L’UDC Walter Wobmann veut interdire la distribution dans la rue du livre sacré de l’islam.
Walter Wobmann ne veut pas voir ce genre de stand dans les rues en Suisse. Image: Mario Vedder/Keystone
Déjà à l’origine de l’initiative antiminaret et de celle contre la burqa, le conseiller national Walter Wobmann (UDC/SO) s’est trouvé un nouveau combat. Désormais, ce sont les distributions de Corans dans les rues helvétiques qu’il veut faire interdire. «Il ne doit pas être possible que des livres aussi extrêmes que le Coran, qui s’attaquent à nos systèmes sociétal et juridique, soient distribués», justifiait-il, hier, dans Ostschweiz am Sonntag et Zentralschweiz am Sonntag.
Les dominicaux alémaniques précisent également que l’initiative contre la burqa est actuellement en difficulté. À cinq mois du terme, il lui manque toujours 30 000 voix et les caisses sont vides. En ce qui concerne le Coran, Walter Wobmann ne sait pas encore s’il formulera sa proposition par la voie parlementaire ou par le biais d’une nouvelle initiative populaire.
S’il reconnaît que le sujet est important, le conseiller national Yannick Buttet (PDC/VS) souligne qu’interdire la distribution du Coran n’a aucun sens. «Le problème, ce n’est pas le livre en soi. Le problème, et les services de renseignements de la Confédération le savent, c’est que certaines de ces distributions servent de moyen de recrutement pour l’EI», détaille-t-il. Fin 2016, l’Allemagne a interdit l’organisation «Die wahre Religion», qui distribuait des Corans dans la rue. Soupçonnée d’avoir joué un rôle dans la radicalisation de jeunes musulmans, celle-ci est également active en Suisse.
Pour Yannick Buttet, il faut donc faire preuve d’une attention accrue à ce sujet. «Plutôt que d’interdire les distributions, il faut cibler les associations ou les mosquées qui sont actives dans le recrutement», indique-t-il. Sa collègue du Conseil national Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE) abonde. «En soi, distribuer le Coran n’a rien de répréhensible. En revanche, si on prouve que certains en profitent pour créer des réseaux conduisant au djihad, alors ce sont ces associations-là qu’il faut interdire», affirme-t-elle.
«Un créneau qui séduit»
À ses yeux, la proposition de Walter Wobmann participe surtout d’une volonté de stigmatiser l’islam. «Cela contribue à semer le soupçon sur l’immense majorité des musulmans qui sont modérés ou non pratiquants et qui ne sont absolument pas dangereux», regrette-t-elle. Pour elle, le sujet est devenu un fonds de commerce, régulièrement alimenté par certains. Une vision partagée par Yannick Buttet. «On peut se demander si Walter Wobmann ne prépare pas sa prochaine campagne. Électoralement, il vit de ce créneau qui séduit une minorité», analyse-t-il. Si, pour lui, ces stigmatisations sont inacceptables, l’élu PDC invite les musulmans de Suisse à prendre position de manière encore plus claire. «On peut trouver cela injuste mais pour éviter l’amalgame, ils doivent répéter tout le temps: «Ces gens-là ne sont pas des musulmans, ces gens-là sont des terroristes.»
De son côté, la conseillère nationale Lisa Mazzone (Les Verts/GE) dénonce l’idée formulée par Walter Wobmann. «C’est grave de proposer quelque chose comme cela. Cela porte atteinte à la liberté de religion en vigueur en Suisse», pointe-t-elle. À ses yeux, cela va clairement à rebours de ce qu’il faut faire pour assurer la cohésion sociale. «Encore une fois, c’est une mesure qui ne s’applique qu’à une seule religion. On stigmatise de manière continue et répétée une partie de la population, en l’occurrence les musulmans», regrette la conseillère nationale. Elle rappelle par ailleurs que l’arsenal législatif permettant de lutter contre l’incitation à la violence existe déjà et qu’il sera encore renforcé le 1er septembre prochain avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le renseignement.
Avec Le Matin.ch par Fabien Feissli, Créé: 17.04.2017, 09h06
Des musulmans de différentes nationalités se sont réunis à l’université d’Al-Azhar au Caire, en avril 2016. Crédits : AFPAu terme d’une étude très fouillée des sources de la Tradition musulmane, Hela Ouardi, professeur à l’Institut supérieur des sciences humaines de l’université Tunis El Manar, et membre associé du Laboratoire d’études sur les monothéismes du CNRS, apporte un éclairage inédit sur les derniers jours de Mahomet.
