder leur pardon. »
Des mots écrits alors que Blaise Compaoré a été condamné en avril dernier à la prison à perpétuité pour son rôle dans l’assassinat de l’ancien président, il y a trente-cinq ans. Sera-t-il entendu ? La famille de Thomas Sankara n’avait pas encore réagi mardi en fin d’après-midi.
Soutien ivoirien
La délégation venue de Côte d’Ivoire a rencontré le président de la transition, le colonel putschiste Paul-Henri Sandaogo Damiba, à Kosyam, ce mardi 26 juillet, pour lui remettre le message. Elle était composée de Djamila Compaoré, la fille de l’ancien président, et d’Ally Coulibaly, l’un des plus fidèles collaborateurs d’Alassane Ouattara. Yéro Boly, le ministre burkinabè chargé de la cohésion sociale et de la réconciliation nationale, était également présent.
Ally Coulibaly a expliqué le sens de cette démarche. Il a souligné le « soutien » d’Alassane Ouattara au processus lancé par Damiba. « Pour lui [le président ivoirien], la condition pour que le Burkina Faso puisse s’en sortir, c’est la cohésion et l’union des fils et filles de ce pays. […] Alassane Ouattara souhaiterait que le peuple frère du Burkina Faso entende ce message extrêmement fort de l’ancien président Blaise Compaoré à qui il accorde l’hospitalité en Côte d’Ivoire depuis huit ans par humanisme et en raison des valeurs auxquelles il croit, au nombre desquelles la dignité humaine et le respect de l’intégrité des personnes. »
Rencontre à haut risque
La lettre de Blaise Compaoré est datée du 8 juillet, date à laquelle Damiba avait convié tous les anciens chefs de l’État burkinabè à une rencontre de « réconciliation ». Un rendez-vous à haut risque à cause des réticences d’une partie de l’opinion publique à l’égard du retour de Blaise Compaoré dans son pays natal.
Le président de la transition a reçu Blaise Compaoré ce vendredi au palais de Kosyam. Et a répondu au tollé suscité par le retour au pays de l’ancien chef de l’État, condamné à la prison à vie dans le dossier Sankara.
Huit ans après l’avoir quitté en catastrophe sous la pression de la rue, Blaise Compaoré a de nouveau foulé le tapis rouge du palais de Kosyam, ce vendredi 8 juillet. L’ancien président, démarche lente et amaigri dans son costume bleu nuit, avait été convié par le lieutenant-colonel Damiba – en compagnie des autres ex-chefs de l’État burkinabè – à participer à une rencontre de « haut niveau » pour promouvoir la réconciliation nationale.
Mais les choses ne se sont pas tout à fait passées comme prévu. Beaucoup de Burkinabè n’ont en effet pas digéré le retour en toute impunité de Compaoré, arrivé à Ouagadougou la veille après huit ans d’exil en Côte d’Ivoire, alors qu’il avait été condamné début avril à la prison à perpétuité pour son rôle dans l’assassinat de Thomas Sankara.
Kaboré se tient à distance
Depuis, la polémique n’a cessé d’enfler. Conviés à la rencontre, Michel Kafando et Yacouba Isaac Zida, qui avaient dirigé la transition post-Compaoré en 2015, ont vite fait savoir qu’ils ne comptaient pas participer. Idem pour Roch Marc Christian Kaboré, qui est resté chez lui et n’a pas souhaité être associé à cette initiative. Dans la matinée, plusieurs dizaines de ses militants s’étaient mobilisés autour de son domicile, au quartier de la Patte d’Oie, pour protester contre une éventuelle participation à cette rencontre.
C’est donc sans eux que Blaise Compaoré et Jean-Baptiste Ouédraogo ont été reçus par Paul-Henri Sandaogo Damiba à Kosyam, avec près de deux heures de retard sur le planning initial. À l’issue de l’entretien, les trois hommes se sont présentés devant la presse à l’entrée du palais présidentiel. Mais seul Damiba a parlé, Compaoré et Ouédraogo se contentant de lui serrer la main à la fin de sa courte allocution.
Selon le président de la transition, le « seul et unique objectif de cette rencontre avec les anciens chefs de l’État » est la « recherche de la cohésion sociale au regard de la situation difficile que traverse » le Burkina Faso. « En plus des efforts fournis par les forces engagées et l’ensemble des populations contre les terroristes, il nous est apparu opportun d’examiner avec nos prédécesseurs les conditions qui pourront forger une solide cohésion entre les Burkinabé », a démarré Damiba.
