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Côte d’Ivoire-Ghana : « l’Opep du cacao » doit-elle croire aux primes de Nestlé ?

février 1, 2022
Un homme se penche sur des petits cacaotiers au Ghana. © Mile 91 / robertharding / ANDBZ / ABACAPRESS.COM.

La multinationale a présenté un nouveau système pour accroître les revenus des planteurs de cacao, lutter contre le travail des enfants et améliorer la traçabilité des fèves. Salué par Abidjan et Accra, le dispositif doit faire ses preuves sur le terrain.

Nestlé a-t-il trouvé la solution miracle pour améliorer les revenus des planteurs de cacao ivoiriens ? C’est la question qui se pose après la présentation, le 27 janvier, par la multinationale basée en Suisse d’un ambitieux système de primes. Ce dernier doit profiter à quelque 10 000 familles de cultivateurs cette année en Côte d’Ivoire, avant d’être étendu à partir de 2024 au Ghana.

Les deux pays africains assurent près de 70 % de la production mondiale de fèves, avec un volume d’environ 2 millions de tonnes par an pour Abidjan et d’un million de tonnes pour Accra. Nestlé a réalisé 84,3 milliards de francs suisses de chiffre d’affaires en 2020 (76,2 milliards d’euros au taux de change en vigueur lors de la publication des résultats annuels), dont 8,3 % via les ventes de confiserie (marques Nestlé, KitKat, Smarties, Aero…).

Présenté par le PDG du géant agroalimentaire, Mark Schneider, lors d’une conférence virtuelle à laquelle a pris part le Premier ministre ivoirien, Patrick Achi, le nouveau système est intégré à un plan plus global visant à « lutter contre les risques de travail des enfants » et à « atteindre une traçabilité intégrale du cacao ». Le recours à une main d’œuvre mineure et le manque de transparence de l’approvisionnement sont deux critiques récurrentes adressées aux chocolatiers.

Plus d’un milliard d’euros d’ici à 2030

Dans le détail, Nestlé a fixé quatre pratiques vertueuses qu’il veut encourager : la scolarisation des enfants, l’utilisation de techniques agricoles performantes (dont l’élagage), l’agroforesterie (dont la plantation d’arbres d’ombrage) et la diversification des cultures (combiner la production de cacao à celle de manioc et/ou à des activités d’élevage, d’aviculture, d’apiculture). Pour chacune d’entre elles, le groupe prévoit de verser 100 francs suisses (96 euros) par an aux paysans qui les adoptent avec un bonus de 100 francs en cas de mise en œuvre des quatre.

LA PRIME DE 500 FRANCS REPRÉSENTE UNE AUGMENTATION DE PRÈS DE 20 % DU REVENU ANNUEL

La prime maximale, qui se monte donc à 500 francs suisses par an (482 euros), doit être versée pendant deux ans, avant d’être réduite de moitié les années suivantes. Ce qui représente un engagement total de « 1,3 milliard de francs suisses d’ici à 2030 » (1,25 milliard d’euros), soit le triple de « son investissement annuel actuel », souligne le groupe, avec l’objectif de toucher au total 160 000 familles.

« Les agriculteurs qui sont membres du Plan cacao de Nestlé [le plan développement durable du groupe lancé en 2009] ont un revenu annuel d’environ 3 000 francs suisses par an, ce qui est déjà plus élevé que le revenu moyen d’un cultivateur, situé autour de 2 000 francs », met en avant un porte-parole de Nestlé, sollicité par Jeune Afrique.

« La prime de 500 francs, qui représente une augmentation de près de 20 % du revenu annuel, constitue un accélérateur de changement », reprend-il, rappelant que cette enveloppe s’ajoute aux primes de certifications et au différentiel de revenu décent – ce bonus de 400 dollars par tonne a été mis en place depuis la campagne 2020-2021 sous la pression des autorités ivoiriennes et ghanéennes.

Le paiement mobile comme gage de transparence

Sur le papier, le plan de Nestlé coche beaucoup de cases. Présenté à grand renfort de communication, il adopte une approche globale et responsable et s’inscrit dans la droite ligne des efforts faits ces dernières années par les acteurs de la chaîne du cacao – chocolatiers, acheteurs et transformateurs de fèves, certificateurs et États – pour rééquilibrer le rapport en faveur des planteurs. Ces derniers ne touchent que 6 % des 100 milliards de dollars générés chaque année dans le monde par la vente de chocolat, selon l’organisation non gouvernementale (ONG) Public Eye.

LE PROJET ENTEND CRÉER UN NOUVEAU MODÈLE AGRICOLE BASÉ SUR LA DIVERSIFICATION DES REVENUS DU PRODUCTEUR

Saluée par la Côte d’Ivoire et le Ghana, le projet du groupe suisse bénéficie aussi du soutien de plusieurs partenaires internationaux, dont le KIT Royal Tropical Institute, l’Initiative internationale sur le cacao, l’Initiative pour le commerce durable et l’ONG Rainforest Alliance. En outre, le système proposé a déjà été testé auprès de 1 000 producteurs ivoiriens en 2020.

« Les avis et suggestions des agriculteurs et coopératives agricoles, ainsi que la collecte et l’évaluation en continu de données par des tiers seront utilisés pour renseigner, réajuster et améliorer le programme au fur et à mesure qu’il sera étendu à d’autres communautés », précise Nestlé.

Un acteur du secteur a salué « les bonnes bases » du projet, qui « entend créer un nouveau modèle agricole basé sur la diversification des revenus du producteur, tant en ce qui concerne les sources de revenus que les cultures ». Il cite également comme point positif le recours au paiement mobile pour verser la prime, un gage de transparence.

La transaction financière se fera, via un transfert électronique opéré par téléphone, depuis le compte du fournisseur de Nestlé vers les fermiers et leurs épouses afin d’encourager, par la même occasion, l’autonomisation des femmes, détaille le porte-parole de la multinationale. Ainsi, « il est facile de vérifier et tracer tous les paiements depuis le fournisseur vers les bénéficiaires », insiste-t-il.

Un système toujours trop opaque

Reste que plusieurs acteurs de terrain sont beaucoup plus réservés sur l’impact réel du dispositif. Si au niveau du Conseil café-cacao, on salue toute initiative visant à améliorer le revenu des planteurs, on attend de voir les modalités concrètes de mise en œuvre. L’organisme rappelle que Nestlé n’achète pas directement les fèves aux cacaoculteurs mais se fournit auprès d’intermédiaires, dont les broyeurs. Ce qui rend la traçabilité des fèves comme du versement des primes plus compliquée.

