
La définition des armes d’assaut et semi-automatiques à proscrire contenue dans un des amendements était dénoncée comme étant trop large et portait préjudice, selon ses opposants, au droit des chasseurs de posséder certains types d’armes. Photo : Istock
Une motion a été adoptée vendredi, par consentement unanime, au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, pour retirer ces amendements jugés problématiques touchant les armes d’assaut du projet de Loi sur le contrôle des armes à feu.
Dans une déclaration publiée sur son compte Twitter, le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a confirmé le retrait des deux amendements en évoquant des préoccupations légitimes
soulevées au cours des nombreuses discussions
qui ont eu lieu sur l’impact anticipé de ces amendements pour les propriétaires d’armes légales du pays.
« Mon collègue Taleeb Noormohamed, avec l’appui du gouvernement, a retiré les amendements G-4 et G46. Nous allons maintenant travailler avec nos collègues parlementaires pour élaborer une solution claire qui empêchera les armes de type assaut de se retrouver dans nos rues. »— Une citation de Marco Mendicino, ministre fédéral de la Sécurité publique
Ces amendements au projet de loi C-21 des libéraux devaient mieux définir les armes d’assaut interdites au Canada, en plus de restreindre la possession de modèles d’armes à feu semi-automatiques possédant un chargeur amovible et pouvant contenir plus de cinq cartouches.
La nouvelle loi proposée aboutissait à une liste de plus de 3000 types d’armes à feu qui seraient désormais interdites au pays.
Jugées trop sévères par les conservateurs ainsi que par plusieurs associations de chasseurs et d‘amateurs d’armes à feu, ces modifications au projet de loi auraient eu pour effet, selon eux, de rendre illégal un large éventail d’armes semi-automatiques, dont plusieurs sont utilisées pour la chasse.
« Nous entendons ces préoccupations, nous regrettons la confusion que ce processus a provoquée et nous nous engageons à mener une conversation réfléchie et respectueuse, basée sur les faits et non la peur. »— Une citation de Marco Mendicino, ministre fédéral de la Sécurité publique

Ottawa se défend de vouloir restreindre les droits des chasseurs. Photo : Radio-Canada/Gavin Boutroy
Maintes fois accusé par l’opposition conservatrice de s’attaquer aux chasseurs et aux populations autochtones qui vivent de la chasse, le ministre Mendicino a réitéré que le projet de loi C-21 ne restreint pas les armes couramment utilisées pour la chasse.
La chasse n’est pas seulement une fière tradition canadienne, c’est un mode de vie pour les communautés de tout le pays. Le projet de loi C-21 ne vise pas les chasseurs, mais certaines armes à feu qui sont trop dangereuses dans d’autres contextes,
a déclaré le ministre.
D’un point de vue plus procédural, le fait que ces amendements majeurs aient été ajoutés à la dernière minute l’automne dernier par le gouvernement, soit plusieurs mois après le dépôt du projet de loi, était également une source d’irritation au sein du Comité permanent de la sécurité publique chargé d’étudier la volumineuse pièce législative.
L’opposition reprochait aussi au gouvernement l’absence, dans ce projet de loi, de mesures pour endiguer le trafic d’armes à feu illégales aux frontières, l’un des principaux facteurs aggravants de la violence par armes à feu au Canada.
Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, accuse Justin Trudeau de s’en prendre, par ce projet de loi, au mode de vie des communautés rurales et autochtones. Photo: La Presse Canadienne/Adrian Wyld
Une offensive contre le mode de vie des Canadiens, martèle Poilievre
Réagissant à l’annonce de cette volte-face du gouvernement, le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a accusé personnellement le premier ministre Justin Trudeau de mener une compagne contre le mode de vie des Autochtones et des communautés rurales.
Sur CTV, il a dit en décembre […] que son gouvernement allait retirer et bannir des armes utilisées pour la chasse. Des outils de nos Autochtones, de nos fermiers et d’autres Canadiens qui ont déjà un permis d’acquisition pour utiliser ces outils légalement.
« Il [Justin Trudeau] gaspille des ressources qui pourraient être utilisées pour renforcer nos frontières et empêcher l’importation des armes utilisées dans la criminalité. »— Une citation de Pierre Poilievre, chef de l’opposition officielle aux Communes
Après huit ans de Justin Trudeau, la criminalité violente a augmenté de 32 %. Attaquer les armes de chasse de nos Autochtones et les fermiers ça ne fait rien pour empêcher le crime
, a ajouté M. Poilievre.
Pour le chef conservateur, ce repli des libéraux n’est qu’une pause
dans une stratégie globale de Justin Trudeau pour bannir les armes de chasse au pays. Soyez assurés que s’il en a la chance, il va le faire,
a-t-il prévenu.
Le Bloc attend une nouvelle proposition
Au Bloc québécois on estime aussi que le retrait de ces amendements était nécessaire
, mais pour d’autres raisons.
Depuis le dépôt même des amendements, le gouvernement a mal piloté son dossier, en procédant dans un désordre tel que le Bloc Québécois a dû lui-même initier des démarches pour rajouter des séances au comité afin d’entendre les experts et les groupes sur les amendements concernés
, explique Kristina Michaud, porte-parole du Bloc québécois en matière de Sécurité publique.
« Ce retrait était nécessaire, mais devra [..] être suivi d’une nouvelle proposition. »— Une citation de Kristina Michaud, porte-parole du Bloc québécois en matière de Sécurité publique
Affirmant tendre la main
au gouvernement, le Bloc estime que le gouvernement doit faire davantage pour retirer les armes d’assaut de style militaire de la circulation tout en respectant cependant les droits des chasseurs. Il doit définir ce qui constitue une arme d’assaut plutôt que bannir les modèles au cas par cas.
Chez les Néo-démocrates, le député de New Westminster – Burnaby, Peter Julian, a pour sa part dit espérer que le retrait de ces deux amendements problématiques allait maintenant pouvoir permettre aux membres du comité permanent d’avancer et de se pencher sur l’essence de C-21
, soit l’interdiction des armes de poing.
La désinformation a gagné
, déplore PolySeSouvient
Dans un communiqué publié dans les minutes qui ont suivi l’adoption de la motion retirant les deux amendements du projet de loi C-21, l’organisme PolySeSouvient, qui milite au nom des survivants et victimes de tuerie de masse, a déploré le recours à la désinformation par les députés conservateurs et le lobby pro armes pour obtenir gain de cause dans ce dossier.
« Il est clair que la désinformation propagée par les députés conservateurs et le lobby pro armes a gagné. »— Une citation de Nathalie Provost, survivante de la tuerie de Polytechnique et porte-parole de PolySeSouvient.
Selon Nathalie Provost, la seule lueur d’espoir repose dans la possibilité d’une réintroduction de nouveaux amendements en fonction des consultations supplémentaires qui ont été simultanément votées.
Nous attendons avec grande impatience pour entendre la position de l’opposition sur la suite des choses, notamment celle du Bloc québécois. Le gouvernement n’a besoin qu’un seul parti d’opposition pour livrer sur sa promesse d’interdire les armes d’assaut et il serait impensable pour le Bloc de ne pas collaborer en ce sens,
conclut la porte-parole de PolySeSouvient.
Avec Radio-Canada par Stéphane Bordeleau