L’intérêt supérieur du Burkina Faso
Puis l’officier, accusé par ses adversaires de travailler au retour du régime Compaoré, a tenu à répondre aux critiques. « Beaucoup de communications partisanes ont voulu dénaturer le sens et la portée de cette initiative. L’urgence de la préservation de l’existence de notre patrie commande une synergie d’actions qui ne nous autorise pas à nous donner le luxe de perdre du temps en polémiques, a-t-il indiqué. Aux Burkinabè qui se sont exprimé en défaveur de notre démarche, nous leur disons que ce processus n’est pas fait pour consacrer l’impunité, mais pour contribuer à la recherche de solutions pour un Burkina Faso de paix et de cohésion. Nous les appelons à mettre l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de toute considération politique ou partisane. »
Rappelant qu’il les avait conviés, Damiba a également évoqué le cas des trois absents. Selon lui, Michel Kafando n’a pas pu se présenter « pour des raisons de santé », mais a envoyé un « message de soutien ». Zida, exilé au Canada depuis 2016, n’a quant lui « pas pu faire le déplacement pour des raisons administratives ».
Compaoré dans son village natal de Ziniaré
Quant à Kaboré, il a, d’après Damiba, été « physiquement empêché par un groupe d’individus » de participer à la rencontre. Une version officielle dont lui-même semble douter, puisqu’il a pris soin de « l’inviter à ne pas se mettre en marge de la démarche en cours ». Selon le président, des dispositions seront prises pour « poursuivre en bilatéral les concertations avec les anciens chefs d’État qui n’ont pas pu participer à la rencontre », mais aussi « limiter les résistances politiques et associatives ».
Après avoir passé une nuit dans la « villa Kadhafi » appartenant à l’État et située à proximité de Kosyam – elle est ainsi nommé car l’ancien dictateur libyen y avait logé lors d’un voyage à Ouagadougou à la fin des années 1990 –, Blaise Compaoré pourrait se rendre à Ziniaré, son village natal, où se situe la résidence familiale et où réside sa sœur, Antoinette. Selon l’un de ses proches, il regagnera ensuite Abidjan « dimanche au plus tard ».
Alors que l’ancien président participe ce 8 juillet à une rencontre entre les anciens chefs de l’État burkinabè et Paul-Henri Sandaogo Damiba, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, avocat de la partie civile dans le procès de l’assassinat de Thomas Sankara, dénonce un contournement de la légalité. Il se confie à Jeune Afrique.
Jeune Afrique : En tant qu’avocat de la famille Sankara, comment réagissez-vous au retour de Blaise Compaoré, condamné à la prison à perpétuité pour son rôle dans l’assassinat de l’ancien président burkinabè ?
Mé Bénéwendé Stanislas Sankara : Nous, avocats des parties civiles et des treize familles et ayants droit de Thomas Sankara, attendons que le droit soit appliqué dans toute sa rigueur contre Blaise Compaoré. Une décision, rendue le 6 avril dernier, le condamne à la prison à vie et le jugement du tribunal militaire a réitéré le mandat d’arrêt international lancé contre lui.
En tant qu’homme de loi, je demande que ce mandat soit purement et simplement exécuté. Force doit rester à la loi. Blaise Compaoré s’est dérobé à la justice de ce qui est désormais son ancien pays, puisqu’il a obtenu la nationalité ivoirienne. Et comme il est revenu au Burkina, il doit, conformément aux dispositions légales, être arrêté et déféré devant la justice militaire.
Mais il n’a pas été arrêté à son arrivée…
C’est parce que le politique et le militaire ont pris le dessus sur la légalité. On appelle cela un coup de force. Pour moi, c’est même une forfaiture et un déni de justice. Lorsqu’il a prêté serment après son coup d’État du 24 janvier, le président Damiba a promis de faire respecter la loi et rétabli la Constitution. En ne faisant pas arrêter Blaise Compaoré, il se rend coupable de parjure.
La junte affirme que c’est un acte de réconciliation. Vous n’êtes pas d’accord ?
Pas du tout. L’annonce de l’arrivée de Blaise Compaoré a d’ailleurs profondément divisé les Burkinabè et exacerbé les clivages au sein de la population. Ce n’est certainement pas le meilleur alibi.
Que réclamez-vous dans ces conditions ?
Que justice soit faite. Personne n’est contre la réconciliation, mais elle doit obéir aux principes de vérité et de justice. Blaise Compaoré lui-même avait dit vouloir œuvrer pour la réconciliation en instaurant, en mars 2001, une journée nationale du pardon. Mais ce fut un fiasco. La réconciliation n’est pas une camisole de force.
Que peut apporter la rencontre des anciens chefs d’État que sont Blaise Compaoré, Roch Marc Christian Kaboré, Michel Kafando et Jean-Baptiste Ouédraogo avec le président Paul-Henri Sandaogo Damiba ?
Ils peuvent se réunir autant de fois qu’ils le veulent, cela n’aura pas de résultat. Je n’y vois rien si ce n’est un coup de communication pour la junte. Ce sont les populations qui ont besoin de se réconcilier, c’est avec elles qu’il faut aborder ces questions. La réconciliation n’est pas une affaire que l’on n’évoque qu’au sommet.