SEUL UN PAIEMENT DIRECT AUX PLANTEURS AURAIT UNE CHANCE D’AMÉLIORER LA TRANSPARENCE DE LA FILIÈRE

« L’ensemble des primes et avantages consentis aux producteurs transitent aujourd’hui par les coopératives et les exportateurs. Or, les études menées sur ce système montrent qu’il donne lieu à d’importantes pertes de charge, de l’ordre de 70 % », pointe François Ruf, économiste du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) installé en Côte d’Ivoire et qui travaille avec une équipe d’une dizaine de chercheurs.

Pour lui, seul un paiement direct aux planteurs aurait une chance d’améliorer la transparence de la filière en mettant notamment la pression sur les coopératives pour clarifier leurs pratiques. Or, ce n’est pas la voie choisie par Nestlé qui, en confiant la mission du paiement à ses fournisseurs, prend le risque d’entretenir les pratiques opaques actuelles que les contrôles extérieurs ont bien du mal à combattre.

Quant à la traçabilité totale des fèves, elle demeure un défi. La demande de chocolat étant cyclique et concentrée sur la fin de l’année civile, elle astreint les coopératives à fournir sur une courte période un grand volume de fèves. Cette réalité les conduit bien souvent à recourir aux pisteurs (intermédiaires qui achètent les fèves bord de champs aux paysans et les revendent aux coopératives) pour répondre aux quotas imposés par les acheteurs, sans garantie sur l’origine de l’or brun. Une difficulté identifiée de longue date, mais sur laquelle les multinationales se gardent bien de se positionner.

Avec Jeune Afrique par Estelle Maussion

Côte d’Ivoire, Ghana réveillez-vous ! La Chine exporte du cacao vers la Belgique

août 19, 2021

Séchage des fèves de cacao au Ghana

Premiers fournisseurs mondiaux, les exportateurs africains de cacao ne touchent que 5 % des revenus de l’industrie du chocolat, sur un total annuel mondial de 130 milliards de dollars. Ils doivent maintenant faire face à l’arrivée de la Chine sur le marché.

En 2013, Mondelez, la société mère de Cadbury Australia, avait annoncé qu’elle allait investir 59 millions de dollars dans des essais de culture de cacaotiers le long de son usine de Hobart, en Tasmanie, au nord de l’Australie. Le but était d’augmenter la production annuelle de fèves.

Cela aurait dû être un premier signal d’alarme pour les producteurs africains. C’est désormais la Chine qui se lance dans la production de cacao, avec des projets expérimentaux qui ont déjà permis l’exportation de fèves vers la Belgique.

L’Afrique subsaharienne fournit aujourd’hui 86 % de la production mondiale de fèves de cacao, les 14 % restants étant apportés par le Brésil (12 %) et Trinidad-et-Tobago (2 %), mais elle ne touche que 5,35 % des revenus générés par l’ensemble de l’industrie (de la fève brute aux tablettes de chocolat).

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Pourquoi ? Pour certains, cela tient au fait que l’Afrique consomme elle-même peu de ses produits dérivés, avec seulement 1 % de la consommation mondiale.

D’autres estiment que l’Afrique, contrairement à l’Europe, n’a pas encore la capacité technique de construire des modèles intégrés pour transformer la matière première en produits finis et gérer la chaîne d’approvisionnement.

D’aucuns mettent en avant le manque d’investisseurs industriels, dû à des conditions d’emprunt difficiles (taux trop élevés, garanties exigées trop strictes), d’une préférence pour la liquidité et plus globalement d’un manque de confiance dans l’économie.

Une vision trop réduite des choses

Ces trois arguments sont tout à fait recevables. Mais si nous ne parvenons pas à capter plus de la valeur de la chaîne d’approvisionnement c’est parce que nos petits exploitants agricoles, nos coopératives, nos organismes de réglementation et les gouvernements en place ne voient pas assez grand.

Ils laissent l’ensemble de l’industrie locale planter les fèves, les récolter et les vendre à des courtiers internationaux à des prix inférieurs à ceux acceptés sur les marchés internationaux des matières premières.

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La chaîne de valeur est donc biaisée, au détriment des pays qui dépendent de la production primaire. En effet, l’agriculture comprend quatre socles : la production primaire, le stockage, la transformation et la distribution, mais ces différents niveaux ne sont pas rémunérés de la même manière. Plus on avance dans la chaîne d’approvisionnement, plus on gagne.

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Menace chinoise

C’est dans ce contexte inquiétant qu’il faut placer l’arrivée de la Chine sur le marché du cacao. L’Académie chinoise des sciences agricoles tropicales (CATAS) a travaillé à la culture du cacao dans la province de Haina et a récemment exporté 500 kg de fèves de cacao vers la Belgique, pour une valeur dérisoire de 3 044 euros (pour l’instant).

NOUS DEVONS CHANGER AU PLUS VITE LA FAÇON DONT NOUS PRODUISONS LE CACAO

Alors que le Cocobod du Ghana (l’organisme paraétatique qui organise la production de cacao du pays) a assuré que cette exportation chinoise n’avait rien d’inquiétant, le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs agricoles du Ghana, Edward Kareweh, s’est montré lui beaucoup plus préoccupé. « Nous devons changer au plus vite la façon dont nous produisons le cacao dans ce pays. Nous utilisons des pioches et des couteaux dans nos exploitations depuis plus de 100 ans », a-t-il déclaré.

La Chine a compris qu’elle pouvait tirer parti de la fragilité du modèle africain en produisant suffisamment de fèves pour le vendre à l’Europe, dans le but de réduire sa balance commerciale due à l’importation de chocolat.

Elle songe même à développer ses propres industries pour fabriquer des barres de chocolat et d’autres produits dérivés qui serviront à nourrir 1,4 milliard de Chinois. La fève de cacao est riche, et peut être utilisée dans les barres de chocolat donc, mais aussi dans les préparations pour gâteaux, les aliments pour le petit-déjeuner, les boissons, la crème glacée.

