
Alors que débutent cette semaine les consultations voulues par Félix Tshisekedi, qui tente de former une nouvelle majorité, le parti de Vital Kamerhe, discret ces derniers mois, semble dans l’impasse.
À l’intérieur de la petite cour jouxtant le siège de l’Union pour la nation Congolaise (UNC), situé dans la commune de Barumbu, on pourrait croire que le temps s’est arrêté. Derrière un SUV, quelques chaises en plastique empilées contre un mur et une grande affiche sur laquelle Vital Kamerhe apparaît au pupitre, l’air convaincu. « Tous pour un procès juste, équitable, transparent et retransmis en direct qui débute ce lundi 11 mai », peut-on y lire.PUBLICITÉ
L’endroit semble figé depuis le 20 juin, jour de la condamnation de Vital Kamerhe à vingt ans de prison pour « corruption » et « détournement de deniers publiques ». Le procès en appel de celui qui était considéré comme le principal partenaire politique de Félix Tshisekedi n’a toujours pas eu lieu. Kamerhe, pourtant très actif au début de sa détention, et l’UNC semblent désormais bien en retrait de la bouillonnante arène politique kinoise.
Incertitude politique

En ce mardi d’octobre, l’un des deux jours dédiés chaque semaine aux échanges avec les militants et les membres de l’UNC, la tension au sein de la coalition au pouvoir n’a pas encore atteint son paroxysme et les consultations nationales voulues par le chef de l’État ne sont pas encore d’actualité.
Lorsqu’il nous reçoit dans son bureau, stores baissés, Aime Boji, secrétaire général par intérim du parti, a pourtant la mine des mauvais jours. Depuis l’incarcération de Vital Kamerhe, ils sont nombreux à regretter que l’UNC soit cantonné à un simple rôle d’observateur.
Ces derniers mois, de la commission électorale à la Cour constitutionnelle, les sujet de controverse ont été nombreux, mais l’UNC s’est montrée étonnamment discrète, laissant ses alliés de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS de Félix Tshisekedi) occuper le devant de la scène. « Le malaise plane et continuera de planer tant que Vital Kamerhe sera dans cette situation », reconnaît un cadre de l’UDPS, pour qui l’UNC reste néanmoins « un partenaire fiable ».
En cette période d’incertitude politique, alors que le chef de l’État est à la recherche d’une nouvelle majorité pour tenter d’inverser le rapport de force avec le Front commun pour le Congo (FCC) et qu’il a entrepris de consulter Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, quel rôle pourront donc jouer l’UNC et Kamerhe ?
L’UDPS NOUS NÉGLIGE ET NOUS PREND POUR ACQUIS
Dans l’entourage de Félix Tshisekedi, le discours se veut plutôt rassurant. « On ne peut pas dire que l’on souhaite ratisser large et en même temps se priver des 16 députés de l’UNC. Il n’y a aucune ambiguïté dans notre positionnement : ce parti est et restera notre allié », explique un conseiller du président. « Ils ont autant besoin de nous que nous avons besoin d’eux », confirme Aimé Boji.
Amertume et défiance
Il n’empêche, l’amertume est palpable. « L’UDPS nous néglige, fustige un député de l’UNC. Nos alliés nous prennent pour acquis.” Et si, sur le papier, l’UNC et ses seize députés restent des « partenaires fidèles », ils assument une attitude de retrait. Alors que le FCC de Joseph Kabila et l’UDPS se livrent, depuis plusieurs mois, à une inquiétante surenchère, le parti de Kamerhe a appelé ses membres à « s’abstenir de communiquer des positions unilatérales » sur la situation politique après l’annonce des consultations politiques.
Prudence ou défiance ? « On est un peu déconnectés de ce qui se passe, regrette un haut cadre de l’UNC. L’idée même de lancer des consultations n’a pas été évoquée en amont avec nous. » Le projet de restructuration de Cap pour le changement (Cach), qui regroupe l’UDPS et l’UNC mais qui est toujours une simple plateforme électorale, semble également au point mort.
« L’UNC a formulé une proposition de structure, mais il n’y a pas eu de suite pour l’instant », affirme Aimé Boji. « Nous n’avons pas renoncé, mais pour le moment, l’attention doit se porter sur les consultations menées par le chef de l’État », rétorque un cadre de l’UDPS.
Avant de trancher sur la position qui devra être celle de son parti, Vital Kamerhe attend surtout d’être fixé sur son propre avenir judiciaire. Selon certains proches, l’ancien directeur de cabinet de Tshisekedi résiderait actuellement dans un appartement VIP du Centre hospitalier Nganda, à Kinshasa. C’est là qu’il a été admis, le 23 août dernier, après une évacuation sanitaire de la prison de Makala. Ont pour le moment accès à lui sa femme, Hamida Shatur, ses enfants et une poignée de collaborateurs.
Report sine die
Après trois reports successifs, le procès en appel de l’« affaire des 100 jours » devait s’ouvrir le 2 octobre. Mais l’audience n’a finalement duré que quelques minutes, et le dossier a de nouveau été renvoyé sine die, le temps que soit tranché un recours devant la Cour de cassation.
Le dossier n’en continue pas moins d’avancer. Le 27 octobre, le vice-Premier ministre en charge du Budget, Jean-Baudouin Mayo, a ainsi confirmé l’existence de maisons préfabriquées prévues dans le programme des 100 jours – les conteneurs sont actuellement bloqués dans plusieurs ports. Une commission d’experts doit être mise en place pour faire un rapport sur cette question.
Ce point n’est pas anodin pour Kamerhe et son co-accusé, l’homme d’affaires libanais Samih Jammal, patron des sociétés Samibo et Husmal, chargées de la livraison des préfabriquées. Tous deux ont en effet été reconnus coupables d’avoir détourné l’argent destiné à l’achat des maisons, ce que leurs avocats contestaient, assurant que les cargaisons étaient simplement bloquées. Lui aussi condamné à vingt ans de prison, Jammal a été transféré, le 19 octobre, dans une clinique de Kinshasa pour raisons médicales – ses avocats affirment qu’une tuberculose lui a été diagnostiquée.
Selon des documents que Jeune Afrique a pu consulter, la nouvelle équipe de défense de Samih Jammal a obtenu plusieurs constats d’huissiers, entre le 30 juillet et le 24 septembre, qui attestent de la présence de ces conteneurs dans différents ports en RDC, en Angola et en Tanzanie. Pour l’avocate française Jacqueline Laffont, la reconnaissance de l’existence de ces préfabriqués est un pas dans la bonne direction pour son client – et par extension pour Vital Kamerhe. « C’est une forme de reconnaissance sur un point sur lequel nous alertons depuis le début. Nous sommes en train de nous signaler auprès de cette commission d’experts. On a l’impression que l’enquête ne se fait que maintenant. »
Tant que les choses ne bougeront pas sur le front judiciaire, le parti de Kamerhe semble condamner à l’attentisme. « Tant que ça ne sera pas tranché, nous aurons du mal à anticiper la suite », résume un cadre de l’UNC.
Avec Jeune Afrique par Romain Gras