Quel regard portez-vous sur la gestion de la transition par les militaires ?
En prenant le pouvoir, fin janvier, ils ont tenu un discours musclé et affirmé qu’ils étaient là pour rétablir l’intégrité territoriale, refonder l’État et consolider les acquis démocratiques. Mais on n’a rien eu de tout ça. J’y vois une vaste trahison militaro-politique.
Quant au bilan de ces six derniers mois, il faut savoir qu’un récent sondage attribue la note de 4 sur 20 au président Damiba. C’est un grave recul. Au plan sécuritaire, les attaques sont quotidiennes. Nous avons l’impression que les grandes villes sont prises en étau, que les routes sont coupées. La psychose a gagné tous les Burkinabè. Mais ce qui intéresse le pouvoir, c’est de faire revenir Blaise Compaoré.
Les détracteurs du président Kaboré font valoir qu’il ne parvenait pas davantage à contenir les violences jihadistes…
Oui, mais la lutte contre l’insécurité relevait de l’armée, qui a eu tous les moyens. Nous avions voté la loi de programmation militaire, dotée d’une enveloppe de 750 milliards de F CFA. L’armée avait même du mal à consommer ses crédits budgétaires. Je pense qu’elle n’a pas joué franc jeu et que Roch Marc Christian Kaboré a été trahi.
La junte a-t-elle commis une erreur en mettant de côté la classe politique ?
C’est plus qu’une erreur. La classe politique est par essence la sève nourricière de la démocratie.
L’ex-majorité présidentielle, dont vous êtes membre, a rencontré le président Kaboré, qui est désormais libre. Comment l’avez-vous trouvé ?
C’est un homme qui est resté serein. Il regrette la solitude que lui a imposé son emprisonnement ces derniers mois, mais il était heureux de nous voir et nous a remerciés de nous être battus pour sa liberté.
L’ex-président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, en exil en Côte d’Ivoire depuis sa chute en 2014, est attendu à Ouagadougou en fin de semaine pour y rencontrer les autorités militaires issues du coup d’Etat de janvier.
M. Compaoré, qui a été condamné par contumace à la prison à perpétuité en avril par un tribunal militaire de son pays, « est attendu en fin de semaine, il doit arriver jeudi ou vendredi pour un court séjour » et « être reçu par le chef de l’Etat dans le cadre de la réconciliation nationale », a déclaré à l’AFP une source proche du pouvoir burkinabè.
Une information confirmée par l’entourage de l’ancien président.
Un émissaire du chef de la junte militaire, auteur du coup d’Etat du 24 janvier, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, « l’a rencontré la semaine dernière à Abidjan à cet effet », selon la source proche du pouvoir, qui a précisé que le président ivoirien Alassane Ouattara, l’avait également reçu.
Pendant son séjour, il résidera dans une villa d’Etat dans laquelle avait été placé en résidence surveillé le président Roch Marc Christian Kaboré, renversé en janvier, selon elle.
« Mais si son retour définitif était acté, il devra par la suite se retirer dans sa résidence de Ziniaré, son village natal », situé au nord-est de Ouagadougou, a-t-elle ajouté.
Sur les réseaux sociaux, des partisans de l’ancien président ont appelé à un rassemblement à l’aéroport de Ouagadougou vendredi matin.
Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a reçu fin juin l’ex-président Roch Marc Christian Kaboré qu’il avait renversé, « pour décrisper la situation ».
Il semble qu’il cherche à créer une « union sacrée » autour de lui pour l’aider dans la lutte contre les groupes jihadistes qui ensanglantent le Burkina Faso depuis 2015 et dont les attaques de plus en plus meurtrières se multiplient ces dernières semaines.
Perpétuité pour la mort de Sankara
Le président Compaoré avait été contraint de partir en exil en Côte d’Ivoire en octobre 2014, au lendemain de violentes émeutes populaires et sous la pression de l’armée et de l’opposition, qui s’opposaient à sa volonté de vouloir rester au pouvoir qu’il détenait depuis 1987.
Le 6 avril, il a été condamné par contumace à la prison à perpétuité à l’issue d’un procès de six mois devant le tribunal militaire de Ouagadougou, pour son rôle dans l’assassinat de son prédécesseur Thomas Sankara, lors d’un coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir cette année là.
Ce procès historique s’était ouvert en octobre 2021, 34 ans après la mort de Sankara, icône panafricaine.
Les avocats de Blaise Compaoré avocats avaient dès le début dénoncé « un procès politique » devant « une juridiction d’exception ».
L’ex-président était soupçonné d’être le commanditaire de l’assassinat de son ancien compagnon d’armes et ami arrivé au pouvoir par un putsch en 1983, ce qu’il a toujours nié.
