L’augmentation du nombre de victimes de la fuite de renseignements au Mouvement Desjardins, qui touche désormais chacun des 4,2 millions de membres particuliers, force une fois de plus la réflexion sur la confiance des clients à l’égard de leur institution financière. Pour mesurer l’incidence réelle, il faudra un certain temps, selon un expert.

« C’est une grande firme avec des ressources, ce qui fait qu’elle va mieux s’en tirer que d’autres », a résumé lundi Yany Grégoire, titulaire de la Chaire en commerce Omer DeSerres à HEC Montréal et spécialiste des échecs et des crises de produits et services. Il serait logique de prévoir une incidence sur la réputation, et peut-être sur le comportement des consommateurs, « mais puisque ça peut prendre un certain temps avant de changer nos comportements, c’est quelque chose qu’on va voir à plus long terme ».

Lorsque Guy Cormier a annoncé vendredi que le nombre initial de 2,7 millions de membres particuliers venait de grimper à 4,2 millions, la presse a immédiatement soulevé la question de la confiance. « On a plus de 35 000 nouveaux membres depuis le début de l’année et 15 000 depuis le mois de juin », a-t-il répondu. « Est-ce que les membres sont préoccupés ? La réponse, c’est oui. Est-ce qu’on les rassure ? La réponse, c’est oui. »

Facteurs à considérer

Trois variables entrent en jeu lorsque vient le temps d’évaluer l’incidence d’une fuite sur la valeur d’une entreprise (inscrite en Bourse), selon une étude signée notamment par Shahin Rasoulian, un ancien de HEC Montréal, dans le Journal of the Academy of Marketing Science en 2017. Ces trois axes sont : l’institution s’est-elle excusée ? ; offre-t-elle une indemnisation ? ; a-t-elle clairement amélioré ses processus ? Résultat : les deux derniers sont associés à une baisse de la perception du niveau de risque.

Le prochain palmarès des marques les plus influentes, généralement publié au printemps par la firme Ipsos, pourrait permettre de mesurer l’incidence de la crise sur l’opinion des consommateurs. En mars 2019, Desjardins s’était classé au 12e rang, et au 1er rang des institutions financières. Le directeur général d’Ipsos au Québec a décliné une demande d’entrevue sur le sujet spécifique de Desjardins.

Si l’incident est une « leçon pour Desjardins, les autres institutions et les gouvernements », la confiance à l’égard du Mouvement est encore au rendez-vous, croit un ancien président, Alban D’Amours, dont le nom figurait dans la première vague des membres touchés. Pour certains membres, « c’est inquiétant, et je le comprends », a-t-il dit, mais « Desjardins a bien relevé le défi ».

« Compte tenu des mesures que Desjardins a prises… La protection offerte à tous ses membres pour les protéger contre le vol d’identité, les frais qu’ils peuvent subir, c’est une protection à vie… C’est un engagement assez considérable. Dans le monde de la finance, je n’ai pas vu ça souvent », a dit M. D’Amours.

Dans un rapport intitulé Baromètre de la perte des consommateurs : les enjeux économiques de la confiance, la firme KPMG a tenté plus tôt cette année de mesurer les attentes en matière de « confiance numérique ».

Même si les consommateurs ne sont pas toujours à l’aise avec la manière dont les entreprises gèrent les préoccupations entourant la protection du renseignement, peut-on lire, ils n’ont pas nécessairement envie d’aller ailleurs pour autant.

Selon un sondage fait par KPMG auprès de 2151 consommateurs dans 24 marchés, « seulement 1,2 % des répondants changeraient définitivement de fournisseur de services financiers en cas de fuite ».

Par ailleurs, 96,8 % des gens seraient « disposés » à demeurer en place, tant et aussi longtemps que « l’organisation mettra en oeuvre les mesures appropriées pour s’occuper de leurs préoccupations ». Une dernière tranche de 2 % des gens resterait « définitivement » avec le même fournisseur.

Le Devoir.com par François Desjardins