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Burkina Faso : l’économie plie mais ne rompt pas

février 20, 2023

REPORTAGE. La pandémie, la guerre en Ukraine et l’inflation menacent le pouvoir d’achat des Burkinabés. Pour l’État, il s’agit d’être sur tous les fronts.

L'activite economique a ralenti au Burkina Faso en 2022, alors que l'inflation a enregistre une hausse passant a deux chiffres.
L’activité économique a ralenti au Burkina Faso en 2022, alors que l’inflation a enregistré une hausse passant à deux chiffres. © OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

Alors que les opérations de la force française Sabre ont pris fin dimanche, et que sur un autre plan, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a décidé le maintien des sanctions contre le pays dirigé par des putschistes, c’est peu dire que le Burkina Faso se retrouve dans une situation délicate qui impacte fortement le développement économique du pays. Depuis plusieurs années déjà, le pays des Hommes intègres est fortement engagé dans la guerre contre un terrorisme redoutable qui nécessite des moyens importants, mais il doit aussi faire face à des chocs exogènes, comme la pandémie de Covid-19 ou la guerre en Ukraine. Le Burkina Faso est également touché par les crises climatiques caractérisées par des cycles d’inondations ou de fortes sècheresses. Autant de facteurs qui mettent à mal les projections sur le long terme et affectent le quotidien des populations. Surtout avec une inflation à deux chiffres ces derniers mois, estimée à 14,6 % en moyenne en 2022. Comment les Burkinabés s’y prennent-ils pour faire face aux différents chocs, alors qu’ils sont les premiers à faire les frais de la récurrence de l’instabilité politique ? De quels moyens dispose le gouvernement pour franchir le cap sans trop de dégâts ? 

Un quotidien fait d’adaptation

Adama T. est enseignant. La journée de ce fonctionnaire commence par une prise en charge des siens : le petit déjeuner, la popote du jour et l’argent de poche pour ses trois enfants. Pour tout cela, il doit débourser au moins 2 000 francs CFA (3,05 euros). L’enseignant, qui se rend au travail à moto, fait vite le calcul : « Mon domicile est à environ 15 km de l’école. Par jour, je consacre un peu plus de 500 francs CFA en moyenne pour le carburant », évalue-t-il. Pour économiser sur l’essence, Adama préfère ne pas retourner à la maison quand c’est la pause de la mi-journée. Une option qui implique tout de même des frais, essentiellement pour sa restauration : pas moins de 500 francs CFA.

Avec un revenu mensuel d’environ 260 000 francs CFA (396,41 euros), le fonctionnaire consacre une grande partie de cette somme à ses besoins personnels et à ceux de sa famille. Par mois, près d’un cinquième du revenu d’Adama, soit environ 50 000 francs CFA, est destiné à l’alimentation. À cela, il faut ajouter la facture d’électricité (8 000 à 10 000 francs le mois), celle de l’eau (5 000 à 6 000 francs), le loyer (65 000 francs CFA), les provisions en céréales et d’autres denrées vitales. Mais aussi des « imprévus », comme lorsqu’il s’agit de soigner un membre de la famille. « Au final, on n’arrive pas à s’en sortir. Pour éponger les dépenses obligatoires, on fait parfois dans la débrouillardise », reconnaît l’enseignant. Et c’est sans compter avec des dépenses fixes, comme la scolarité des enfants : « Pour mes trois enfants, j’ai dépensé un peu plus de 350 000 francs CFA cette année pour leur scolarité », assure Adama T. Pas de place donc pour des loisirs, comme « aller au ciné ou s’offrir une bouteille de bière ».

Ousmane Bancé, cordonnier et cireur de chaussures, s’en sort encore moins qu’Adama. La journée de ce père de six enfants commence, là aussi, par de quoi faire bouillir la marmite le soir venu, entendez l’argent de la popote. Un devoir pour lui dans une société burkinabée à dominance patriarcale. « Chaque matin, je dois débourser entre 500 et 1 000 francs CFA pour la cuisine », confie l’époux de deux femmes. Même si un vélo qu’il a comme moyen de transport l’exempte de la dépense quotidienne en carburant, Ousmane arrive à peine à joindre les deux bouts, avec des recettes journalières comprises entre 2 000 et 2 500 francs CFA. « Chaque jour, je dois prier qu’il ne survienne pas d’imprévus, un problème de santé par exemple. Sinon, je suis complètement désorganisé », confie le cordonnier. À revenu égal, les angoisses sont presque les mêmes. Ce n’est pas Issa Kéré, vendeur ambulant à Ouagadougou, qui dira le contraire. Pousser un chariot jonché de divers articles (cigarette, bonbons, savon en poudre…), sillonner les artères de la ville et slalomer entre les allées du grand marché de la capitale à la recherche de clients constitue le travail de ce jeune homme qui tutoie la trentaine, contre des recettes d’environ 2 000 francs CFA par jour. 