La mort de Thomas Sankara, qui voulait « décoloniser les mentalités » et bouleverser l’ordre mondial en prenant la défense des pauvres et des opprimés, a été un sujet tabou pendant les 27 ans de pouvoir de M. Compaoré.
Le verdict est tombé dans le procès des assassins de l’ancien président burkinabè. L’ex-président Compaoré, absent du procès, a été condamné à la perpétuité. Tout comme Gilbert Diendéré et Hyacinthe Kafando.
Blaise Compaoré, en exil depuis 2014 en Côte d’Ivoire, a été condamné par contumace, le 6 avril, à la prison à perpétuité pour sa participation à l’assassinat de son prédécesseur Thomas Sankara, tué avec douze de ses compagnons lors d’un coup d’État en 1987. Le tribunal militaire de Ouagadougou a également condamné à la perpétuité le commandant de sa garde Hyacinthe Kafando, en fuite depuis 2016, et le général Gilbert Diendéré, un des chefs de l’armée lors du putsch de 1987.
Dans le détail, Blaise Compaoré, Gilbert Diendéré et Hyacinthe Kafando ont été reconnus coupables d’« attentat à la sûreté de l’État ». Kafando a en outre été reconnu coupable d’« assassinat », Compaoré et Diendere de « complicité d’assassinat ». Ces deux derniers ont cependant été acquittés des faits de « recel de cadavre », pour cause de prescription. Le tribunal a également maintenu les mandats d’arrêt émis à l’encontre de Compaoré et de Kafando.
Idrissa Sawadogo et Nabonssouindé Ouedraogo, reconnus coupables d’assassinat, ont été condamnés à 20 ans de prison ferme. Yamba Élysée Ilboudo, lui aussi reconnu coupable d’assassinat, a écopé de 11 ans de prison. Jean-Pierre Palm et Tibo Ouedraogo ont été condamnés à 10 ans de prison. Nida Tonde, dit « Mang-Baaba », a été condamné à trois ans de prison.
Cinq ans de prison avec sursis ont été prononcés contre Djakalia Dème et Pascal Sidibi Belemlilga. Bossobè Traoré, qui comparaissait pour complicité d’attentat à la sûreté de l’État et de complicité d’assassinat, a été acquitté.
Les différentes parties ont désormais quinze jours pour faire appel.
Grands absents
L’énoncé du verdict est intervenu au terme d’un long procès démarré en octobre dernier devant le tribunal militaire de Ouagadougou. Le jour de la première audience, le 11 octobre, douze des quatorze accusés étaient présents, dont le général Gilbert Diendéré, 61 ans, un des principaux chefs de l’armée lors du putsch de 1987. Tous doivent répondre des chefs d’inculpation suivants : « complicité d’assassinat », « assassinat », « recel de cadavres » et « attentat à la sûreté de l’État ».
Le principal accusé, l’ancien président Blaise Compaoré, porté au pouvoir par ce putsch et ami proche de Sankara, est absent, ses avocats ayant dénoncé « un simulacre de procès » devant « un tribunal d’exception ». Soupçonné d’être le commanditaire de l’assassinat de Sankara – ce qu’il a toujours nié -, il a été chassé du pouvoir en 2014 par la rue et vit depuis en Côte d’Ivoire. Le parquet militaire a requis 30 ans de prison contre lui.
Trente ans ont également été requis contre l’autre grand absent, l’adjudant-chef Hyacinthe Kafando, ancien commandant de la garde de Compaoré, en fuite depuis 2016 et soupçonné d’avoir mené le commando qui a assassiné Thomas Sankara et ses compagnons.
L’écrasante majorité des accusés présents plaide non coupable, dont le général Diendéré qui risque une peine de 20 ans de prison, durée de celle qu’il purge actuellement pour une tentative de coup d’État en 2015. Les prévenus racontent une tentative d’arrestation de Sankara qui a « mal tourné », à la suite de divergences avec Blaise Compaoré « sur la marche de la révolution« .
Complot international
D’anciens collaborateurs du président tué lèvent le voile sur les relations tendues entre Blaise Compaoré et Thomas Sankara et sur l’existence d’un « complot international » ourdi contre un leader progressiste qui voulait bouleverser l’ordre du monde et éradiquer la pauvreté dans son pays. « Le drame du 15 octobre 1987 est arrivé sous la pression de certains chefs d’État, tels que Félix Houphouët Boigny de la Côte d’Ivoire », témoigne Abdoul Salam Kaboré, ministre des Sports de Sankara.
C’EST LA CRÉATION D’UN PARTI POLITIQUE UNIQUE QUI A MIS LE FEU AUX POUDRES
Houphouët Boigny avait dit à Thomas Sankara : « Il faut que vous changiez, si vous ne changez pas, nous allons vous changer », selon Serge Théophile Balima, ancien directeur de la télévision burkinabè.