Vous venez de publier un ouvrage très documenté intitulé « Les derniers jours de Muhammad ». Quelles ont été vos sources ?
Mes sources sont le Coran et ses multiples exégèses ainsi que les livres les plus anciens de la Tradition musulmane (sunnite et chiite) : les recueils d’hadiths du Prophète, les différents récits biographiques écrits sur lui et ses compagnons ainsi que les chroniques historiques comme celle, majeure, de Tabarî (IXe – Xe siècle).
Soit des milliers de pages contenant des versions diverses, tantôt concordantes, tantôt contradictoires. Il m’a donc fallu me livrer à une minutieuse enquête, pour essayer, en historienne, de restituer les faits ou en tout cas de s’en approcher.
La Tradition musulmane a élaboré une représentation idéalisée de Mahomet alors que le Coran rappelle qu’il n’est qu’un homme semblable aux autres. Il aurait été en quelque sorte déshumanisé. Dans votre livre ne retrouve-t-il pas toute son humanité ?
« Mahomet a manifestement beaucoup souffert durant les derniers mois de sa vie. Il ne s’agissait pas seulement de la douleur physique due à la maladie qui lui a été fatale »
Je le souhaite en tout cas ! Mon objectif était en effet de rendre le Prophète de l’islam à son humanité, à laquelle renvoie explicitement le Coran dans les sourates 18 et 41. Pour ce faire, j’ai tenté de mettre en évidence l’aspect tragique qui caractérise la fin de son existence et qui donne au personnage une dimension esthétique sublime, comparable à celle des héros de la tragédie grecque.
Comme le dit le philosophe Arthur Schopenhauer « la tragédie est la forme suprême de la poésie ». Mahomet a manifestement beaucoup souffert durant les derniers mois de sa vie. Il ne s’agissait pas seulement de la douleur physique due à la maladie qui lui a été fatale. Quand on examine les ouvrages de la Tradition, on constate que l’homme était dans une situation d’abattement psychologique, fruit d’une crise politique profonde qui menaçait son autorité.
A quoi tenait cette crise ?
On a coutume de dire qu’à la fin de sa vie le Prophète avait pacifié l’Arabie, réduit la turbulence des tribus arabes et qu’il avait entamé la marche victorieuse en dehors de son territoire.
En réalité, peu avant sa mort, il venait d’essuyer deux défaites face aux armées chrétiennes de l’Empire byzantin. Il fut l’objet de tentatives d’assassinat, probablement de la part de certains de ses plus proches compagnons, et il dut faire face à l’émergence de « faux prophètes » appelant les tribus à la sédition.
A cela s’ajoute le drame personnel que fut la perte de son fils Ibrahim, mort quelques mois avant lui. Cette dimension tragique est exprimée par le Prophète lui-même de manière expressive dans des phrases empreintes de pathos, rapportées unanimement par les plus importantes autorités de la Tradition.
Par exemple, il se plaint à l’ange Gabriel : « je me sens accablé, je me sens affligé ». De même, dans une scène très théâtrale digne de Hamlet, on le voit accomplir une visite nocturne au cimetière de Médine : s’adressant aux morts, il leur dit qu’ils sont dans une situation enviable car « les discordes se profilent à l’horizon comme des lambeaux de nuit noire ». Force est de constater que ses sombres prédictions se sont bel et bien réalisées.
Une prière de l’Aid à Rabat, au Maroc, en juillet 2015. Crédits : AFP
Ainsi, les derniers jours de Mahomet ont un relent de « fin de règne » où tous les coups sont permis pour lui succéder.
Effectivement, tous les coups étaient permis pour les compagnons du Prophète, notamment les deux futurs premiers califes Abou Bakr et Omar. L’illustration la plus éloquente et sans doute la plus scandaleuse de ce machiavélisme est la confiscation par Omar des dernières volontés du Prophète.
Quand celui-ci décide, le jeudi qui précède sa mort, de dicter son testament, Omar l’en empêche en disant : « l’envoyé de Dieu délire ». D’ailleurs, ce n’est pas la seule fois où le Prophète à l’article de la mort apparaît malmené par son entourage.