Des solutions malgré tout

Pour tenter de s’emparer d’une plus grande partie de la chaîne de valeur le Ghana et la Côte d’Ivoire ont créé un « Chocopec », avec un prix plancher en dessous duquel les agriculteurs ne peuvent pas vendre leurs matières premières.

Mais la décision du Cocobod au Ghana et du gouvernement ivoirien de fixer un prix plancher pour la fève est en réalité contre-productive. Car si l’Afrique subsaharienne contrôle 86 % de la chaîne d’approvisionnement mondiale en intrants primaires, elle ne contrôle pas la division « achat » des produits dérivés, ni les sections secondaire (autrement dit la fabrication) et tertiaire (la logistique et la distribution) de la chaîne de valeur ajoutée.

La réponse se situe en partie dans l’intégration en amont, c’est-à-dire par la substitution des importations.

Certains pays comme la Côte d’Ivoire ont déjà entamé ce processus. Mais la plupart des additifs primaires nécessaires à la transformation du beurre de cacao en chocolat, comme le lait et le sucre, sont encore importés d’Europe.

Cacao

Pour que la Côte d’Ivoire puisse tirer pleinement profit de sa production primaire de fèves de cacao, elle doit en outre trouver des marchés dans son pays et sur le continent, car elle ne peut pas construire une chaîne d’approvisionnement sans acheteurs.

Une solution envisageable serait de veiller à ce que le Nigeria développe son plan national de transformation de l’élevage (NLTP) dans le cadre de son programme de développement laitier. Cela lui permettrait de fournir à ses voisins les matières premières et les additifs nécessaires à la transformation du cacao, sans avoir à aller les chercher en Amérique du Sud.

Autre possibilité, la construction au Ghana de fermes d’élevage entièrement mécanisées pour la production de lait, ou encore la mise en place de modèles verticalement intégrés pour pouvoir transformer la canne à sucre.

Ces projets doivent être débattus au niveau régional, par exemple lors des sommets économiques organisés par les dirigeants politiques du continent.

L’Institut de recherche sur le cacao du Ghana (CRIG) a de son côté produit des échantillons de produits issus de ses recherches sur les utilisations futures du cacao. Les usages futurs sont nombreux : cosmétiques, produits de toilette, engrais, boissons, biocarburants etc. La commercialisation des résultats de cette étude pourrait être très intéressante, à condition toutefois de trouver un financement privé.

Repenser le modèle de financement

Or les projets qui émergent ont en effet souvent du mal à se financer.

Aujourd’hui les entrepreneurs ne peuvent pas obtenir un prêt sans fournir aux banques des actifs physiques en garantie car il n’existe pas de système conçu pour analyser la solvabilité des emprunteurs. Autrement dit, il est impossible d’avoir accès au capital de long terme avec des garanties moins exigeantes.

Le cas d’Edmond Poky l’illustre bien. Cet homme d’affaires ghanéen, qui a obtenu un MBA à Columbia, a décidé de quitter son emploi chez Goldman Sachs pour créer son entreprise. Mais au moment du lancement de son projet, il n’a pu lever au Ghana que 2 millions de dollars sur les 40 qu’il espérait obtenir et a finalement dû se financer sur les marchés américains. Son entreprise, Niche Cocoa Processing Limited, a engrangé l’an dernier 120 millions de dollars de revenu.

Seul un fonds d’investissement dédié aux entreprises aux entreprises ayant des modèles commerciaux et financiers bancables de transformer la fève de cacao en produits finis permettrait de lever ces obstacles au financement.

Les gouvernements, en partenariat avec la Banque africaine de développement, la Banque africaine d’import-export (Afrexim) et la Société financière africaine, ainsi que les banques de dépôt, doivent s’unir pour fournir des capitaux « patients », au coût raisonnable aux entrepreneurs ayant des projets intéressants.

Comme le dit un célèbre proverbe chinois : « Le meilleur moment pour planter un arbre était il y a 20 ans, le deuxième meilleur moment est maintenant ». C’est aujourd’hui l’occasion pour le continent africain de récupérer sa part du gâteau.

Par Jeune Afrique avec

Kelvin Ayebaefie Emmanuel

* Kelvin Ayebaefie Emmanuel est le co-fondateur et le DG de Dairy Hills

UE-Côte d’Ivoire : 1 milliard d’euros pour le cacao ivoirien, vraiment ?

février 28, 2021
Cacao

Si l’annonce de l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) en Côte d’Ivoire a fait du bruit, il y a encore loin de la parole aux actes : seuls 25 millions d’euros sont à ce jour confirmés.

C’est ce que l’on appelle un effet d’annonce. En fin de semaine dernière, l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) en Côte d’Ivoire, Jobst von Kirchmann, a mentionné une enveloppe pouvant aller jusqu’à un milliard d’euros destinée à la filière ivoirienne de l’or brun sur la période 2021-2027 pour l’aider à devenir plus durable.

La déclaration, faite à nos confrères de Reuters et qui a marqué les esprits, intervenait un mois après une réunion mi-janvier à Abidjan entre les autorités ivoiriennes – la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de fèves – et l’UE – son premier acheteur – pour discuter de l’avenir de leurs relations commerciales cacaoyères.

Et pour cause : l’UE prévoit de présenter d’ici à l’été 2021 une nouvelle réglementation visant à interdire l’importation de produits liés à la déforestation et à rendre obligatoire un « devoir de vigilance » pour les acteurs privés. Une réforme qui va bousculer le secteur de l’or brun et l’obliger à renforcer ses contrôles sur l’origine des fèves – un sujet hautement sensible – s’il veut continuer à avoir accès au marché européen. D’autres réunions sont d’ailleurs prévues en mars à Bruxelles et Abidjan.

Beaucoup d’incertitudes

C’est dans ce cadre que l’UE défend la mise en œuvre d’un projet Team Europe – cacao durable devant apporter une « enveloppe budgétaire très importante », a indiqué en janvier l’ambassadeur avant d’évoquer le chiffre choc d’un milliard un mois plus tard, en réunissant l’ensemble des financeurs potentiels : les États européens, la Banque européenne d’investissement (BEI), les institutions de développement nationales (AFD, KfW, GIZ,…) et même les chocolatiers privés.

Sauf que, dans les faits, il reste encore beaucoup d’incertitudes. « L’exercice de programmation 2021-2027 pour la Côte d’Ivoire est toujours en cours et sera conclu cette année. En ce moment aucune décision n’a encore été prise », a indiqué une porte-parole de l’UE sollicitée par Jeune Afrique.