« Blaise Compaoré voulait le pouvoir. C’est la création d’un parti politique unique qui a mis le feu aux poudres » car Compaoré « ne voulait pas de l’unification des organisations du Comité national de la révolution (CNR) », a expliqué aux enquêteurs Valère Somé, politologue burkinabè dont la déposition a été lue au procès. Selon un commandant militaire, Blaise Sanou, « celui qui était accro au pouvoir, c’était Blaise Compaoré ». « C’est également à cause (de cette soif) du pouvoir qu’il a voulu modifier la constitution après 27 ans de règne », ce qui a provoqué sa chute en 2014.
Coup d’État
Le procès a été interrompu à plusieurs reprises à la suite du coup d’État du 24 janvier mené par le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba qui a renversé le président élu Roch Marc Christian Kaboré. L’une de ces interruptions a été motivée par un requête des avocats de la défense auprès du Conseil constitutionnel qui a investi Damiba le 16 février. Ils estiment qu’on ne peut pas condamner des accusés pour « attentat à la sûreté de l’État » alors que le coup d’État est en lui-même une telle atteinte. Une requête rejetée par le Conseil constitutionnel.
Pour les avocats des responsables présumés de la mort de Thomas Sankara, l’investiture du lieutenant-colonel à la présidence du pays démontre qu’un putsch ne constitue plus une infraction. Le procès est suspendu.
Aussi indolore semble-t-il devenu, le putsch militaire – sport politique national du Burkina Faso – est-il condamné à scander toujours la vie des Burkinabè sans que la justice ne fasse exception ? L’historique et médiatique procès de l’assassinat de Thomas Sankara – président arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’État et renversé par un coup d’État – pourrait emprunter une déviation elle-même liée à… un coup d’État.
Aujourd’hui au banc des accusés, les putschistes compaoristes du 15 octobre 1987 (Gilbert Diendéré, Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando) paraissent proche d’être sauvés par ceux-là même qui enfoncèrent censément le dernier clou du cercueil de l’ère Compaoré en renversant l’ancien compaoriste Roch Marc Christian Kaboré.
Un coup d’État légalisé
Les avocats des trois accusés, contre lesquels sont requis plusieurs dizaines d’années de prison, ont obtenu le 3 mars la suspension du procès qui venait juste de reprendre. Leur argumentation est limpide : en validant cette semaine l’investiture du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba à la présidence du pays, le Conseil constitutionnel a légalisé le coup de force du 23 janvier. Dès lors, tout putsch cesserait d’être une infraction au Burkina Faso, celui de Compaoré comme celui de Damiba. « Si l’attentat à la sûreté de l’État est devenu légal, je ne vois pas pourquoi nos clients sont poursuivis », conclut Me Olivier Somé.
Peut-on juger un coup d’État sous un régime issu d’un coup d’État ? L’exception d’inconstitutionnalité est-elle justifiée ? Sans doute gêné aux entournures, le Conseil constitutionnel dispose d’un délai d’un mois pour répondre à cette requête de la défense. Qui se contorsionne se contorsionnera…
« Catastrophe constitutionnelle »
Déjà en deuil de leur président Kassoum Kambou, décédé le 19 février, les sages vont devoir mettre en perspective leur habillage légal de la prise du pouvoir du Mouvement patriotique pour la sauvegarde de la restauration (MPSR) et la plaie béante de l’assassinat de l’icône « Thom Sank ». Noieront-ils le poisson de la requête dans les eaux du jargon judiciaire, eux qui savent à quel point la popularité de l’évènement de 2022 est inversement proportionnelle à celle du drame de 1987 ? Paraphraseront-ils la célèbre publicité burkinabè « Tôle, c’est pas tôle » en concluant « Putsch, c’est pas putsch » ?
Si le constitutionnaliste Abdoulaye Soma a qualifié la bienveillance du Conseil à l’égard du lieutenant-colonel Damiba de « catastrophe constitutionnelle », certains considèrent, selon le proverbe, que « lorsque le canari se casse sur sa tête, il faut en profiter pour se laver ». Dans une tribune parue 7 février dernier, le philosophe Kwesi Debrsèoyir Christophe Dabiré suggérait rien de moins que la légalisation des coups d’État en Afrique. À effet rétroactif ?
L’ancien président burkinabè, en exil en Côte d’Ivoire, a été désigné par le parquet comme le principal responsable de l’assassinat de Thomas Sankara. Trente ans de prison ont également été requis contre Hyacinthe Kafando et vingt contre Gilbert Diendéré, alors que le procès historique touche bientôt à son terme.
Trente ans de prison ferme ont été requis ce mercredi contre Blaise Compaoré, soupçonné d’être le principal commanditaire de l’assassinat de Thomas Sankara et de douze de ses compagnons en 1987. Le parquet militaire a demandé au tribunal de reconnaître l’ancien président du Burkina Faso coupable « d’attentat à la sûreté de l’État », de « recel de cadavre » et de « complicité d’assassinat ».
