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France: L’enquête visant Éric Dupond-Moretti est close

avril 15, 2022

Soupçonné de prise illégale d’intérêts dans deux dossiers juridiques, le garde des Sceaux était mis en examen depuis juillet dernier.

Eric Dupont-Moretti en habitat d'avocat, le 19 septembre 2019. (Photo d'illustration)
Éric Dupont-Moretti en habitat d’avocat, le 19 septembre 2019. (Photo d’illustration)© SAMUEL BOIVIN / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Les magistrats de la Cour de justice de la République (CJR) ont clôturé, vendredi 15 avril, leur enquête sur les soupçons de prise illégale d’intérêts visant le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, mis en examen depuis juillet 2021, a-t-on appris auprès du parquet général près la Cour de cassation. Le ministre de la Justice est soupçonné d’avoir profité de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat dans deux dossiers.

Le parquet général a désormais trois mois pour rendre ses réquisitions, tandis que les avocats de la défense ont pour leur part un mois supplémentaire pour faire des observations. Les magistrats de la commission d’instruction de la CJR décideront ensuite de rendre un non-lieu ou de renvoyer Éric Dupond-Moretti en procès devant la formation de jugement de la CJR.

« Cet avis de fin d’information est la suite normale de la procédure, après les derniers échanges entre le ministre et la commission d’instruction », ont réagi auprès de l’AFP Mes Christophe Ingrain et Rémi Lorrain, avocats du ministre de la Justice. « La fin de cette phase permet enfin l’examen par la Cour de cassation de l’ensemble des moyens de défense soulevés depuis le début de la procédure », ont-ils souligné.

Des plaintes de syndicats

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger des ministres pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions. Éric Dupond-Moretti, nommé ministre à l’été 2020, est mis en examen pour prise illégale d’intérêt depuis juillet 2021, une première pour un garde des Sceaux. Des plaintes de syndicats de magistrats et de l’association anticorruption Anticor, dénonçant deux situations de conflit d’intérêts depuis son arrivée à la Chancellerie, avaient donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire.

Convoqué en mars et en avril par les magistrats de la CJR sur chacun des deux dossiers, il a refusé de répondre à leurs questions. Le premier dossier concerne l’enquête administrative qu’il a ordonnée en septembre 2020 contre trois magistrats du Parquet national financier (PNF) qui avaient fait éplucher ses factures téléphoniques détaillées (« fadettes ») quand il était encore une star du barreau.

Dans l’autre, il lui est reproché d’avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction détaché à Monaco, Édouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients et dont il avait critiqué les méthodes de « cow-boy ». Éric Dupond-Moretti a toujours martelé qu’il n’avait fait que « suivre les recommandations » de son administration.

Par Le Point avec AFP

France: Le Pr Raoult accuse des responsables sanitaires de conflits d’intérêts

juin 24, 2020

Face à la commission parlementaire, le scientifique a critiqué la gestion de l’épidémie par les autorités.

C’était l’une des auditions les plus attendues de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion de l’épidémie de Covid-19. Mercredi après-midi, face à des députés peu critiques et apparemment séduits par ses idées, le Pr Didier Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille et premier défenseur de l’hydroxychloroquine, a tiré à bout portant sur le conseil scientifique chargé d’éclairer les décisions gouvernementales, mais aussi sur des responsables sanitaires, sans jamais les nommer, les accusant tantôt d’incompétence, tantôt de conflits d’intérêts. Quant aux rares questions déplaisantes, il a habilement brouillé les pistes.

«Pourquoi avez-vous quitté le conseil scientifique?», lui a-t-on demandé d’emblée. «Le premier conseil scientifique que j’ai dirigé, c’était en 1989. Je sais ce que c’est, c’est pas ça. Ce n’est pas une bande de types qui ont l’habitude de travailler entre eux», a-t-il assené, manifestement irrité. Sur les modélisations faites par les épidémiologistes, le chercheur n’a pas mâché ses mots. «Tous les gens qui font des modèles prédictifs sur une maladie qu’on ne connaît pas sont des fous. C’est une croyance aux mathématiques qui finit par être de la religion.»