D’autres scènes décrites dans les livres les plus orthodoxes, soulignent clairement que les deux futurs premiers califes, assistés de leurs filles respectives Aïcha et Hafsa, épouses du Prophète, ont tissé autour du moribond une véritable toile d’araignée pour ne pas laisser le pouvoir leur échapper.
Ce qui m’a le plus étonnée c’est que ces scènes « compromettantes » pour la mémoire d’Abou Bakr et Omar ont été rapportées par la tradition sunnite pourtant si favorable à ces deux figures. Voilà qui déconstruit la vision mythique d’un « âge d’or » de l’islam et de ses « pieux ancêtres » auxquels se réfèrent aujourd’hui les salafistes.
Deux éléments coexistent dans la Tradition musulmane que vous interrogez : d’une part l’imminence de la fin des temps, prophétisée par Mahomet, et, d’autre part, la fondation d’un Etat, appelé à étendre son empire au-delà de ses frontières d’origine. Comment cette contradiction a-t-elle été surmontée ?
« En somme, avec la mort de Mahomet, nous sommes face au moment fondateur d’une religion qui, désormais sans son Prophète, a été confrontée à l’épreuve de sa propre survie »
En effet, les sources musulmanes soulignent le caractère eschatologique de la mission du Prophète qui affirmait être venu annoncer la fin du monde. Après sa mort, certains de ses adeptes ont été pris de panique, croyant l’apocalypse imminente.
Mais comme l’apocalypse n’a pas eu lieu, il fallait y remédier, sinon l’islam annonciateur de la fin des temps et le message du Prophète aurait pu voir leur crédibilité compromise.
En somme, avec la mort de Mahomet, nous sommes face au moment fondateur d’une religion qui, désormais sans son Prophète, a été confrontée à l’épreuve de sa propre survie. Au-delà de l’autorité du Maître disparu, l’islam devait se réinventer ou peut-être même s’inventer.
C’est là qu’on mesure le rôle décisif d’Abou Bakr et Omar. En créant le califat qui allait durer plusieurs siècles, ils ont donné un avenir à ce qui était au départ une doctrine de la fin des temps.
En instituant le prétendu Etat islamique (Daech), Abou Bakr Al-Baghdadi son calife autoproclamé ne cherche-t-il pas répéter les origines tragiques de cette histoire ?
Absolument ! Cette volonté manifestée par Daech de répéter l’histoire en revenant à l’origine est d’autant plus dangereuse qu’elle est incohérente, car elle investit deux récits antagoniques.
Elle s’inscrit d’une part dans la dimension eschatologique de la prédication initiale de Mahomet. La littérature djihadiste actuelle est en effet truffée d’hadiths du Prophète annonçant l’imminence de la fin des temps qui doit advenir en Syrie, « terre du jugement dernier ». On est là dans la perspective de la « fin de l’Histoire ».
D’autre part et paradoxalement, Daech fonde un califat, c’est-à-dire qu’il réactualise le moment du « début de l’Histoire » quand Abou Bakr Al-Baghdadi a créé, au prix d’un bain de sang, une institution politique qui ouvrira la voie à l’avènement d’un empire musulman.
On comprend du coup pourquoi le chef de Daech Ibrahim Awad s’est choisi comme pseudonyme Abou Bakr al-Baghdadi Al-Qouraychi (Qouraychi : membre de la tribu du Prophète). Ainsi, l’Etat islamique est une sorte de monstre politique. C’est le fruit d’un croisement « contre-nature » entre deux genèses religieuses antithétiques, qui lui donnent les moyens symboliques d’une double légitimation de la violence. Avec Daech, on peut dire que la barbarie est élevée « au carré » !
Votre livre a été censuré au Sénégal sous la pression d’organisations islamistes et d’hommes politiques. Le travail historique et critique sur les Ecritures tel qu’il a été opéré dans le judaïsme et le christianisme serait-il inconcevable concernant l’islam ?
La censure de mon livre au Sénégal ne signifie pas que le travail de critique historique est inconcevable en islam. Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait disparaître la fièvre ! J’ajouterai que le travail critique sur les sources a été entrepris depuis des décennies par plusieurs chercheurs issus de la culture musulmane. Ils ont été intimidés et persécutés par les institutions politico-religieuses qui veulent continuer à manipuler les sources et par là même à manipuler musulmans.
Mais les temps ont changé, on n’a plus à faire à une sorte de « querelle des Anciens et des Modernes ». L’enjeu de la critique historique sur l’islam n’est plus seulement la réforme d’une religion mais, dans le contexte actuel, le salut de valeurs et de vies humaines.