Insécurité, Covid-19, guerre russe en Ukraine : un cocktail explosif

À quelques montants près, les dépenses prioritaires des Burkinabés au quotidien sont quasiment les mêmes d’un consommateur à un autre : l’alimentation, le déplacement, les soins, les frais de communication… Et avec des revenus élevés ou pas, ils sont nombreux à partager le ressentiment d’un coût de la vie de plus en plus élevé par rapport au pouvoir d’achat. « De jour en jour, tout augmente », constate Fanta Bélem Fofana, employée du secteur privé. C’est aussi le constat de Mahamadi Compaoré, commerçant. Ce vendeur de chaussures se réjouit de pouvoir faire des recettes de 5 000 à 6 000 francs CFA la journée. « Suffisant, dit-il, pour honorer les dépenses élémentaires », mais bien loin de lui permettre de faire des investissements et de réaliser des projets comme il en fourmille. « J’ambitionne, moi aussi, de me construire un logement assez commode, ce dont je ne dispose pas pour le moment. Bien au-delà, je rêve de pouvoir m’offrir un jour une voiture », projette le commerçant, avant de pousser un « hélas ! » de… désespoir. « Sur le marché, presque tout est devenu inaccessible. À commencer par les denrées alimentaires », déplore Mahamadi Compaoré. Son voisin d’étal, Ablassé Tamalgo, argumente dans le même sens : « J’ai l’impression que les années antérieures, j’avais un revenu qui correspond juste à mes dépenses élémentaires. Maintenant, le même montant ne suffit plus. Une partie de mes recettes journalières finissent par exemple dans l’achat de l’essence, dont le prix a connu une augmentation récente », raconte-t-il. En effet, le prix à la pompe du super 91 a été revu à la hausse, début février, par le gouvernement de transition. Ainsi, le litre d’essence, acheté jusqu’alors à 750 francs CFA, coûte désormais 850 francs CFA.

Pour nombre de consommateurs, il ne faut pas chercher loin les raisons de ce renchérissement de la vie. « L’activité tourne au ralenti, principalement à cause de l’instabilité sécuritaire [qui a causé la mort de plusieurs milliers de personnes et le déplacement de près de deux millions d’autres en sept ans]. Les productions sont impossibles dans les zones à risque et cela affecte la disponibilité de certains produits. En plus de cela, il faut compter avec le fait que l’augmentation répétée du prix de l’essence impacte directement le coût de la vie », croit savoir Marc Yigui, vendeur de ceintures rencontré au grand marché de Ouagadougou. Il n’y a pas que la crise sanitaire due au Covid- 19, et bien d’autres chocs, exogènes ou non, ont affecté le pouvoir d’achat.

Une économie qui résiste malgré tout

Dressant la situation économique et financière du Burkina en 2022 et les perspectives sur la période 2023-2025, le ministre burkinabé des Finances, Aboubacar Nacanabo, fin janvier dernier, l’a d’ailleurs relevé en ces propos : « L’activité économique et la gestion des finances publiques en 2022 ont été marquées par la crise russo-ukrainienne, les tensions géostratégiques et la résurgence de nouvelles variantes du Covid-19. » Il ajoutait qu’au plan national, « on note la persistance des attaques terroristes, le déplacement interne massif des populations et ses conséquences humanitaires et l’avènement de transitions politiques ». Selon des données du ministère des Finances, l’économie a enregistré une décélération du rythme de sa croissance pour s’établir à 2,7 % en 2022 contre 6,9 % en 2021, tandis que pour l’ensemble de l’année 2022, l’inflation est ressortie en moyenne annuelle à 14,6 % contre 3,9 % en 2021.

Face à cette situation économique du pays, les Burkinabés font montre de résilience. Une économie et un pays qui plient, mais ne rompent pas. Le gouverneur de la BCEAO, la Banque centrale sous-régionale ouest-africaine, Jean-Claude Kassi Brou, a récemment apporté son soutien aux autorités du pays face à la donne économique. « La croissance économique en 2022 est ressortie positive et devrait continuer à s’améliorer en 2023 avec notamment l’amélioration de la campagne agricole », a-t-il observé, tout en notant que « l’inflation reste un défi pour l’économie burkinabée comme c’est le cas dans tous les autres pays de l’espace Uemoa », a-t-il dit, lors d’une visite récente au président de la transition burkinabée, le capitaine Ibrahim Traoré. L’espoir est donc permis et beaucoup, comme Ablassé Tamalgo, sont optimistes. Ce commerçant, comme nombre de ses compatriotes, espère que les obstacles à la relance de l’économie, dont la crise sécuritaire, pourront être levés le plus tôt que possible.