Une réquisition énoncée en l’absence du principal concerné. Chassé du pouvoir par la rue en 2014, Blaise Compaoré vit depuis en Côte d’Ivoire. Il ne s’est pas présenté devant ses juges, ses avocats dénonçant « un tribunal d’exception ». Il a toujours nié toute implication dans les événements du 15 octobre 1987.
Vingt ans à l’encontre de Diendéré
Trente ans de prison ont également été requis contre l’autre grand absent, Hyacinthe Kafando, en fuite depuis 2016. L’ancien commandant de la garde de Compaoré est soupçonné d’avoir mené le commando qui a tué Thomas Sankara et ses collaborateurs. Le parquet a réclamé sa condamnation pour « attentat à la sûreté de l’État » et « assassinat ». Outre ces deux absents de marque, douze autres accusés étaient présents lors de ce procès fleuve qui a débuté en octobre. L’écrasante majorité avait plaidé non coupable.
Lors de son réquisitoire, mardi matin, le parquet militaire a retracé la chronologie des évènements du 15 octobre 1987. Selon lui, alors que le chef de l’État burkinabè se rendait au Conseil de l’entente, le siège du Conseil national de la révolution où s’est produite la tuerie, vers 16h20, « ses bourreaux étaient déjà sur place ». Lorsque Thomas Sankara est entré dans la salle de réunion, « le commando, scindé en deux groupes, a investi les lieux en abattant les gardes du chef de l’État. Le commando a ensuite ordonné au président Sankara et à ses collaborateurs de sortir de la salle. Ils seront tour à tour abattus », a poursuivi l’accusation.
HÉLAS, AUCUN ACCUSÉ NE S’EST REPENTI
Suspendu après le coup d’État militaire survenu au Burkina il y a deux semaines, le procès a repris le 2 février avec les plaidoiries des parties civiles, qui se sont achevées lundi 7 février. « Après quatre mois de débat, c’est un sentiment de soulagement qui anime les familles », a indiqué Me Prosper Farama, l’avocat de la famille Sankara. « Hélas, au cours de ce procès, aucun accusé n’a avoué, aucun ne s’est repenti. Personne ! Nous demandons au tribunal de rendre justice aux familles. Nous ne voulons pas une vengeance, nous demandons simplement justice », a-t-il ajouté. Le procès doit se poursuivre avec les plaidoiries des avocats de la défense.
Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando, absents aux audiences, sont au centre du procès historique des assassins présumés de Thomas Sankara. En une semaine, témoins et accusés se sont succédé à la barre, et l’un d’eux a particulièrement fragilisé la défense de l’ancien président burkinabè en exil à Abidjan.
Cette fois, les choses sérieuses ont commencé. Après une première audience rapidement reportée, lundi 11 octobre, le procès historique qui doit lever le voile sur les circonstances de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons d’infortune, le 15 octobre 1987, est entré depuis une semaine dans le fond du dossier. Et au fil des premières auditions des 12 accusés présents au tribunal militaire, principalement d’anciens soldats du Centre national d’entraînement commando de Pô, la parole se libère et la lumière commence peu à peu à émerger.
Appelé à la barre lundi, Yamba Élysée Ilboudo, 62 ans, premier accusé à comparaître devant le tribunal militaire présidé par le juge Urbain Méda, a expliqué avoir exécuté un ordre de son supérieur hiérarchique. En l’occurrence, l’adjudant-chef Hyacinthe Kafando, l’un des deux grands absents de ce procès, avec l’ancien président Blaise Compaoré, en fuite en Côte d’Ivoire depuis sa chute en 2014. À la barre, le soldat de 1ère classe, se montre beaucoup moins prolixe que lors de l’instruction.
« J’ai oublié, cela fait longtemps »
Celui qui était à l’époque le chauffeur de la sécurité rapprochée de Compoaré avait affirmé, lors de ses auditions devant le juge d’instruction, avoir été présent au Conseil de l’entente, ce jour funeste d’octobre 1987. Il a aussi assuré y avoir aperçu Gilbert Diendéré. Devant le tribunal, cependant, il botte souvent en touche face à la vague de questions à laquelle le soumettent le juge, le procureur et les avocats des parties civiles. « Je ne me souviens pas » ; « J’ai oublié, cela fait longtemps »… Au fil de l’audition, l’ancien soldat, qui plaide non coupable, a pourtant fini par livrer quelques détails sur la manière dont le commando a exécuté le père de la révolution burkinabè.