« Si elle devait être retenue, un montant important serait alloué à cette importante priorité [la Team Europe], mais aucun chiffre ne peut être fourni à ce stade », a-t-elle ajouté.

Pour l’heure, la seule aide confirmée, annoncée fin janvier, se monte à 25 millions d’euros, une somme bien modeste face aux ambitions affichées. Et elle n’est pas destinée à la seule Côte d’Ivoire, mais aussi au Ghana et au Cameroun.

Enjeux multiples et complexes

La majeure partie de la somme (17 millions) financera de l’assistance technique « dans des domaines tels que la surveillance de la déforestation, la fourniture de services analytiques et consultatifs, la facilitation des politiques, les interventions spécifiques tout au long de la chaîne de valeur et le soutien aux investissements », précise l’UE.

Les 8 millions restant doivent « soutenir des réformes législatives substantielles en Côte d’Ivoire » afin de « créer un nouveau cadre juridique pour la production et le commerce du cacao ».

« Un apport de 200 millions d’euros serait déjà énorme », souligne un bon connaisseur du secteur, expliquant que l’enveloppe pourrait gonfler si les prêts ciblés aux États étaient inclus dans le dispositif. Localement, un acteur du secteur met, lui, en avant la difficulté pour l’UE de soutenir efficacement la filière face aux enjeux multiples et complexes que sont la déforestation, le travail des enfants et le revenu des producteurs.

Sollicité par Jeune Afrique, le Conseil café cacao, organisme de régulation du secteur en Côte d’Ivoire, n’a pas donné de suite avant la publication de cet article.

Avec Jeune Afrique par Estelle Maussion

Chine : 330 millions d’euros attendus pour le cacao ivoirien

juin 25, 2020

Cacao en Côte d'Ivoire.

Cacao en Côte d’Ivoire. © Fernando Llano/AP/SIPA

 

La Côte d’Ivoire veut développer des unités de transformation et de stockage, afin notamment d’influencer la valorisation du cacao ivoirien.

Le régulateur de la filière ivoirienne du café-cacao va-t-il enfin réaliser son ambition de remonter la chaîne de valeur de l’industrie cacaoyère ? L’État ivoirien, via le ministère de l’Économie et des Finances, a validé en pleine période du Covid-19 les projets de deux usines de broyage de cacao et de construction d’une dizaine d’entrepôts de stockage dans le pays.

Le Conseil café-cacao (CCC) envisage d’emprunter environ 330 millions d’euros auprès d’acteurs chinois pour financer ces projets, sur garantie souveraine de l’État ivoirien, pour financer ces installations.

Des banques chinoises fortement actives en Côte d’Ivoire

L’octroi du crédit sera facilité par le partenaire asiatique de CCC : China Light Industry Design Co Ltd (CNDC).

Peu connu sur le continent, CNDC est une entreprise publique chinoise active dans les projets d’ingénierie, de passation de marchés, de construction et de mise en service dans l’industrie légère, l’agro-industrie ou encore la médecine. Sa maison mère est le conglomérat d’État China Haisum Engineering Co., coté à la Bourse de Shenzhen, où sa valorisation frôle 3 milliards de dollars.

Les fonds obtenus par CCC seront remboursés sur les revenus de cet acteur incontournable tant dans la fiscalité du secteur du cacao en Côte d’Ivoire, que dans la mise en relation entre exportateurs et négociants, d’une part, et les producteurs locaux de l’or brun.

Si l’identité des futurs bailleurs de fonds chinois n’est pas encore connue, il faut noter que la Banque chinoise d’import-export, China Exim Bank, a déjà financé plusieurs projets majeurs en Côte d’Ivoire, comme l’extension du port d’Abidjan durant la décennie passée. China Exim Bank connaît également l’industrie du cacao ouest-africain, pour avoir financé déjà les opération du Cocobod, régulateur de ce secteur au Ghana. Industrial and Commercial Bank of China ainsi que China Development Bank sont également très actives dans le financement de projets en Côte d’Ivoire.

Objectif : réduire la dépendance aux pressions du marché

Le projet, évoqué dès la fin 2019, est décliné en la construction d’unités industrielles de transformation de cacao à Abidjan et à San Pedro, d’une capacité de 50 000 tonnes, censé permettre une revalorisation du cacao ivoirien encore trop souvent exporté à l’état brut. Le CCC entend aussi construire deux entrepôts pouvant stocker 150 000 tonnes chacun, qui devraient permettre de contrôler la mise sur le marché du cacao et, par là, influencer l’offre et les cours de cette matière première.

« C’est la vision du président Alassane Ouattara que nous exécutons, pour permettre aux paysans d’avoir un prix décent. Ce plan ne nous mettra plus sous la pression du marché international » a confié à Jeune Afrique, Yves Koné, le directeur général du CCC. Une école de formation de formation aux métiers du chocolat est prévue. Le site d’Abidjan sera bâti dans la nouvelle zone industrielle du PK 24 d’Akoupé-Zeudji, au nord de la capitale économique.

Depuis deux ans, la Côte d’Ivoire et le Ghana oeuvrent à la création d’une « Opep du cacao » pour influencer les cours mondiaux. Les deux États qui représentent plus de 60% de l’offre mondiale ont instauré à partir de la campagne de commercialisation de la récolte 2020-2021, un mécanisme de différentiel de revenu décent (DRD) de 400 dollars la tonne sur tous les contrats conclus avec les négociants et exportateurs.

Avec Jeune Afrique par Baudelaire Mieu à Abidjan

Cacao : la Côte d’Ivoire et le Ghana suspendent leurs ventes pour atteindre un prix plancher

juin 13, 2019

Cacao en Côte d’Ivoire. © Fernando Llano/AP/SIPA

 

La Côte d’Ivoire et le Ghana ont annoncé la suspension de leurs ventes de cacao qui sera récolté lors de la campagne 2020-2021. L’objectif est d’atteindre un prix minimum de 2 600 dollars la tonne et créer une plus-value pour les producteurs.