«Fantasme journalistique»

Pourtant, lui a fait remarquer la présidente de la commission Brigitte Bourguignon, des projections, il en a fait. «Le 30 avril, sur BFM, vous estimiez très peu probable la survenue d’une deuxième vague, avant de changer d’avis le 19 juin. Pourquoi?» «Je n’ai jamais dit ça», a-t-il répondu, évoquant un «fantasme journalistique». La séquence, disponible sur internet, démontre le contraire. «C’est de la science-fiction», avait-il déclaré. Fin février, il avait été plus loin dans une vidéo: «si nous regardons les chiffres, lundi 24 février 2020, il y avait seulement 500 nouveaux cas dans le monde de coronavirus, ces chiffres ne justifient pas cette panique massive. Il y a chaque année quelques dizaines de millions de morts dans le monde dus aux infections respiratoires virales, il y en aura quelques centaines de plus.» Presque un demi-million de personnes sont décédées du Covid-19 dans le monde, et la pandémie n’est pas terminée.

Interrogé à plusieurs reprises sur sa stratégie de dépistage très large, Didier Raoult a déclaré que l’organisation des tests dans le pays était «archaïque», accusant les deux centres nationaux de référence sur la grippe d’avoir voulu garder la mainmise sur leur réalisation. «Au début, on m’a interdit de faire des tests (…) Si on maintient ce système, vous développerez des personnalités de blaireaux dans leur terrier qui mordent quand on les approche.»

Le médecin s’en est violemment pris à l’industrie pharmaceutique, avec de graves accusations. «Je vous recommande de faire une véritable enquête sur Gilead et le remdésivir (le laboratoire américain et son antiviral, NDLR)», a-t-il suggéré aux députés, avant d’insinuer que des membres du conseil scientifique ainsi qu’un responsable chargé des essais cliniques sur le Covid-19 – dont il n’a pas divulgué les noms – avaient des liens d’intérêt avec l’entreprise, ce qui aurait joué selon lui en défaveur de l’hydroxychloroquine.

Des accusations très graves

Très mécontent de l’interdiction de prescription du médicament aux médecins, le Pr Raoult a aussi laissé entendre que des hauts responsables sanitaires, tels que les directeurs de l’Agence du médicament et de la Haute autorité de Santé avaient failli dans leur rôle. Des accusations très graves, pour lesquelles il n’a apporté aucune preuve, conseillant juste aux députés «d’aller voir sur internet».

On ne peut pas se contenter d’affirmer qu’un médicament est efficace sans aucune preuve, juste sur la base d’une intuition. Nous ne sommes plus au XIXe siècle .

Pr Nicholas Moore

Le chercheur a bien sûr été interrogé sur l’hydroxychloroquine, avec laquelle il affirme avoir traité plus de 3000 patients au sein de son institut. «Pourquoi n’avez-vous pas randomisé vos études?», lui ont tour à tour demandé Jean-Christophe Lagarde (UDI) et Julien Borowczyk (LREM). C’est un point crucial. Car c’est précisément ce que lui reproche la communauté scientifique. En médecine, il n’y a qu’un seul moyen d’évaluer l’efficacité d’un traitement: disposer de deux groupes de patients comparables en tout point (tirés au sort) et délivrer le médicament à tester à l’un et un placebo à l’autre. «Ce n’est pas la dictature des méthodologistes, c’est une norme qui a presque 50 ans!», s’exclame le Pr François Chast, président honoraire de l’Académie nationale de pharmacie. Sans ce type d’étude, aucune conclusion n’est possible, a fortiori pour une maladie qui guérit spontanément dans 90 % des cas. «On ne peut pas se contenter d’affirmer qu’un médicament est efficace sans aucune preuve, juste sur la base d’une intuition. Nous ne sommes plus au XIXe siècle», proteste le Pr Nicholas Moore, pharmacologue à l’université de Bordeaux.

En quelques minutes, le Pr Raoult a envoyé valser les critiques de ses pairs. «Le rite des essais randomisés, qu’on me dise que c’est la doxa, ça ne m’impressionne pas, a-t-il lancé. La randomisation est un espèce de standard très associé à l’industrie pharmaceutique.» Paradoxalement, ce sont pourtant des études randomisées que le chercheur a brandies pour justifier de l’efficacité de l’hydroxychloroquine. «Sur quatre études randomisées, trois disent que ça marche mieux que le placebo», a-t-il affirmé sous serment. Mais sur les quatre études randomisées publiées, toutes sont négatives. L’une d’elles, menée au Brésil, a même été interrompue en raison d’effets indésirables. Quant à l’essai clinique britannique Recovery, le plus vaste mené à ce jour, un communiqué du 5 juin a annoncé que la molécule n’a «aucun effet bénéfique».

Avec Le Figaro par Cécile Thibert et Cyrille Vanlerberghe