« Je suis militaire, si le chef dit de faire quelque chose, je le fais », a-t-il notamment déclaré, pointant – sans le nommer – Hyacinthe Kafando. Il confirme que le commando est bien parti du domicile de Blaise Compaoré, situé alors dans le quartier de Koulouba, dans le centre-ville de Ouagadougou. Un témoignage qui vient mettre à mal la ligne de défense de Blaise Compaoré, qui a refusé de comparaître à ce procès dont il est le principal accusé et que ses avocats qualifient de « politique ».
THOMAS SANKARA SORT DE LA SALLE, LES MAINS EN L’AIR… HYACINTHE KAFANDO ET MAÏGA TIRENT SUR LUI.
Arrivé au Conseil de l’entente, celui qui conduisait l’un des deux véhicules transportant les hommes du commando raconte que l’assaut lancé contre Thomas Sankara et ses compagnons a duré « 4 à 5 minutes ». Lui n’y a pas participé, promet-il. À peine les portes franchies, Hyacinthe Kafando descend précipitamment et scinde le commando pour encercler la salle où se tenait la réunion présidée par le « camarade capitaine ».
Hyacinthe Kafando et l’adjudant Maïga se dirigent vers l’entrée de la salle où sont réunis Thomas Sankara et ses compagnons. « J’ai assisté aux coups de feu depuis le véhicule, qui avait été endommagé après avoir percuté violemment le portail. Je me souviens avoir vu Oualilahi Ouédraogo, un garde de la sécurité de Thomas Sankara, touché par les balles. C’est la première victime », a raconté Yamba Élysée Ilboudo. « Puis, Thomas Sankara sort de la salle, les mains en l’air, en demandant ce qui se passe… Là, Hyacinthe Kafando et Maïga, qui avançaient, tirent sur lui. Il s’effondre, d’abord sur les genoux, avant de tomber sur un côté », poursuit-il, avant d’affirmer : « Je ne sais pas lequel des deux à tirer le coup fatal. »
Quant à la présence de Gilbert Diendéré sur place au moment du massacre, Yamba Élysée Ilboudo change d’abord de version, affirmant ne pas l’y avoir vu. Puis pressé de questions par le président du tribunal, il finit par faire à nouveau volte-face et confirme sa présence sur les lieux, en réunion avec ses soldats. « Pourquoi, quand il s’agit du général Diendéré, vous ne vous souvenez de rien ? Avez-vous peur ? », l’interroge le juge Méda. « Cette question est compliquée », concède le soldat. « Mais oui, j’ai peur ». Après l’assaut, le commando a regagné, à pied, le domicile de Blaise Compaoré.
Dénégations et versions contradictoires
Jeudi, ce fut au tour d’Idrissa Sawadogo de se présenter devant les juges. Aujourd’hui âgé de 59 ans, l’ancien soldat a tenu sa ligne de défense : il affirme ne pas avoir été présent au moment de la tuerie, puisqu’il était resté au domicile de Blaise Compaoré. « C’est de là-bas que j’ai entendu les tirs », a-t-il assuré, affirmant même que Yamba Élysée Ilboudo, dont le témoignage est si accablant pour Blaise Compaoré, n’était pas présent lors de l’attaque, car « malade » le jour des faits. Un témoignage balayé d’un revers de manche par l’accusation. « Nous n’attendons pas grand-chose de l’interrogatoire d’Idrissa Sawadogo, car sa ligne de défense est de tout rejeter », a lâché le substitut du procureur militaire Sidi Becaye Sawadogo.
Troisième accusé à comparaître au cours de cette première semaine d’audiences, Nabonswendé Ouédroago qui était, comme Sawadogo, membre de la sécurité rapprochée de Blaise Compaoré. Et comme lui, également, il s’inscrit en faux vis-à-vis du témoignage de Yamba Élysée Ilboudo. Non, il ne faisait pas parti du commando qui a donné l’assaut, puisque, affirme-t-il, il était en poste à la surveillance de l’entrée du Conseil de l’entente. « Le 15 octobre, entre 15 h 30 et 16 heures, Hyacinthe Kafando – dont le pied à terre est mitoyen de celui de Blaise Compaoré – est passé dans les locaux [du Conseil de l’entente] où j’étais de garde. Il y a embarqué avec lui des éléments qui l’attendaient à la porte. Peu après leur départ, les coups de feu ont retenti », a-t-il raconté au tribunal. Sans vraiment convaincre. Son audition doit reprendre à la réouverture des audiences, prévue ce mardi 2 novembre.
Ce sera ensuite au tour du général Gilbert Diendéré d’être appelé à la barre. La version de ce militaire, qui purge actuellement une peine de vingt ans pour son implication dans le putsch manqué de septembre 2015, est particulièrement attendu. Il viendra clore la série d’auditions des accusés présents lors de ce procès, ouvrant la voie aux réquisitions et plaidoiries des parties civiles et de la défense.