La Côte d’Ivoire et le Ghana, les deux plus gros producteurs mondiaux de fèves de cacao, ont franchi une nouvelle étape dans leur partenariat stratégique afin de dompter les cours internationaux du cacao. Le 11 juin à Accra, les deux gendarmes de la filière, le Cocobod du Ghana et le Conseil café-cacao (CCC) de Côte d’Ivoire, ont décidé d’un commun accord de geler les ventes de fèves à partir de la saison 2020-2021, qui démarre le 1 octobre 2020.

Les deux États sont allés plus loin, en proposant un prix plancher de 2 600 dollars la tonne (2 300 euros), en dessous duquel aucune fève ne sera mise sur le marché. Les cours internationaux sont actuellement autour de 2 400 dollars.

Vendre par anticipation 80% de la récolte

La Côte d’Ivoire et le Ghana représentent plus de 60% des approvisionnements mondiaux de cacao, avec environ 3 millions de tonnes de récolte prévues pour la campagne 2018-2019 en cours. La Côte d’Ivoire, dans le cadre de ce partenariat stratégique, a aligné son système de commercialisation sur celui du Ghana depuis le démarrage de la campagne 2018-2019, débutée le 1 octobre 2018. Les deux producteurs mondiaux ont désormais un système de mise sur le marché similaire, qui consiste à vendre par anticipation 80% de la récolte, et surtout à aller sur le marché quand les cours sont bons.

« Les deux systèmes de commercialisation ne sont pas encore globalement intégrés, mais le mécanisme est similaire », explique une source du Conseil café-cacao. Les deux pays se réunissent de façon alternée à Abidjan et à Accra. Le prochain rendez-vous est prévu à Abidjan, le 3 juillet prochain, pour réfléchir sur la stratégie d’implémentation du prix plancher.

« Quand les deux chefs de l’État auront validé tout le processus, nous irons à la rencontre des industriels et des pays consommateurs pour leur expliquer que cette décision n’est pas contre eux », a expliqué à Jeune Afrique Yves Brahima Koné, le directeur général du CCC.

Aide aux producteurs

La limite de cette décision est qu’aujourd’hui, 80% des stocks de cacao sont localisés dans les pays consommateurs. Les stocks mondiaux étaient estimés à 4,79 millions de tonnes au premier trimestre 2019. En mars 2018, les présidents Alassane Ouattara et Nana Akufo-Addo ont lancé la déclaration d’Abidjan, une initiative destinée à lancer les jalons d’une coopération étroite entre les deux pays dans la cacaoculture, en vue de contrôler le marché du cacao, et surtout créer une plus-value pour les producteurs et pour les recettes d’exportation.

Selon les statistiques de l’Organisation internationale du cacao (ICCO), 15 milliards de dollars de TVA reviennent aux pays consommateurs tandis les producteurs ne glanent que 6 milliards de dollars, avec un chiffre d’affaires de 100 milliards de dollars dans l’industrie du cacao. Une donne que veulent inverser les pays producteurs. La stratégie entre le Ghana et la Côte d’Ivoire prévoit l’industrialisation sur place des fèves et la lutte contre les maladies du verger de cacao.

13 juin 2019 à 10h33 | Par Baudelaire Mieu – à Abidjan

 

 

Côte d’Ivoire: les milliards envolés de la campagne cacao de 2016-2017

avril 28, 2018

 

Dans l’usine de Saf Cacao, l’un des plus grands exportateurs ivoiriens, à San Pedro. © Jessica Dimmock/VII/REDUX-REA

Le Conseil café-cacao (CCC) a perdu près de 185 milliards de FCFA lors de la campagne cacao 2016-2017, selon un audit de la filière que JA a pu consulter.

L’audit de la filière cacao effectué par KPMG avait été commandé à l’issue de la campagne 2016-2017. Les conclusions de ce document remis le 12 mars au ministère de l’Agriculture et du développement rural (Minader), et que JA a pu consulter, dressent un portrait particulièrement sévère de la gestion de la filière et du Conseil café-cacao (CCC), la structure publique l’encadrant, dirigée à l’époque par Massandjé Touré-Litsé.

Le coût de la crise

Selon le cabinet international d’expertise‐comptable, d’audit et de conseil, la crise qu’a connue la filière cacao lors de la campagne 2016-2017 a coûté 185 milliards de FCFA net (222 millions d’euros). Si « la surproduction a engendré un soutien (étatique) de 86 milliards », « la revente de contrats en défaut a entraîné un coût de 68 milliards ». Enfin, « l’utilisation des volumes de la récolte intermédiaire pour honorer des contrats de la récolte principale a conduit à un soutien de 32 milliards ».

L’audit nous apprend que le gouvernement a utilisé le fonds de stabilisation (logé dans les banques commerciales et financé depuis la campagne 2012-2013) pour compenser ces pertes. 197 milliards de FCFA y ont été prélevés. Le fonds de réserve est de son côté toujours crédité de 170 milliards de FCFA.

Un système de commercialisation déficient

On le sait, la filière cacao a été durement touchée par la soudaine chute des prix en juillet 2017. Mais selon KPMG, des « facteurs endogènes ont eu un effet catalyseur » et ont accentué ces difficultés.

Les contrats en défaut (accordés par le CCC à des exportateurs incapables de les vendre) sont particulièrement pointés du doigt. Si une bonne partie avait déjà été annulée par le CCC, l’audit de KPMG en a identifié de nouveaux. Au total, sur la campagne 2016-2017, ils représentent un volume de 220 303 tonnes de fèves pour un montant de 399 000 milliards de FCFA (608 millions d’euros). Ces contrats représentent 20 % des ventes anticipées, c’est-à-dire faites par le Conseil café-cacao avant le début de la campagne. Une fois annulés, ils ont été revendus à d’autres acheteurs mais à des prix bien moins importants, ce qui explique la perte de 68 milliards évoquées plus haut.

32 exportateurs sont concernés. 68 % d’entre eux sont membres du groupement d’intérêt économique PMIEX-Coopex (Petites et moyennes industries et des coopératives exportatrices de café-cacao), dont les conditions d’accès au marché ont été allégées afin d’ouvrir l’exportation de cacao aux Ivoiriens. À noter que Saf Cacao, dirigé par Ali Lakiss et quatrième exportateur national, fait également partie des sociétés les plus touchées avec 15 000 tonnes. 

