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Football : pourquoi les clubs français attirent les investisseurs étrangers

décembre 27, 2022

Avec John Textor comme nouvel actionnaire, l’OL devient le dixième club de L1 à basculer sous pavillon étranger. Une tendance qui ne faiblit pas.

Malgre de multiples reports et tractations, le rachat de l'OL par John Textor a bien ete acte.
Malgré de multiples reports et tractations, le rachat de l’OL par John Textor a bien été acté.© OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

Après plusieurs reports consécutifs, l’Olympique lyonnais a changé de propriétaire en cette fin d’année 2022. Jean-Michel Aulas et John Textor ont trouvé un accord : le dirigeant américain détient désormais « 77,49 % du capital d’OL Groupe sur une base non diluée », d’après le communiqué du club du 19 décembre dernier.

Comme le PSG, l’OM, l’AS Monaco ou encore l’OGCN Nice, le club rhodanien est désormais détenu par un actionnaire étranger. Et bientôt Lorient pourrait également changer d’actionnaire principal, avec l’Américain Bill Foley, qui s’intéresse aux Merlus après avoir fait l’acquisition de Bournemouth en Premier League.

«Les propriétaires traditionnels ont ressenti une forme d’épuisement »

Ce phénomène qui a démarré au début des années 2010 en France s’est accentué. Contacté par Le Point, l’économiste du sport Christophe Lepetit explique pourquoi les équipes de L1 ont changé de visage. « Les actionnaires traditionnels de ces clubs, qui étaient des dirigeants avec des fortunes nationales ou des entrepreneurs locaux, étaient de plus en plus vendeurs. Leurs clubs leur coûtaient beaucoup d’énergie et d’argent, souvent à perte. Ils ont ressenti une forme d’épuisement. » Il faut dire que les présidents et actionnaires emblématiques du football français ont petit à petit laissé leur place : Louis Nicollin, Michel SeydouxJean-Louis Triaud ou encore Gervais Martel.

Si les clubs français n’ont pas toujours les résultats espérés, notamment sur la scène européenne, leur capacité à sortir régulièrement des talents et ainsi dégager des millions en transfert reste un atout majeur. Sur la période 2018-2023, dans les cinq grands championnats européens, la L1 est la seule à dégager un solde positif du mercato, avec 257,3 millions d’euros selon le site Transfermarkt. « Le marché des transferts est en inflation permanente, poursuit Christophe Lepetit. Le potentiel de croissance est là : une partie des rachats de clubs a été effectuée après l’Euro 2016 et les nouveaux stades rénovés qui offrent de nouvelles possibilités. Même si on a eu la claque des droits TV avec Mediapro, l’intérêt pour ces clubs n’a pas été impacté. »

La Premier League inaccessible, la L1 en plan B

Avec cette manne financière, les investisseurs étrangers ont senti le bon filon, mais entre le business et une gestion saine, beaucoup s’y sont cassé les dents : Gérard Lopez à Lille, les Américains aux Girondins ou encore Aziz Mammadov à Lens. Cependant, la L1 reste plus abordable que la Premier League. « Les clubs français ont des caractéristiques intéressantes, affirme Christophe Lepetit. Quand vous êtes un homme d’affaires américain ou chinois, vous regardez instinctivement l’Angleterre. Mais les sommes d’acquisition sont très importantes : on parle de centaines de millions d’euros, voire de milliards. » Par exemple, en raison du conflit ukrainien, Roman Abramovitch a été contraint de céder Chelsea pour un montant estimé à 4,97 milliards d’euros.

Mais par rapport au reste de l’Europe, le championnat français présente aussi d’autres avantages. « En Allemagne, vous ne pouvez pas toujours investir car il y a la règle des 50 + 1, prescrivant qu’un dirigeant ne peut être propriétaire que de 49 % des parts d’un club de Bundesliga, les parts restantes étant celles des supporteurs. En Espagne, de la même façon, on a les socios, qui sont très regardants… Alors qu’en France, on a des clubs peu chers, qui étaient en bonne santé avant le Covid grâce au gros travail de la DNCG, le gendarme financier », détaille Christophe Lepetit. D’ailleurs, la L1 n’est pas la seule à être attractive : la Ligue 2 suscite aussi de l’intérêt. Bahreïn a notamment investi dans le Paris FC tandis que Sochaux est détenu par le groupe immobilier chinois Nenking. Enfin, les deux clubs normands, Caen et Le Havre, appartiennent à des Américains.

L’arrivée de CVC pour un avenir plus radieux ?

Et dans les dix clubs de L1 détenus aujourd’hui par des propriétaires étrangers, on observe différentes stratégies selon la dimension des clubs. « On a quasiment un actionnaire par club. Il y a des logiques géopolitiques comme QSI au Paris Saint-Germain, des profils industriels avec la création de conglomérats sportifs (notamment Troyes et Nice). On a aussi Frank McCourt à Marseille, qui est plutôt le type d’hommes d’affaires américain passionné de sport qui veut diversifier ses affaires. À Auxerre, c’est une stratégie chinoise pour affirmer sa puissance et être un candidat crédible pour organiser un jour la Coupe du monde », conclut Christophe Lepetit.

Quel avenir pour ces investisseurs et cette Ligue 1 new-look ? Il faut se tourner du côté de la LFP pour deviner les prochains agissements. Avec sa nouvelle filiale commerciale CVC, Vincent Labrune, le président de la Ligue, s’était montré très optimiste dans L’Équipe, en avril dernier. « On a fait le pari de vendre un futur ambitieux pour la L1. D’ailleurs, CVC a baptisé son projet “Renaissance”. On a mis en avant les atouts de la France : les performances de l’équipe nationale, l’excellence de la formation, notre position de 6e puissance économique mondiale. » Avec déjà 1,5 milliard d’euros investis, le nouveau partenaire du football français a déjà servi de bouée de sauvetage aux clubs. Mais rien ne garantit que la Ligue 1 va enfin décoller car, partout comme ailleurs, l’argent ne fait pas le bonheur.

Avec Le Point