Les statistiques de ce début d’année 2023 se rapprochent de celles de 2019, année pendant laquelle 146 femmes ont été victimes de leur conjoint ou ex-conjoint.

Elles s’appelaient Nadège, Nelly, Eva, Valérie, Catherine… Au 9 mars 2023, le collectif « Féminicides » recensait 31 meurtres de femmes par conjoint depuis le début de l’année. Un nombre qui s’élèverait même en réalité à 32 puisque vendredi 10 mars, une jeune femme de 28 ans a été poignardée par sa compagne à Dinan, dans les Côtes-d’Armor. L’enfant de la victime aurait assisté à la scène. Dans la foulée, l’autrice des faits a été interpellée, mise en examen et écrouée.
En 2022, 104 femmes avaient été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Seulement trois mois après le début de l’année, les statistiques pour 2023 laissent présager une année noire, comme ce fut le cas en 2019, où le nombre de victimes s’était élevé à 146, selon l’étude nationale relative aux morts violentes au sein du couple, rendue publique par le ministère de l’Intérieur. Un mal que les autorités ne semblent pas parvenir à endiguer, alors même que la lutte contre les violences faites aux femmes a été érigée en « grande cause du quinquennat » par Emmanuel Macron. Fin 2022, lors d’un déplacement à Dijon sur ce thème, le président de la République avait reconnu une « obligation de faire mieux ».
L’État est d’ailleurs régulièrement pointé du doigt pour son inaction face aux violentes faites aux femmes. Vendredi 10 mars, l’avocat des parents de Chahinez Daoud, assassinée par son mari à Mérignac en 2021, a annoncé qu’il allait lancer une procédure pour faute lourde contre l’État. Auprès de France Bleu Gironde, l’avocat a dénoncé une série de « dysfonctionnements du service public de la justice » entre la condamnation du suspect pour violences conjugales le 25 juin 2020 et l’assassinat de Chahinez Daoud dix mois plus tard. Le 4 mai 2021, la jeune femme de 31 ans a été brûlée vive en pleine rue par son mari alors qu’elle avait déposé plainte pour des violences un mois et demi plus tôt.
Circonstance aggravante
Quelques jours avant l’annonce de l’avocat, lundi 6 mars, la Première ministre Élisabeth Borne avait annoncé la mise en place de « pôles spécialisés » dans les violences conjugales au sein des tribunaux afin de répondre aux problématiques vécues par les femmes victimes. Il ne s’agira pas de juridictions spécialisées, a précisé la Première ministre, qui a indiqué avoir reçu les premières conclusions d’une mission parlementaire, laquelle doit rendre ses travaux définitifs fin mars.
Quelque 200 pôles doivent être créés au total au sein des 164 tribunaux judiciaires et 36 cours d’appel, a également indiqué Matignon. Ils traiteront les dossiers de violences intrafamiliales tant sur le plan civil que sur le plan pénal, avec un dossier unique et des audiences dédiées. « L’objectif, c’est d’avoir une réponse complète pour les femmes victimes de violences », a ajouté Élisabeth Borne. La Première ministre a aussi évoqué l’idée que des magistrats puissent être recrutés et des moyens supplémentaires consacrés à ces pôles, sans toutefois préciser le montant dédié à cette mesure.
Si le terme féminicide est entré dans le Larousse en 2021 et désigne le « meurtre d’une femme ou d’une jeune fille en raison de son appartenance au sexe féminin », il n’est cependant pas reconnu en tant que tel dans le Code pénal français. Néanmoins, le meurtre sur conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité est une circonstance aggravante de l’homicide, aux termes de l’article 221-4 9 du Code pénal, faisant alors encourir la réclusion criminelle à perpétuité à son auteur.
Avec Le Point par Valentine Arama