Pour KPMG, les difficultés rencontrées pour estimer la production annuelle de cacao ont également des conséquences néfastes. Lors de la campagne 2016-2017, la Côte d’Ivoire a produit 250 000 tonnes de plus, soit un surplus de 16 %. Cette surproduction a entraîné un déséquilibre entre l’offre et la demande. Pour compenser la baisse des prix qui en a résulté et maintenir le prix bord champs destiné aux producteurs, le gouvernement a dû mettre la main à la poche.

L’audit révèle également qu’en fixant le prix de référence (destiné aux exportateurs) en fonction de la moyenne de la production des trois dernières campagnes, sans tenir compte de la hausse de la production, le CCC n’a pas anticipé les conséquences de la baisse des prix. « Ce choix a induit un coût supplémentaire de 36 milliards de FCFA », poursuit le rapport.

La gestion du CCC critiquée

Pour KPMG, la crise de la filière cacao s’explique notamment par des « dysfonctionnements dans l’application des règles de gestion des opérations commerciales et des règles de détermination de la production ». Dans le cas des contrats en défaut, le cabinet international cible deux causes : la spéculation de certains opérateurs et la mauvaise gestion du CCC. « L’absence, au niveau du Conseil, d’un suivi rigoureux des procédures d’agrément des exportateurs et d’une procédure de vérification de leur capacité à honorer leurs engagements », peut-on lire dans le rapport d’audit.

KPMG évoque également l’existence de potentiels conflits d’intérêts entre les administrateurs du CCC et la politique menée par cet organe public

Lors de ses enquêtes, KPMG a notamment remarqué que « les décisions d’agrément des exportateurs n’étaient pas toujours justifiées », que « les adjudications de volumes aux exportateurs ne sont pas corrélées avec leur capacité financière », et que « les sujets critiques et structurants ne sont pas traités en conseil d’administration, ce qui ne permet pas à cet organe de direction de jouer entièrement son rôle de pilotage et de contrôle des activités de la filière ».

KPMG évoque également l’existence de potentiels « conflits d’intérêts entre les administrateurs du CCC et la politique » menée par cet organe public. Les auditeurs s’étonnent ainsi que des exportateurs rejetés par le comité technique d’agrément apparaissent sur la liste des exportateurs agréés, publiée fin septembre 2016, et demandent dans leurs conclusions à ce que l’allocation des contrats internationaux soit mieux documentée « afin de justifier la pertinence des décisions prises par le CCC ».

Enfin, le rapport d’audit estime que le Conseil café-cacao a réagi trop tardivement pour tenter de juguler la crise. Pour les auditeurs, « la réaction tardive du Conseil lors de la crise a « crispé les opérateurs, semé le doute et finalement accentué la crise de commercialisation du cacao en Côte d’Ivoire. »

Jeuneafrique.com par – à Abidjan

Comment la Côte d’Ivoire se retrouve avec 400 000 tonnes de cacao invendues sur les bras

février 16, 2017

Après la chute des prix du cacao en 2016, une partie de la production ivoirienne est en souffrance. Les exportateurs attendent des dédommagements et les producteurs entament une grève.

Des camions chargés de fèves de cacao attendent au port d’Abidjan, le 16 février 2017.

Des camions chargés de fèves de cacao attendent au port d’Abidjan, le 16 février 2017. Crédits : Charles Bouessel    
Dans le port d’Abidjan, les rues ont rétréci. Impossible de trouver un bout de trottoir vide. Partout sont garés des camions chargés de cacao. Des conducteurs somnolent, à l’ombre des essieux rouillés. Depuis novembre 2016, les ventes de fèves brunes sont quasiment bloquées.

« Mes quatre camions sont toujours immobilisés ! Et en brousse, nos magasins sont pleins à craquer. Avec la pluie, le cacao va pourrir », peste Raymond, un directeur de coopérative coincé depuis deux jours au port. La veille, les « rats du port » (surnom attribué aux voleurs) lui ont dérobé des sacs de fèves. Sans compter les camions loués qui sont facturés 50 000 francs CFA par jour de retard (76 euros). Comme lui, ils sont nombreux à pâtir de la situation : la filière cacao génère deux tiers des emplois et des revenus dans le pays, 50 % des recettes d’exportation et 15 % du PIB de la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial.

Congestion dans les ports

Le blocage résulte d’une combinaison de facteurs imprévus, générés par la chute de 25 % du cours mondial du cacao en novembre. En espérant éviter de perdre de l’argent, de nombreux exportateurs ont annulé leurs ordres d’achats passés l’an dernier et portant sur environ 15 % de la production annuelle. Remis en vente, ce cacao congestionne les ports. Dépassé par la situation, le Conseil du Café Cacao (CCC), organe étatique chargé de contrôler et stabiliser la filière, a tardé à réagir.

Lire aussi :   Le cours du cacao se cabosse

Craignant de voir les planteurs perdre une partie de leur récolte, le syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire (SYNAP-CI) et d’autres associations, représentant 98 000 producteurs de cacao, ont entamé, mercredi 15 février, une grève illimitée pour exiger, entre autres, le règlement de la situation et une meilleure transparence de la filière.

« Le blocage est la faute du CCC qui n’a toujours pas dédommagé les exportateurs ! », s’exaspère Moussa Koné, président du syndicat. Le CCC décrète pour chaque saison un prix minimum que doivent toucher les planteurs. Fixé à 1 100 francs CFA le kilo (1,67 euro) « bord champs », ce prix oblige les exportateurs à vendre le kilo au-dessus de 1 800 francs CFA (2,74 euros) pour rentrer dans leurs frais. Mais avec la chute des cours à l’automne, le kilo s’échange actuellement autour de 1 300 francs CFA (1,98 euro) sur le marché international.

Dans le cas des ventes « spot », soit au cours du marché (une vente qui concerne entre 10 et 20 % de la production de cacao ivoirien, le reste étant vendu par anticipation, un an à l’avance), l’exportateur va donc perdre 500 francs CFA par kilo vendu. Le CCC est censé le dédommager de la différence, à l’aide d’un fonds de stabilisation et d’un fonds de réserve alimentés par l’argent de la filière pour servir en cas de coup dur. Mais la chute des prix mondiaux fin 2016 est si brutale que les dédommagements atteignent des sommes considérables. Il est question de plusieurs millions d’euros par semaine.