Les derniers jours de Muhammad, de Hela Ouardi, éd. Albin Michel, 368 pages, 19,50 euros.
Ruth Grosrichard est professeur agrégée de langue arabe et de civilisation arabo-islamique à Sciences-Po Paris et contributrice du « Monde Afrique ».
Une des plus anciennes versions manuscrites du Coran a été découverte dans la bibliothèque de l’Université de Birmingham, a annoncé celle-ci mercredi. Elle remonterait à la fin du VIe siècle ou au début du VIIe.
Les feuillets manuscrits étaient conservés depuis près d’un siècle au sein d’une collection de livres et de documents du Moyen-Orient, sans que personne ne soupçonne leur ancienneté.
C’est lorsqu’une chercheuse, l’Italienne Alba Fedeli, s’est penchée sur le texte pour sa thèse de doctorat que l’université a décidé de réaliser une datation au carbone 14.
Du temps de Mahomet
« Le résultat est surprenant », explique David Thomas, spécialiste dans cette université de l’islam et de la chrétienté. L’analyse a permis d’aboutir à la conclusion que le manuscrit avait été écrit entre 568 et 645 de notre ère, avec un degré de certitude de 95,4%.
Or, d’après la tradition islamique, le prophète Mahomet a vécu entre 570 et 632. « L’analyse du parchemin montre qu’il y a une forte probabilité que l’animal dont provient la peau vivait du temps du prophète Mahomet ou peu de temps après », ajoute David Thomas.
Des versets des chapitres ou sourates 18 à 20, écrits à l’encre en hijazi, un style calligraphique arabe ancien, sont reproduits dans ce manuscrit qui, selon Alba Fedeli, provient du même codex que des feuillets conservés à la Bibliothèque Nationale de France à Paris.
Le président de la mosquée centrale de Birmingham, Muhammad Afzal, a déclaré que « tous les musulmans du monde aimeraient avoir la chance de voir ce manuscrit ». Il sera exposé à l’Université de Birmingham du 2 au 25 octobre.
Une lecture du Coran a eu lieu pour la première fois en 85 ans vendredi soir dans l’enceinte de la basilique Sainte-Sophie (Hagia Sophia) à Istanbul. Ce bâtiment emblématique est devenu un musée après avoir été une église puis une mosquée.
Œuvre construite au VIe siècle, Sainte-Sophie a été désaffectée puis transformée en musée dans les années 30 sous le régime de Mustafa Kemal Atatürk. La basilique fait l’objet de polémiques entre chrétiens et musulmans qui se disputent son utilisation.
Un passage du Coran a été lu lors de l’inauguration d’une exposition ayant pour thème « L’amour du Prophète », à laquelle assistaient des responsables turcs dont le chef de l’agence des affaires religieuses de Turquie, Mehmet Gormez. Cette lecture coranique a été assurée par Ali Tel, imam de la mosquée Ahmet Hamdi Akseki d’Ankara, a précisé l’agence de presse turque Anatolie.
L’exposition qui sera visible jusqu’au 8 mai prochain présente des œuvres calligraphiques à la gloire du prophète Mahomet.
Construite à l’entrée du détroit du Bosphore et de la Corne d’or, Sainte-Sophie, où étaient couronnés les empereurs byzantins, a été convertie en mosquée au XVe siècle après la chute de Constantinople aux mains des Ottomans en 1453. Des minarets avaient alors été érigés autour du dôme byzantin.
Polémique en 2013
Sainte-Sophie a continué de servir de mosquée après l’effondrement de l’Empire ottoman, jusqu’au milieu des années 1930, quand les fondateurs de la Turquie laïque en ont fait un musée ouvert à tous.
Mais depuis l’arrivée au pouvoir en 2002 du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) de l’actuel président turc Recep Tayyip Erdogan, les défenseurs de la laïcité s’inquiètent d’une éventuelle reconversion de Sainte-Sophie en mosquée.
Le vice-premier ministre Bulent Arinc avait d’ailleurs provoqué un tollé en 2013 lorsqu’il avait laissé entendre que Sainte-Sophie pourrait changer de statut, disant que la basilique avait l’air « triste » mais qu’il espérait qu’elle allait « bientôt retrouver le sourire ». La Grèce avait à l’époque réagi violemment et dénoncé des déclarations « offensantes pour des millions de chrétiens ».