Avec Jeune Afrique par Nadoun Coulibaly – à Ouagadougou
Qui a tué l’ancien président burkinabè, icône de la révolution ? C’est un procès historique qui doit s’ouvrir le 11 octobre à Ouagadougou, au cours duquel seront notamment jugés Blaise Compaoré, Gilbert Diendéré et Hyacinthe Kafando.
L’heure du procès a enfin sonné, mettant fin à plus de trente ans d’attente, durant lesquels l’enquête judiciaire a d’abord été enterrée, avant d’être relancée après la chute du régime de Blaise Compaoré, en 2014. Le 11 octobre, à 9 heures, s’ouvrira, dans la salle des banquets de Ouaga 2000, le procès de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses douze compagnons, le 15 octobre 1987. Un procès historique dont les audiences seront publiques tant cette affaire d’État cristallise l’attention des Burkinabè – et de nombreux Africains – depuis trois décennies.
En tout, 14 prévenus sont appelés à comparaître devant le tribunal militaire de Ouagadougou. Parmi eux, des membres du commando qui a tué Sankara, des complices, mais aussi et surtout trois hommes dont beaucoup pointent depuis longtemps la responsabilité directe dans cet assassinat : Blaise Compaoré, Gilbert Diendéré et Hyacinthe Kafando. Ancien aide de camp de Sankara et ex-commandant adjoint de la gendarmerie nationale, Moussa Diallo était l’un des intimes du président assassiné. En amont du procès, ce témoin de premier plan qui a longtemps gardé le silence s’est longuement confié à JA. Et livre des détails inédits sur la fin sanglante de la révolution burkinabè.
Le procureur de la Haute Cour de justice vient d’annoncer que le procès des membres du gouvernement soupçonnés d’avoir joué un rôle dans la répression de l’insurrection de 2014 allait pouvoir s’ouvrir. Et l’ancien président pourrait de nouveau être sommé de répondre aux questions des juges.
Si la récente attribution du portefeuille de la Défense au président du Faso est « une erreur tactique », selon l’analyste burkinabè Luc Damiba, le cumul de ces deux fonctions peut carrément s’avérer une mauvaise idée. Les 34 membres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré pourraient en effet bientôt comparaître devant la Haute Cour de justice. Et l’ancien président cumulait, au moment des faits, la magistrature suprême et le maroquin de la Défense, comme c’est parfois le cas dans des pays africains à la contestation galopante.
À balles réelles
En 2014, Compaoré tentait de modifier la Constitution pour que celle-ci lui permette de continuer à briguer la magistrature suprême malgré 27 années déjà passées au pouvoir. Après sa chute, le 31 octobre, c’est la Haute Cour de justice qui fut saisie pour poursuivre les membres de l’équipe du Premier ministre d’alors pour leur implication présumée dans la répression de l’insurrection.
Luc-Adolphe Tiao avait notamment signé une réquisition spéciale qui « aurait fourni aux forces de défense et de sécurité les instruments et moyens qui leur auraient permis de tirer à balles réelles sur des manifestants ». En ce mois d’octobre 2014, 24 personnes seront tuées et 625 blessées, selon une enquête officielle de la transition.
Composée de députés et de magistrats de grade exceptionnel, la Haute Cour de justice est la juridiction compétente pour juger les membres du gouvernement pour des crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Après quatre années de suspension pour des raisons de procédure, son procureur vient d’annoncer que le dossier était prêt et qu’il n’attendait plus que l’Assemblée nationale pour fixer la date d’ouverture du procès.
Blaise Compaoré se serait bien passé de cette perspective judiciaire, d’autant que le procureur militaire du Burkina Faso a annoncé, le 17 août dernier, que le procès public de l’assassinat de Thomas Sankara allait débuter le 11 octobre, soit quatre jours avant le 34e anniversaire de la mort de l’ancien président et de ses douze compagnons. L’exilé d’Eburnie y est accusé d’« attentat à la sûreté de l’État », de « complicité d’assassinats » et de « complicité de recel de cadavres ».
Tentatives de négociations
Alors que l’actuel ministre burkinabè de la Réconciliation nationale – l’ex-chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré – échafaude un forum pour tenter de réconcilier les Hommes intègres, ces procédures judiciaires ne seront-elles que des formalités pour ensuite pouvoir amnistier les acteurs de l’histoire récente du Faso ? Conscient que le régime actuel est largement constitué d’anciens collaborateurs du président déchu, le Réseau international justice pour Sankara dénonce déjà les « tentatives des autorités burkinabè de négocier son retour avec Blaise Compaoré ».
Que pense le successeur de Sankara d’un processus « vérité-justice-réconciliation » clivant ? Peu loquace lorsqu’il était au pouvoir, l’exilé est tout bonnement muet depuis qu’il en a été chassé. Et il est peu probable que le régime ivoirien décide un jour de l’extrader.