« On nous dit qu’il y a encore au moins 140 milliards de francs CFA (213,5 millions d’euros) dans le fonds de réserve, en plus des autres fonds de stabilisation. Alors pourquoi l’argent n’est-il pas débloqué ? », s’énerve Moussa Koné, qui craint que l’argent ne se soit envolé. « Ils sont incapables de sortir les 140 milliards, on ne sait pas pourquoi », confirme une source proche d’une institution financière en lien avec le CCC.

« Pas facile à siphonner »

Face à ce blocage systémique, le CCC a d’abord louvoyé. « Ils ont cherché à gagner du temps. Ils essaient simplement de sauver leur poste », déplore le dirigeant d’une grosse société d’exportation qui préfère rester anonyme. Il se veut pourtant rassurant : « Le fonds de réserve est détenu à la BCEAO [Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest]. Il faut une décision du conseil des ministres pour y avoir accès. L’argent ne peut pas être siphonné facilement ».

Le Conseil admet désormais qu’il y a eu un problème et affirme qu’il est en passe de le résoudre. « Les niveaux des stocks en région ont baissé de 20 % depuis janvier. Rien que dans les banques commerciales, nous avons assez pour payer les soutiens. La semaine dernière, nous avons payé 20 milliards de francs CFA aux exportateurs. Nous avons aussi raccourci les délais de paiement de trois semaines à moins de dix jours. », se félicite Massandjé Touré-Litsé, directrice du CCC.

En 2016, des exportateurs spéculateurs ont acheté par anticipation – au prix fort, sans contreparties et sans ligne de crédit – près de 400 000 tonnes de cacao de la saison actuelle, pensant que les cours allaient continuer de grimper. Aujourd’hui, ils se retrouvent en défaut de paiement sur près de 350 000 tonnes, selon Bloomberg. Le CCC, lui, avance des chiffres bien moins importants, et qui suscitent la méfiance de certains acteurs de la filière. « Les spéculateurs ont exploité les failles du système. Le CCC les a laissés faire et s’est aussi enrichi », estime notre exportateur, qui estime que la ponction nécessaire dans les caisses du CCC va être considérable. « Pour l’Etat, cela représente une baisse de rentrée fiscale de plus de 120 milliards de FCFA », calcule-t-il.

A ces 350 000 tonnes – dont 180 000 ont déjà été remises sur le marché, selon Bloomberg, et moins selon le CCC – s’ajoute une surproduction de 100 000 tonnes par rapport aux estimations du Conseil. « Cela fait près de 400 000 tonnes d’invendus, qui poussent encore davantage à la baisse du prix du marché », poursuit l’exportateur. S’il dit vrai, les invendus représenteraient 22 % d’une production annuelle de 1,8 million de tonnes environ.

Les exportateurs interrogés confirment que le CCC a commencé, très lentement, à payer une partie des dédommagements. En attendant, le cacao continue de pourrir en brousse et dans le port, alimentant le désespoir des planteurs. Qui ne sont pas au bout de leur peine. La saison prochaine, c’est le prix « bord champs » qui risque de chuter à son tour.

            

Lemonde.fr par Charles Bouessel (contributeur Le Monde Afrique, Abidjan)

 

La Côte d’Ivoire lance un label pour son cacao

octobre 1, 2016

Premier producteur mondial de cacao, la Côte d’Ivoire a lancé samedi à l’occasion de la journée mondiale du cacao un label « origine Côte d’Ivoire ». L’objectif est mieux « valoriser » son produit.

Il s’agit « d’informer le consommateur que nous ne sommes pas seulement le premier producteur mondial mais que notre cacao est le meilleur », a affirmé le ministre de l’Agriculture Mamadou Sangafowa Coulibaly à l’ouverture des Journées nationales du cacao et du chocolat à Abidjan.

« Ce qui pousse ici, pousse ailleurs, mais ce qui pousse ici a meilleur goût », a-t-il résumé. Il espère que le label du cacao ivoirien connaisse le même succès que le label « café de Colombie ».

Les consommateurs connaissent « d’autres origines dont les goûts sont en-dessous du nôtre (…) Il était temps de remettre les choses à leur place. Cette valeur n’a jamais été captée par le producteur ivoirien », a souligné le ministre.

« Il s’agit de sortir de la commodité (matière première) et d’aller vers le goût », a estimé Patrick Poirier, président du Syndicat du chocolat français. Il participera à l’élaboration du cahier des charges avec le Conseil du Café-Cacao ivoirien et des artisans chocolatiers confiseurs français.

Premiers logos en 2017
Les premiers logos devraient apparaître sur des chocolats en 2017, a-t-il confié soulignant vouloir mettre en valeur le goût mais aussi les notions de développement durable, de protection de l’environnement, de justice sociale et de transparence de la filière.

Plus de 70% de chocolat consommé en France comporte un peu de cacao ivoirien, a-t-il précisé estimant qu’il fallait « sortir de la quantité pour aller vers la qualité ». « Il faut permettre au chocolatier européen d’être fier » de vendre du chocolat ivoirien, a conclu M. Poirier.

Le cacao est vital pour l’économie ivoirienne. Ce secteur représente 15% du PIB, plus de 50% des recettes d’exportation et surtout, les deux tiers des emplois (directs et indirects) et des revenus de la population, selon la Banque mondiale.

Lors de son discours d’ouverture de la manifestation, le premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan a rappelé que le président Alassane Ouattara avait fixé comme objectif de passer d’un taux de 33% de transformation des fèves en Côte d’Ivoire à un taux de 50% en 2020 pour « avoir plus de valeur ajoutée ».

Romandie.com avec(ats / 01.10.2016 18h53)

La Côte d’Ivoire va abriter le siège de l’Organisation internationale du cacao

septembre 30, 2015

La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, va abriter le siège de l’Organisation internationale du cacao (ICCO) jusqu’à présent basé à Londres (Angleterre), a-t-on appris mardi de source officielle.

« Le transfert depuis Londres va débuter le 1er octobre 2015 pour s’achever le 31 mars 2017, selon le protocole d’accord signé à Londres par le gouvernement de la Côte d’Ivoire, l’Organisation internationale du cacao et l’ensemble des pays membres », a indiqué mardi un communiqué du gouvernement ivoirien. « C’est une très bonne nouvelle pour la Côte d’Ivoire », a estimé le ministre ivoirien du Commerce, Jean-Louis Billon, qui pense qu’il est « normal que le premier producteur mondial de cacao accueille le siège de l’Organisation ». Il croit savoir que « cela va permettre aux pays producteurs d’avoir plus de poids dans la filière, notamment, l’organisation du marché, l’évolution des cours et les programmes de recherche agronomique ». « Cette décision s’inscrit aussi dans la volonté du gouvernement de développer la transformation locale des fèves pour créer plus de valeur sur place », relève Jean-Louis Billon.