Le Point par le correspondant à Ouagadougou, Bernard Kaboré

Mali : la Cédéao impose des sanctions individuelles aux membres de la junte

novembre 7, 2021
Mali : la Cedeao impose des sanctions individuelles aux membres de la junte
Mali : la Cédéao impose des sanctions individuelles aux membres de la junte© AFP/Nipah Dennis

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a imposé dimanche à Accra des sanctions individuelles aux membres de la junte au pouvoir au Mali, en raison du retard dans l’organisation des élections, a annoncé un responsable de cette organisation régionale.

« Toutes les autorités de la transition sont concernées par des sanctions qui vont entrer en application immédiatement », a dit à l’AFP le président de la Commission de la Cédéao, l’Ivoirien Jean-Claude Kassi Brou, à l’issue d’un Sommet extraordinaire sur la situation au Mali et en Guinée, où des militaires ont également pris le pouvoir.

Ces sanctions comprennent l’interdiction de voyager et le gel de leurs avoirs financiers, a-t-il détaillé, précisant qu’elles visaient aussi les membres de leurs familles

Selon lui, « le Mali a officiellement écrit » au président en exercice de la Cédéao, le Ghanéen Nana Akufo-Addo, pour lui notifier qu’il n’était pas possible que les élections se déroulent à la date prévue.

« La Cédéao a décidé de sanctionner tous ceux et celles qui sont impliqués dans le retard » de l’organisation des élections programmées pour le 27 février 2022 au Mali, a expliqué M. Kassi Brou.

Selon le communiqué final, des sanctions supplémentaires vont être étudiées et proposées au cours du prochain sommet en décembre « si la situation persiste ».

A l’occasion d’un sommet le 16 septembre à Accra, l’organisation régionale avait exigé des militaires maliens le « respect strict du calendrier de la transition » vers le rétablissement d’un pouvoir civil.

Fin octobre, une délégation du Conseil de sécurité de l’ONU en visite au Mali avait insisté auprès des autorités sur l’importance de respecter le calendrier électoral censé permettre le rétablissement d’un gouvernement civil.

Nouveau coup de force

Après le putsch du 18 août 2020 à Bamako, la Cédéao avait suspendu le Mali de ses rangs et stoppé les échanges financiers et commerciaux avec ce pays, en proie à un cycle de violences jihadistes et intercommunautaires.

La Cédéao avait levé ces sanctions après avoir obtenu de la junte la nomination de deux civils, Bah Ndaw et Moctar Ouane, respectivement aux fonctions de président et de Premier ministre de transition, ainsi que son engagement à rendre le pouvoir aux civils dans un délai de 18 mois maximum.

Mais depuis, le colonel Assimi Goïta, le chef de la junte, a opéré en mai dernier un nouveau coup de force en déposant MM. Ndaw et Ouane et en se faisant investir président de la transition.

La Cédéao avait alors à nouveau suspendu le Mali de ses organes de décisions, mais n’avait pas pris de nouvelles sanctions.

Le 26 octobre, le Mali avait déclaré « persona non grata » le représentant spécial de la Cédéao, Hamidou Boly, lui reprochant des « agissements incompatibles avec son statut ». Celui-ci avait quitté le pays le lendemain.

Les dirigeants de la Cédéao ont dimanche « condamné l’expulsion » de M. Boly.

Ils ont également maintenu les sanctions individuelles déjà prises contre les militaires qui se sont emparés du pouvoir le 5 septembre en Guinée et la suspension de ce pays de l’organisation, a dit M. Brou.

Les dirigeants des Etats membres de la Cédéao ont réitéré la nécessité d’organiser les élections dans un délai de six mois en Guinée et insisté sur « l’urgence de libérer » le président déchu Alpha Condé, 83 ans, en résidence surveillée depuis le coup d’Etat.

Ils ont en outre nommé Mohamed Ibn Chambas envoyé spécial de la Cédéao pour la Guinée, un pays à l’histoire tourmenté, qui a connu pendant des décennies depuis l’indépendance des régimes autoritaires ou dictatoriaux jusqu’à l’élection de M. Condé en 2010.

Fin octobre, une délégation de la Cédéao à Conakry avait relevé une « dynamique positive » en Guinée « vers un retour à l’ordre constitutionnel ».

« Des progrès ont été réalisés. Il y a des aspects positifs qu’il faut noter », avait estimé Jean-Claude Kassi Brou qui dirigeait la délégation, citant l’adoption d’une charte de la transition et la mise en place progressive des organes de la transition.

Par Le Point avec AFP