La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao pour une production de plus de 1,7 million de tonnes en 2014, soit 35% des récoltes mondiales.

L’installation du siège de l’ICCO à Abidjan avait été décidée en mai 2002, mais cette décision n’était pas entrée en application en raison de la rébellion armée ponctuée huit ans plus tard par la crise post-électorale de 2010-2011.

Sur la saison en cours, quelque 540 000 tonnes de fèves vont être transformées en Côte d’Ivoire, soit un tiers de la production annuelle. Les ressources procurées par le cacao, avec le café, participent à hauteur de plus de 15% du PIB national et représentent 40% des recettes d’exportation de la Côte d’Ivoire.

Sur la saison 2013-2014, la production mondiale de cacao a atteint un chiffre d’affaires de 13 milliards USD, alors que la production de chocolat a généré des revenus près de dix fois supérieurs, selon l’Organisation internationale du cacao (ICCO).

En mars et mai, le président ivoirien Alassane Ouattara a inauguré deux usines de transformation de cacao et de production de chocolat à San Pedro (sud-ouest) avec le groupe singapourien Olam et à Abidjan avec le chocolatier français Cem.

Abidjan.net avec Xinhua

Cacao: la Côte d’Ivoire ne se contente plus de cultiver l' »or brun »

mars 27, 2015

Cacao: la Côte d'Ivoire ne se contente plus de cultiver l''or brun'
Cacao: la Côte d’Ivoire ne se contente plus de cultiver l' »or brun » © AFP

Premier producteur mondial de cacao, la Côte d’Ivoire entend s’imposer dans d’autres secteurs plus lucratifs de cette industrie: elle est en passe de devenir le numéro 1 de la transformation de fèves et s’est lancée dans la production industrielle de chocolat.

Avec plus de 35% des récoltes mondiales, et une production record de plus de 1,7 million de tonnes en 2014, ce pays très vert, dont les campagnes équatoriales regorgent de plantations, a fait du cacao son poumon économique depuis son indépendance en 1960.

L' »or brun » représente 22% du PIB, plus de 50% des recettes d’exportation et surtout les deux tiers des emplois et des revenus de la population, selon la Banque mondiale.

Mais les profits générés par les seules récoltes – 2,13 milliards d’euros pour les producteurs ivoiriens lors de la saison 2013-2014 selon le Conseil café-cacao de Côte d’Ivoire – pèsent peu au final dans l’industrie cacaoyère.

Sur la saison 2013-2014, la production mondiale de cacao a permis d’engranger quelque 13 milliards de dollars (un peu plus de 9 milliards d’euros au cours d’alors). A titre de comparaison, la production de chocolat en a généré près de dix fois plus, selon l’Organisation internationale pour le Cacao (ICCO).

La Côte d’Ivoire compte bien accroître sa part de cet alléchant gâteau. Les effluves de cacao envahissent toujours plus les quartiers d’Abidjan où les fèves sont transformées, notamment en pâte destinée à la fabrication du chocolat.

« Nous avons tout intérêt à exporter des produits finis et semi-finis », explique à l’AFP le ministre ivoirien du commerce Jean-Louis Billon.

Avec une stabilité retrouvée après dix ans de crises parfois sanglantes et une croissance de 9% par an entre 2012 et 2014 soutenue par des réformes économiques, la Côte d’Ivoire se profile comme un partenaire de choix.

Et elle est en train de devenir le premier broyeur mondial de fèves de cacao, selon des estimations de l’Organisation internationale du café et du cacao (ICCO).

– ‘Plus-value’ –

Quelque 540. 000 tonnes de fèves subiront cette première transformation en Côte d’Ivoire sur la saison, soit un tiers de la production annuelle de cacao ivoirien. Les autorités ivoiriennes ont comme objectif que 50% des fèves récoltées soient broyées sur place en 2020.

« Nous croyons à la nécessité de permettre aux pays producteurs d’avoir une plus-value. Nous les encourageons à broyer leurs produits », souligne Jean-Marc Anga, directeur exécutif de l’ICCO.

Tout un symbole, c’est un pays occidental, les Pays-Bas, que la Côte d’Ivoire détrône en tête de ce classement. Abidjan souhaite en outre attirer le siège de l’ICCO, actuellement basé à Londres, sur ses terres pour augmenter son influence dans le secteur.

« Transformer localement, c’est créer plus de valeur localement, c’est donner des emplois aux Ivoiriens, c’est apporter plus de ressources à l’Etat, c’est contribuer au développement de notre industrie », énumère Bruno Koné, porte-parole du gouvernement.

Début mars, le président Alassane Ouattara en personne a inauguré à San Pedro (ouest) l’usine flambant neuve de transformation du cacao d’Olam, une société singapourienne.

Cette dernière a investi quelque 75 millions de dollars (autant d’euros) dans la construction du site, d’une capacité de 75. 000 tonnes par an.

– ‘Aberration’ –

Mais la Côte d’Ivoire va au-delà de la transformation primaire: la chocolaterie française Cémoi investit 6 millions d’euros dans la construction d’une usine qui produira chocolat en poudre, en tablettes et en pâte à tartiner pour l’Afrique de l’ouest.

Si le chocolat produit localement existe déjà, Cémoi sera le premier groupe occidental à le fabriquer à échelle industrielle. Une stratégie relevant de « l’évidence » pour Patrick Poirrier, son directeur exécutif.

« Il y a dans cette région une classe moyenne qui s’est fortement développée et qui a le pouvoir d’achat pour acheter du vrai chocolat », assure-t-il à l’AFP.

« La consommation de chocolat est d’ores et déjà en train d’entrer dans les mentalités, comme la pâte à tartiner pour les enfants le matin », confirme un chercheur ivoirien en marge d’un conseil de l’ICCO qui se tient de mardi à vendredi à Abidjan.

Et de déclarer, souriant : « Ce n’est pas normal que le cacao doive quitter la Côte d’Ivoire pour ensuite y revenir. C’est une aberration qui va, je l’espère, être corrigée ».

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